Rapport suivant une plainte déposée par le président relativement à la mort surs garde de Charlene Danais à Assumption (Alberta) le 7 août 2011
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada
Alinéa 45.42(3)a)
No de dossier : PC-2011-2645
Liens connexes
- Plainte du public déposée par le président
11 août 2011 - Rapport final
24 septembre 2014
Aperçu
Le 6 août 2011, le gendarme Rob Boon du détachement de la GRC d'Assumption, en Alberta, a répondu à la troisième plainte formulée ce jourlà concernant Mme Charlene Danais. Cette dernière et son conjoint de fait, M. Brent Providence, étaient ivres et frappaient à la porte d'en avant de la maison de la mère de Mme Danais, Mme Marilyn Danais. En arrivant chez cette dernière, le gendarme Boon a appris que Mme Danais n'était plus là et qu'elle était partie vers une autre résidence. Le gendarme Boon a été autorisé à entrer dans l'autre résidence. On lui a alors indiqué que Mme Danais se cachait dans le placard d'une chambre à coucher. Il a arrêté cette dernière pour méfait et lui a ordonné de sortir du placard. Il a observé des signes de facultés affaiblies. Mme Danais a coopéré et a été arrêtée sans incident. M. Providence a aussi été arrêté pour méfait.
Le gendarme Boon a ensuite emmené Mme Danais et M. Providence au détachement pour les garder en détention jusqu'à ce qu'ils soient sobres. Avant de placer Mme Danais en cellule, le gendarme Boon lui a demandé depuis combien de temps elle buvait et elle lui a répondu qu'elle buvait depuis trois jours. Il ne lui a pas demandé si elle avait des maladies ou si elle prenait des médicaments.
M. Matthew White, le gardien du bloc cellulaire, était chargé de la surveillance des prisonniers détenus dans les cellules. Il a commencé son quart de travail à 17 h, à peu près au même moment où Mme Danais était conduite au bloc cellulaire. M. White a assuré une surveillance en personne et au moyen du matériel vidéo en circuit fermé (MVCF). À 17 h 17, M. White a quitté son poste pendant 55 minutes, et personne n'a surveillé les prisonniers pendant ce temps. À 19 h 21, M. White a demandé au gendarme Boon d'aller voir Mme Danais parce que ses vêtements étaient en désordre. Le gendarme Boon a regardé par la fenêtre de la cellule, puis il l'a fermée pour protéger l'intimité de Mme Danais. Pendant toute la durée de l'incarcération de Mme Danais, M. White a observé des mouvements chez elle jusque durant les cinq dernières minutes de son quart de travail, où il a cru qu'elle s'était endormie.
À 1 h, le gardien du bloc cellulaire, M. Carlito Somera, a commencé son quart de travail et a remplacé M. White. Il a d'abord vérifié en personne les prisonniers et il a constaté que Mme Danais était allongée sur le ventre. Il a tenté sans succès de la réveiller et il a immédiatement demandé l'aide de la gendarme Erika Laird, un membre de la GRC en service.
La gendarme Laird a constaté que Mme Danais était inconsciente et a demandé à M. Somera de composer le 911 pour obtenir une aide médicale d'urgence. Elle a ensuite demandé au gendarme Tanner Wills de revenir au détachement pour l'aider. La gendarme Laird a entrepris des manœuvres de réanimation cardio-respiratoire (RCR), mais elle n'a pas réussi à ranimer Mme Danais. Les gendarmes Laird et Wills ont quand même continué à pratiquer les manœuvres de RCR sur Mme Danais pendant 75 minutes, conformément aux ordres, jusqu'à l'arrivée des intervenants médicaux d'urgence de la ville de High Level.
Les intervenants ont entrepris les manœuvres de RCR eux-mêmes et ont constaté qu'il n'y avait plus rien à faire. Mme Danais a été transportée à l'hôpital de High Level, où son décès a été constaté. L'autopsie subséquente a déterminé que la mort était attribuable à la toxicité du bupropion.
L'enquête sur la mort de Mme Danais a été menée par le Groupe des crimes graves et le Service de l'identité judiciaire de la GRC de Peace River. Le dossier et le rapport d'enquête du Groupe des crimes graves ont par la suite été examinés par l'Équipe d'intervention en cas d'incident grave de l'Alberta (ASIRT), qui a achevé son rapport le 16 mai 2012. L'ASIRT a déterminé que l'enquête criminelle de la GRC avait été menée de façon exhaustive et que les faits présentés dans le rapport étaient exacts.
Le sergent d'état-major Mike Brandford, du détachement de la GRC de Grande Prairie, a procédé à un examen de l'incident et a formulé plusieurs recommandations dans son rapport, achevé le 7 février 2012. Le 20 mars 2012, la surintendante Arlen Miller, chef du district de l'ouest de l'Alberta, a donné suite à ces recommandations.
Une enquête relative au Code de déontologie a aussi été ordonnée concernant la conduite du gendarme Boon. Des mesures disciplinaires informelles ont été recommandées à la suite de l'enquête.
Aucune date n'a encore été fixée pour l'enquête publique médico-légale sur la mort de Mme Danais.
Plainte déposée par le président
Compte tenu des préoccupations exprimées au sujet de la mort de personnes sous la garde de la GRC, la Commission exerce occasionnellement son pouvoir au nom du public pour examiner rigoureusement les faits qui ont suscité des préoccupations chez le public.
Le 11 août 2011, le président intérimaire de la Commission des plaintes du public contre la GRC (la Commission) a déposé une plainte (annexe A) concernant la mort sous garde de Mme Charlene Danais, à Assumption, en Alberta, conformément au paragraphe 45.37(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC). La plainte portait sur la conduite des membres de la GRC ou de toute autre personne nommée ou employée en vertu de la Loi sur la GRC qui sont en cause dans l'arrestation et la détention de Mme Danais ainsi que sur des situations d'ordre général où une personne est détenue par la GRC, et ce, pour déterminer si :
- les membres de la GRC ou toute autre personne nommée ou employée en vertu de la Loi sur la GRC qui ont pris part aux événements des 6 et 7 août 2011, soit du premier contact avec Mme Danais et de son arrestation jusqu'à sa détention et sa mort, ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences réglementaires en ce qui concerne le traitement des personnes détenues par la GRC;
- les membres du détachement de la GRC d'Assumption ont fourni une supervision et une orientation adéquates au surveillant ou aux surveillants chargés de la prestation de soins aux personnes sous la garde du détachement de la GRC d'Assumption, pendant la période de détention de Mme Danais jusqu'à sa mort;
- les politiques, les procédures et les lignes directrices de la GRC, établies à l'échelle nationale, à l'échelle de la division et à l'échelle du détachement, concernant le traitement des personnes détenues par la GRC sont suffisantes pour veiller à la prestation de soins appropriés et à la sécurité de ces personnes;
- en réponse à l'incident, la GRC a pris des mesures conformes à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences réglementaires dans le cadre de l'enquête et si ces politiques, ces procédures et ces lignes directrices étaient adéquates.
Conformément à la Loi sur la GRC, la GRC a enquêté sur la plainte. L'enquête sur la plainte du public était fondée sur les résultats de l'enquête sur la mort subite menée par le Groupe des crimes graves (GCG) de la GRC de Peace River, l'examen de l'Équipe d'intervention en cas d'incident grave de l'Alberta (ASIRT) et l'examen de l'incident par la GRC. Le 9 août 2012, la GRC a présenté son rapport final sur cette affaire.
En vertu de la Loi sur la GRC, la Commission examine la façon dont la GRC a traité chaque plainte déposée par le président. À cette fin, la Commission a demandé à la GRC de lui fournir les documents nécessaires à son examen, et elle a reçu ces renseignements le 25 septembre 2012. Le rapport de l'enquête sur la mort subite, les notes d'enquête et la documentation connexe du GCG ne figuraient pas dans les documents fournis initialement par la GRC. La Commission a demandé ces documents, et ils lui ont été envoyés le 31 décembre 2012.
Examen des faits liés aux événements par la Commission
Il est important de noter que la Commission est un organisme du gouvernement fédéral distinct et indépendant de la GRC. Lorsqu'elle examine une plainte, la Commission ne prend la défense ni du plaignant ni des membres de la GRC. En ma qualité de président de la Commission, mon rôle est de tirer des conclusions à la lumière d'un examen objectif des faits et, lorsque je le juge approprié, de formuler des recommandations qui portent sur les mesures que la GRC peut prendre pour améliorer ou corriger la conduite de ses membres. Le rôle de la Commission n'est pas d'en arriver à des conclusions concernant la responsabilité civile ou criminelle. Même si certains des termes utilisés dans le présent rapport peuvent aussi être utilisés dans un contexte criminel, leur utilisation ne vise aucunement les exigences du droit pénal en ce qui a trait à la culpabilité, à l'innocence ou à la norme de preuve.
Mes conclusions, exposées en détail ci-dessous, sont fondées sur un examen rigoureux de l'ensemble des documents d'enquête; les séquences filmées en circuit fermé du bloc cellulaire et de la salle de garde; le rapport d'enquête du GCG sur la mort subite; l'examen de l'incident par la GRC; et le rapport de l'ASIRT; les lois et les politiques de la GRC applicables.
Premier enjeu : Si les membres de la GRC ou toute autre personne nommée ou employée en vertu de la Loi sur la GRC qui ont pris part aux événements des 6 et 7 août 2011, soit du premier contact avec Charlene Danais et de son arrestation jusqu'à sa détention et sa mort, ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences réglementaires en ce qui concerne le traitement des personnes détenues par la GRC.
Événements entourant l'arrestation de Mme Danais
Mme Danais était membre de la Première Nation Dene Tha' et vivait dans la collectivité éloignée d'Assumption au nord de l'Alberta. Mme Danais et son conjoint de fait, M. Brent Providence, ont deux jeunes enfants, qui étaient âgés de 6 et 7 ans au moment de l'incident. Mme Danais avait une importante famille élargie qui vivait à proximité, dont sa mère, sa grand-mère, des frères, des tantes et des cousins. Elle souffrait de dépression, mais elle avait cherché de l'aide et elle prenait des médicaments sur ordonnance pour son traitement. Des membres de sa famille ont indiqué que, lorsqu'elle était enfant, Mme Danais avait subi une chirurgie cardiaque et qu'elle devait par la suite subir un examen annuel pour son cœur. Cependant, selon des membres de sa famille, Mme Danais avait cessé de passer un examen annuel en 1999. Enfin, même si Mme Danais était connue de la police parce qu'elle était souvent en état d'ébriété, elle n'avait pas de casier judiciaire.
Au dire de tout le monde, Mme Danais et M. Providence ont bu durant une longue période : ils ont commencé à boire le 5 août 2011 et ont continué toute la nuit et le lendemain. Le 6 août 2011, Mme Marilyn Danais, la mère de Mme Danais, a appelé le détachement de la GRC d'Assumption à 9 h 56 pour signaler que sa fille était en état d'ébriété et frappait à sa porte. Elle a demandé à la police de venir chercher sa fille. Le gendarme Chris Massicotte a répondu à l'appel et a appris que Mme Danais était partie à la résidence de sa grand-mère, Mme Helene Talley. Lorsque le gendarme Massicotte s'est rendu à la résidence de Mme Talley, cette dernière lui a dit que Mme Danais pouvait rester. Le gendarme Massicotte a quitté les lieux.
Le gendarme Boon s'est rendu à la résidence de Mme Talley plus tard dans la matinée lorsque Mme Marilyn Danais a rappelé la GRC, cette fois au nom de Mme Talley, pour lui demander de venir sortir Mme Danais de la résidence. Cependant, lorsqu'il est arrivé à la résidence de Mme Talley, on a dit au gendarme Boon que Mme Danais était partie et qu'on ne savait pas où elle était. Le gendarme Boon a dit à Mme Marilyn Danais d'appeler la police si sa fille revenait.
À un moment donné au cours de l'après-midi, Mme Danais a pris une quantité inconnue de ses médicaments sur ordonnance. Selon la déclaration de M. Providence, lui et M. Kevin Talley ont essayé de l'empêcher de prendre une poignée de pilules. Il lui a donné un coup sur la main pour faire tomber les pilules. M. Providence a déclaré que Mme Danais avait des pilules dans la bouche, mais qu'il ignorait si elle les avait avalées. Il a remarqué que le contenant, qui était à moitié plein auparavant, était maintenant vide. La déclaration de M. Talley correspond en grande partie à celle de M. Providence sur ce point. Ce dernier a déclaré avoir dit à la mère de Mme Danais que celle-ci avait pris des pilules. M. Talley a affirmé avoir raconté l'incident à M. Edmund Danais.
Plus tard, la même journée, à 16 h 40, Mme Marilyn Danais a appelé le détachement de la GRC d'Assumption et a informé le gendarme Boon que sa fille et M. Providence étaient revenus chez elle et que sa fille frappait à la porte d'en avant. Lorsque le gendarme Boon est arrivé à la résidence de Mme Marilyn Danais, celle-ci lui a dit que sa fille était en état d'ébriété et qu'elle s'était rendue au domicile de Mme Paula Talley, situé à proximité. Le gendarme Boon s'est rappelé que Mme Marilyn Danais lui a mentionné que M. Providence avait essayé de convaincre sa fille de retourner à la maison. Selon sa déclaration, Mme Marilyn Danais aurait dit au gendarme Boon de mettre sa fille en prison jusqu'à ce qu'elle soit sobre.
L'examen des déclarations révèle que, de toute évidence, M. Kevin Talley ou M. Providence a aussi dit à M. Robert Ahkimnachie que Mme Danais avait pris des pilules. M. AhkimnachieNote de bas de page 1 se rappelle clairement que quelqu'un lui a parlé des pilules. Il a déclaré que, vers 17 h, il a informé Mme Marilyn Danais que quelqu'un lui avait dit que sa fille avait pris des pilules. L'information fournie par M. Ahkimnachie correspond à la déclaration de Mme Paula Talley sur ce point. Mme Talley a aussi affirmé avoir demandé à M. Ahkimnachie d'appeler la police. Il est à noter que M. Ahkimnachie ne communique pas verbalement et qu'il n'a pas appelé la police.
Dans sa déclaration, Mme Marilyn Danais n'a pas mentionné avoir été avisée que sa fille avait pris des pilulesNote de bas de page 2. Selon Mme Helene Talley, M. Ahkimnachie lui aurait dit que sa petite-fille, Mme Danais, avait une bouteille de pilules et qu'il pensait qu'elle pouvait en avoir pris. Mme Talley a affirmé avoir demandé à sa fille, Mme Marilyn Danais, de dire à la police d'emmener Mme Danais à l'infirmerie, mais elle a précisé ne pas savoir si Mme Marilyn Danais l'avait fait ou non.
Dans sa déclaration aux enquêteurs du GCG, le gendarme Boon a mentionné qu'à son arrivée chez Mme Paula Talley, un adolescent lui a ouvert la porte. Le gendarme Boon lui a demandé si Mme Danais était dans la maison et le garçon a pointé du doigt le couloir menant aux chambres à coucher. Le gendarme Boon s'est dirigé vers les chambres à coucher, où il a trouvé rapidement Mme Danais sous une pile de vêtements dans le placard d'une des chambres.
Le gendarme Boon se rappelle avoir enlevé les vêtements qui recouvraient Mme Danais et l'avoir reconnue parce qu'il était déjà intervenu auprès d'elle. Il lui a dit qu'elle était en état d'arrestation pour méfait et il lui a ordonné de sortir du placard, ce qu'elle a fait. Le gendarme Boon se rappelle que Mme Danais a collaboré, se montrait très amicale et était en état d'ébriété. Il a mentionné que ses yeux étaient injectés de sang, qu'elle avait la voix pâteuse et que son haleine sentait fortement l'alcool. Il ne l'a pas menottée. Mme Danais s'est rendue sans aide jusqu'au camion de police.
Quand le gendarme Boon lui a dit qu'elle devait monter dans le camion de police et aller en prison, Mme Danais lui a demandé pourquoi elle était arrêtée. Le gendarme Boon lui a expliqué qu'elle était arrêtée pour méfait parce qu'elle n'arrêtait pas d'aller frapper à coups de pied à la porte de la maison de sa mère. Il l'a aussi informée qu'elle pourrait parler à un avocat lorsqu'elle serait sobre. Dans ses notes, il mentionne qu'il l'a informée de ses droits constitutionnels et qu'elle a compris ces droits.
Le gendarme Boon a aussi arrêté M. Providence pour méfait et l'a fait asseoir à l'arrière du camion, avec Mme Danais. Il leur a dit qu'il n'allait pas porter d'accusations contre eux, mais qu'il allait seulement les placer en détention jusqu'à ce qu'ils soient sobres. Le gendarme Boon se rappelle qu'ils collaboraient tous les deux et qu'ils lui ont demandé combien de temps ils resteraient sous garde.
Avant de partir, Mme Danais et M. Providence ont demandé au gendarme Boon s'il pouvait arrêter chez la mère de Mme Danais pour lui demander d'aller verrouiller leur maison. Le gendarme Boon se rappelle s'être rendu chez Mme Marilyn Danais et que cette dernière est sortie sur le perron. Il est resté assis dans le camion et lui a fait part de la demande de Mme Danais et de M. Providence concernant le verrouillage de la maison. Mme Marilyn Danais a répondu : « Pas de problème. »
Dans sa déclaration, le gendarme Boon raconte que, pendant qu'il transportait Mme Danais et M. Providence au détachement de la GRC d'Assumption, Mme Danais semblait de bonne humeur et heureuse. Il se rappelle que M. Providence faisait des blagues et l'appelait « Baby Face » (face de bébé).
Aucun renseignement au dossier ne permet de croire que le gendarme Boon a parlé à quelqu'un d'autre que l'adolescent et que Mme Marilyn Danais durant l'arrestation de Mme Danais et de M. Providence. L'examen des déclarations du gendarme Boon, de l'adolescent et de Mme Marilyn Danais révèle qu'en aucun temps durant leurs interactions avec le gendarme Boon, Mme Marilyn Danais ou l'adolescent n'ont affirmé l'avoir informé que Mme Danais avait pris des pilules.
Conclusion no 1 : Lorsqu'il a arrêté Mme Danais, le gendarme Boon n'a pas été informé qu'elle avait pris des pilules plus tôt dans la journée.
Caractère raisonnable de l'arrestation de Mme Danais
Le gendarme Boon a arrêté Mme Danais pour méfait. L'article 430 du Code criminel indique qu'un méfait consiste notamment à détruire ou à détériorer un bien ou, encore, à gêner l'emploi ou la jouissance légitime d'un bien.
Dans le cas présent, on ne conteste pas le fait que Mme Danais s'est rendue à plusieurs reprises chez sa mère et chez sa grand-mère le jour en question, ce qui a incité Mme Marilyn Danais à appeler la GRC à trois reprises pour obtenir de l'aide. Chaque fois, Mme Marilyn Danais a dit au membre qui est intervenu que sa fille était ivre et qu'elle voulait qu'on l'emmène. Lorsque Mme Marilyn Danais a appelé la GRC la troisième fois, sa fille cognait à la porte d'en avant. Cependant, elle était partie lorsque le gendarme Boon est arrivé sur les lieux et elle se trouvait à la résidence de Mme Paula Talley. Le gendarme Boon s'est rendu à la résidence, où un adolescent l'a dirigé vers les chambres à coucher.
Par conséquent, j'estime que le gendarme Boon avait des motifs raisonnables de croire que Mme Charlene Danais avait commis un méfait, étant donné qu'elle privait clairement Mme Marilyn Danais de la jouissance légitime de son bien en en frappant avec ses poings et ses pieds à la porte d'en avant. En outre, je suis convaincu que le gendarme Boon a obtenu un consentement pour entrer dans la maison de Mme Paula Talley.
En plus d'avoir des motifs raisonnables de croire qu'une infraction criminelle a été commise, la police doit aussi satisfaire aux critères de l'article 495 du Code criminel pour arrêter une personne sans mandat, comme dans le cas présent. Selon le Code criminel, un agent de la paix ne peut arrêter une personne sans mandat, pour une infraction comme un méfait,
[...]
dans aucun cas où :
d) d'une part, il a des motifs raisonnables de croire que l'intérêt public, eu égard aux circonstances, y compris la nécessité :
- (i) d'identifier la personne,
- (ii) de recueillir ou conserver une preuve de l'infraction ou une preuve y relative,
- (iii) d'empêcher que l'infraction se poursuive ou se répète, ou qu'une autre infraction soit commise,
peut être sauvegardé sans arrêter la personne sans mandat;
e) il n'a aucun motif raisonnable de croire que, s'il n'arrête pas la personne sans mandat, celle-ci omettra d'être présente au tribunalNote de bas de page 3.
Dans le cas présent, il est évident que le comportement de Mme Danais se poursuivait. La simple présence de la police à la résidence Mme Marilyn Danais n'a pas suffi à dissuader Mme Danais, car elle y retournait constamment, ce qui a entraîné d'autres appels à la police. Rien dans sa conduite n'indiquait qu'elle cesserait de se conduire ainsi tant qu'elle ne serait pas sobre. En raison de ce comportement continu et de la demande de Mme Marilyn Danais, il était raisonnable que le gendarme Boon cherche Mme Danais et l'arrête pour méfait.
Conclusion no 2 : L'arrestation sans mandat de Mme Danais était raisonnable.
Mise en cellule et Rapport sur le prisonnier
À son arrivée au détachement de la GRC d'Assumption, le gendarme Boon a fait sortir Mme Danais de l'arrière du camion de police. Selon l'examen de l'incident et la déclaration du gendarme Boon, Mme Danais s'est rendue sans aide dans la zone de réception des prisonniers. Le gendarme Chris Massicotte et M. Matthew White, le gardien du bloc cellulaire, étaient présents dans la zone, mais ils n'ont pas participé à la mise en cellule de Mme Danais.
Le gendarme Boon a indiqué avoir fait une « fouille visuelle » de Mme Danais, parce qu'il savait qu'elle portait simplement un pantalon et un haut de coupe ample. Mme Danais a enlevé ses chaussures. Dans son calepin de police, le gendarme Boon a noté avoir demandé à Mme Danais depuis combien de temps elle buvait et qu'elle lui avait répondu trois joursNote de bas de page 4. Le gendarme Boon a ensuite placé Mme Danais dans la cellule no 5, appelée familièrement cellule de dégrisement des femmes, située juste en face du poste de garde. Mme Danais était seule dans la cellule.
La politique opérationnelle nationale de la GRC précise qu'il faut « [b]ien fouiller les prisonniers avant de les mettre dans des cellules »Note de bas de page 5. La politique pertinente complémentaire du détachement de la GRC d'Assumption indique ce qui suit :
[traduction]
C.1.a. Le membre chargé de mettre le prisonnier en cellule fera une fouille physique de la personne et de ses effets.
Contrairement à la politique de la GRC, le gendarme Boon n'a pas procédé à une fouille complète de Mme Danais au moment de la mettre en cellule. Une fouille visuelle est inadéquate pour assurer la sécurité de la personne incarcérée, des autres prisonniers, des membres de la GRC et des gardiens/surveillants. Dans le cas présent, Mme Danais aurait pu avoir dans ses poches des pilules qu'une fouille visuelle n'aurait pas permis de découvrirNote de bas de page 6.
Les membres qui mettent les prisonniers en cellule doivent remplir le formulaire C-13, Rapport sur le prisonnier, qui permet de consigner des détails concernant les blessures, les maladies ou les médicaments de la personne. La politique opérationnelle pertinente de la Division K en vigueur au moment de l'incident précise ce qui suit :
19.3.1.2 Remplir le formulaire C-13-1. Il n'est pas nécessaire de noter les données biographiques des récidivistes lorsqu'il n'y a pas d'accusations.
- Indiquer le nom complet du prisonnier sur le formulaire.
- Faire une vérification auprès du Centre d'information de la police canadienne (CIPC) et cocher la case appropriée sur le formulaire.
- Outre les autres observations, indiquer :
- si le prisonnier présente un risque pour la sécurité;
- si le prisonnier est malade, blessé ou si on a utilisé à son égard :
- un neutralisant en aérosol à base d'oléorésine;
- une arme à impulsions;
- une force physique importante.
- s'il existe une possibilité :
- d'évasion;
- de violence;
- de suicide;
- d'automutilation;
- d'infraction de nature sexuelle.
La politique supplémentaire pertinente du détachemenNote de bas de page 7 en vigueur au moment de l'incident indique ce qui suit :
[traduction]
C.2 S'assurer que le formulaire C-13 contient tous les renseignements disponibles.C.2.g. Utiliser la fonction d'interrogation du CIPC (FJN) au sujet du prisonnier pour déterminer s'il a des antécédents de tentative de suicide. Le cas échéant, veiller à ce que le gardien/surveillant en soit informé et l'indiquer visiblement sur le formulaire C-13 à l'encre rouge et le mentionner sur le formulaire C-13 et dans le registre des prisonniers.
Dans le Rapport sur le prisonnier, le gendarme Boon a noté que Mme Danais avait les facultés affaiblies par l'alcool, mais qu'elle réagissait bien. Il a dûment coché la case à cet effet sur le formulaire. Il a indiqué qu'elle était calme, somnolente et manquait essentiellement d'équilibre. Il a aussi noté qu'elle avait la voix pâteuse. Dans la section « Examen du prisonnier » du formulaire, il a indiqué « S. O. » dans les cases « Blessures » et « Maladies/médicaments ». Il a précisé que la mention « S. O. » signifiait « sans objet ». Dans le rapport d'incident supplémentaire, le gendarme Boon a indiqué « S. O. » dans les deux cas en se fondant sur ses observations et sur le fait que Mme Danais ne lui avait pas parlé de blessures ou de médicaments. Le gendarme Boon n'a pas explicitement demandé à Mme Danais si elle avait des blessures ou des maladies ou si elle prenait des médicaments.
À mon avis, les questions posées par le gendarme Boon n'étaient pas suffisantes pour respecter la politique de la GRC. Même si le gendarme Boon a déclaré que Mme Danais « baragouinait » lorsqu'il l'a mise en cellule, cela ne le dégageait pas de son devoir de poser les questions appropriées. Le gendarme Boon a correctement observé que Mme Danais avait les facultés affaiblies par l'alcool, mais il est maintenant évident qu'une autre substance contribuait vraisemblablement à son état, à savoir les pilules qu'elle avait prises plus tôt. En omettant de poser à Mme Danais des questions sur les médicaments et sur sa santé, le gendarme Boon n'a pas rempli correctement la section « Examen du prisonnier » du formulaire.
Par ailleurs, la mention « S. O. » indiquée par le gendarme Boon est imprécise et peut porter à confusion. En remplissant le formulaire, il aurait dû indiquer clairement qu'il n'avait pas posé de questions ou qu'il n'était pas au courant de blessures ou de médicaments.
En outre, le gendarme Boon n'a pas fait de vérification auprès du CIPC, comme l'exige la politique de la GRCNote de bas de page 8. Dans sa déclaration, le gendarme Boon a indiqué que la seule vérification qu'il a faite au sujet de Mme Danais est une vérification dans le Système d'incidents et de rapports de police (SIRP) de la GRCNote de bas de page 9. Dans le Rapport sur le prisonnier, on peut voir un « X » à côté de la case CIPC et des lettres par-dessus le mot « hit » (correspondance). Ces mentions portent à confusion et il est difficile de dire ce qu'elles signifient.
Enfin, comme on l'indique dans l'examen de l'incident, une minute après son arrivée dans la zone de réception des prisonniers, Mme Danais a été placée dans la « cellule de dégrisement des femmes ». L'examen de la vidéo de la zone de réception à ce moment-là montre que la mise en cellule de Mme Danais s'est faite de manière routinière et informelle. Le fait qu'elle n'a pas été fouillée correctement, qu'on ne lui a pas posé les questions figurant dans la section « Examen du prisonnier » du formulaire et qu'aucune vérification n'a été faite auprès du CIPC montre la manière sommaire dont elle a été mise en cellule.
La politique opérationnelle nationale de la GRC indique que la GRC est responsable du bien-être et de la protection des personnes sous sa gardeNote de bas de page 10. Il faut absolument procéder à un examen approprié des prisonniers avant leur incarcération pour assurer leur sécurité et leur bien-être. Les procédures d'examen requises, incluant les fouilles et des vérifications auprès du CIPC, sont des outils d'évaluation indispensables qui peuvent servir à alerter les membres de problèmes sous-jacents que peut présenter un prisonnier. Si on saute une étape du processus, on peut aussi perdre des renseignements importants.
En conséquence, j'estime que le gendarme Boon n'a pas fouillé correctement Mme Danais et qu'il n'a pas rempli correctement la section « Examen du prisonnier » du Rapport sur le prisonnier. J'estime également que le gendarme Boon a omis de faire une vérification auprès du CIPC, comme l'exige la politique de la GRC.
Dans l'examen de l'incident, on conclut ce qui suit :
[traduction]
Le gendarme BOON n'a pas demandé directement à [Mme] DANAIS si elle avait des blessures ou des maladies ou si elle prenait des médicaments. La façon dont il a rempli la section du formulaire C-13-1, Rapport sur le prisonnier, portant sur les blessures, maladies et médicaments n'est pas conforme à la politique 19.1.2 de la Division K.
Pour faire suite à cette conclusion de l'examen de l'incident, le 17 février 2012, une enquête relative au Code de déontologie a été entreprise au sujet du gendarme Boon pour examiner sa conduite à cet égard. On peut lire ce qui suit dans le rapport final de la GRC :
[traduction]
L'allégation selon laquelle « [l]e membre ne peut sciemment négliger aucune des fonctions qui lui sont confiées » a été retenue contre le gendarme Boon. J'appuie la conclusion selon laquelle le gendarme Boon aurait dû remplir le Rapport sur le prisonnier de manière plus complète et qu'il aurait dû effectivement poser des questions à Mme Danais, notamment lui demander si elle avait pris des médicaments. Une mesure disciplinaire informelle sous la forme de « counseling » a été imposée au gendarme Boon à la suite de l'enquête. On ne saura jamais si Mme Danais aurait répondu qu'elle avait pris une certaine quantité de pilules car, si elle avait vraiment l'intention de se suicider, elle n'aurait probablement pas communiqué cette information à la police. Néanmoins, je m'attends vraiment à ce que nos employés accomplissent leurs tâches de la manière la plus complète possible pour réduire les risques pour le public.
Je reconnais que la conduite du gendarme Boon concernant la façon dont il a rempli le Rapport sur le prisonnier a été prise en considération dans l'examen de l'incident et l'enquête relative au Code de déontologie. Cependant, les questions relatives à la fouille et à la vérification auprès du CIPC n'ont pas été traitées. En conséquence, je recommande qu'un membre supérieur de la GRC fournisse au gendarme Boon une orientation opérationnelle concernant l'importance d'effectuer une fouille complète des prisonniers et de faire une vérification auprès du CIPC avant de mettre les prisonniers en cellule, comme l'exige la politique de la GRC.
Conclusion no 3 : Le gendarme Boon n'a pas fouillé correctement Mme Danais, n'a pas rempli correctement la section « Examen du prisonnier » du Rapport sur le prisonnier et n'a pas fait de vérification auprès du CIPC, comme l'exige la politique de la GRC.
Recommandation no 1 : Qu'un membre supérieur de la GRC fournisse au gendarme Boon une orientation opérationnelle concernant l'importance d'effectuer une fouille complète des prisonniers et de faire une vérification auprès du CIPC avant de mettre les prisonniers en cellule, comme l'exige la politique de la GRC.
Mise en cellule de M. Providence
Dans sa déclaration, M. Providence a affirmé avoir informé le gendarme Boon que Mme Danais avait pris des pilules. Il a déclaré lui avoir dit : « Je pense qu'elle a pris des pilules; va la voir, hein. »
Dans sa déclaration, le gendarme Boon a nié catégoriquement avoir été informé par M. Providence que Mme Danais avait pris des pilules. Le gendarme Boon a affirmé que la seule chose qui intéressait M. Providence pendant sa mise en cellule était de savoir à quel moment il serait libéré et qu'il « ne semblait pas préoccupé par quoi que ce soit d'autre ». Il a précisé que, si M. Providence lui avait communiqué cette information, il aurait questionné Mme Danais, mais qu'il « n'y avait absolument aucune indication ».
M. White, le gardien du bloc cellulaire, était présent durant la mise en cellule de M. Providence. Il s'agit du beau-frère de M. Providence. Durant une des entrevues, on lui a demandé si M. Providence avait mentionné quelque chose au sujet de l'endroit où il était quand on l'a embarqué ou de ce qu'il faisait avant ou quoi que ce soit d'autre. M. White a répondu que M. Providence n'avait rien dit. On n'a pas demandé à M. White si M. Providence avait explicitement mentionné les pilules.
Les éléments de preuve fournis par M. White sur ce point ne sont pas utiles. Je suis donc partagé entre les éléments de preuve contradictoires fournis par M. Providence et le gendarme BoonNote de bas de page 11. M. Providence peut sincèrement croire avoir parlé au gendarme Boon de la consommation de pilules de Mme Danais. Cependant, je note que M. Providence était en état d'ébriété avancé au moment où il affirme avoir parlé au gendarme Boon de l'incident des pilules. Je note aussi que le gendarme Boon nie catégoriquement en avoir été informé. En conséquence, en me fiant aux éléments de preuve, je suis incapable de conclure que cette information avait été communiquée au gendarme Boon.
Conclusion no 4 : Durant la mise en cellule de M. Providence, le gendarme Boon n'a pas été informé que Mme Danais avait pris des pilules plus tôt dans la journée.
Registre et surveillance des prisonniers
M. White était le gardien en service au moment où Mme Danais a été mise en cellule. Les gardiens et les surveillants du détachement de la GRC d'Assumption sont des employés du Corps canadien des commissionnairesNote de bas de page 12. Les nouveaux gardiens ou surveillants embauchés au détachement de la GRC d'Assumption doivent lire et comprendre parfaitement toutes les politiques concernant le traitement des prisonniers et les opérations du bloc cellulaire. En outre, la politique de la GRC exige que les gardiens et les surveillants aient un certificat en premiers soins de base et en réanimation cardiorespiratoire (RCR) à jour et qu'ils suivent un cours de recyclage une fois par année après avoir suivi la formation initialeNote de bas de page 13. Au moment de l'incident, la formation en premiers soins de base et en RCR de M. White était à jour. Enfin, le gendarme BoonNote de bas de page 14> était le superviseur de la salle de garde désigné pour le détachement.
La politique opérationnelle nationale de la GRC concernant les exigences relatives aux gardiens en service et à la surveillance des prisonniers prévoit ce qui suit :
Toutes les vérifications du prisonnier doivent être consignées dans le registre des prisonniers.
Le registre des prisonniers [...] doit comprendre des colonnes pour la date, l'heure, le numéro du prisonnier, le numéro de la cellule, les constatations, le type de vérification effectué (p. ex., MVCF ou vérification physique lorsque le gardien ou la surveillante se poste à un endroit à l'extérieur de la cellule pour observer le prisonnier) et les initiales du gardien.
[...]
Vérifier fréquemment les prisonniers à intervalles irréguliers afin de s'assurer de leur sécurité et de leur bien-être. Veiller à ce que les intervalles ne dépassent pas 15 minutes.
Consigner toutes les vérifications du prisonnier dans le registre des prisonniers. Préciser les activités du prisonnier, le type de vérification effectué et l'état du prisonnier au moment de la vérification. Veiller à ce que ces inscriptions soient faites clairement afin qu'il soit possible de bien les comprendre si on les consulte à une date ultérieureNote de bas de page 15.
En outre, la politique pertinente supplémentaire du détachement exige que les gardiens effectuent des vérifications visuelles au moins toutes les dix minutesNote de bas de page 16 et définit les responsabilités des gardiens comme suit :
[traduction]
Les gardiens/surveillants doivent vérifier visuellement les prisonniers. Les vérifications doivent être faites à une fréquence régulière. Ces vérifications doivent être étalées (à des intervalles non prévisibles), mais pas plus de dix minutes ne doivent s'écouler entre les vérifications. [Annexe III-3-3 du Manuel des opérations de la Division K][...]
Consigner dans le registre l'heure exacte de la vérification, c'est-à-dire 10 h 13; 10 h 19; 10 h 24; etc.; indiquer aussi l'activité du prisonnier (dort, lit, etc.)Note de bas de page 17.
Par ailleurs, la politique du détachement donne des exemples détaillés d'entrées dans le registre des prisonniers, y compris le niveau de détail à consigner pour les observations des prisonniers.
L'enquête du GCG a révélé un problème concernant la conduite de M. White. En comparant l'enregistrement vidéo de la salle de garde et les entrées de M. White dans le registre des prisonniers, il est apparu évident aux enquêteurs de la GRC que M. White s'est absenté du bloc cellulaire pendant environ 55 minutesNote de bas de page 18, mais qu'il a noté dans le registre des prisonniers avoir fait des vérifications auprès de Mme Danais et de M. Providence durant le temps où il était absent. Au cours d'une de ses entrevues, M. White a admis avoir falsifié les entrées dans le registre concernant ces vérifications.
De plus, l'examen de l'incident a révélé que les entrées de M. White dans le registre des prisonniers « étaient toujours déficientes et contenaient peu d'information » et ne respectaient pas la politique de la GRC. M. White a été congédié et n'est plus gardien au détachement de la GRC d'Assumption.
D'après son examen du registre des prisonniers, la Commission a constaté que les entrées faites par M. White se limitaient essentiellement à deux mentions, soit « Tout est OK » ou « OK ». En outre, M. White n'a pas consigné avoir donné de l'eau à M. Providence plusieurs fois au cours de la soirée ni que les vêtements de Mme Danais étaient en désordre à deux occasions et qu'il avait demandé aux membres en poste d'aller la voir. La politique de la GRC exige que les activités des prisonniers soient décrites de façon détaillée et que toutes les vérifications soient consignées.
Qui plus est, pendant que M. White était absent du bloc cellulaire, en train de parler aux membres de la salle de relève selon ses dires, Mme Danais s'est cogné la tête sur le bord de la toilette. Personne n'était donc au courant que Mme Danais s'était cogné la tête. À titre de gardien en poste, M. White était responsable de la sécurité et du bien-être de Mme Danais. Même si rien n'indique que la mort de Mme Danais est attribuable à cet incident, l'absence de M. White a fait en sorte que l'incident n'a pas été remarqué et n'a pas été consigné dans le registre des prisonniers.
L'examen de la vidéo de la cellule a permis de constater que M. White s'est aussi absenté longuement du bloc cellulaire, de 19 h 49 à 20 h 17, et qu'il a quitté à plusieurs reprises le bloc cellulaire pour aller en direction du bureau du détachement au cours de son quart de travail. Il a négligé ses devoirs en quittant son poste pendant de longues périodes et en laissant fréquemment les prisonniers sans surveillance.
À la lumière de ce qui précède, j'estime que les entrées de M. White dans le registre des prisonniers sont déficientes et que certaines d'entre elles sont fausses. De plus, il s'est dérobé à sa responsabilité de surveiller adéquatement les prisonniers sous sa garde. Comme M. White a été congédié, je suis satisfait des mesures prises par la GRC à cet égard.
Je constate qu'il y a d'autres problèmes concernant le registre des prisonniers et les vérifications des prisonniers, problèmes qui ne sont pas propres à M. White ou aux membres. Les pages du registre des prisonniers qui ont été fournies à la Commission n'indiquent pas le type de vérification effectuée, par exemple s'il s'agit d'une vérification en personne ou d'une vérification au moyen du MVCF, contrairement à la politique opérationnelle nationale de la GRC. En outre, les entrées dans le registre révèlent que les gardiens, sauf M. White, semblent faire rigoureusement des vérifications toutes les 15 minutes, sauf s'ils ont une raison particulière de se rendre dans une cellule. La politique opérationnelle nationale de la GRC mentionne que les intervalles de vérification doivent être irréguliers, mais qu'il ne doit pas s'écouler plus de 15 minutes entre chaque vérification.
La Commission a soulevé des préoccupations similaires dans le contexte d'autres plaintes déposées par le commissaireNote de bas de page 19 concernant les morts sous garde. En outre, je note l'engagement du commissaire de la GRC de modifier la politique nationale de la GRC concernant le registre des prisonniers.
Conclusions nos 5 et 6 : Les entrées de M. White dans le registre des prisonniers étaient déficientes et certaines d'entre elles étaient fausses. En outre, M. White a manqué à son devoir en quittant le poste de garde pendant de longues périodes.
Pour ce qui est de la conduite des membres, l'information révèle que les gendarmes Boon et Tanner Wills ont fait des vérifications distinctes de Mme Danais, mais qu'ils n'ont pas consigné ces vérifications dans le registre des prisonniers, comme l'exige la politique de la GRC.
De plus, la politique supplémentaire du détachement exige que les membres effectuent des vérifications périodiques de l'aire des cellules. Elle énonce ce qui suit :
[traduction]
Dans l'exercice de leurs fonctions au bloc cellulaire, les membres feront des vérifications périodiques de l'aire des cellules et noteront ces vérifications dans le registre de garde pour indiquer qu'elles ont été faites. Ces mentions doivent être faites à l'encre rouge. Elles comprennent le dénombrement des prisonniersNote de bas de page 20.
Vers 19 h 20, M. White s'est inquiété du fait que les vêtements de Mme Danais étaient en désordre, laissant sa poitrine et ses parties génitales exposées, et il a demandé au gendarme Boon d'aller vérifier. Dans sa déclaration, le gendarme Boon a dit avoir fait une vérification visuelle et constaté que Mme Danais « était étendue sur le dos, les bras et les jambes écartés, le pantalon descendu jusqu'aux cuisses. Son t-shirt était remonté jusqu'aux épaules... » Le gendarme Boon a indiqué ne pas avoir senti le besoin de rentrer dans la cellule pour faire une vérification physique, car rien n'indiquait que Mme Danais était inconsciente et qu'elle n'était pas simplement endormie.
Quand l'enquêteur lui a posé des questions au sujet du niveau de conscience de Mme Danais, le gendarme Boon a répondu ce qui suit :
Boon : Elle était au fond dans le coin gauche, alors je... selon moi, elle était consciente ou en train de dormir...
Taylor : Dormir?
Boon : ... à ce moment-là. Le gardien doit avoir noté la dernière fois qu'elle a bougé ou quelque chose comme ça.
Par ailleurs, le gendarme Boon a affirmé avoir seulement vérifié si les vêtements de Mme Danais ne présentaient pas de risque pour sa sécurité. Il a précisé ne pas avoir vérifié ses réactions parce qu'on ne lui avait pas demandé de le faire, et ne pas l'avoir observé assez longtemps pour voir si elle respirait.
La politique opérationnelle nationale de la GRC indique ce qui suit en ce qui concerne l'évaluation des réactions des prisonniers :
Le membre et le gardien de service sont responsables de l'évaluation des réactions de chaque prisonnier dans les cellules et doivent être au courant de l'obligation d'évaluer les réactions des prisonniers et d'effectuer des évaluations au besoinNote de bas de page 21.
Dans l'examen de l'incident, on indique ce qui suit concernant la conduite du gendarme Boon :
[traduction]
L'évaluation des réactions des prisonniers demande un effort continu. Même si on sait que DANAIS était vivante après cette vérification, les membres doivent savoir que les vérifications des prisonniers consistent aussi à vérifier leurs réactions. Des entrées doivent être faites dans le registre des prisonniers. Cela n'a pas été fait conformément aux politiques opérationnelles 19.3.3.1 et 19.3.5.2.
Je suis d'accord avec les conclusions de l'examen de l'incident à cet égard. Le gendarme Boon a fait très peu d'efforts pour s'acquitter de ses responsabilités à l'égard du bien-être de Mme Danais. Il a affirmé ne pas avoir évalué ses réactions parce que M. White ne lui a pas demandé de le faire. De plus, il a présumé que Mme Danais dormait quand il a fait sa vérification; cependant, il a été incapable de dire si elle respirait.
Dans le cas présent, le gendarme Boon a brièvement observé Mme Danais, mais il ne l'a pas observé assez longtemps ni assez bien pour déterminer si elle respirait. La politique opérationnelle nationale de la GRC indique que la responsabilité d'évaluer les réactions des prisonniers incombe à la fois aux membres et aux gardiens. Il ne s'agit pas d'une responsabilité mutuellement exclusive. En conséquence, le gendarme Boon aurait dû déterminer lui-même qu'il était nécessaire d'évaluer les réactions de Mme Danais au lieu d'attendre qu'on lui demande de le faire ou de présumer que le gardien l'avait fait. De plus, il est difficile de déterminer comment le gendarme Boon a pu être entièrement convaincu que les vêtements de Mme Danais ne posaient pas de problème de sécurité, étant donné qu'il ne l'a même pas observé assez longtemps pour s'assurer qu'elle respirait. J'estime donc que le gendarme Boon a omis d'évaluer les réactions de Mme Danais, comme l'exige la politique de la GRC.
Enfin, contrairement à ses affirmations, le gendarme Boon était tenu en vertu de la politique de la GRC de consigner sa vérification de Mme Danais dans le registre des prisonniers. En outre, selon la politique supplémentaire du détachement, le gendarme Boon devait aussi faire une vérification périodique de l'aire des cellules et un dénombrement des prisonniers lorsque ses fonctions l'emmenaient dans le bloc cellulaire. Il devait alors inscrire une note à l'encre rouge dans le registre des prisonniers, mais il n'a rien fait de tout ça.
Peu de temps après la vérification de Mme Danais par le gendarme Boon, le gendarme Wills a aussi fait une vérification vers 19 h 44. Dans son calepin, le gendarme Wills a noté ce qui suit :
[traduction]
Plus tôt, quand j'ai commencé mon quart de travail, on m'a dit d'aller voir dans la cellule de dégrisement pour femmes et les autres prisonniers. Regardé la femme autochtone sur l'écran vidéo, sur le dos, chandail remonté, exposée. Pantalon baissé... seule. Autres prisonniers : corrects. Plus tard dans la soirée, informé qu'elle avait arrangé ses vêtements.
Le gendarme Wills n'a pas consigné sa vérification de Mme Danais dans le registre des prisonniers. L'examen de l'incident a révélé que le gendarme Wills ne respectait pas la politique opérationnelle nationale de la GRC concernant la consignation des vérifications des prisonniers dans le registre des prisonniers. Même si le gendarme Wills a noté la vérification de la prisonnière dans son calepin, j'estime qu'il aurait également dû la consigner dans le registre des prisonniers, conformément à la politique de la GRC. Par ailleurs, le gendarme Wills n'a pas vérifié l'aire des cellules, n'a pas fait de dénombrement et n'a pas indiqué à l'encre rouge dans le registre des prisonniers que cela avait été fait, ce qui est contraire à la politique supplémentaire du détachement.
Pendant l'entrevue, on n'a pas posé de questions au gendarme Wills concernant sa vérification de Mme Danais ni demandé s'il avait vérifié ses réactions. Je note qu'il a conclu que les autres prisonniers étaient « corrects », mais qu'il n'a pas mentionné la même chose au sujet de Mme Danais dans son calepin. Cependant, étant donné les renseignements limités, je ne peux pas déterminer si le gendarme Wills a correctement évalué les réactions de Mme Danais.
De nombreuses recommandations ont été formulées à la suite de l'examen de l'incident, et des mesures ont été prises pour mettre en œuvre ces recommandations, y compris l'adoption d'un processus visant à faire en sorte que les membres et les gardiens/surveillants du détachement de la GRC d'Assumption passent en revue les politiques établies à l'échelle nationale et de la Division et les politiques supplémentaires du détachement concernant les opérations dans le bloc cellulaire, et en fassent le suiviNote de bas de page 22. Je suis convaincu que cette mesure suffira à faire comprendre aux gendarmes Boon et Wills qu'ils ont commis une erreur en ne consignant pas les vérifications de Mme Danais dans le registre des prisonniers, de sorte que je ne ferai pas de recommandation à cet égard.
Cependant, je ne suis pas convaincu que cette mesure suffira à faire comprendre au gendarme Boon l'erreur qu'il a commise en négligeant de vérifier les réactions de Mme Danais. Je recommande qu'un membre supérieur de la GRC fournisse au gendarme Boon une orientation opérationnelle pour s'assurer qu'il comprend ses responsabilités concernant l'évaluation des réactions des prisonniers en vertu de la politique opérationnelle nationale de la GRC.
Conclusion no 7 : Les gendarmes Boon et Wills ont omis de consigner dans le registre des prisonniers les vérifications de Mme Danais, comme l'exige la politique de la GRC.
Conclusion no 8 : Le gendarme Boon a omis d'évaluer les réactions de Mme Danais, contrairement à la politique de la GRC.
Recommandation no 2 : Qu'un membre supérieur de la GRC fournisse au gendarme Boon une orientation opérationnelle concernant sa responsabilité concernant l'évaluation continue des réactions des prisonniers, conformément à la politique opérationnelle nationale de la GRC.
Vidéo de la cellule
L'examen de la vidéo de la cellule révèle qu'après être entrée dans la cellule, à 16 h 49Note de bas de page 23, Mme Danais s'est assise devant la porte de la cellule et a regardé par l'ouverture pour le passage des plateaux-repas pendant une quarantaine de minutes. Elle changeait occasionnellement de position, s'assoyant les jambes de côté et les jambes croisées. Il n'y avait rien d'inhabituel dans son comportement durant ce temps. À 17 h 30, Mme Danais s'est éloignée de la porte et s'est allongée sur le dos. Après ce qui semble être plusieurs tentatives, elle s'est rassise, les jambes croisées, mais elle semblait légèrement instable. Alors qu'elle était toujours assise, elle a vacillé vers la droite, elle est tombée et elle s'est cogné la tête sur le bord de la toilette et de la fontaine en acier inoxydable situés dans la celluleNote de bas de page 24. Mme Danais semble ensuite avoir tenté de se lever. Elle a finalement réussi à s'asseoir près de la porte de la cellule, et elle a regardé encore une fois par l'ouverture pendant environ huit minutes. À 17 h 47, Mme Danais s'est allongée sur le dos. Elle ne s'est pas rassise et ne s'est pas relevée. Cependant, pendant qu'elle était étendue, Mme Danais semblait agitée. Elle bougeait et elle a tenté de s'asseoir à quelques reprises. De temps en temps, elle bougeait d'un côté et de l'autre, puis elle a levé les bras au-dessus de sa tête. Durant la dernière heure de sa vie, Mme Danais était allongée sur le ventre du côté droit de la toilette, près de la porte de la cellule. Elle a continué à bouger le haut de son corps et la tête. Après 0 h 37, Mme Danais n'a plus fait aucun mouvement. À aucun moment, elle n'a semblé être en détresse. Elle n'a pas vomi et elle n'a pas eu de tremblements. La vidéo n'a pas de son.
Je note qu'on indique dans le rapport d'enquête du GCG que la vidéo de la cellule de Mme Danais a été examinée. On peut y lire ce qui suit :
Trois (3) minutes après son entrée, on peut la voir rouler vers la droite et se cogner la tête contre la toilette du côté droit. C'est comme si elle s'était « déconnectée », faute d'une meilleure expression. Elle semble avoir tenté de se remettre en position assise, mais elle n'a jamais pu.
L'information disponible ne corrobore pas la description de cette partie de la vidéo fournie dans le rapport d'enquête du CGC. La vidéo montre que Mme Danais s'est cogné la tête sur la toilette 40 minutes après son entrée dans la cellule et qu'elle s'est rassise par la suite pendant huit minutes près de la porte de la cellule. Même si le renseignement inexact figurant dans le rapport n'est pas déterminant, l'heure exacte à laquelle cet événement est survenu montre que M. White n'était pas dans le bloc cellulaire lorsque Mme Danais s'est cogné la tête.
Prestation de soins médicaux
Selon le rapport final et l'examen de l'incident, qui sont compatibles avec l'examen de l'information disponible fait par la Commission, à 0 h 35, M. Carlito Somera, un autre gardien du détachement, est venu remplacer M. White. Ils ont discuté brièvement puis M. White est parti. M. Somera a immédiatement effectué une vérification en personne de tous les prisonniers, y compris Mme Danais. Dans sa déclaration, M. Somera a mentionné avoir l'habitude de s'assurer que tous les prisonniers sous sa garde respirent lorsqu'il fait ses vérifications en personne. Quand il a observé que Mme Danais était allongée sur le ventre, il ne pouvait voir aucun mouvement indiquant qu'elle respirait. Il a alors donné un coup dans la porte dans l'espoir de la réveiller, mais en vain. M. Somera a déclaré avoir alors pris un bâton et l'avoir passé par l'ouverture pour le passage des plateaux-repas pour toucher la jambe de Mme Danais afin de tenter d'avoir une réaction. Il a affirmé avoir alors commencé à s'inquiéter et être allé en informer le membre en service.
La gendarme Erika Laird travaillait au détachement et elle a immédiatement répondu à la demande d'aide de M. Somera. Selon l'examen de l'incident et la déclaration de la gendarme Laird, cette dernière n'a détecté aucun pouls et Mme Danais était froide au toucher. La gendarme Laird a appelé le gendarme Wills sur la radio de police pour lui demander de revenir au détachement. Elle a noté d'autres signes de lividité et croyait que Mme Danais était morte. La gendarme Laird a demandé à M. Somera d'appeler le 911, ce qu'il a fait. Elle a ensuite entrepris les manœuvres de RCR sur Mme Danais. Quelques minutes plus tard, le gendarme Wills est revenu au détachement. Selon ses observations, il croyait lui aussi que Mme Danais était morte.
Le gendarme Wills a communiqué avec le sergent Dickinson, qui était le superviseur en service chargé des fonctions de la Section du soutien des opérations des membres de la Division K, pour l'informer de la mort subite de Mme Danais. Le sergent Dickinson a ordonné au gendarme Wills d'entreprendre les manœuvres de RCR et d'appeler les intervenants médicaux locaux. Lorsqu'il a communiqué avec les services d'urgence locaux, le gendarme Wills a appris qu'aucun intervenant n'était en service ou de garde.
La gendarme Laird a communiqué avec le gendarme Brad Noss, le commandant par intérim du détachement de la GRC d'Assumption. Le gendarme Noss lui a demandé d'appeler les intervenants d'urgence locaux. Il s'est ensuite rendu au détachement, puis il a communiqué avec le sergent Dickinson et le sergent d'état-major Henley, le sous-officier conseiller du district de l'ouest de l'Alberta, pour les informer de la situation.
Les gendarmes Laird et Wills ont effectué à tour de rôle les manœuvres de RCR sur Mme Danais jusqu'à l'arrivée de l'ambulance de High Level, en Alberta, vers 2 h 13. Peu de temps après, les intervenants d'urgence ont demandé aux membres de cesser les manœuvres de réanimation. Mme Danais a été transportée à l'hôpital de High Level, où son décès a ensuite été constaté. La gendarme Laird a accompagné l'ambulance à l'hôpital de High Level pour assurer la continuité et informer le médecin légiste des événements.
Dans sa déclaration, le gendarme Noss a indiqué avoir sécurisé les lieux de l'incident après le départ de l'ambulance. Il a ensuite informé le GCG et les Services de l'identité judiciaire de l'incident et fait un compte rendu au sergent d'état-major Henley. À la lumière de l'examen du rapport d'enquête du GCG et de l'examen de l'incident, je suis convaincu que l'incident a été correctement signalé à la GRC et que les lieux et les éléments de preuve ont été protégés conformément à la politique nationale et aux politiques de la divisionNote de bas de page 25 de la GRC concernant les morts sous garde.
L'autopsie effectuée le 8 août 2011 n'a révélé aucun traumatisme et aucune cause naturelle au décès de Mme Danais. Les analyses toxicologiques ont révélé une toxicité au bupropion.
La politique opérationnelle nationale de la GRC concernant l'évaluation des réactions et la prestation de soins médicaux, en vigueur au moment de l'incidentNote de bas de page 26, énonçait ce qui suit :
2.2. Si l'on trouve une personne qui est incapable de marcher ou de parler et qu'on ne parvient pas à la réveiller en lui parlant ou en la touchant, vérifier :
2.2.1. s'il y a obstruction des voies respiratoires;
2.2.2. si la respiration est irrégulière;
2.2.3. si le pouls est irrégulier ou imperceptible;
2.2.4. si la personne est blessée;
2.2.5. si elle porte un bracelet Medic Alert;
2.2.6. si elle réagit à un stimulus légèrement nuisible ou douloureux, p. ex. à une pression exercée juste derrière l'oreille.
2.3. Dans l'une ou l'autre des circonstances décrites à l'art. 2.2., amorcer les premiers soins ou la réanimation cardio-respiratoire et obtenir immédiatement des soins médicaux. Dans la mesure du possible, faire soigner la personne sur les lieux.
Quand il a constaté qu'il était incapable de réveiller Mme Danais, M. Somera a immédiatement alerté la gendarme Laird. Cette dernière a été incapable de trouver un pouls et elle a entrepris immédiatement les manœuvres de RCR. La gendarme Laird n'a pas réussi à faire pénétrer de l'air dans les poumons de Mme Danais. Elle a ensuite appelé le gendarme Wills pour lui demander de revenir au détachement, ce qu'il a fait immédiatement. Les gendarmes Laird et Wills ont informé les membres supérieurs de la GRC de la situation et ces derniers leur ont fourni d'autres instructions. Les deux membres ont poursuivi les manœuvres de réanimation pendant environ 75 minutes, soit jusqu'à l'arrivée de l'ambulance et jusqu'à ce qu'on leur demande d'arrêter. Exception faite du bref moment où les efforts visant à réanimer Mme Danais ont été interrompus, j'estime que la conduite de M. Somera et des membres pour faire face à cette urgence médicale était conforme aux politiques de la GRC concernant l'évaluation des réactions et la prestation de soins médicaux ainsi que les morts sous garde. Je note les efforts louables déployés par les gendarmes Wills et Laird pour tenter de réanimer Mme Danais pendant une longue période.
Conclusion no 9 : Les gendarmes Laird et Wills ont pratiqué des manœuvres de RCR sur Mme Danais conformément à la politique de la GRC, et des soins médicaux ont immédiatement été demandés une fois qu'il a été déterminé qu'elle n'avait pas de réactions.
Conclusion no 10 : Le gendarme Noss a agi conformément aux exigences de la politique nationale et des politiques de la division concernant les morts subites sous la garde de la GRC.
Deuxième enjeu : Si les membres du détachement de la GRC d'Assumption ont fourni une supervision et une orientation adéquates au surveillant ou aux surveillants chargés de la prestation de soins aux personnes sous la garde du détachement de la GRC d'Assumption, pendant la période de détention de Mme Danais jusqu'à sa mort.
J'ai formulé plusieurs conclusions concernant le non-respect de la politique par M. White relativement au registre des prisonniers et à la surveillance appropriée des prisonniers. Les entrées de M. White dans le registre étaient déficientes et contenaient peu d'information. J'ai mentionné ses absences fréquentes et inexpliquées du bloc cellulaire, dont deux durant un laps de temps déraisonnable.
Je note que, dans le rapport final, on indique qu'une formation de recyclage a été offerte au gardien le 10 mai 2011, au détachement de la GRC d'Assumption. Au cours de la formation de recyclage, on a passé en revue la politique applicable et effectué une visite complète du bloc cellulaire ainsi que présenté une formation sur le MVCF. Cette mesure est conforme avec l'information examinée par la Commission selon laquelle, sur un formulaire intitulé « Read and Initial Assumption Detachement » (lire et parapher – détachement d'Assumption) concernant les exigences opérationnelles relatives aux prisonniers, M. White a apposé ses initiales à côté de son nom.
Par conséquent, nonobstant le fait que M. White n'a pas respecté la politique de la GRC concernant la surveillance appropriée des prisonniers et les entrées dans le registre des prisonniers, on lui a fourni une orientation appropriée, au moyen d'une formation de recyclage à cet égard. Le fait de fournir une orientation n'est pas lié au fait de suivre ou non les directives fournies; pour que la surveillance soit adéquate, il faut veiller à ce que les programmes et les politiques de formation soient suivis.
Conclusion no 11 : Une orientation appropriée a été fournie à M. White.
Une distinction importante doit être établie entre les responsabilités qui incombent aux gardiens et aux surveillants du bloc cellulaire, et la responsabilité finale associée aux incidents qui se produisent dans le bloc cellulaire. Il est vrai que les gardiens et les surveillants sont responsables des soins fournis aux prisonniers et de l'état du bloc cellulaire, mais ce sont les membres en service et, plus précisément, le membre supérieur en service qui, en fin de compte, en sont responsables. Ils doivent par conséquent fournir une surveillance et une orientation adéquates.
C'est le membre responsable ou le surveillant de quart qui est chargé de veiller à ce que tous les prisonniers soient pris en charge et traités de façon appropriée et à ce qu'ils soient fouillés avant d'être mis en celluleNote de bas de page 27. Par ailleurs, le commandant du détachement doit « [s]'assurer que les membres et les employés sous sa direction qui doivent s'occuper des prisonniers ont lu et paraphé les directives nationales pertinentes ainsi que les suppléments divisionnaires, de détachement et de service » pour confirmer qu'ils les ont bien compris. Ce processus doit être répété tous les six mois. Les documents parafés doivent être conservésNote de bas de page 28.
J'estime qu'il y a eu des lacunes évidentes dans la supervision de M. White, le gardien du bloc cellulaire en service durant la majorité du temps où Mme Danais était vivante sous la garde de la GRC. M. White a négligé ses responsabilités comme gardien du bloc cellulaire à deux occasions lorsqu'il a quitté la salle de garde pendant de longues périodes. Il a fourni une explication inadéquate pour sa première absence. On ne lui a pas demandé d'expliquer la raison de sa deuxième absence. Ces deux occasions constituent ses plus longues absences, mais l'examen de l'enregistrement du MVCF de la salle de garde révèle que M. White a quitté le bloc cellulaire fréquemment pendant de courtes périodes pendant son quart de travail.
Dans le cas présent, il est évident qu'aucun membre de la GRC, y compris le membre supérieur de service, n'a cherché à corriger les longues absences de M. White du bloc cellulaire. De plus, les entrées déficientes et falsifiées de M. White dans le registre des prisonniers n'ont pas été notées ni corrigées par aucun membre de la GRC en service, y compris le membre supérieur. Je conclus par conséquent que M. White n'a pas fait l'objet d'une supervision adéquate pendant qu'il était de garde.
Il est évident que M. Somera a agi conformément à la politique de la GRC tout au long de l'incident : il a notamment évalué les réactions de Mme Danais et il a alerté la gendarme Laird quand il a constaté que Mme Danais n'avait pas de réactions.
Conclusion no 12 : M. White n'a pas fait l'objet d'une supervision adéquate.
Recommandation no 3 : Que le commandant du détachement examine régulièrement le registre des prisonniers pour s'assurer de la conformité avec la politique de la GRC concernant la consignation appropriée de la surveillance et de la vérification des prisonniers.
Recommandation no 4 : Que le commandant du détachement vérifie régulièrement la vidéo du bloc cellulaire pour assurer la conformité avec la politique de la GRC concernant la surveillance des prisonniers.
Troisième enjeu : Si les politiques, les procédures et les lignes directrices de la GRC, établies à l'échelle nationale, à l'échelle de la division et à l'échelle du détachement, concernant le traitement des personnes détenues par la GRC sont suffisantes pour veiller à la prestation de soins appropriés et à la sécurité de ces personnes.
J'ai noté tout au long du présent rapport les politiques de la GRC en vigueur concernant la fouille des prisonniers, l'examen approprié des prisonniers, la façon de remplir le Rapport sur le prisonnier, les vérifications auprès du CIPC sur les prisonniers, la surveillance des prisonniers, les vérifications des prisonniers, le registre des prisonniers et l'évaluation des réactions des prisonniers. J'ai constaté que, à l'exception de la conduite de M. Somera et des gendarmes Laird et Wills concernant l'évaluation de Mme Danais et leur intervention face à son absence de réaction, les politiques de la GRC n'avaient pas été respectées.
La Commission formule souvent des recommandations relatives aux exigences des politiques en s'acquittant des aspects correctifs de son mandat. Dans le cas présent, c'est principalement le respect de nombreuses politiques fondamentales de la GRC concernant l'examen et la garde des prisonniers qui pose problème. J'estime que ces lacunes dénotent des déficiences fondamentales de la part des membres supérieurs pour assurer la conformité avec la politique de la GRC concernant la garde des prisonniers et les opérations du bloc cellulaire au détachement.
Même s'il peut sembler qu'un grand nombre des transgressions des politiques par les membres et M. White étaient peu importantes et n'ont pas influé sur le résultat final pour Mme DanaisNote de bas de page 29, ces transgressions ont pu avoir un effet cumulatif. Un tel effet peut se manifester dans la situation entourant l'incident, à savoir que certaines opérations et pratiques essentielles, décrites dans des politiques exhaustives, ont été effectuées de manière désinvolte et négligente par rapport à Mme Danais, y compris la fouille, l'examen et la surveillance.
Par ailleurs, des tâches ou des responsabilités qui peuvent sembler routinières peuvent avoir de graves conséquences si elles sont négligées. Dans le cas présent, les membres n'ont pas consigné leurs vérifications de Mme Danais dans le registre des prisonniers, de sorte qu'il n'y a rien à consulter dans le registre. Les membres à qui on a demandé de vérifier l'état de Mme Danais ne savaient pas que d'autres membres avaient aussi été appelés pour faire des vérifications. Les membres doivent absolument faire des entrées appropriées dans le registre des prisonniers pour communiquer aux autres membres l'état des prisonniers et les alerter rapidement en cas de problème.
À la suite des recommandations formulées après l'examen de l'incident, la GRC a pris des mesures pour régler le problème de non-conformité avec les politiques relatives aux opérations du bloc cellulaire. Dans une note de service datée du 20 mars 2012, la surintendante Arlen Miller, chef du district de l'ouest de l'Alberta, a informé la commissaire adjointe Marianne Ryan, membre responsable des enquêtes criminelles de la Division K, qu'à la lumière des discussions et des communications avec le commandant du détachement, des mesures avaient été prises au détachement de la GRC d'Assumption pour atténuer le risque d'une autre mort sous garde et assurer la responsabilisation des membres de la GRC. Ces mesures comprenaient la mesure suivante :
[traduction]
Le commandant du détachement a mis en place un processus visant à faire en sorte que les membres et les gardiens/surveillants passent en revue les politiques établies à l'échelle nationale et de la Division et les politiques supplémentaires du détachement concernant les opérations dans le bloc cellulaire, et en fassent le suiviNote de bas de page 30. Ce sera un processus permanent. Tous les gardiens ont suivi un cours de recyclage en premiers soins et en RCR offert par le Corps des commissionnaires au mois de mars 2012.[...]
Le commandant du détachement s'assurera que le bloc cellulaire des prisonniers continuera à faire l'objet d'un examen et soit assujetti au processus d'AQNG de 2012-2013. En outre, la Division K a décidé de soumettre le détachement d'Assumption à un examen de la gestion au cours de la même période.
J'estime que ces mesures permettront de régler de nombreux problèmes sous-jacents concernant le respect des politiques. Cependant, je recommande encore une fois que le commandant du détachement examine régulièrement le registre des prisonniers et la vidéo du bloc cellulaire pour continuer à assurer le respect des politiques.
Conclusion no 13 : Le commandant du détachement n'a pas assuré la conformité avec les politiques de la GRC concernant la garde des prisonniers, le registre des prisonniers et les procédures du bloc cellulaire.
Conclusion no 14 : Les membres et M. White n'ont pas respecté les politiques de la GRC concernant la garde des prisonniers et les procédures du bloc cellulaire.
Conclusion no 15 : La GRC a pris des mesures exhaustives pour régler un grand nombre des problèmes de non-conformité des membres et gardiens du détachement de la GRC d'Assumption.
Un des plus graves problèmes concernant cet incident est le fait que le gendarme Boon a omis de demander à Mme Danais si elle prenait des médicaments sur ordonnance. Je note que ce cas est étonnamment similaire à celui de M. Arthur Lafrance, de la réserve Ermineskin en Alberta, mort alors qu'il était sous la garde de la GRC, en 2007. M. Lafrance avait pris une surdose du médicament antidouleur qu'on lui avait prescrit. Il a été arrêté et placé en détention. Les membres de la GRC ne lui ont pas posé de questions sur sa consommation de médicaments et n'en ont pas posé non plus aux membres de sa famille ni à ses amis. Dans son rapport d'enquête médico-légale, le juge B. Rosborough a recommandé, d'une part, de poser des questions aux membres de la famille et aux amis des personnes avec les facultés affaiblies pour connaître les substances qu'elles avaient consommées et, d'autre part, de modifier le formulaire C-13 de manière à poser des questions distinctes sur les causes possibles des facultés affaiblies par l'alcool ou la drogue, les maladies/blessures, la santé mentale et l'état de conscience/la santé, ou une combinaison de ces dernières.
À la suite de la mort sous garde de Mme Danais, et dans un effort pour accroître le respect de la politique concernant l'examen des prisonniers, la commissaire adjointe Ryan a diffusé un communiqué à tous les employés de la Division K, le 18 août 2011. Dans ce communiqué, elle soulignait la nécessité d'intensifier les efforts visant à déterminer si les prisonniers ont consommé de la drogue ou de l'alcool. Elle précisait qu'il s'agit d'une pratique exemplaire et que ce domaine comporte des risques extrêmement élevés en raison desquels il faut être vigilants. La commissaire adjointe Ryan a aussi indiqué que les recommandations formulées dans le rapport d'enquête médico-légale sur la mort de M. Lafrance avaient été acheminées au Centre de politique, à Ottawa, et qu'elles seraient examinées en temps opportun.
Le 5 janvier 2012, la commissaire adjointe Ryan a demandé à tous les responsables de district de la Division K de veiller à ce que tous les membres de la GRC de leur district lisent et paraphent la politique opérationnelle nationale concernant la garde des prisonniers et les obligations des membres et des superviseurs en ce qui a trait aux personnes sous la garde de la GRC. La commissaire adjointe Ryan a aussi ordonné que toutes les politiques du détachement reflètent les dispositions de la politique opérationnelle nationale au sujet de la garde des prisonniers. Enfin, elle a recommandé au détachement de regarder la présentation PowerPoint sur l'arrestation des personnes avec les facultés affaiblies.
Je reconnais que la Division K de la GRC a admis que l'absence de questions concernant la consommation de drogues ou de médicaments n'était pas un cas isolé. Par ailleurs, je suis convaincu que la GRC a tenté adéquatement de régler ce problème par une directive de la commissaire adjointe Ryan demandant aux membres de faire preuve de vigilance dans leurs efforts pour déceler la consommation de drogue et d'alcool. Cette directive a été suivie plus tard d'une autre directive de la commissaire adjointe Ryan demandant à tous les membres de lire la politique relative à la garde des prisonniers et, essentiellement, de rafraîchir leurs connaissances concernant leurs responsabilités à cet égard. Par conséquent, j'estime que la GRC a fait des efforts raisonnables en vue d'accroître le respect de la politique relative à l'examen des prisonniers et aux responsabilités des membres à l'égard des prisonniers sous la garde de la Division K.
Je recommande à la GRC de signaler à la Commission tout changement apporté aux politiques et au Rapport sur le prisonnier découlant des recommandations formulées dans le rapport d'enquête médico-légale sur la mort de M. Lafrance.
Conclusion no 16 : La GRC a fait des efforts raisonnables pour accroître le respect de la politique relative à l'examen des prisonniers et aux responsabilités des membres à l'égard des prisonniers sous la garde de la Division K.
Recommandation no 5 : Que la GRC signale à la Commission tout changement apporté aux politiques et au Rapport sur le prisonnier découlant des recommandations formulées dans le rapport d'enquête médico-légale sur la mort de M. Lafrance.
Quatrième enjeu : Si en réponse à l'incident, la GRC a pris des mesures conformes à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences réglementaires dans le cadre de l'enquête et si ces politiques, ces procédures et ces lignes directrices étaient adéquates.
Comme cela a déjà été mentionné, la GRC a mené trois enquêtes distinctes relativement à l'incident en cause : une enquête sur la mort subite, un examen de l'incident et une enquête relative au Code de déontologie. L'enquête sur la plainte du public comprenait un examen de l'information obtenue durant l'enquête criminelle et l'examen de l'incident.
L'enquête sur la mort subite a été entreprise lorsque les Enquêtes criminelles de la Division K ont aviséNote de bas de page 31 le directeur de l'Application de la loi du ministère du Solliciteur général de la province de l'Alberta de la mort sous garde de Mme Danais, qui a décidé que le Groupe des crimes graves de la Division K de la GRC mènerait l'enquête sur l'incident. Le GCG de Peace River a été chargé de l'enquête. Le caporal S. Shott du GCG de Peace River, qui était l'enquêteur principal, a préparé le rapport d'enquête. Les Services de l'identité judiciaire de la GRC ont participé à l'enquête ainsi que certains membres du détachement de la GRC d'Assumption.
L'ASIRT a été chargée d'examiner le rapport d'enquête du GCG le 12 août 2011, conformément à l'article 46.1 de l'Alberta Police Act. Dans son rapport final, l'ASIRT a déterminé que l'enquête avait été menée conformément aux principes de gestion des cas graves et que les activités et les tâches liées à l'enquête avaient été bien définies et exécutées en vue de recueillir et de corroborer les éléments de preuve disponibles et les témoignages. L'ASIRT a conclu ce qui suit :
[traduction]
Dans l'ensemble, l'enquête sur la mort sous garde effectuée par des membres du Groupe des crimes graves et des Services de l'identité judiciaire de la GRC de Peace River a été menée de façon exhaustive et les faits présentés dans le rapport sont exacts. Les tâches appropriées ont été accomplies pour tenter de déterminer les circonstances entourant les événements et la conduite de toutes les personnes en cause. Ces tâches comprennent l'enquête visant à déterminer si les membres de la Gendarmerie royale du Canada avaient été informés que la personne visée (DANAIS) avait pris une certaine quantité de médicaments avant son arrestation pour facultés affaiblies.
Même si l'ASIRT a recommandé des tâches de suiviNote de bas de page 32 pour préciser certains détails de l'enquête, elle a mentionné dans son rapport final que les recommandations ne contredisaient pas la conclusion finale concernant l'exhaustivité et l'exactitude de l'enquête de la GRC.
À la lumière de ce qui précède, je suis convaincu que l'enquête sur la mort subite menée par le GCG a été faite de manière professionnelle, impartiale et exhaustive.
Le 11 août 2011, la surintendante Miller a demandé au sergent d'état-major Mike Brandford, sous-officier responsable des services d'enquête généraux de Grande Prairie, de procéder à un examen de la mort sous garde de Mme Danais. On a demandé au sergent d'état-major Brandford d'examiner attentivement la conduite de tous les membres de la GRC et de toutes les autres personnes chargées de fournir des soins à Mme Danais pendant qu'elle était sous la garde de la GRC et de déterminer si les politiques de la GRC avaient été respectées.
Le rapport sur l'examen de l'incident, daté du 7 février 2012, repose principalement sur l'examen des éléments de preuve obtenus durant l'enquête du GCG, y compris les déclarations des témoins, les calepins des membres, le registre des prisonniers et les vidéos du bloc cellulaire. L'examen de l'incident a permis de relever 15 problèmes concernant la conduite des membres et des gardiens et de formuler 7 recommandations pour régler ces problèmes.
Les recommandations auxquelles on a donné suite sont les suivantes : entreprendre une enquête relative au Code de déontologie au sujet du gendarme Boon; congédier M. White de son poste de gardien; ordonner au commandant du détachement de mettre en place un processus pour que les membres et les gardiens/surveillants passent en revue les politiques établies à l'échelle nationale et de la Division et les politiques supplémentaires du détachement concernant les opérations dans le bloc cellulaire, et en fassent le suivi; veiller à ce que l'aire des prisonniers et le bloc cellulaire continuent à faire l'objet d'un examen et soient assujettis au processus d'AQNG de 2012-2013; soumettre le détachement de la GRC d'Assumption à un examen de la gestion; régler le problème d'horodateur du MVCF; remplacer ou réparer les ouvertures pour le passage des plateaux-repas dans les portes des cellules; fournir une orientation opérationnelle au gendarme Boon en lien avec l'arrestation de M. Providence.
Dans une note de service datée du 7 mai 2012, la commissaire adjointe Ryan a indiqué être convaincue que toutes les recommandations, sauf celle qui consistait à doter le détachement d'un défibrillateur externe automatisé, avaient été mises en œuvre adéquatement.
En conséquence, après avoir passé en revue l'examen de l'incident et les réponses de la GRC à ce dernier, je suis convaincu que l'examen de l'incident était raisonnablement approfondi et impartial.
Enfin, pour faire suite à l'examen de l'incident, la GRC a entrepris une enquête relative au Code de déontologie pour déterminer si le gendarme Boon, dans l'exercice de ses fonctions, a respecté la politique concernant la façon adéquate de remplir le Rapport sur le prisonnier et le placement de Mme Danais dans une cellule du détachement. La Commission a été informée qu'une allégation de manquement au devoir avait été formulée à l'endroit du gendarme Boon, et qu'il avait fait l'objet d'une mesure disciplinaire informelle sous la forme de counseling, conformément à l'alinéa 41(1)a) de la Loi sur la GRC.
En conclusion, je suis convaincu que l'enquête sur la mort subite et l'examen de l'incident entrepris par la GRC au sujet de la mort sous garde de Mme Danais ont été effectués de manière approfondie, impartiale et professionnelle.
Conclusion no 17 : L'enquête sur la mort subite et l'examen de l'incident ont été effectués de manière approfondie et impartiale.
Commentaires concernant la disponibilité des défibrillateurs externes automatisés
L'examen de l'incident a révélé que le détachement de la GRC d'Assumption accueillait environ un millier de personnes par année dans ses cellules, mais qu'il n'avait pas de défibrillateur externe automatisé (DEA).
Un DEA est un petit appareil portatif qui sert à détecter le rythme cardiaque et à administrer une décharge électrique au cœur pour en corriger l'activité électrique anormale. Les DEA sont utilisés avec efficience et efficacité dans la collectivité, comme dans les casinos, les aéroports, les avions, les centres commerciaux, les installations récréatives, les immeubles de bureaux et autres endroits publicsNote de bas de page 33. Près de la moitié des ministères, organismes et sociétés d'État du gouvernement fédéral ont un programme de DEA.
En juillet 2011, le dirigeant principal des Ressources humaines (DPRH) de la GRC a approuvé la mise en œuvre d'un programme de DEA uniquement pour le Peloton de protection du premier ministre, la Section de la condition physique et de la promotion de la santé de la Division et le Groupe des interventions médicales d'urgence.
En novembre 2012, la GRC a répondu à une demande du ministre (demande officielleNote de bas de page 34) concernant l'installation de DEA dans tous les ministères, organismes et sociétés d'État du gouvernement fédéral. Dans sa réponse, la GRC n'a pas été en mesure d'indiquer le nombre exact de DEA installés dans ses détachements ni le nombre exact d'employés ayant suivi à chaque endroit la formation requise pour utiliser ces appareils, ce qui pourrait être attribuable en partie au nombre de détachements situés dans des locaux municipaux ou provinciaux.
La GRC a aussi mentionné dans sa réponse qu'elle n'avait pas l'intention d'élargir le programme actuellement limité de DEA, même si elle a noté qu'en vertu des normes provinciales des services de police de la Colombie-Britannique, en vigueur le 30 janvier 2013, le commissaire doit fournir des DEA aux membres qui utilisent une arme à impulsions, dans les régions rurales, et à tous les superviseurs de patrouille routière, dans les régions urbaines. Je note que la Police provinciale de l'Ontario a acheté des DEA pour tous ses détachements et que le Service correctionnel du Canada (SCC) a adopté un programme de DEA afin de fournir un accès raisonnable aux DEA dans toutes ses installations et dans tous ses établissementsNote de bas de page 35.
Même si, en raison de leur nature diversifiée et disparate, les opérations de la GRC sont différentes de celles du SCC et de la Police provinciale de l'Ontario, la fourniture de DEA aux détachements de la GRC est néanmoins une mesure souhaitable, étant donné l'emplacement éloigné de nombreux détachements, l'absence d'accès aux intervenants d'urgence et la population à risque élevé incarcérée dans les cellules de la GRC. Dans de nombreux cas, une évaluation, une surveillance et un examen appropriés peuvent rendre superflue la nécessité d'avoir un DEA, car des soins médicaux seront demandés pour les prisonniers longtemps avant que l'utilisation d'un DEA soit nécessaire. Cependant, il y aura toujours des cas où cet appareil qui permet de sauver des vies pourra être utile aux membres, aux employés civils et aux personnes sous garde.
Recommandation no 6 : Que la GRC évalue la possibilité de doter tous les détachements de défibrillateurs externes automatisés.
Conclusion
La mort sous garde de Mme Danais au détachement de la GRC d'Assumption montre bien que les membres et les gardiens doivent absolument faire preuve d'une vigilance constante au chapitre de l'examen et de la surveillance des prisonniers. La Commission formule souvent des recommandations relatives aux exigences des politiques en s'acquittant des aspects correctifs de son mandat mais, dans le cas présent, c'est principalement l'application de ces politiques qui pose problème.
Mme Danais a été placée en cellule sans qu'on lui pose des questions sur sa consommation de médicaments, sans avoir fait l'objet d'une fouille appropriée et sans qu'une vérification auprès du CIPC ait été faite. Pendant sa détention, Mme Danais n'a pas été surveillée de façon adéquate, car le gardien a quitté le bloc cellulaire pendant de longues périodes et a omis de faire les entrées appropriées dans le registre des prisonniers. La conduite des membres appelés à vérifier l'état de Mme Danais est également troublante. Ils ont omis de consigner leurs vérifications dans le registre, de sorte qu'aucune entrée ne permettait aux membres de savoir qu'il pouvait y avoir un problème concernant Mme Danais. Pendant que Mme Danais était allongée sur le sol de la cellule, partiellement dévêtue, le membre n'a pas évalué ses réactions, notamment parce que le gardien ne lui avait pas demandé de le faire. Le non-respect répété des politiques de la GRC montre que le commandant et les superviseurs du détachement n'ont pas fait preuve de la diligence requise pour s'assurer que les membres comprenaient les responsabilités qui leur incombent en vertu des politiques.
Pour faire suite à cet incident particulier, la Division K de la GRC a mis en place des mesures destinées à corriger les questions de non-conformité. Cependant, l'examen et la surveillance appropriés des prisonniers sous la garde de la GRC continuent de préoccuper la Commission. Même si la GRC a établi des politiques et des procédures pour assurer la santé et la sécurité des prisonniers, il est évident que celles-ci ne sont pas toujours respectées. Le bien-être et la sécurité des prisonniers sous garde devraient être la principale préoccupation des membres dans l'exercice de leurs fonctions au bloc cellulaire. Même s'ils ont un devoir de diligence envers tous les prisonniers, les membres doivent être parfaitement conscients que les personnes vulnérables présentent des risques additionnels et ils doivent les évaluer et les surveiller en conséquence. Enfin, le non-respect des exigences des politiques et des procédures normalisées peut compromettre la sécurité à la fois des prisonniers et des employés affectés au bloc cellulaire, y compris les membres.
Après avoir examiné la plainte, je dépose mon rapport intérimaire conformément à l'alinéa 45.42(3)a) de la Loi sur la GRC.
Le président intérimaire,
Ian McPhail, c. r.
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