ARCHIVÉ - Plainte du public déposée par le président concernant le décès par balle de Kevin St. Arnaud à Vanderhoof (Colombie-Britannique) et la justesse de l'enquête de la GRC sur cette affaire
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Liens connexes
- Modalités de la plainte déposée par le président
15 mars 2006 - Plainte – Allégation supplémentaire
26 avril 2007 - Rapport final
31 mars 2009
Complainant: Président de la Commission des plaintes du public contre la GRC
Rapport intérimaire
Le 29 octobre 2008
No de dossier : PC-2006-0385
Table des matières
Liste des annexes
- Chronologie sommaire des événements liés au décès par balle de M. St. Arnaud
- Membres de la GRC et autres personnes ayant joué un rôle dans l'incident et l'enquête
- Plainte du président
- Directive du commissaire
- Réponse du président
- Rapport final du commissaire
- Sommaire des conclusions et des recommandations
- Cartes des lieux du crime
- Déclarations et témoignages du gendarme Sheremetta
- Résumé des résultats de l'autopsie
- Analyse de la morphologie des taches de sang
- Rapport de l'expert sur le recours à la force
- Rapport de l'expert en armes à feu
- Rapport de la spécialiste en biomécanique
- Politique relative à la gestion des cas graves
- Projet pilote d'observateur indépendant de la Division E
- Chronologie sommaire des événements liés à l'enquête
- Présentation graphique du MIGI
Résumé
Introduction
Le présent rapport porte sur l'un des incidents les plus graves qui peuvent attirer l'attention du public : le recours à la force par un policier qui cause le décès d'une personne.
J'ai examiné attentivement les faits relatifs à la présente affaire dans le but de déterminer :
- s'il était justifié pour le gendarme Sheremetta d'avoir recours à une force mortelle;
- si le Groupe des crimes graves du district Nord de la Division E a suffisamment enquêté sur la fusillade.
Pour les raisons précisées ci-après, l'enquête de la GRC sur les circonstances entourant le décès de M. St. Arnaud était d'une qualité inférieure aux normes acceptables. Le présent rapport examine également les circonstances relatives au recours à la force par la police qui sont à l'origine du décès de M. St. Arnaud et au nombre de rapports d'experts, d'éléments de preuve matérielle et les déclarations présentées à ce sujet.
Examen des faits par la Commission
Le 19 décembre 2004, vers 00 h 50, M. Kevin St. Arnaud s'est introduit par effraction dans la pharmacie d'un centre commercial de Vanderhoof (Colombie-Britannique). En réaction au déclenchement de l'alarme anti-effraction, les gendarmes Ryan Sheremetta et Colleen Erickson, deux membres du détachement de la GRC de Vanderhoof, se sont rendus sur les lieux dans des véhicules de police distincts. Le gendarme Sheremetta a observé que M. St. Arnaud s'enfuyait du centre commercial à la course, il l'a donc poursuivi à bord de son véhicule de police jusqu'au terrain de curling de Vanderhoof, puis il a laissé son véhicule et il a continué la poursuite à pied.
Le gendarme Sheremetta a suivi M. St. Arnaud sur un terrain de soccer tout en lui criant des ordres de s'immobiliser. M. St. Arnaud s'est par la suite arrêté, il s'est retourné et il s'est mis à avancer vers le gendarme Sheremetta. M. St. Arnaud a continué à s'approcher du gendarme Sheremetta, qui a ensuite raconté qu'il avait reculé de quelques pas, mais qu'il avait glissé, qu'il était alors tombé sur le dos et que, dans cette position, il a tiré sur M. St. Arnaud à trois reprises dans la poitrine.
La gendarme Erickson, qui se trouvait dans un véhicule de police, avait fait le tour du terrain de curling et longeait les terrains de tennis et de soccer, lorsqu'elle a entendu crier, elle a vu M. St. Arnaud, qui « semblait s'élancer vers le gendarme Sheremetta », et elle a observé le gendarme Sheremetta, qui se tenait en position de tir et qui a tiré sur M. St. Arnaud à deux reprises d'une distance d'environ dix pieds.
Plus tard, l'autopsie a confirmé que M. St. Arnaud avait été atteint, en fait, par trois balles. Les descriptions contradictoires de la position dans laquelle se trouvait le gendarme Sheremetta au moment où il a tiré sur M. St. Arnaud sont examinées de façon détaillée dans la version complète du rapport.
Principales questions traitées dans le présent rapport
- Si un membre de la GRC a déchargé son arme à feu indûment au cours de l'incident.
- Si des membres de la GRC ont suffisamment enquêté sur la mort de M. St. Arnaud.
1. Décharge d'une arme à feu
Dans le Code criminel, le paragraphe 25(1) autorise un agent de police qui agit dans l'administration ou l'exécution de la loi à employer le niveau de force qui est nécessaire à cette fin. Quant au paragraphe 34(2), il autorise toute personne qui est illégalement attaquée à avoir recours à une force qui peut causer la mort ou des lésions corporelles graves comme moyen de légitime défense pour repousser l'attaque. Pour être protégée par ces dispositions légales, la personne doit avoir des motifs raisonnables pour appréhender que la mort ou quelque lésion corporelle grave ne résulte de cette attaque et elle doit croire qu'il lui est impossible autrement de se soustraire à la mort ou à des lésions corporelles graves.
Avant d'avoir recours à la force, il incombe à l'agent de la paix d'effectuer une évaluation du risque, jumelée à la prise en compte des facteurs conjoncturels qui sont propres à chaque incident. Les facteurs conjoncturels peuvent notamment comprendre les conditions météorologiques, la taille du sujet par rapport à celle du membre, la présence d'armes, le nombre de sujets et de policiers, ainsi qu'une quantité d'autres facteurs particuliers qui sont associés à chaque incident. Les membres de la GRC ont en outre reçu une formation pour être en mesure d'avoir recours à un degré de force plus élevé que le niveau de résistance que présente la personne avec qui ils ont affaire.
Pendant la nuit de l'affaire en cause, le gendarme Sheremetta savait qu'une alarme avait été déclenchée dans la pharmacie et, à son arrivée, il a découvert qu'il y avait au moins un suspect de sexe masculin qui se trouvait toujours à l'intérieur du centre commercial où la pharmacie était située. Une poursuite a ensuite eu lieu à l'extérieur du centre commercial. Le gendarme Sheremetta a déclaré que M. St. Arnaud s'était retourné à plusieurs reprises pour le regarder et qu'il avait continué d'ignorer ses ordres de s'immobiliser. Surtout, il avait constaté que M. St. Arnaud courrait en gardant sa main droite dans sa poche. Le gendarme Sheremetta s'est dit préoccupé parce qu'il ne savait pas où se trouvait le personnel de renfort, la gendarme Erickson. De plus, pendant la dernière partie de son interaction avec M. St. Arnaud, il était persuadé qu'il devait agir seul, pendant la nuit – dans l'obscurité, sur un terrain de soccer isolé.
Les comptes rendus des gendarmes Sheremetta et Erickson, les deux seuls témoins de la fusillade, ont fait l'objet d'examens afin d'établir le déroulement réel des événements.
Malheureusement, les descriptions des événements par les témoins oculaires ne sont pas toujours fiables. Dans le cas présent, les perceptions du gendarme Sheremetta ont probablement été affectées par son état d'anxiété élevé. Ses perceptions étaient erronées lorsqu'il a cru observer M. St. Arnaud sauter du toit du centre commercial et qu'il a surestimé la taille de M. St. Arnaud à environ six pieds, alors que ce dernier en mesurait en fait deux pouces et demi de moins. Le récit des événements de la gendarme Erickson était imparfait lui-aussi. Elle a déclaré qu'elle n'avait entendu que deux coups de feu et vu deux éclairs de lumière. L'autre observateur le plus proche, un civil, M. Klassen, a également affirmé qu'il n'avait entendu que deux coups de feu. Bien que cet aspect de ses observations ait été prouvé incorrect, la gendarme Erickson s'est rappelée que M. St. Arnaud fonçait vers le gendarme Sheremetta, soit à peu près de la même manière que M. Klassen et que le gendarme Sheremetta l'ont déclaré. La gendarme Erickson avait également une vue dégagée des personnes impliquées qui étaient situées devant elle ou à sa gauche pendant qu'elle conduisait.
Souvenirs des témoins et preuve
Dans la présente affaire, les déclarations des nombreux témoins interrogés sont l'expression des imperfections des facultés humaines d'observation et de remémoration. Quelques-uns des témoignages, donnés sans motif illégitime, sont contredits par le récit d'autres témoins ou par la preuve matérielle.
L'un des principaux problèmes dans le cas présent est la contradiction évidente entre le compte rendu du gendarme Sheremetta et celui de la gendarme Erickson concernant la position dans laquelle se trouvait le gendarme Sheremetta lorsqu'il a tiré sur M. St. Arnaud. À l'exception des témoignages d'expert de Mme Gail Thornton et du Dr James McNaughton, l'enquête menée par le Groupe des crimes graves du district Nord de la GRC est peu utile.
Les éléments de preuve que j'ai trouvé pertinents et fiables m'amènent à conclure que, lorsqu'il se trouvait sur le terrain soccer, le gendarme Sheremetta s'est relevé après être tombé et qu'il a tiré alors qu'il était debout, comme l'a observé la gendarme Erickson. Ma conclusion est fondée sur le compte rendu du gendarme Sheremetta dans sa première déclaration, compte rendu qui a été confirmé par la dépression dans la neige, par les faits établis par des spécialistes de l'identité judiciaire, le sergent Doll et le caporal Beach, et par l'observation des ambulanciers. Tous ont dit que le sol était glissant et que, à ce moment-là, l'endroit était mal éclairé.
Au départ, il semblait que M. St. Arnaud allait se rendre, mais la situation a rapidement changée lorsqu'il a baissé les mains et qu'il s'est lancé vers le gendarme Sheremetta. M. St. Arnaud a ignoré le gendarme Sheremetta qui lui criait des ordres de s'immobiliser et de se mettre à genoux et il lui a répondu que « il va falloir que tu me tires dessus mon chien sale ». Lorsque M. St. Arnaud a commencé à se rapprocher du gendarme Sheremetta, il était à tout le moins combatif. Je suis d'avis que ses paroles et ses actes traduisaient son intention d'agresser le gendarme Sheremetta et d'échapper à son arrestation.
Le principal enjeu est de déterminer si M. St. Arnaud représentait une menace de lésions corporelles graves ou de mort. L'observation critique du gendarme Sheremetta est que M. St. Arnaud avait placé sa main dans sa poche à plusieurs reprises. J'arrive donc à la conclusion, après avoir examiné tous les éléments de preuve, que la cause de ces actes serait totalement conformes aux tentatives de M. St. Arnaud de ne pas perdre les médicaments qu'il avait volés dans la pharmacie.
Il faut également se rappeler que le taux d'alcoolémie de M. St. Arnaud était élevé et que plusieurs témoins ont confirmé qu'il était dans un état d'ébriété avancé. Les propos et les expressions faciales de M. St. Arnaud décrivaient également un état agressif; les mots qu'il a employés pouvaient être perçus comme le signe qu'il envisageait une bagarre qui aurait été la cause de lésions corporelles graves ou d'un décès. Dans sa déclaration par obligation de rendre compte, le gendarme Sheremetta a déclaré que ces actes l'ont fait craindre pour sa vie. De plus, M. St. Arnaud avait déjà, plus tôt ce soir-là, provoqué une empoignade avec une personne beaucoup plus imposante physiquement que lui. En fait, le portier du bar qui les a séparés pour mettre fin à la bagarre a estimé que l'autre surpassait M. St. Arnaud en poids par une centaine de livres.
Selon tous les témoignages, M. St. Arnaud s'avançait vers le gendarme Sheremetta alors que ce dernier avait une arme à feu braquée sur lui. Lorsqu'il a été atteint par le projectile, M. St. Arnaud ne se trouvait qu'à cinq pieds du gendarme Sheremetta. Cette dernière constatation met en relief l'aspect dynamique de l'incident. La distance de cinq pieds qui séparait M. St. Arnaud du gendarme Sheremetta aurait pu être franchie en une fraction de seconde. La réalité n'offrait donc pas assez de temps pour un second examen objectif. Le gendarme Sheremetta a dû prendre une décision sur-le-champ.
Compte tenu de l'ensemble de la preuve, je considère que le gendarme Sheremetta avait des motifs raisonnables de croire que M. St. Arnaud représentait une menace de lésions corporelles graves ou de mort.
Conclusion concernant l'interaction initiale
- Il était légitime pour les policiers d'interagir avec M. St. Arnaud et ils en avaient l'obligation en raison de leurs fonctions.
Conclusion concernant le recours à la force
- Le gendarme Sheremetta a tiré sur M. St. Arnaud en situation de légitime défense après avoir jugé de manière raisonnable que M. St. Arnaud représentait une menace de lésions corporelles graves ou de mort et estimé qu'il ne pouvait se protéger de cette menace de lésions corporelles graves ou de mort qu'en ayant recours à une force mortelle.
2. Suffisance de l'enquête de la GRC
La fusillade a fait l'objet d'une enquête menée par le Groupe des crimes graves du district Nord de la Division E de la GRC, situé à Prince George.
Une enquête appropriée dans un cas grave où la police est impliquée dans une fusillade ayant causé la mort est une entreprise extrêmement complexe qui comprend un certain nombre de tâches, notamment les suivantes : sécuriser les lieux et conserver leur intégrité; interroger tous les témoins connus et trouver d'autres témoins à interroger qui pourraient avoir des éléments de preuve matérielle de l'incident; vérifier les antécédents de la personne décédée et du membre de la GRC en cause; obtenir et analyser la preuve médicolégale pertinente y compris les éléments de preuve photographique, les éléments de preuve matérielle qui ne constituent pas une preuve génétique, les éléments de preuve génétique et les éléments de preuve concernant l'arme à feu utilisée pendant la fusillade; examiner les environs pour y découvrir toute information additionnelle au sujet de l'incident qui pourrait être utile; avoir recours aux services des experts visés. De même, l'enquête de la GRC sur le décès de M. St. Arnaud comprenait de nombreuses tâches parmi celles énumérées ci-dessus.
Sécurité des lieux
Les premiers répondants doivent d'abord appliquer de manière rigoureuse les principes fondamentaux qui sont à la base de toutes les enquêtes. Sécuriser les lieux de la fusillade aurait dû être une priorité; dans toute enquête criminelle, la conservation de la preuve matérielle est une tâche essentielle.
Conclusions
- La gendarme Erickson n'a pas veillé à la protection du terrain de soccer immédiatement après la fusillade.
- Le sergent d'état-major Kowalewich aurait dû éloigner la gendarme Erickson des lieux du crime le plus rapidement possible, car elle était un témoin oculaire clé de la fusillade.
- Le sergent d'état-major Kowalewich aurait dû éloigner la gendarme Erickson des lieux du crime le plus rapidement possible pour éviter tout problème de partialité réel ou apparent, étant donné sa relation de travail avec le gendarme Sheremetta.
- Le sergent d'état-major Kowalewich n'a pas veillé à la protection du centre commercial dans les plus brefs délais.
Conservation des lieux
Les efforts déployés par les officiers sur le terrain de soccer, pendant leur tentative ratée de monter une tente, se sont soldés par la contamination des lieux par les traces de pas de plusieurs officiers. Bon nombre des traces de pas ont été effacées entre la zone où il y avait une empreinte dans la neige et celle à une certaine distance plus loin de l'endroit où était le corps de M. St. Arnaud. Les enquêteurs ont jugé que l'empreinte dans la neige correspondait à l'endroit présumé et aux marques escomptées si le gendarme Sheremetta était tombé, comme ce dernier l'a indiqué sans sa déclaration par obligation de rendre compte. Cette zone était au cœur des analyses subséquentes visant à déterminer les déplacements du gendarme Sheremetta et de M. St. Arnaud qui ont mené à la fusillade mortelle.
Bien que l'intégrité des lieux ait été mal préservée, je suis d'avis que cela a été en grande partie causé par les mauvaises conditions météorologiques et la mauvaise communication entre l'équipe d'enquête et le sergent Doll et le caporal Beach.
Il semble raisonnable de présumer que les mesures prises pour conserver les lieux auraient pu être différentes si le sergent Doll et le caporal Beach avaient été informés qu'il existait une possibilité que le gendarme Sheremetta ait tiré sur M. St. Arnaud alors qu'il était debout et qu'ils aient été avisés de l'importance que pouvait avoir cette zone des lieux du crime.
Conclusions
- Le sergent Krebs n'a fourni aux membres de la Section de l'identité judiciaire que l'une des deux versions possibles de la fusillade, ce qui est peut-être à l'origine du défaut de reconnaître l'importance de cette partie des lieux, contaminée par les traces de pas des autres membres.
- La Section de l'identité judiciaire n'a pas prélevé d'échantillons de sang dans la neige à proximité de M. St. Arnaud.
Impartialité de l'enquête
Il est fréquent que des préoccupations soient exprimées au sujet de l'impartialité des enquêtes dans le cadre desquelles la police enquête sur des cas où la police est impliquée dans une fusillade. Les mesures prises par les membres de la GRC ont été évaluées en fonction du « critère d'impartialité » qui constitue la charpente du Programme d'observateur indépendant de la Commission. Ce critère sert à évaluer la pertinence de la structure de gestion et de la structure de présentation de rapports, à déterminer si l'intervention de l'équipe d'enquête dans l'incident en cause et si les délais pour cette intervention étaient appropriés et proportionnels et, finalement, à déterminer si la conduite des membres était professionnelle au cours de l'enquête.
Conclusions
- Le sergent Krebs aurait dû établir la disponibilité de membres qualifiés et expérimentés n'appartenant pas au détachement pour prendre les déclarations des gendarmes Sheremetta et Erickson.
- Le caporal MacLellan ne s'est pas bien préparé pour mener l'entrevue auprès du gendarme Sheremetta, puisqu'il n'a pas commencé par l'entrevue auprès de la gendarme Erickson.
- Le caporal MacLellan n'a pas précisé l'objectif de son entrevue auprès du gendarme Sheremetta; il n'a notamment pas précisé qu'il s'agissait d'une déclaration par obligation de rendre compte.
- Le caporal MacLellan a posé des questions suggestives pendant les entrevues réalisées auprès des gendarmes Sheremetta et Erickson qui, bien qu'elles aient été inappropriées, n'ont pas nui à la fiabilité des déclarations.
- Le caporal MacLellan n'a pas présumé l'importance de la preuve contradictoire concernant la position du gendarme Sheremetta lorsqu'il a tiré.
- Le caporal MacLellan n'a pas réinterrogé le gendarme Sheremetta lorsqu'il a découvert la divergence entre sa version de la fusillade et celle de la gendarme Erickson.
Il est clair que le sergent Krebs était le responsable du Groupe des crimes graves lorsque l'enquête a débuté et qu'il aurait dû veiller à ce que les membres du personnel du détachement de Vanderhoof connaissent les limites du rôle qu'ils pouvaient jouer pendant l'enquête. Rien ne prouve qu'il a limité la participation à l'enquête des membres qui ne faisaient pas partie du Groupe des crimes graves, ce qui aurait dû être fait et qui a été mis en évidence par l'absence des membres du Groupe à Vanderhoof, et ce, pendant de longues périodes de temps.
Conclusion
- Le sergent Krebs n'a pas assuré un contrôle efficace du rôle du caporal MacLellan dans l'enquête, après l'avoir utilisé pour prendre la déclaration par obligation de rendre compte du gendarme Sheremetta.
Recommandation
- La GRC doit adopter sans tarder une politique qui fournisse des directives aux membres de la GRC présents sur les lieux de cas graves où il convient d'enquêter sur la conduite d'un policier (c.-à-d. dans les situations où la police enquête sur la police), notamment sur la nécessité d'assurer une impartialité réelle et apparente.
Experts
Comme dans la plupart des enquêtes sur des homicides, l'enquête sur la mort de M. St. Arnaud comprenait un certain nombre de demandes de rapports d'experts et l'utilisation de ceux-ci. La Commission a tenu compte de chacun de ces rapports et elle a déterminé où ils étaient utiles et où ils ne répondaient pas aux attentes.
Analyse de la morphologie des taches de sang
Conclusions
- Le sergent Krebs n'a pas fourni assez de documents de référence au sergent Gallant pour permettre une analyse approfondie de la morphologie des taches de sang.
- Le sergent Gallant a fait des hypothèses erronées et il est arrivé à des conclusions qui ne sont pas fondées sur la preuve.
- Le sergent Gallant a eu une vision étroite des choses, car il s'est montré réticent à modifier ses conclusions lorsqu'il a reçu des renseignements additionnels qui remettaient en question ses conclusions.
Rapport de l'expert sur le recours à la force
Conclusions
- Le processus de sélection des experts sur le recours à la force ouvre la voie à un problème de partialité réel ou apparent.
- Il y a eu un retard excessif dans la nomination d'un expert sur le recours à la force en raison du manque de ressources.
- La GRC n'a pas nommé un expert sur le recours à la force ayant suffisamment d'expérience pour gérer un cas grave d'homicide impliquant un policier.
Recommandations
- La GRC devrait former un assez grand bassin d'experts sur le recours à la force travaillant à temps plein afin que des experts qualifiés et expérimentés puissent être disponibles rapidement pour s'occuper de cas graves.
- La GRC devrait simplifier son processus de nomination des experts sur le recours à la force et en assurer la transparence en établissant un protocole pour les nominations.
Délais de l'enquête
Un examen de l'enquête a permis de révéler que la majeure partie de l'enquête sur le terrain, y compris les entrevues et la collecte de pièces à conviction, a été réalisée au cours des 72 premières heures qui ont suivi la fusillade. La plupart des éléments de preuve matérielle ont également été transmis aux fins d'analyse (toxicologique, etc.) dans les 72 heures.
Les opinions d'experts ont été demandées rapidement. Il y a toutefois eu un délai important, de plus de cinq mois, avant d'obtenir les services d'un expert sur le recours à la force. Ce dernier type d'expertise était un élément important de l'enquête et il aurait dû être réalisé plus rapidement. La GRC a expliqué ce retard par une insuffisance de ressources, qui a depuis lors été corrigée.
Conclusion
- L'enquête a été menée rapidement, à l'exception du retard dans la nomination d'un expert sur le recours à la force.
Gestion des cas graves
Aucun des membres qui ont participé à l'enquête n'était des membres accrédités pour la gestion des crimes graves, conformément à la politique de la GRC. La GRC a expliqué qu'au moment où l'enquête a été effectuée, le processus de certification de la Division E avait été adopté moins d'un an plus tôt et que la formation était en cours. Cela signifiait que l'effectif complet des personnes accrédité n'était pas encore en place pour mener des enquêtes. Cette lacune a maintenant été comblée, et il existe à présent un plus grand nombre d'officiers accrédités dans la Division E que de postes d'enquêteur, ce qui devrait assurer la disponibilité appropriée pour le traitement des cas à venir. Outre les problèmes de certification, on a constaté un certain nombre de fautes dans l'application du Modèle de gestion des cas graves dans la présente affaire.
Conclusion
Le modèle de gestion des cas graves n'a pas été appliqué de manière appropriée dans cette enquête :
- les membres de l'équipe n'étaient pas accrédités, contrairement à la politique;
- en tant que chefs d'équipe, l'inspecteur Hopkins et le sergent d'état-major Flath n'ont pas exercé un contrôle global ni assumé la responsabilité de l'orientation, du rythme et du déroulement de l'affaire, contrairement à la politique;
- après avoir fait appel aux services du caporal MacLellan pour contribuer à l'enquête, dans une certaine mesure, le sergent Krebs n'a pas limité la participation ultérieure de ce dernier;
- l'inspecteur Hopkins et le surintendant Killaly n'ont pas gardé de notes concernant leur participation, contrairement à la politique;
- la participation du surintendant Killaly et de l'inspecteur Van De Walle à l'enquête n'était pas clairement définie dans la politique sur la gestion des cas graves, ce qui a contribué à causer de l'ambiguïté sur la responsabilité de la gestion hiérarchique des opérations de l'enquête;
- l'équipe chargée de l'enquête n'a pas organisé une séance de débreffage critique, contrairement à la politique.
Recommandation
- La politique sur la gestion des cas graves devrait être modifiée afin d'y préciser la distinction entre les gestionnaires et les superviseurs qui fournissent des directives opérationnelles et qui prennent des décisions opérationnelles et les gestionnaires et les superviseurs qui fournissent un soutien administratif.
L'application des principes du Modèle de gestion des cas graves et l'adoption et la mise en œuvre des recommandations formulées dans le rapport de la Commission en lien avec le décès de M. Ian Bush constitueraient un bon point de départ pour la GRC, étant donné que l'organisation cherche à regagner et à garder la confiance du public dans ce domaine sensible.
Conclusion
Le recours à une force mortelle par un agent de police cause un certain nombre de préoccupations chez le public, surtout lorsque l'enquête sur un tel événement est menée par le même service de police que le policier impliqué dans l'incident. Le décès par balle de M. St. Arnaud et l'enquête qui suivit et qui a été menée par le Groupe des crimes graves du district Nord de la GRC compte parmi ces enquêtes. Je me suis employé à présenter une évaluation juste et objective de la fusillade au cours de laquelle M. St. Arnaud a été tué et de l'enquête subséquente et j'ai présenté des recommandations en vue d'un changement positif. Ce faisant, je reconnais que l'enquête sur cet incident a été effectuée avant que mes recommandations aient été présentées en lien avec un autre événement tragique – le décès de M. Ian Bush – et de nombreuses améliorations ont déjà été apportées par la GRC à cet égard. J'espère que le présent rapport aidera la GRC à continuer d'améliorer la façon dont les enquêtes sont faites dans les événements de ce genre.
Introduction
Le public est depuis longtemps préoccupé par l'aptitude des services de police à effectuer des enquêtes impartiales lorsqu'il y a allégations sérieuses de mauvaise conduite à l'endroit de collègues policiers. Ces inquiétudes concernent également la GRC, qui est le service de police le plus imposant au Canada et qui constitue le corps policier de la majorité des résidents de la Colombie-Britannique.
En réponse à cette préoccupation majeure, il arrive que la Commission des plaintes du public contre la GRC (la Commission) exerce son pouvoir au nom du public afin d'examiner en profondeur les faits à l'origine de ces préoccupations, de même que la validité de l'enquête de la GRC sur les événements en question. Le présent rapport porte sur un type d'incident parmi les plus graves, soit l'usage de la force, par un agent de police, ayant entraîné la mort d'un individu. La Commission a déjà effectué un examen et rendu public un rapport où elle a formulé de nombreuses recommandations dans le cadre d'une affaire de coups de feu tirés par un policier et ayant causé la mort de M. Ian Bush1.
Le décès de M. Kevin St. Arnaud et l'enquête sur les circonstances ayant mené à son décès ont tous deux eu lieu avant la publication du rapport final de la Commission sur le décès de M. Ian Bush et de ses recommandations sur les pratiques exemplaires à suivre lorsqu'un membre de la GRC est impliqué dans une fusillade de ce genre. Pour des raisons qui seront expliquées ci-dessous, l'enquête de la GRC sur les circonstances du décès de M. St. Arnaud n'a pas été effectuée selon des normes acceptables et laisseront, par conséquent, les membres du public avec un sentiment d'insatisfaction quant à la capacité des services de police d'enquêter sur de tels événements avec le niveau de professionnalisme auquel le public a le droit de s'attendre.
L'application des principes énoncés dans le Modèle de gestion des cas graves, de même que l'adoption et la mise en œuvre des recommandations formulées dans le rapport de la Commission sur le décès de M. Ian Bush, constitueraient un bon point de départ pour les efforts de la GRC de rétablir et de maintenir la confiance du public dans ce domaine sensible.
Aperçu
Le 19 décembre 2004, vers 00 h 50, M. Kevin St. Arnaud s'est introduit par effraction dans une pharmacie située dans un centre commercial, à Vanderhoof (Colombie-Britannique)2. Le gendarme Ryan Sheremetta, membre du détachement de la GRC de Vanderhoof, a répondu à l'alarme anti-effraction. La gendarme Colleen Erickson, également membre du détachement de la GRC de Vanderhoof, a aussi répondu à l'alarme, mais dans un autre véhicule. Le gendarme Sheremetta a vu M. St. Arnaud s'enfuir du centre commercial en courant et il s'est lancé à sa poursuite dans sa voiture de police. Il est sorti de son véhicule près du terrain de curling de Vanderhoof et a continué la poursuite à pied.
Le gendarme Sheremetta a poursuivi M. St. Arnaud sur un terrain de soccer en lui criant constamment de s'arrêter. M. St. Arnaud a fini par s'arrêter, puis il s'est retourné et il a commencé à marcher vers le gendarme Sheremetta. M. St. Arnaud a continué d'avancer vers le gendarme Sheremetta, qui a par la suite raconté avoir reculé d'un pas, avoir glissé et être tombé sur le dos. C'est dans cette position qu'il a tiré sur M. St. Arnaud à trois reprises, dans la poitrine. La gendarme Erickson3, qui était dans un véhicule de police, venait de contourner le terrain de curling et roulait le long des terrains de tennis et de soccer lorsqu'elle a entendu des cris et a vu que M. St. Arnaud « semblait s'élancer vers le gendarme Sheremetta » [N.D.T. : toutes les citations sont des traductions de l'anglais] alors que celui-ci, qui se tenait debout en position de tir4, a déchargé son arme à deux reprises à une distance d'environ dix pieds. Selon l'autopsie effectuée par la suite, M. St. Arnaud a, en fait, été atteint de trois balles.
La fusillade a fait l'objet d'une enquête effectuée par le Groupe des crimes graves du district Nord de la Division E de la GRC, situé à Prince George. Le Groupe des crimes graves a remis un Rapport à l'avocat de la Couronne du bureau régional le 12 septembre 2005. Le 15 février 2006, l'avocat régional de la Couronne a conclu qu'il était improbable que l'affaire débouche sur une condamnation et que le gendarme Sheremetta ne ferait pas l'objet d'accusations dans le cadre de la fusillade ayant mené au décès de M. St. Arnaud.
Le 15 mars 2006, à la suite de la décision de la Couronne de ne pas déposer d'accusations criminelles, j'ai, en ma qualité de président de la Commission, déposé une plainte en vertu du paragraphe 45.37(1) de la Loi sur la GRC. J'ai soulevé dans cette plainte deux questions : 1) des membres de la GRC se sont-ils engagés dans une situation avec M. St. Arnaud ayant entraîné la mort de ce dernier, et 2) un membre de la GRC a-t-il déchargé son arme à feu indûment au cours de l'incident. Le 26 avril 2007, j'ai modifié la plainte après la divulgation des conclusions de l'enquête sur le décès de M. St. Arnaud. Dans cette plainte modifiée (annexe C), je remettais également en question la suffisance de l'enquête effectuée par des membres de la GRC sur le décès de M. St. Arnaud.
Le 4 août 2006, la GRC a transféré une Directive du commissaire de la GRC (annexe D) mettant fin à l'enquête sur ma plainte en vertu de l'alinéa 45.36(5)c) de la Loi sur la GRC. Selon le commissaire, il n'était pas raisonnablement praticable de procéder à une enquête sur la plainte, fondant sa décision sur le fait qu'une enquête du coroner sur le décès de M. St. Arnaud était en cours.
La Commission a répondu par un rapport (annexe E), daté le 28 septembre 2006, dans lequel elle ne remettait pas en question les raisons avancées par la GRC, mais où elle indiquait plutôt que le commissaire de la GRC avait dépassé l'étendue de ses pouvoirs, puisque l'alinéa 45.36(5)c) de la Loi sur la GRC ne s'applique pas aux plaintes déposées en vertu du paragraphe 45.37(1) de la Loi par le président de la Commission. J'ai alors demandé à la GRC d'entamer immédiatement une enquête.
Ainsi, conformément à la Loi sur la GRC, la GRC a enquêté sur la plainte. En vertu de la Loi, lorsque l'enquête est terminée, le commissaire de la GRC (ou son remplaçant désigné) doit faire parvenir au plaignant un rapport final résumant les conclusions de l'enquête et les mesures prises pour régler la plainte. Dans ce cas, le rapport final du commissaire (annexe F), en date du 26 juin 2008, m'informait de ses conclusions : que les membres de la GRC avaient répondu adéquatement à l'introduction par effraction dans la pharmacie, « [...] que les gestes posés par le gendarme Sheremetta étaient justifiés étant donné qu'il avait de bonnes raisons de croire qu'il risquait de subir des blessures graves ou d'être tué [...] » et « [...] qu'à l'exception des préoccupations soulevées au sujet de l'analyse sur la morphologie des taches de sang, je conclus que la GRC a enquêté de façon adéquate sur le décès de M. St. Arnaud, c'est pourquoi je n'appuie pas cette allégation ».
En vertu du paragraphe 45.42(1) de la Loi sur la GRC, la Commission est tenue d'examiner chacune des plaintes qui sont déposées en vertu du paragraphe 45.37(1) de la Loi. Le présent rapport constitue mon examen de l'enquête menée par la GRC sur les questions soulevées dans ma plainte, et comprend les conclusions et les recommandations en la matière. L'annexe G présente un résumé de mes conclusions et recommandations.Examen des faits par la Commission
Il importe de mentionner que la Commission des plaintes du public contre la GRC est un organisme fédéral distinct et indépendant de la GRC. Quand elle enquête sur une plainte déposée par le président, la Commission n'agit pas en qualité d'avocat, que ce soit pour le plaignant ou pour la GRC. En ma qualité de président de la Commission, mon rôle consiste à tirer des conclusions après avoir fait un examen objectif des éléments de preuve et, au besoin, à formuler des recommandations quant aux mesures que peut prendre la GRC pour améliorer ou corriger la conduite de ses membres. En outre, l'un des principaux objectifs de la Commission est de veiller à ce que les enquêtes de la GRC sur ses propres membres soient effectuées avec impartialité et intégrité.
Mes conclusions, expliquées en détail ci-dessous, sont fondées sur un examen attentif des documents suivants : l'enquête originale de la GRC sur le décès de M. Kevin St. Arnaud, incluant la version originale du Rapport à l'avocat de la Couronne; les réponses de la GRC aux questions et aux préoccupations de la Commission, soulevées par le biais d'une plainte déposée par le président; la lettre de règlement de la GRC; ainsi que les lois et les politiques de la GRC applicables. Je tiens à remercier un ancien membre supérieur de la police de Vancouver, qui m'a aidé dans l'examen des questions sur la suffisance de l'enquête menée par la GRC.
Un coroner a tenu une enquête sur le décès de M. St. Arnaud, à Vanderhoof (Colombie-Britannique), les 18 et 19 janvier 2007 ainsi que du 23 au 26 janvier 2007. L'objectif d'une enquête du coroner est de vérifier comment, quand, où et par quel moyen un individu est décédé. En outre, malgré le fait que le mandat d'une telle enquête est plutôt limité, j'ai considéré que les preuves entendues constituaient une part importante du processus de recherche des faits relatifs au décès de M. St. Arnaud. C'est pour cette raison qu'un représentant de la Commission était présent durant tous les témoignages faits durant l'enquête, et que la Commission a examiné les transcriptions des témoignages provenant de l'enquête.
Afin de mieux connaître l'endroit où l'incident s'est produit, le représentant de la Commission a visité l'endroit où la fusillade a eu lieu, le chemin pris par M. St. Arnaud ainsi que les endroits où se tenaient les témoins lorsque le gendarme a fait feu.
Pour vérifier l'exactitude des heures inscrites dans le rapport, le représentant de la Commission a écouté l'enregistrement audio original de la station de transmissions opérationnelles du district Nord de la GRC, joué à l'aide du logiciel propriétaire de la GRC, et examiné l'affichage simultané de l'heure à laquelle les enregistrements audio ont été pris.
Il convient de noter que la GRC a donné un accès sans restrictions à tous les documents contenus dans le dossier d'enquête original, de même qu'à tous les documents faisant partie de l'enquête sur la plainte déposée par le président. Afin de faciliter l'examen de l'enquête criminelle originale, la GRC a organisé une séance d'information au quartier général de la Division E, à laquelle j'ai participé, de même que des membres supérieurs de la Commission.
QUESTIONS : Des membres de la GRC se sont-ils engagés avec M. St. Arnaud dans une situation qui a entraîné la mort de ce dernier; un membre de la GRC a-t-il déchargé son arme à feu indûment au cours de l'incident et les membres de la GRC ont-ils suffisamment enquêté sur la mort de M. St. Arnaud.
Contexte
M. St. Arnaud vivait à Vanderhoof (Colombie-Britannique), une ville d'environ 4 500 habitants située à une centaine de kilomètres à l'ouest de Prince George (Colombie-Britannique). M. St. Arnaud travaillait comme soudeur dans une entreprise locale de fabrication. En décembre 2004, il avait 29 ans, mesurait 1,76 mètre (5 pieds et 9,5 pouces) et pesait environ 86 kilos (190 livres)5.
Le gendarme Ryan Sheremetta travaillait comme membre de la GRC à Vanderhoof. Le 20 janvier 2003, il a terminé sa formation de six mois pour devenir cadet de la GRC, à la Division Dépôt, avant de commencer à travailler comme membre de la GRC au détachement de Vanderhoof. Les membres de la GRC doivent effectuer six mois de formation sur le terrain lorsqu'ils commencent à travailler comme policiers. Le gendarme Sheremetta a terminé cette formation le 20 juillet 2003, après quoi il a commencé à travailler à titre de membre régulier de la GRC, à Vanderhoof.
En décembre 2004, le gendarme Ryan Sheremetta avait 24 ans. Il mesurait 1,79 mètre (5 pieds et 10,5 pouces) et pesait environ 79 kilos (175 livres)6. Le gendarme Sheremetta n'avait aucune expérience antérieure en tant qu'agent de la paix, mais il possédait un diplôme d'études postsecondaires en « Techniques policières », obtenu en Ontario.
Faits
Le compte rendu des événements suivant provient des déclarations des témoins, des témoignages obtenus lors de l'enquête initiale de la police, de l'enquête du coroner et de l'enquête additionnelle réalisée dans le cadre de la plainte que j'ai déposée en ma qualité de président. Je présente ces faits soit parce qu'ils sont incontestés, soit parce que, en raison des preuves à leur appui, je les accepte comme étant une version fiable de ce qui s'est produit. Le lecteur constatera qu'il y a des lacunes dans la description des événements de cette nuit-là. Ces lacunes sont attribuables à une myriade de facteurs, dont la fragilité des capacités d'observation et de remémoration de l'être humain, les mauvaises conditions météorologiques qui prévalaient au moment de la fusillade, la qualité inégale des preuves judiciaires et des témoignages des experts et, plus important encore, les réserves importantes quant au niveau de crédibilité des déclarations du gendarme Sheremetta, lorsque ces déclarations ne pouvaient être corroborées de façon indépendante.
Les événements du 18 décembre 2004
Le soir du 18 décembre 2004, M. St. Arnaud et sa petite amie, Mme Rebecca Gingera, participaient à une fête de Noël, organisée par l'employeur, dans un bar de Vanderhoof. Plusieurs clients ont remarqué que M. St. Arnaud y a consommé une grande quantité d'alcool. M. St. Arnaud s'est disputé avec sa petite amie, qui a ensuite quitté l'endroit. Selon un témoin, M. St. Arnaud était en colère à cause de cette dispute et a déclaré qu'il voulait « se geler ». Peu avant minuit, on a escorté M. St. Arnaud à l'extérieur du bar, après qu'il ait entamé une confrontation physique avec un autre client.
La petite amie de M. St. Arnaud était allée chez un ami mutuel, où M. St. Arnaud s'est également rendu après avoir été sorti du bar. M. St. Arnaud était en état d'ébriété avancé7 et, selon sa petite amie, il est reparti peu de temps après être arrivé. Il s'est ensuite rendu dans une autre résidence pour voir quelqu'un qui n'habitait plus là. Le résident actuel, M. Michael Bulkley, a remarqué, pendant qu'il parlait à M. St. Arnaud, que celui-ci était en état d'ébriété et il a vu qu'il y avait du vomi sur son porche. Le matin suivant, il a constaté que quelqu'un avait également déféqué sur son porche. M. Bulkley a déclaré que M. St. Arnaud avait clairement les facultés affaiblies, mais qu'il n'avait aucune difficulté à marcher lorsqu'il est parti.
Le gendarme Sheremetta travaillait le soir du 18 décembre 2004. La gendarme Colleen Erickson, membre de la GRC depuis 24 ans, était également de service. Ils étaient les deux seuls membres en poste à Vanderhoof ce soir-là et tous deux portaient leur uniforme. Leur quart de travail allait de 17 h à 3 h. C'était le dernier de trois quarts de nuit pour le gendarme Sheremetta, après deux quarts de jour.
L'alarme anti-effraction de la pharmacie Rexall de Vanderhoof
Ce soir-là, un autocar de Greyhound devait fait un arrêt à 00 h 30 au Co-op Mall de Vanderhoof, et des gens qui attendaient l'autocar ont été témoins de certains des événements qui se sont produits.
M. John Thiessen s'était rendu au centre commercial en voiture pour y déposer quelqu'un qui devait prendre l'autocar. Il est arrivé vers minuit, mais, comme l'autocar était en retard, il a continué à attendre. L'autocar est arrivé peu avant 1 h. Pendant ce temps, il a vu un homme descendre du plafond de la pharmacie Rexall, située dans le centre commercial. Il a d'abord cru que l'homme effectuait peut-être des travaux d'entretien, mais après quelques minutes, il a commencé à avoir des soupçons parce qu'il n'y avait pas d'échelle. C'est alors qu'il a songé à téléphoner à la police.
Peu avant 1 h, la GRC a été avertie qu'une alarme anti-effraction avait été déclenchée à la pharmacie Rexall. Le gendarme Sheremetta a répondu à l'alarme dans son véhicule utilitaire sport (VUS) de police. La gendarme Erickson a également répondu à l'appel dans son camion de police. Avant d'arriver sur la scène, la gendarme Erickson a remarqué quelques personnes en train de crier et de faire du bruit, elle s'est donc approchée d'eux pour jeter un coup d'œil. Elle a ensuite continué à rouler vers la pharmacie et croit être arrivée environ une minute après le gendarme Sheremetta. Selon des informations supplémentaires, l'alarme anti-effraction provenait de l'officine, à l'intérieur de la pharmacie. À son arrivée, le gendarme Sheremetta a commencé par se rendre à l'arrière de l'immeuble pour vérifier si un véhicule pouvant servir à s'enfuir y était stationné. Après être retourné à l'avant de la pharmacie, il a discuté avec M. Thiessen, qui lui a dit avoir vu quelqu'un descendre du plafond à l'intérieur de la pharmacie. Le gendarme Sheremetta a communiqué cette information par radio à la gendarme Erickson, qui était encore en route.
M. Abe Klassen attendait également au centre commercial pour ramasser un colis de l'autocar. Au moment où l'autocar arrivait, M. Thiessen s'est approché de lui et lui a dit que quelqu'un s'était introduit par effraction dans la pharmacie. M. Klassen a remarqué que des policiers étaient présents et il a décidé de se diriger vers la rue Stewart avec sa voiture, afin d'avoir une meilleure vue sur le centre commercial.
La gendarme Erickson s'est arrêtée devant le centre commercial, tandis que le gendarme Sheremetta s'installait à l'intersection de l'avenue Bute et de la rue Stewart8, d'où il pouvait voir le côté et l'arrière du centre commercial. La gendarme Erickson est sortie de son véhicule pour jeter un coup d'œil à l'intérieur de la pharmacie, où elle a aperçu quelqu'un s'accroupir. Cet individu a par la suite été identifié comme étant M. St. Arnaud9. Elle a remarqué que l'individu tenait un sac blanc dans sa main. Elle l'a alors perdu de vue, puis elle est retournée dans son camion de police.
Elle a ensuite demandé à M. Thiessen de faire le guet. La gendarme Erickson surveillait l'extérieur de la pharmacie lorsque M. Thiessen l'a avertie qu'il avait vu M. St. Arnaud courir dans le centre commercial en s'éloignant de la pharmacie10. Le gendarme Thomas Davies, du détachement de la GRC de Fraser Lake, était au courant de ces événements et a demandé l'aide d'un chien policier pour faciliter la poursuite. La gendarme Erickson a avisé le gendarme Sheremetta, qui est retourné à l'avant du centre commercial pour voir vers où courait M. St. Arnaud. La gendarme Erickson se souvient d'avoir dit au gendarme Sheremetta qu'elle surveillerait l'avant et qu'il devrait aller par l'arrière. Le gendarme Sheremetta a donc contourné l'immeuble avec son VUS, qu'il a garé à un endroit d'où il pouvait voir l'arrière du centre commercial. Il a éteint tous les phares de son véhicule et baissé les fenêtres.
La gendarme Erickson s'est placée devant l'immeuble pour avoir un meilleur angle de vue. C'est à ce moment que Mme Janice Biggin-Pound, représentante de l'immeuble, est arrivée sur les lieux, après avoir reçu un appel de l'entreprise chargée du système d'alarme. Accompagnée de son mari, M. Dennis Biggin-Pound, elle est sortie de son véhicule et les deux se sont approchés de la pharmacie afin de désactiver l'alarme et vérifier l'état du commerce. Juste au moment où Mme Biggin-Pound commençait à désactiver l'alarme, la gendarme Erickson a ramené son véhicule jusqu'aux portes de la pharmacie et est sortie de son véhicule pour avertir Mme Biggin-Pound d'attendre parce qu'il y avait encore quelqu'un à l'intérieur. Les Biggin-Pound sont donc retournés attendre dans leur véhicule.
Quelques minutes plus tard, le gendarme Sheremetta a aperçu M. St. Arnaud, après que celui-ci a vraisemblablement sauté du toit du centre commercial près de l'endroit où il avait garé son véhicule. Le gendarme Sheremetta était garé de l'autre côté d'une clôture l'empêchant de se lancer à la poursuite du suspect.
À 1 h 8 min 10 s, le gendarme Sheremetta a indiqué par radio à la gendarme Erickson qu'il venait de voir M. St. Arnaud sauter du toit et se diriger vers la rue Stewart. Il a contourné un immeuble adjacent pour se rendre sur la rue Stewart, où il a vu M. St. Arnaud en train de courir. Le gendarme Sheremetta se rappelle que le stationnement et les routes étaient très glissants en raison des conditions météorologiques. Dans son VUS, les phares d'urgence activés, le gendarme Sheremetta a poursuivi M. St. Arnaud sur la rue Stewart. M. Klassen se souvient d'avoir vu M. St. Arnaud s'enfuir depuis l'arrière de la pharmacie et traverser la rue Stewart en direction du palais de justice. Immédiatement après, il a aperçu un véhicule de police sur la rue Stewart. Le gendarme Sheremetta a déclaré qu'il a alors crié par la fenêtre à M. St. Arnaud de s'arrêter, mais que le suspect a continué de s'enfuir.
La poursuite
M. Dennis Nooski et Mme Sylvia Isaac, deux passagers de l'autocar Greyhound, sont débarqués devant le centre commercial vers 1 h et ont commencé à marcher vers l'ouest sur la rue Stewart, puis vers le nord sur l'avenue Burrard, vers l'appartement de Mme Isaac. Mme Isaac a déclaré lors de son témoignage qu'elle est arrivée à 1 h 5. Elle se souvient d'avoir vu des gens courir dans l'allée11. Elle a vu une gendarme s'approcher dans son véhicule et lui demander en criant : « où est-il allé? ». Elle a ensuite vu la gendarme se diriger vers le palais de justice.
La gendarme Erickson a déclaré qu'elle est retournée à son véhicule en courant et qu'elle s'est dirigée vers la rue Stewart. Elle a alors reçu un message indiquant que M. St. Arnaud se dirigeait vers l'arrière du palais de justice; elle est donc allée vers l'est sur la rue Stewart, puis elle a pris l'avenue Bute vers le nord. Elle a reçu un autre message du gendarme Sheremetta lui demandant d'aller de l'autre côté du terrain de curling.
Le gendarme Sheremetta a suivi M. St. Arnaud entre le palais de justice et le terrain de curling. Il est parvenu à bloquer la voie à M. St. Arnaud en arrêtant son véhicule devant lui, en angle. Au moment où il est sorti de son véhicule, le gendarme Sheremetta a temporairement perdu M. St. Arnaud de vue. Selon ce qu'il a déclaré par la suite, M. St. Arnaud aurait probablement glissé sur la glace et serait tombé.
En sortant de son véhicule, le gendarme Sheremetta a également glissé sur la glace et, en tentant de maintenir son équilibre, il a échappé son téléphone cellulaire, qui s'est fracassé en morceaux. En contournant son véhicule de police par l'arrière, il a dégainé son arme et s'est lancé à la poursuite du suspect à pied.
M. St. Arnaud a contourné l'avant du terrain de curling en courant, pendant que le gendarme Sheremetta lui criait à répétition : « Arrêtez-vous! Police! ».
Le gendarme Sheremetta a déclaré que M. St. Arnaud ne s'est pas arrêté et qu'il a continué sa course devant le terrain de curling. Selon le gendarme Sheremetta, M. St. Arnaud a alors commencé à enfouir sa main droite dans la poche de son manteau et se retournait constamment pour le regarder.
Pendant que la gendarme Erickson se dirigeait vers l'ouest du palais de justice à bord de son véhicule, elle a reçu un appel du gendarme Sheremetta, qui lui disait : « De l'autre côté, Colleen, sur le terrain de curling ». Elle s'est donc dirigée vers le sud, entre le palais de justice et le terrain de curling, passant à côté du véhicule arrêté du gendarme Sheremetta, puis sur la rue Stewart. Elle s'est dirigée vers l'est sur la rue Stewart, puisque le gendarme Sheremetta lui avait dit qu'il traversait les terrains de tennis, puis le terrain de soccer.
M. Klassen a affirmé dans sa déclaration qu'il s'était dirigé vers la scène, à bord de son véhicule, pour aider l'agent à arrêter M. St. Arnaud. Il a remarqué que l'agent de police poursuivait M. St. Arnaud à pied. Alors qu'il approchait du palais de justice et du terrain de curling, il a entendu le membre de la GRC crier « Arrêtez! Arrêtez! Police! ». En passant près de la scène, M. Klassen a vu M. St. Arnaud courir vers les terrains de tennis, suivi de l'agent de police. Il les a ensuite vus continuer la poursuite sur le terrain de soccer.
Le gendarme Sheremetta a déclaré avoir poursuivi M. St. Arnaud en traversant les terrains de tennis et sur le terrain de soccer, situés près du terrain de curling. Le gendarme Sheremetta a rengainé son arme pendant qu'il traversait les terrains de tennis, expliquant par la suite qu'il avait agi ainsi parce qu'il avait peur de glisser et de tomber. Il a continué à envoyer des messages radio à la gendarme Erickson pour la tenir au courant pendant qu'il poursuivait M. St. Arnaud. À 1 h 9 min 28 s, peu après être sorti du terrain de tennis, alors qu'il arrivait sur le terrain de soccer, le gendarme Sheremetta a avisé la gendarme Erickson qu'il « traversait le terrain en direction de l'aréna ». Le gendarme Sheremetta a déclaré qu'il continuait de crier à M. St. Arnaud de s'arrêter.
Les coups de feu tirés sur M. St. Arnaud
Le gendarme Sheremetta est arrivé sur le terrain de soccer à la même vitesse que M. St. Arnaud, comptant sur le fait que la gendarme Erickson pourrait l'aider à encercler M. St. Arnaud, le forçant à se rendre. Toutefois, peu de temps après leur arrivée sur le terrain de soccer, M. St. Arnaud s'est arrêté et a levé les mains. Le gendarme Sheremetta a de nouveau dégainé son arme, ordonnant à M. St. Arnaud de se mettre à genoux. À la place, M. St. Arnaud s'est retourné et a commencé à revenir sur ses pas, vers le gendarme Sheremetta, qui continuait de lui crier des ordres. Le gendarme Sheremetta a remarqué que M. St. Arnaud tenait à la main un sac blanc, sans pouvoir déterminer ce que c'était. D'après le gendarme Sheremetta, M. St. Arnaud a commencé à marcher dans sa direction, il a baissé les bras et mis sa main droite dans sa poche. Le gendarme Sheremetta a continué de lui crier des ordres, mais M. St. Arnaud a continué à s'avancer vers le gendarme Sheremetta à une vitesse entre la marche et la course. Dans sa première déclaration12, le gendarme Sheremetta a noté que M. St. Arnaud marmonnait des mots du genre « il va falloir que tu me tires dessus mon chien sale, ou quelque chose comme ça, allez, tire-moi dessus espèce de salaud, ou quelque chose comme ça ».
M. Klassen, un civil qui a été témoin de la scène, a déclaré, dans un témoignage indépendant de celui du gendarme Sheremetta, avoir vu M. St. Arnaud s'arrêter, lever les mains, se tourner vers l'agent et s'avancer vers lui à une vitesse entre la marche et la course, en position « penchée ».
Le gendarme Sheremetta a déclaré que, voyant M. St. Arnaud s'approcher de lui, il a tenté de reculer mais a glissé et est tombé sur le dos. Il a gardé son arme pointée vers M. St. Arnaud et criait « Police! Arrêtez », « au point où ma gorge faisait mal, tellement je criais de toutes mes forces ». Il a déclaré que M. St. Arnaud avait l'air le plus effrayant qu'il ait vu dans sa vie, « un regard de la mort ». D'après le gendarme Sheremetta, il était toujours sur le sol lorsqu'il a tiré deux balles dans la poitrine de M. St. Arnaud, d'une distance d'environ cinq pieds. Il a déclaré avoir tiré une troisième fois dans la poitrine de M. St. Arnaud parce que celui-ci continuait d'avancer. Le suspect est alors tombé sur le sol.
La gendarme Erickson conduisait son véhicule de police du côté opposé du palais de justice pendant que le gendarme Sheremetta poursuivait M. St. Arnaud à pied. La gendarme Erickson a affirmé avoir entendu des cris au moment où elle contournait le terrain de curling, mais qu'elle ne pouvait comprendre ce qui était dit, ni par qui. Elle a également vu le gendarme Sheremetta debout et M. St. Arnaud « qui semblait s'élancer vers le gendarme Sheremetta ». La gendarme Erickson a déclaré lors de son témoignage qu'elle a crié par la fenêtre pour avertir M. St. Arnaud qu'elle était présente. Elle a déclaré avoir vu le gendarme Sheremetta debout en position de tir, vu deux éclairs de lumière et entendu deux coups de feu avant que M. St. Arnaud, qui avançait vers le gendarme, s'effondre sur le sol. Elle a estimé que M. St. Arnaud était à moins de dix pieds du gendarme Sheremetta lorsqu'il est tombé.
À 1 h 9 min 47 s, la gendarme Erickson a avisé la station de transmissions opérationnelles de Prince George qu'un homme avait été touché et, tout de suite après, le gendarme Sheremetta a indiqué que des coups de feu avaient été tirés. À 1 h 10 min 4 s, la gendarme Erickson a également demandé à ce qu'un sous-officier responsable du détachement de la GRC de Vanderhoof soit envoyé sur les lieux. Enfin, à 1 h 10 min 10 s, elle a demandé de communiquer avec les services de soins d'urgence. La station de transmissions opérationnelles a téléphoné au caporal Jim MacLellan, un membre supérieur du détachement de la GRC de Vanderhoof, au sergent d'état-major Rick Kowalewich, chef du détachement, et aux services de soins d'urgence, pour leur demander de se rendre sur les lieux.
Plusieurs témoins civils se souviennent d'avoir entendu les coups de feu. Après avoir vu M. St. Arnaud commencer à s'avancer vers le gendarme Sheremetta, M. Klassen a déclaré qu'il a continué à rouler sur la rue pour trouver un endroit où faire demi-tour lorsqu'il a entendu deux coups de feu successifs. Il a fait demi-tour et est retourné vers la scène. Il a alors vu que l'autre véhicule de police était arrivé et que deux membres de la GRC marchaient de la rue vers M. St. Arnaud, qui était étendu sur le sol13. M. Klassen est alors parti, croyant que M. St. Arnaud s'était rendu.
M. Biggin-Pound a déclaré qu'après un certain temps d'attente, il a entendu trois coups de feu, alors que Mme Biggin-Pound pensait qu'il s'agissait peut-être d'un drapeau battant au vent. M. Nooski a affirmé avoir entendu trois coups de feu tirés l'un après l'autre, après avoir marché deux coins de rue vers le nord sur l'avenue Burrard.
Après avoir vu la gendarme Erickson se diriger vers le palais de justice dans sa voiture, Mme Isaac a dit qu'elle et M. Nooski ont commencé à marcher d'un pas rapide sur la rue Stewart jusqu'à l'avenue Burrard, où ils ont tourné vers le nord. Ils ont marché du côté ouest de la rue pendant environ deux coins de rue. Mme Isaac a déclaré avoir entendu un bruit de bousculade venant de l'autre côté de la rue, qui semblait provenir d'un endroit où il y a de nombreux arbustes, derrière l'église située du côté est de l'avenue Burrard.
Mme Isaac a décrit le bruit comme étant une bagarre. Elle a dit avoir entendu des bruits ressemblant à une personne recevant des coups de pied à répétition et toutes sortes de jurons, puis une personne aurait dit « arrête, arrête » avant d'ajouter « reviens ici ». Elle se souvient d'avoir alors entendu trois « pop » et d'avoir regardé sa montre, qui affichait 1 h 10. Elle et M. Nooski ont alors couru vers leur maison. Elle est allée dormir et, plus tard dans la journée, elle a téléphoné à la GRC pour rapporter ce qu'elle avait entendu.
Je conclus que les observations de Mme Isaac en ce qui a trait aux cris et aux bruit de bagarre qu'elle a entendus cette nuit-là ne sont pas fiables ou pertinents dans le cadre de la fusillade. Elle a dit que les voix provenaient d'un endroit situé près d'une église de l'autre côté de la rue, mais selon l'endroit où ils étaient lorsqu'ils ont entendu les coups de feu, la fusillade serait survenue à plus d'un coin de rue de là. En outre, M. Nooski a indiqué qu'il n'a entendu aucun cri ou bruit de bagarre avant les coups de feu et que le bruit de la neige sous leurs pieds nuisait à son ouïe. Les observations de Mme Isaac ne correspondent pas non plus aux déclarations du gendarme Sheremetta, de la gendarme Erickson et de M. Klassen, qui n'ont jamais parlé d'altercation physique entre le gendarme Sheremetta et M. St. Arnaud.
Pour rejeter le témoignage de Mme Isaac sur ce point, je m'appuie également sur le rapport de l'enquêteur de la Commission, qui s'est rendu à l'endroit d'où Mme Isaac et M. Nooski disent avoir entendu les coups de feu et qui a déterminé qu'ils se trouvaient vraisemblablement trop loin de la scène pour avoir entendu des voix. J'en conclus donc que les voix et les bruits de bagarre que Mme Isaac a entendus n'étaient pas liés à cet incident.
La suite des événements immédiatement après la fusillade
Après la fusillade, la gendarme Erickson a communiqué par radio avec la station de transmissions opérationnelles pour leur dire qu'un homme était touché. Le gendarme Sheremetta a indiqué par radio que des coups de feu avaient été tirés. Peu après, la gendarme Erickson a demandé à ce qu'un sous-officier et à ce que des employés des services d'urgences soient dépêchés sur les lieux de toute urgence. Le gendarme Sheremetta a déclaré s'être relevé et s'être éloigné de M. St. Arnaud alors que la gendarme Erickson sortait de son véhicule pour venir le rejoindre. Il s'est rappelé que la gendarme Erickson a vérifié son état pour s'assurer qu'il était correct. Il lui a confirmé qu'il allait bien et lui a demandé : « Va voir ce qu'il a »14.
La gendarme Erickson a déclaré que le gendarme Sheremetta n'était pas tellement proche de l'endroit où gisait M. St. Arnaud lorsqu'elle est arrivée, peut-être quatre ou cinq pas plus loin, mais elle ne se rappelait pas s'il s'était éloigné de M. St. Arnaud. Dans sa déclaration, la gendarme Erickson a souligné que, lorsqu'elle arrivée sur la scène, le gendarme Sheremetta a déclaré « il n'arrêtait pas de s'approcher ». La gendarme Erickson a contourné M. St. Arnaud tandis que le gendarme Sheremetta la couvrait. Elle a remarqué que M. St. Arnaud bougeait la tête et la mâchoire et qu'il respirait encore. Elle a éloigné un sac de plastique blanc de la main droite de M. St. Arnaud et remarqué des pots de pilules à proximité. Les pots de pilules ont par la suite été identifiés et on en a retrouvé près de ses deux mains. Aucun sac de plastique blanc n'a été trouvé sur les lieux, mais la gendarme Erickson a déclaré qu'il y avait du vent et qu'il avait peut-être été emporté.
Le gendarme Sheremetta ne pouvait rester debout plus longtemps et il a déclaré avoir mis un genou par terre. Il s'est également souvenu qu'il avait « très, très froid ». La gendarme Erickson a déclaré s'être approchée du gendarme Sheremetta et avoir remarqué qu'il ne portait pas son manteau; elle lui a donc offert d'aller le chercher pour lui dans son véhicule de police15. Le gendarme Sheremetta est resté seul sur le terrain de soccer pendant que la gendarme Erickson se rendait jusqu'à son véhicule, garé à l'autre bout du terrain de curling, pour prendre son manteau. Ne parvenant pas à le trouver, elle a dû retourner sur le terrain de soccer pour demander au gendarme Sheremetta où il se trouvait. Elle est ensuite retournée au VUS du gendarme Sheremetta, où elle a trouvé le manteau. En se rendant au VUS, elle a vu l'ambulance arriver sur les lieux et a parlé brièvement aux ambulanciers avant de continuer son chemin.
Aide médicale
Dans sa déclaration faite peu après la fusillade, la gendarme Erickson a affirmé ce qui suit :
[...] Je pouvais voir que le gars avait l'air d'avoir comme une respiration très difficile, en fait ce n'était pas vraiment une respiration, mais plutôt un râlement, euh... une sorte de euh... une genre de respiration courte et intermittente, et euh... je l'ai contourné [...] et le gars, rendu là, avait pas vraiment l'air de respirer... J'ai regardé sa poitrine et euh... il n'avait pas l'air de respirer... J'ai vu sa bouche bouger à quelques reprises, sa mâchoire seulement... Un peu comme s'il tentait de respirer [...], il bougeait sa mâchoire.
Elle a indiqué qu'après avoir déplacé le sac blanc et avoir regardé les mains du suspect, elle « ne le voyait plus respirer ». Elle n'a pas parlé de cette question dans sa deuxième déclaration, faite au sergent Krebs, le 6 janvier 2005.
Durant son témoignage au moment de l'enquête du coroner, la gendarme Erickson a répondu au contre-interrogatoire de la façon suivante :
Q. Vous vous êtes approchée du corps pour vérifier son état?
A. Oui.
Q. Et l'homme ne bougeait plus, c'est ça?
A. Seule sa mâchoire bougeait un peu.
Q. Mais... seulement une sorte de dernier souffle?
A. Oui.
Le gendarme Sheremetta n'a fait aucune remarque sur l'état de M. St. Arnaud après la fusillade.
Selon les politiques de la GRC en vigueur au moment de la fusillade, le premier membre à arriver sur la scène doit demander immédiatement l'envoi d'une aide médicale16, ce que la gendarme Erickson a fait. Si la victime ne peut être réveillée en lui parlant ou en la touchant, il faut alors évaluer son état en vérifiant divers facteurs, dont une « respiration irrégulière » et la présence de « blessures »17. Aucun des deux agents n'a vérifié les facteurs mentionnés dans la liste, notamment le pouls de M. St. Arnaud18. Ils étaient toutefois tous les deux au courant des blessures subies et, durant sa vérification de sécurité, la gendarme Erickson a remarqué que M. St. Arnaud avait de la difficulté à respirer. Dans ces circonstances, la politique indique ce qui suit : « Dans l'une ou l'autre des circonstances décrites à l'art. 2.2, amorcer les premiers soins ou la réanimation cardio-respiratoire et obtenir immédiatement des soins médicaux »19. Les agents en cause n'ont pas administré les premiers soins ni entamé les procédures de réanimation cardiorespiratoire.
Il est important de noter que le Dr James McNaughton, le pathologiste qui a effectué l'autopsie de M. St. Arnaud, a déclaré que le décès de celui-ci a été causé par une perte rapide de sang à la suite des blessures par balle, et qu'il est décédé quelque part entre dix minutes et deux heures après avoir été blessé. Selon cette estimation, M. St. Arnaud était encore en vie après que la gendarme Erickson a effectué sa vérification de sécurité, c'est-à-dire à un moment où il aurait été possible d'administrer un traitement. J'ai également noté que le Dr McNaughton a souligné que les efforts de la police ou même d'une équipe ambulatoire de base n'auraient probablement pas permis de prolonger la vie de M. St. Arnaud. Quoi qu'il en soit, les agents n'étaient alors pas au courant de cette information et ils auraient dû agir conformément à la politique.
CONCLUSION : Les gendarmes Sheremetta et Erickson n'ont pas prodigué les premiers soins à M. St. Arnaud ni exécuté les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire, contrairement à la politique.
M. Drew Hunsaker, l'un des deux ambulanciers qui se sont rendus sur les lieux, a déclaré qu'à son arrivée sur la rue Stewart, à 1 h 24, il a parlé à la gendarme Erickson, qui leur a dit d'aller voir l'agent qui se trouvait sur le terrain de soccer et de suivre ses instructions. De la rue, il a vu « une personne couchée dans la neige et le gendarme, qui marchait à une certaine distance de la victime, 20 pieds ou plus [...] ».
M. Hunsaker a également déclaré que le gendarme Sheremetta lui a dit de marcher à l'est de M. St. Arnaud parce qu'il s'agissait d'une scène de crime. Il a demandé au gendarme Sheremetta ce qui s'était passé et ce dernier lui a répondu qu'il avait tiré sur M. St. Arnaud. Jusqu'à ce moment, les ambulanciers ne connaissaient toujours pas la nature de l'appel. C'est alors que l'autre ambulancier, M. James Vanderploeg, est arrivé avec une bouteille d'oxygène. Les ambulanciers se sont approchés de M. St. Arnaud par le côté est, le deuxième marchant dans les pas du premier.
M. Hunsaker a vérifié la respiration de M. St. Arnaud, son pouls et la dilatation de ses yeux. Il a demandé au gendarme Sheremetta si on avait prodigué des soins médicaux à la victime, et le gendarme lui a répondu que non. Lors de son témoignage, il a déclaré ce qui suit : « Notre politique à l'époque précisait que si une personne est décédée depuis plus de 15 minutes sans que des procédures de respiration artificielle ou de réanimation cardiorespiratoire soient administrées, nous ne les entamons pas ». Vers 1 h 30 ou 1 h 35, il a conclu que M. St. Arnaud était décédé. Pour des raisons de sécurité, M. Vanderploeg a effectué lui-même un examen et il est arrivé à la même conclusion.
M. Hunsaker a demandé au gendarme Sheremetta s'il avait été blessé et celui-ci lui a répondu que non. Les ambulanciers ont toutefois remarqué que du sang s'écoulait du dos de sa main gauche. Les deux ambulanciers se sont éloignés de M. St. Arnaud en reculant pour aller nettoyer et bander la main du gendarme. M. Hunsaker croit que le gendarme Sheremetta lui a dit que la coupure avait peut-être été causée par la neige. Les deux ambulanciers ont indiqué que la neige était recouverte d'une croûte solide, qui se brisait sous leurs pas pour laisser place à de la neige plus molle.
Après avoir été soigné par les ambulanciers, le gendarme Sheremetta a suivi la gendarme Erickson dans le véhicule de cette dernière. Elle s'est assise dans sa voiture avec lui et il lui a demandé si elle avait vu ce qui s'était produit, ce à quoi elle a répondu par l'affirmative. Selon le témoignage de la gendarme Erickson, il lui a ensuite demandé ce qu'il devrait faire. Elle a déclaré par la suite qu'elle était au courant que, selon les pratiques exemplaires, il convenait de séparer les témoins afin d'éviter toute contamination des preuves. Elle a donc consciemment décidé de ne pas discuter des événements avec lui.
L'enquête de la GRC
Le sergent d'état-major Kowalewich et le caporal MacLellan ont tous deux été appelés par la station de transmissions opérationnelles vers 1 h 15. On leur a indiqué qu'un homme avait été touché et qu'on demandait leur présence sur les lieux. Le sergent d'état-major Kowalewich est arrivé vers 1 h 35. Le caporal MacLellan est arrivé peu après et le sergent d'état-major Kowalewich lui a demandé d'escorter le gendarme Sheremetta au détachement, de saisir son ceinturon de service et son révolver, puis de lui demander un compte rendu des faits. M. Vanderploeg a indiqué que l'un des superviseurs a demandé aux ambulanciers de quitter les lieux afin de ne pas attirer l'attention sur la scène; ils sont partis à 1 h 55.
Le caporal MacLellan a amené le gendarme Sheremetta au détachement, où ils sont arrivés vers 1 h 55. Le caporal MacLellan a pris possession du ceinturon de service du gendarme Sheremetta, où étaient accrochés son révolver, son aérosol capsique et sa matraque ASP.
Le sergent Glenn Krebs, principal enquêteur dans ce dossier et membre du Groupe des crimes graves du district Nord de la Division E, a reçu un appel de la station de transmissions opérationnelles vers 1 h 55. L'appelant lui a indiqué que l'affaire concernait un agent impliqué dans une fusillade et lui a demandé d'appeler au détachement de Vanderhoof pour obtenir des renseignements supplémentaires. À 1 h 58, le sergent Krebs a joint le caporal MacLellan, qui lui a résumé les événements. Après cela, le sergent Krebs a demandé au caporal MacLellan d'obtenir une déclaration de la part du gendarme Sheremetta, en tenant compte du Code criminel et de la Loi sur la GRC. Le sergent Krebs a également indiqué qu'il fallait envoyer un chien sur les lieux de la scène pour rechercher une arme et qu'il fallait protéger la scène, envoyer un avis au coroner, saisir les chaussures de l'agent, communiquer avec les médias et faire venir un responsable des pièces à conviction.
Selon les notes de la gendarme Erickson, elle a quitté la scène à 2 h 1 pour se rendre au détachement, puis elle est revenue à 2 h 7. Durant son absence, le sergent Gerald Grobmeier20, qui avait entendu les appels radio et qui a quitté la région de Fraser Lake, où il patrouillait, pour venir à Vanderhoof, a assuré la protection des lieux. La gendarme Erickson a alors ouvert son carnet pour rédiger une entrée sur l'incident, où elle a noté toutes les personnes qui se présentaient sur les lieux. Elle a écrit avoir demandé à un civil de ne pas descendre la rue Stewart à moins que ce ne soit nécessaire et elle a indiqué l'heure à laquelle le gendarme Fred Muraca est venu la remplacer.
À 2 h 11, le caporal MacLellan a commencé l'enregistrement audio-vidéo de la déclaration du gendarme Sheremetta. L'importance à donner aux différentes déclarations et au témoignage du gendarme Sheremetta est décrite à l'annexe I.
Après avoir parlé avec le caporal MacLellan, le sergent Krebs a demandé au gendarme Vince Foy et au gendarme Bram Huisman, aussi membres du Groupe des crimes graves, de l'aider dans cette enquête. Il a ensuite demandé à la station de transmissions opérationnelles de lui fournir une copie de l'enregistrement de toutes les répartitions.
À 2 h 17, le sergent d'état-major Kowalewich a communiqué avec le caporal Trevor Beach, de la Section de l'identité judiciaire, pour le mettre au courant des faits. Il a ensuite parlé au sergent Krebs et à l'inspecteur Kirke Hopkins, chef d'équipe intérimaire, pour les mettre au courant. Le sergeant Krebs a reçu la confirmation que les tâches assignées au caporal MacLellan seraient effectuées et il a demandé à ce que la scène soit protégée et à ce qu'un chien policier soit amené sur les lieux aussitôt que possible21.
À 2 h 40, le sergent d'état-major Kowalewich s'est organisé pour obtenir l'aide de membres qui n'étaient pas de service et il a réussi à faire venir le gendarme Muraca pour protéger la scène sur le terrain et le caporal Frank Paul pour s'occuper du centre commercial.
À 2 h 45, le sergent Krebs a parlé avec l'inspecteur Hopkins pour lui faire part des plus récentes informations. L'inspecteur Hopkins a demandé à ce qu'on communique avec lui lorsque la note d'information sur cette affaire serait prête.
Vers 3 h, le sergent d'état-major Kowalewich s'est occupé d'aviser le coroner, un responsable des relations avec les médias et un agent du Programme d'aide aux membres et aux employés22. Le caporal Paul, qui est arrivé au détachement à peu près à ce moment-là, s'est réuni avec le sergent d'état-major Kowalewich et le caporal MacLellan. Après la réunion, le caporal Paul est parti vérifier dans des commerces locaux si des enregistrements de surveillance pouvaient être disponibles.
À 3 h 16, le gendarme Muraca s'est rendu sur le terrain et a remplacé la gendarme Erickson pour assurer la sécurité de la scène. La gendarme Erickson est retournée au détachement. Selon les notes du gendarme Muraca, il y a eu des averses de pluie et un vent de plus en plus fort à mesure que l'heure avançait.
À 3 h 35, le gendarme Phil Sullivan, maître-chien du détachement de la GRC de Prince George, est arrivé à Vanderhoof, a été informé de la situation et s'est dirigé vers la scène pour commencer son travail de pistage.
Au même moment, le sergent Krebs, qui était toujours à Prince George, a reçu un colis contenant le registre des répartitions et les enregistrements des transmissions de la station de transmissions opérationnelles.
À 3 h 40, le gendarme Sheremetta a parlé par téléphone à un psychologue. Peu après, le sergent d'état-major Kowalewich a demandé au caporal MacLellan d'organiser une communication entre le gendarme Sheremetta et un avocat. À 4 h 8, un message était laissé à la maison de Me Brian Gilson, un procureur de Prince George, demandant qu'il communique avec le détachement.
Peu après 4 h 10, le caporal Paul s'est rendu au restaurant Tim Horton's local pour demander à ce que le propriétaire communique avec lui afin de lui donner accès aux enregistrements de surveillance vidéo. Il a également obtenu des descriptions de témoins potentiels en parlant à des employés du dépanneur 7-Eleven.
À 4 h 25, le caporal MacLellan a obtenu une déclaration audio-vidéo de la gendarme Erickson. Cette entrevue a duré environ 30 minutes.
Le sergent Krebs est arrivé à Vanderhoof à 4 h 45. Il a préparé une note d'information et, à 5 h 5, il a parlé avec les membres de la Section de l'identité judiciaire, le caporal Beach et le sergent Glen Doll. Il les a brièvement informés que le gendarme Sheremetta poursuivait un suspect dans une enquête sur une introduction par effraction, qu'il était tombé sur le sol en raison des conditions glissantes et qu'il avait tiré trois coups de feu sur le suspect, qui est tombé à l'endroit où il s'est fait tirer.
À 5 h 30, le caporal MacLellan a conduit le gendarme Sheremetta chez lui et a saisi ses bottes. À son retour au détachement, il a remis les bottes au gendarme Foy, désigné comme l'agent chargé des pièces à conviction.
Le caporal Beach et le sergent Doll sont arrivés sur les lieux du crime vers 5 h 30 et ils ont commencé par prendre des photos de l'extérieur du centre commercial avant de se diriger vers le terrain de soccer, tout en continuant à prendre des clichés. On a souligné dans le rapport d'événement des responsables de l'identité judiciaire les conditions difficiles en raison du manque de clarté. Les membres ont inspecté la scène, incluant les trajets apparemment suivis par le gendarme Sheremetta et par M. St. Arnaud pour se rendre jusqu'au terrain de soccer. Le caporal Beach et le sergent Doll sont partis du terrain de soccer à 6 h 22 et sont retournés sur leurs pas afin d'examiner la scène à l'extérieur du centre commercial, tout en prenant des photos en cours de route.
Les membres de l'équipe chargée de l'enquête se sont réunis pour la première fois à 6 h 15 et ils ont tenu une séance d'information jusqu'à 7 h. En plus des membres de l'équipe d'enquête, c'est-à-dire le sergent Krebs, le gendarme Huisman et le gendarme Foy, il semble que le caporal MacLellan, le sergent d'état-major Kowalewich et le caporal Paul étaient également présents. En réponse aux questions posées par l'analyste de la Commission, le caporal MacLellan a indiqué qu'il avait avisé les membres du Groupe des crimes graves, lors de cette réunion, quant aux versions contradictoires sur la position du gendarme Sheremetta lorsqu'il a fait feu sur M. St. Arnaud. Au cours de cette réunion, les membres de l'équipe d'enquête ont également reçu leurs affectations et on a préparé un communiqué de presse ainsi qu'un rapport initial.
À 7 h, le caporal Beach et le sergent Doll étaient au détachement, relayant les résultats préliminaires de leur enquête à l'équipe d'enquête. La séance d'information a pris fin à 7 h 17. En outre, le sergent Doll a noté que le sergent d'état-major Kowalewich, le caporal MacLellan et le caporal Paul étaient présents.
Le caporal Paul a commencé à assurer la protection de la scène au centre commercial à 7 h 20, tâche qu'il a continuée jusqu'à la fin de son quart de travail.
Vers 7 h 30, le caporal Beach et le sergent Doll sont retournés au terrain de soccer, accompagnés du sergent Grobmeier. Avec le gendarme Muraca, ils se sont rendus sur le terrain dans le but d'ériger une tente pour protéger le corps de M. St. Arnaud et la scène contre les éléments météorologiques. Les gendarmes Sullivan et Foy les ont également rejoints sur le terrain. À 8 h, il ne restait plus que le caporal Beach et le sergent Doll sur le terrain, heure à laquelle ils ont commencé à recueillir des preuves. Quelques minutes plus tard, le vent a commencé à déplacer la tente. Le gendarme Muraca est retourné sur le terrain pour aider à replacer la tente plus solidement, suivi peu de temps après par le gendarme Sullivan. La tente était toutefois trop endommagée; elle a donc été démantelée et enlevée.
À 10 h 55, le coroner est arrivé sur les lieux et s'est renseigné auprès du sergent Doll avant d'inspecter la scène. À 12 h 35, le corps de M. St. Arnaud a été retiré de la scène, sous la surveillance du coroner. Le caporal Beach et le sergent Doll ont passé le reste de la journée à recueillir des pièces à conviction, à prendre des mesures et des échantillons, et à inspecter et photographier toute la scène allant du centre commercial au terrain de soccer. À 13 h, ils inspectaient le toit du centre commercial avant de continuer leur enquête à partir de l'endroit où M. St. Arnaud est sorti du centre, retournant sur ses pas jusqu'à la pharmacie. Durant ce temps, ils ont recueilli un éventail de pièces à conviction, incluant des échantillons sanguins. Ils ont achevé leur travail à 17 h.
Au cours des quelques jours suivants, l'équipe d'enquête a identifié et interrogé de nombreux témoins potentiels. Certains témoins ont été interrogés à plus d'une reprise, à cause de problèmes avec le matériel d'enregistrement ou pour clarifier certains faits à mesure que des renseignements étaient dévoilés.
Le caporal a apporté sa propre contribution à l'enquête, en plus du travail effectué par l'équipe d'enquête. Le 20 décembre 2004, il a parlé à plusieurs témoins qui avaient vu M. St. Arnaud dans les heures précédant l'introduction par effraction. Il a pris quelques notes de ces discussions et des membres du Groupe des crimes graves ont ensuite obtenu des déclarations officielles. Le caporal MacLellan a également saisi un sac contenant des médicaments, découvert par des employés de la pharmacie derrière une porte de la salle de toilettes donnant sur la salle du personnel. Selon son rapport de suivi du jour, il a terminé son quart de travail à 17 h, heure à laquelle il a rencontré le gendarme Sheremetta pour lui demander ses notes. Le gendarme Sheremetta lui a répondu qu'il n'en avait pas. Le caporal MacLellan a également aidé le gendarme Sheremetta à accomplir quelques tâches administratives, comme commander un nouveau ceinturon de service, lui parler de la séance d'aide après un stress causé par un incident critique23 et lui fournir un formulaire de paiement des frais juridiques. Enfin, les deux agents ont parlé de la fuite de M. St. Arnaud de la scène du crime et le caporal MacLellan a noté ce qui suit : « Le gendarme Sheremetta était toujours convaincu que le suspect a sauté du toit ».
Le 20 décembre 2004, le sergent Krebs a transmis les informations les plus récentes au surintendant Larry Killaly, qui était l'agent responsable du Groupe des crimes graves de la Division E et l'un des gestionnaires du programme pour les groupes des crimes graves de l'ensemble de la division. Le sergent Krebs a également rencontré, séparément, l'inspecteur Leon Van De Walle, un autre gestionnaire du programme pour les groupes des crimes graves de la division, ainsi que l'inspecteur Hopkins, chef d'équipe intérimaire, pour les renseigner.
Au cours de l'après-midi, le caporal Beach a réussi à obtenir un hélicoptère afin de prendre des photographies aériennes de la scène.
Le matin du 21 décembre 2004, le caporal MacLellan et le sergent d'état-major Kowalewich ont rencontré le gérant du centre commercial « pour discuter de la possibilité que le suspect ait pu accéder rapidement au toit pour ensuite sauter, comme le croyait le gendarme Sheremetta ». Ils ont déterminé « qu'il n'y a aucun accès rapide au toit et qu'il était pratiquement impossible que le suspect se soit rendu sur le toit après avoir été vu en train de courir dans le centre commercial ». Ils ont également observé le centre commercial à partir de l'endroit où le gendarme Sheremetta attendait dans son véhicule et ils ont constaté qu'il y avait un angle mort d'environ huit pieds, entre la porte de sortie et l'endroit où M. St. Arnaud aurait été visible pour le gendarme Sheremetta.
À la suite de cette rencontre, le caporal MacLellan est retourné au détachement, où il a reçu un appel du gendarme Dan Michaud, qui a été affecté à l'équipe d'enquête ce jour-là. Durant cet appel, le caporal MacLellan a parlé au gendarme Michaud des témoins à qui il avait parlé.
À 8 h 25, l'équipe d'enquête a tenu une séance d'information, avec la participation de l'inspecteur Van De Walle.
À 10 h le même jour, le Dr James McNaughton a effectué une autopsie sur le corps de M. St. Arnaud. Le sergent Doll et le gendarme Mark Davidson, du Groupe des crimes graves de Kamloops, étaient tous deux présents, le premier pour prendre des photographies et le second pour recueillir des pièces à conviction. Le Dr McNaughton a déterminé que M. St. Arnaud avait subi trois blessures par balle à la poitrine et que l'une des balles avait d'abord traversé sa main gauche. Il a également remarqué de nombreuses lacérations, écorchures et contusions24. Il a conclu que « la mort est attribuable aux multiples blessures par balles et à la perte sanguine qui s'en suivit ».
Tôt en après-midi, l'inspecteur Van De Walle a rencontré Mme Rebecca Gingera pour parler de ses préoccupations concernant le fait que le sergent Krebs et le sergent d'état-major Kowalewich s'occupent de l'enquête et il a enregistré ses commentaires sur les activités de M. St. Arnaud durant la soirée précédant son décès.
À 15 h 20, le sergent Krebs s'est rendu au restaurant Tim Horton's pour parler au gérant, qui connaissait M. St. Arnaud. Il avait visionné les enregistrements vidéo mais n'y avait pas vu M. St. Arnaud. Le sergent Krebs a demandé au gérant de conserver les enregistrements et de communiquer avec le gendarme Huisman pour qu'il en fasse des copies.
À 16 h 40, l'inspecteur Van De Walle a rencontré le sergent d'état-major Kowalewich et l'inspecteur Hopkins pour discuter de l'affaire.
À 7 h 30 le matin suivant, l'inspecteur Van De Walle a rencontré l'inspecteur Hopkins et le surintendant Harris avant de se rendre à la réunion du Groupe des crimes graves. À la suite de la séance d'information, le sergent Krebs a parlé à Me Gilson, qui lui a indiqué avoir dit au gendarme Sheremetta de ne plus faire de déclarations sans le consulter.
À midi, le 22 décembre 2004, Mme Gingera, qui a eu une relation avec M. St. Arnaud et qui était avec lui le soir précédant son décès, a parlé au téléphone avec le caporal MacLellan. Elle lui a dit qu'elle souhaitait annuler son rendez-vous avec le sergent Bruce Ward, un autre membre de l'équipe d'enquête. Selon les notes du caporal MacLellan, elle s'est dite préoccupée par le fait que des policiers enquêtent sur des policiers et elle ne voulait pas coopérer dans le cadre de cette enquête.
Plus tard dans l'après-midi, le caporal MacLellan s'est rendu au restaurant Tim Horton'ssitué près de la pharmacie pour visionner les enregistrements vidéo25. Selon son rapport de suivi du jour, il s'y est rendu à la demande du propriétaire du commerce afin d'aider à identifier M. St. Arnaud. Il n'a noté « rien de significatif » durant ce visionnement et il n'a apparemment pas saisi les enregistrements26.
Toujours le 22 décembre 2004, l'inspecteur Van De Walle a parlé à Mme Delores Young, la mère de M. St. Arnaud, et a écouté ses préoccupations concernant l'enquête. Il lui a également promis de la garder au courant de l'avancement de l'enquête, ce qu'il a fait au cours des semaines suivantes.
L'inspecteur Van de Walle a parlé à nouveau avec Mme Gingera le 24 décembre 2004, mais n'a encore une fois pas réussi à obtenir les enregistrements des messages téléphoniques de M. St. Arnaud.
Le 3 janvier 2005, le sergent Krebs a de nouveau parlé à Me Gilson pour obtenir une déclaration du gendarme Sheremetta. Me Gilson lui a indiqué qu'il en avait une, mais il ne la lui a pas remis à ce moment-là.
Le 4 janvier 2005, Mme Gingera a remis son répondeur téléphonique au caporal MacLellan, sur lequel il y avait trois messages de M. St. Arnaud, apparemment laissés dans les heures précédant la fusillade.
Le sergent Krebs a cherché à clarifier les disparités entre les récits du gendarme Sheremetta et de la gendarme Erickson concernant la fusillade. Il a obtenu une déclaration de la gendarme Erickson le 5 janvier 2005.
Le rapport de toxicologie a été préparé le 5 janvier 2005.
Le 6 janvier 2005, l'inspecteur Van De Walle a demandé à ce que le gendarme Sheremetta soit interrogé de nouveau. Le sergent Krebs en a discuté avec l'avocat du gendarme Sheremetta, mais ils ne sont pas parvenus à un accord permettant une nouvelle entrevue.
La tâche de trouver un expert sur le recours à la force a été assignée au gendarme Huisman, le 6 janvier 2005. On a d'abord écrit le nom du gendarme Gregg Gillis dans le registre quotidien. Le 18 janvier 2005, le gendarme Gillis a confirmé qu'il était disponible pour aider à l'analyse et il a fourni une liste des documents dont il aurait besoin pour être en mesure de formuler une opinion, ce qui, selon ses estimations, devait prendre de deux à trois semaines. Le gendarme Gillis n'a plus été mentionné dans les documents de l'enquête et il n'a jamais donné son opinion sur le recours à la force.
Le rapport d'autopsie a été achevé le 26 janvier 2005.
Le 2 février 2005, après avoir examiné les données recueillies durant l'enquête judiciaire, le sergent Krebs a conclu qu'il faudrait peut-être faire appel à un spécialiste en biomécanique pour aider à interpréter les preuves relatives aux chemins empruntés par le gendarme Sheremetta et M. St. Arnaud, ainsi que la vitesse à laquelle ils allaient et l'endroit où ils se trouvaient. Il a commencé à communiquer avec des organismes extérieurs dans le but de trouver un spécialiste convenable. Le 4 février 2005, le sergent d'état-major Larry Flath, le nouveau chef d'équipe, a avisé le sergent Krebs que le surintendant Killaly ne voyait pas la nécessité de faire appel à quelqu'un de l'extérieur pour accomplir cette tâche et qu'il devrait plutôt concentrer ses recherches à l'intérieur de l'organisation.
Le 8 février 2005, le sergent Krebs et le caporal Beach ont demandé l'aide du sergent James Gallant pour qu'il prépare un rapport d'analyse sur les taches de sang.
Le 9 février 2005, le sergent Krebs a effectué un suivi auprès d'une personne contactée auparavant pour réaliser le rapport de biomécanique. Il a trouvé une spécialiste externe qui lui a indiqué que les renseignements demandés entraient dans son domaine de spécialité. La spécialiste lui a également indiqué qu'elle ne connaissait aucune ressource policière interne pouvant répondre à cette requête. Le 10 février 2005, le sergent d'état-major Flath a avisé le sergent Krebs que le surintendant Killaly n'appuyait pas ce plan et qu'il souhaitait s'entretenir avec lui pour en discuter.
Toujours le 10 février 2005, le membre civil Earl Hall a reçu le révolver et les douilles pour les analyser.
Le 14 février 2005, le sergent Krebs a parlé à l'inspecteur Van De Walle de son idée de faire appel à la spécialiste en biomécanique et il a obtenu son appui.
Le 21 février 2005, le sergent Krebs a parlé au caporal Tim Anctil27 pour obtenir l'aide d'un expert sur le recours à la force. On l'a renvoyé à l'inspecteur Booth qui, le 7 mars 2005, selon les notes du sergent Krebs, a indiqué qu'il « appuyait » l'idée de faire appel au caporal Anctil à titre d'expert. Le jour suivant, le sergent Krebs a noté avoir reçu un courriel de la part du caporal Anctil indiquant qu'il ne serait pas en mesure de contribuer à l'enquête.
Le 23 février 2005, le sergent Krebs s'est réuni avec, entre autres, le surintendant Killaly, l'inspecteur Van De Walle et le sergent d'état-major Flath. Le sergent Krebs a reçu l'autorisation de faire appel à la spécialiste de la biomécanique et il l'a contactée immédiatement après pour l'aviser qu'il lui enverrait des documents aux fins d'examen.
Le 2 mars 2005, le sergent Krebs et le gendarme Huisman se sont rendus au bureau de Me Gilson, qui leur a remis une déclaration écrite par le gendarme Sheremetta.
Le sergent Gallant a achevé son rapport d'analyse sanguine le 11 mars 2005.
Le membre civil Hall a achevé le rapport sur l'arme à feu le 14 mars 2005.
Le sergent Krebs a rencontré le sergent Gallant le 26 avril 2005. Le sergent Gallant lui a donné son avis sur une chronologie qui, selon les notes du sergent Krebs, pourrait indiquer que M. St. Arnaud serait resté sans bouger pendant une période allant jusqu'à une minute avant d'être abattu. Le sergent Krebs a reconnu que cela ne concordait pas avec d'autres preuves relatives à la chronologie, mais il a accepté le rapport du sergent Gallant, même s'il n'était pas d'accord avec ses conclusions.
Le 27 avril 2005, le sergent Krebs a noté qu'il serait possible que, en fonction des contradictions entre les preuves matérielles, les avis d'experts préliminaires et la déclaration faite par le gendarme Sheremetta, notamment en qui concerne sa position lorsqu'il a fait feu sur M. St. Arnaud, une accusation d'entrave à la justice soit émise. Il a également noté que, si le gendarme Sheremetta acceptait de faire une autre déclaration, il faudrait que ce soit une déclaration après mise en garde.
Plus tard dans la journée, le sergent Krebs a rencontré le surintendant Killaly, qui, selon les notes du sergent Krebs :
[...] ne croit pas, en se basant sur ses connaissances limitées de l'enquête et de la présentation, que la mise en garde soit justifiée [...]. Il croit que les circonstances justifient le manque d'exactitude [dans la déclaration] de Sheremetta, ce qui signifie qu'il n'y a pas lieu de porter des accusations et qu'il n'est donc pas nécessaire de mettre Sheremetta en garde pour discuter avec lui de ces inexactitudes28.
Le 28 avril 2005, le sergent Krebs a noté avoir reçu un appel de l'inspecteur Van De Walle, au cours duquel ce dernier a entrepris de chercher un expert dans le domaine (un expert du recours à la force) dans les Divisions K et F29.
Le 17 mai 2005, le sergent Krebs a parlé avec le sergent d'état-major Peter Sheristan, de la Division K, qui avait été présenté comme un candidat pour rédiger le rapport. Il a indiqué qu'il attendait l'approbation de ses supérieurs avant de s'engager à entreprendre la rédaction du rapport. Le sergent Krebs a alors demandé l'approbation de l'inspecteur Van De Walle pour faire participer le sergent d'état-major Sheristan à l'enquête.
Le 20 mai 2005, le sergent Krebs a transmis des documents au sergent d'état-major Sheristan pour qu'il les examine. Toutefois, le 1er juin 2005, le sergent d'état-major Sheristan a informé le sergent Krebs qu'il ne pouvait continuer son analyse pour des raisons de santé. Le même jour, le sergent Krebs a trouvé un autre expert, après avoir de nouveau parlé au caporal Anctil. Il a contacté le surintendant Ken Gates, agent des opérations du détachement de la GRC de Surrey, qui a appuyé l'idée de faire appel au sergent Lee Chanin.
Le sergent Krebs a parlé avec le sergent Chanin le jour suivant, qui lui a répondu qu'il était en mesure de lui venir en aide mais qu'il devait d'abord parler au caporal Anctil. Le caporal Anctil s'est souvenu d'avoir discuté de cette affaire et que, même s'il s'agissait de l'un des premiers dossiers du sergent Chanin, « il se sentait suffisamment compétent pour accomplir cette tâche ».
Le 3 juin 2005, le sergent Krebs a déposé une requête à l'inspecteur Van De Walle, en envoyant une copie au surintendant principal Al MacIntyre, officier responsable des enquêtes criminelles de la Division E. Le sergent Krebs a demandé son appui pour faire appel aux services du sergent Chanin, ce que le surintendant principal MacIntyre lui a accordé sur-le-champ. Le même jour, le sergent Krebs a transmis les documents d'enquête au sergent Chanin afin qu'il les examine.
En juillet 2005, le sergent Chanin a terminé la rédaction de son opinion d'expert sur le recours à la force par le gendarme Sheremetta.
Témoins experts
Il est courant, dans les enquêtes policières portant sur des crimes graves comme les homicides, de recourir à un éventail de techniques judiciaires pour reconstruire, à partir des preuves matérielles disponibles, le cours des événements le plus probable ayant mené à l'incident critique visé par l'enquête. Les techniques traditionnelles vont de la prise d'empreintes digitales à l'analyse d'ADN. En bout de ligne, la pertinence et le poids des résultats obtenus à partir de ces techniques peuvent varier considérablement et, dans certains cas, ils sont fortement influencés par l'expérience de « l'expert » ayant donné son opinion. L'équipe d'enquête dans ce dossier a cherché à tirer profit de plusieurs de ces techniques, avec des résultats variés. Pour les raisons indiquées dans les annexes ci-jointes, j'ai rejeté les opinions du sergent James Gallant, expert en morphologie des taches de sang30, du sergent Lee Chanin, expert sur le recours à la force31, du Dr Rick Parent, expert en fusillades impliquant des policiers32 et du membre civil Earl Hall, expert en armes à feu, à l'exception de la partie où il indique que les douilles provenaient de l'arme à feu du gendarme Sheremetta33. J'ai accepté l'opinion de Mme Gail Thornton, spécialiste en biomécanique34 et celle du Dr James McNaughton, pathologiste35.
Gestion des cas graves
Pour évaluer la qualité de l'enquête de la GRC, il est essentiel de comprendre comment elle aurait dû être gérée. Puisque l'enquête sur le décès de M. St. Arnaud était une affaire d'homicide dans laquelle un policier était impliqué, il s'agissait d'un « cas grave », auquel s'appliquent les principes du Modèle de gestion des cas graves.
Le Modèle de gestion des cas graves est « une méthodologie de gestion des cas graves qui comprend la reddition des comptes, des buts et des objectifs clairs, une planification, une affectation de ressources et des mécanismes de contrôle en vue de faciliter l'orientation, le rythme et le déroulement de l'enquête ». Il est conçu pour veiller à ce que « chaque enquête soit effectuée avec compétence et cohérence ». Il est géré par l'Équipe de gestion des cas graves, qui fonctionne selon le « triangle de commandement »36, composé du chef d'équipe, de l'enquêteur principal et du coordonnateur des dossiers.
Le chef d'équipe détient « la plus haute autorité et responsabilité37 dans l'Équipe de gestion des cas graves, ses ressources (humaines et matérielles) et son mandat ». L'enquêteur principal contrôle « tout le processus d'enquête ». Le coordonnateur des dossiers « est responsable du contrôle, de la supervision, de l'organisation et de la divulgation de la documentation des dossiers ».
Selon la politique de la GRC38, l'enquête était soumise à un examen indépendant par l'inspecteur Marlin Degrand, officier responsable du détachement de la GRC de Terrace (transféré depuis à la Division K de la GRC, en Alberta). L'inspecteur Degrand n'avait aucune connexion avec le détachement de la GRC de Vanderhoof ou avec le gendarme Sheremetta et il n'était pas impliqué dans l'incident ou dans l'enquête.
Analyse
Question : Savoir si les membres de la GRC ont suffisamment enquêté sur la mort de M. St. Arnaud.
Suffisance de l'enquête
Pour effectuer une enquête adéquate sur un cas grave, comme une fusillade impliquant un policier et entraînant la mort d'une personne, il faut : sécuriser les lieux et conserver leur intégrité; interroger tous les témoins connus et trouver d'autres témoins à interroger qui pourraient avoir des éléments de preuve matérielle de l'incident; vérifier les antécédents de la personne décédée et du membre de la GRC en cause; obtenir et analyser la preuve médicolégale pertinente y compris les éléments de preuve photographique, les éléments de preuve matérielle qui ne constituent pas une preuve génétique, les éléments de preuve génétique et les éléments de preuve concernant l'arme à feu utilisée pendant la fusillade; examiner les environs pour y découvrir toute information additionnelle au sujet de l'incident qui pourrait être utile; avoir recours aux services des experts visés. Les éléments de l'enquête suivants ont tous leur importance dans l'évaluation de la suffisance de l'enquête dans son ensemble.
Sécurité des lieux
Dès le départ, il est essentiel que les premières personnes arrivées sur les lieux adhèrent de près aux principes fondamentaux régissant n'importe quelle enquête. Sécuriser les lieux de la fusillade aurait du être une priorité; dans toute enquête criminelle, la conservation de la preuve matérielle est une tâche cruciale. Or, après s'être assurée que M. St. Arnaud n'était plus une menace et que le gendarme Sheremetta n'était pas blessé, la gendarme Erickson a laissé le gendarme Sheremetta seul sur la scène à deux reprises, alors qu'elle se rendait à son véhicule pour trouver le manteau de son collègue, quittant la scène pendant plusieurs minutes à chaque fois. Puisque le gendarme Sheremetta était le sujet de l'enquête, il était inapproprié de le laisser seul sur la scène.
On ne dit pas pour autant que la gendarme Erickson aurait dû laisser le gendarme Sheremetta exposé au froid. Sa préoccupation était compréhensible. Il aurait toutefois été préférable qu'elle l'escorte jusqu'à son véhicule, où il aurait pu se réchauffer sans qu'elle ait besoin de quitter la scène des yeux. C'est justement ce qu'elle a fait par la suite, après que les ambulanciers sont arrivés sur les lieux, en attendant l'arrivée de ses superviseurs.
La gendarme Erickson est restée sur les lieux du crime pendant que le sergent d'état-major Kowalewich, le caporal MacLellan et le gendarme Sheremetta étaient au détachement. Aucune justification n'est donnée pour expliquer pourquoi, en sa qualité de témoin clé de la fusillade, elle est restée pour assurer la protection de la scène. Elle a noté que le sergent Grobmeier l'a brièvement remplacée à 2 h 1. Elle est retournée sur les lieux à 2 h 7. Ses notes n'étaient pas aussi détaillées que celles du gendarme Muraca, qui a fini par la remplacer39 dans cette fonction, mais elle a tout de même noté les personnes qui se sont rendues sur la scène.
Le gendarme Muraca a remplacé la gendarme Erickson à 3 h 16 pour assurer la protection de la scène. Ses notes indiquent toutes les allées et venues sur la scène ainsi qu'une description des véhicules et des piétons qui sont passés sur la rue tandis qu'il surveillait les lieux.
Dans cette affaire, il aurait fallu reconnaître que la gendarme Erickson était un témoin clé et une collègue du gendarme Sheremetta. À ce titre, il aurait fallu que sa participation à l'enquête soit maintenue à un minimum absolu. Je comprends que les ressources humaines disponibles dans les détachements de petite taille sont limitées, mais il reste que les témoins clés doivent être considérés pour ce qu'ils sont et, dans ce cas-ci, d'autres options étaient disponibles40. Quoi qu'il en soit, aucune preuve dans le dossier n'indique qu'une quelconque considération a été apportée au rôle de la gendarme Erickson dans cette enquête.
Conclusion : La gendarme Erickson n'a pas veillé à la protection du terrain de soccer immédiatement après la fusillade.
Conclusion : Le sergent d'état-major Kowalewich aurait dû éloigner la gendarme Erickson des lieux du crime le plus rapidement possible, car elle était un témoin oculaire clé de la fusillade.
Conclusion : Le sergent d'état-major Kowalewich aurait dû éloigner la gendarme Erickson des lieux du crime le plus rapidement possible pour éviter tout problème de partialité réel ou apparent, étant donné sa relation de travail avec le gendarme Sheremetta.
En ce qui concernant la protection de la scène au centre commercial, il n'y a aucune explication indiquant pourquoi le caporal Paul n'a pas occupé ce poste avant 7 h 20. Le sergent d'état-major Kowalewich a noté qu'il a fait appel au caporal Paul à cette fin, mais il a fallu plus de quatre heures avant que celui-ci ne s'acquitte de cette tâche. Dans ses notes, le caporal Paul ne donne aucun détail expliquant le délai avant que la protection du centre commercial soit entamée et il n'y a pas de registre des allées et venues comme celui du gendarme Muraca au terrain de soccer. Je comprends que les ressources humaines limitées dans les détachements de petite taille entraînent souvent l'obligation d'effectuer les tâches en établissant des priorités, ce qui a pu être le cas ici, mais rien n'indique par écrit pourquoi il y a eu un tel délai. En outre, d'autres membres étaient arrivés sur les lieux, et les tâches effectuées par le caporal Paul après sa petite enquête pour trouver des vidéos de surveillance étaient de nature administrative et effectuées au détachement.
Conclusion : Le sergent d'état-major Kowalewich n'a pas veillé à la protection du centre commercial dans les plus brefs délais.
Conservation des lieux
Après la fusillade, la gendarme Erickson s'est approchée pour évaluer si M. St. Arnaud représentait une menace, puis pour vérifier l'état du gendarme Sheremetta. Ces gestes étaient adéquats dans les circonstances.
Selon M. Hunsaker, un des ambulanciers, la gendarme Erickson leur a dit, à lui et à son collègue, M. Vanderploeg, qu'il s'agissait d'une scène de crime et qu'ils devaient se rendre jusqu'au gendarme Sheremetta et procéder selon ses instructions. M. Vanderploeg a déclaré : « La gendarme Erickson m'a indiqué qu'il s'agissait d'une scène de crime, que je devais suivre les pas de mon collègue et que le gendarme qui se trouvait sur les lieux nous donnerait d'autres instructions [...] ». Selon leur témoignage, le gendarme Sheremetta leur a dit de s'approcher de M. St. Arnaud par le côté est et d'essayer de ne pas compromettre la scène plus que nécessaire. Les ambulanciers se sont approchés à la file indienne et, lorsqu'ils sont repartis, ils ont marché dans leurs propres pas afin de laisser le moins de traces possible. Les deux ambulanciers et les deux membres de la GRC ont quitté les lieux, qui, selon les notes de la gendarme Erickson et du gendarme Muraca, sont restés tels quels jusqu'à l'arrivée du caporal Beach et du sergent Doll.
M. Hunsaker a témoigné avoir vu le gendarme Sheremetta marcher en rond à environ vingt pieds du corps de M. St. Arnaud. M. Vanderploeg a témoigné avoir remarqué de nombreuses traces de pas et de neige tassée autour du corps de M. St. Arnaud.
Les efforts des agents pour ériger une tente sur le terrain de soccer ont entraîné la contamination de la scène en raison des traces de pas qu'ils ont laissées. Une proportion considérable des empreintes situées entre l'endroit où il y avait une trace dans la neige41 et jusqu'à une certaine distance après l'endroit où gisait M. St. Arnaud a été détruite. Cet endroit était primordial pour permettre, par la suite, d'analyser les mouvements du gendarme Sheremetta et de M. St. Arnaud jusqu'au moment de la fusillade mortelle. Malheureusement, en raison de l'obscurité, les premières photographies étaient trop foncées pour bien représenter la scène et les empreintes laissées par les deux hommes dans les derniers instants de la vie de M. St. Arnaud.
Je conclus que la scène a été mal préservée en grande partie en raison des conditions météorologiques de plus en plus mauvaises et en raison de la mauvaise communication entre l'équipe d'enquête et le sergent Doll et le caporal Beach au sujet des différences dans les deux déclarations faites à propos de la position du gendarme Sheremetta au moment où il a fait feu sur M. St. Arnaud. Ils n'ont été informés de la version du gendarme Sheremetta qu'à 7 h, lors de la séance d'information, et je suis convaincu, à la lumière du fait qu'ils ne connaissaient pas cette version contradictoire, que leurs efforts ont été raisonnables et que les dommages à l'intégrité de la zone entourant le corps de M. St. Arnaud sont une conséquence malheureuse des mauvaises conditions météorologiques.
Durant l'enquête, on a demandé au sergent Krebs si quelqu'un avait avisé les membres de la Section de l'identité judiciaire des divergences quant à la position du gendarme Sheremetta au moment où il a fait feu, à savoir s'il était couché ou debout. Le sergent a répondu :
Les membres de la Section de l'identité judiciaire ont obtenu un résumé des événements suffisant pour leur permettre d'examiner la scène sans contaminer ni influencer leur point de vue avant leur arrivée. De cette façon, ils peuvent approcher une scène et enregistrer correctement les preuves qui se présentent à eux, plutôt que de recueillir des preuves dans le but de confirmer une version, que ce soit consciemment ou non.
Le problème avec cette explication est que le sergent Doll et le caporal Beach ont été dépêchés sur les lieux après n'avoir été informés que de l'une des deux versions, ce qui signifie qu'ils n'étaient pas exempts de toutes influences lorsqu'ils ont recueilli les preuves. Le fait de leur avoir parlé d'une seule des deux versions sur la fusillade a entraîné exactement le contraire de ce que le sergent Krebs essayait d'éviter en ne leur parlant pas de la version de la gendarme Erickson. On ne pourrait dire que l'enquête judiciaire aurait apporté davantage de preuves si les enquêteurs avaient été mieux renseignés, mais il semble raisonnable de croire que la préservation de la scène se serait déroulée différemment si le sergent Doll et le caporal Beach avaient été mis au courant de la deuxième version de la fusillade, et que l'importance potentielle de cette partie des lieux aurait été vue différemment.
Conclusion : Le sergent Krebs n'a fourni aux membres de la Section de l'identité judiciaire que l'une des deux versions possibles de la fusillade, ce qui est peut-être à l'origine du défaut de reconnaître l'importance de cette partie des lieux, contaminée par les traces de pas des autres membres.
Examen judiciaire de la scène de la fusillade
À l'endroit où a eu lieu la fusillade, le sergent Doll et le caporal Beach ont été en mesure de recueillir différentes preuves et d'identifier les trajets pris par le gendarme Sheremetta et M. St. Arnaud, sauf à l'endroit où la scène a été contaminée durant la tentative d'ériger une tente. Ils ont catalogué les preuves recueillies, qui ont par la suite servi à la préparation des rapports des experts en biomécanique et en armes à feu. Toutefois, comme on l'a noté dans le rapport du Service de police de Toronto42, aucun échantillon n'a été pris du sang qui se trouvait à côté du corps de M. St. Arnaud pour que des rapports toxicologiques permettent de confirmer qu'il s'agissait de celui de M. St. Arnaud, comme il aurait fallu le faire dans le cadre de pratiques exemplaires.
Le sergent Doll et le caporal MacLellan ont inspecté les chemins pris par le gendarme Sheremetta et M. St. Arnaud jusqu'au terrain de curling, où ils ont trouvé un autre flacon contenant des médicaments. Ils sont ensuite retournés jusqu'au centre commercial, où ils ont d'abord examiné le toit avant d'aller à l'intérieur. Ils ont à nouveau recueilli des pièces à conviction liées à l'introduction par effraction et à M. St. Arnaud lorsqu'il s'est sauvé du centre commercial, dont des échantillons de sang à plusieurs endroits.
Quelques jours plus tard, ils ont obtenu un avion leur permettant d'examiner la scène de haut, notamment le centre commercial et le terrain de soccer.
Les preuves recueillies ont été utilisées par les experts en biomécanique et en armes à feu dans la préparation de leurs rapports.
Conclusion : La Section de l'identité judiciaire n'a pas prélevé d'échantillons de sang dans la neige à proximité de M. St. Arnaud.
Impartialité de l'enquête
Selon la politique de la Division E de la GRC, tous les cas de décès alors que la victime était sous la garde de la GRC doivent faire l'objet d'une enquête par le Groupe des crimes graves. Dans le cas présent, c'est le Groupe des crimes graves du district Nord, de Prince George, aidé des membres du Groupe des crimes graves de la Division E, à Vancouver, qui ont enquêté sur le décès de M. St. Arnaud. Aucun des membres du Groupe des crimes graves n'avait de liens significatifs avec le gendarme Sheremetta et le détachement de la GRC de Vanderhoof. Il convient toutefois d'évaluer aussi la participation du caporal MacLellan dans cette enquête.
Le 21 mars 2007, la Commission et la Division E de la GRC ont lancé le projet pilote d'observateur indépendant (PPOI)43. Celui-ci est conçu pour permettre à un observateur de la Commission de participer dès le départ aux enquêtes sur des cas graves ou de nature très délicate, comme les fusillades impliquant un policier, afin de formuler des observations sur l'impartialité de l'enquête. Les critères du PPOI sont utiles pour évaluer le degré d'impartialité de cette enquête. En ce qui concerne le caporal MacLellan, un élément de l'évaluation sur l'impartialité retient notre attention : « déterminer s'il y a des conflits d'intérêts ou des apparences de conflits d'intérêts en ce qui concerne les membres de l'équipe d'enquête et ceux qui font l'objet de l'enquête ».
À la lumière de ce critère, et puisque le caporal MacLellan n'était pas un membre du Groupe des crimes graves mais plutôt un superviseur du gendarme Sheremetta, on s'attendrait normalement à ce que sa participation à l'enquête soit maintenue au minimum.
Participation du caporal MacLellan à l'enquête
Le caporal MacLellan a parlé au sergent Krebs, qui lui a donné la tâche d'enregistrer la déclaration par obligation de rendre compte 44 du gendarme Sheremetta.
Le sergent Krebs a noté dans son carnet qu'à 1 h 58, il a parlé au superviseur local, le caporal MacLellan, qui l'a mis au courant des faits. Il a également consigné avoir demandé au caporal MacLellan de recueillir une déclaration. Dans le cadre de la présente enquête amorcée par le président, on lui a demandé de clarifier cette note et il a répondu ce qui suit :
[...] d'après ce dont je me souviens, je lui ai demandé de parler à son membre pour que celui-ci fasse une « déclaration par obligation de rendre compte » en tenant compte [du Code criminel] et de la Loi sur la GRC, parce que tout ce que le membre pouvait dire pourrait compromettre les contacts subséquents par des membres du Groupe des crimes graves durant l'enquête. Je me souviens de cette directive parce qu'elle allait de pair avec la directive de saisir son ceinturon de service. Ce sont des mesures qui devraient être prises dès que possible dans des enquêtes comme celle-ci.
Dans son témoignage au moment de l'enquête du coroner, le caporal MacLellan a déclaré avoir amené le gendarme Sheremetta au détachement avec l'intention d'apprendre exactement ce qui s'était produit et ce dont le gendarme Sheremetta se souvenait. Il a expliqué pourquoi on n'a pas fait appel à quelqu'un provenant d'un autre détachement pour interroger le gendarme Sheremetta :
J'étais disponible. Il n'y avait aucun membre d'un autre détachement à ce moment-là. Je crois... je suppose que mon but en l'interrogeant était de m'assurer d'obtenir une version intacte du déroulement des événements avant que ses souvenirs puissent être brouillés par d'autres... d'autres conversations qu'il aurait pu avoir avec d'autres personnes.
Il a également déclaré avoir parlé par téléphone au sergent Krebs et lui avoir mentionné son intention d'interroger le gendarme Sheremetta. Le sergent d'état-major Kowalewich a noté que la raison pour laquelle il a demandé au caporal MacLellan de ramener le gendarme Sheremetta au détachement était pour qu'il enregistre une déclaration. Je ne suis pas convaincu que l'un ou l'autre de ces membres se soit demandé si un membre d'un autre détachement était disponible. Aucune tentative pour trouver un autre membre n'a été consignée. Or, selon la gendarme Erickson, le sergent Grobmeier était arrivé sur les lieux avant le début de la déclaration par obligation de rendre compte.
Dans la nuit de la fusillade, vers 2 h 11, le caporal MacLellan a commencé à recueillir la déclaration par obligation de rendre compte du gendarme Sheremetta. La partie enregistrée de la déclaration n'indique pas dans quelles circonstances elle a été prise; toutefois, selon l'enregistrement, il est clair que des discussions ont eu lieu avant l'interrogatoire enregistré sur bande vidéo. Dans sa deuxième déclaration, obtenue par la GRC le 2 mars 2005, le gendarme Sheremetta a abordé cette question :
J'ai parlé avec le caporal et il m'a dit que je devais faire le récit des événements de la nuit et que je serais filmé. Il m'a dit très clairement que cette procédure était réservée à l'usage interne de la GRC et que je devais faire un récit de mes gestes. Il n'y a pas eu de mise en garde dans le cadre de cette déclaration et on m'a dit qu'elle était réservée à un usage interne.
La déclaration par obligation de rendre compte est une déclaration obligatoire. Il s'agit d'une distinction importante par rapport à une déclaration officielle prise dans le cadre d'une enquête criminelle45, parce qu'en général, les déclarations obligatoires ne sont pas admissibles devant la cour46. Il aurait été préférable de déterminer cela clairement au début de l'entrevue47. Toutefois, en me fondant sur les preuves, je suis convaincu que la première déclaration du gendarme Sheremetta était effectivement une déclaration par obligation de rendre compte, pour laquelle il avait l'obligation de rendre compte de ce qui s'était produit.
J'accepte l'explication du sergent Krebs selon laquelle il était préférable d'obtenir cette déclaration dès que possible. Il n'y a toutefois aucune indication claire que l'un ou l'autre des participants a tenu compte de la partialité apparente découlant du fait que l'un des superviseurs du gendarme Sheremetta, avec qui il entretient une relation professionnelle, a pris sa déclaration.
J'ai également noté que l'interrogatoire du caporal MacLellan auprès de la gendarme Erickson, une témoin clé de la fusillade et son subalterne, n'a pas commencé avant 4 h 25, soit une vingtaine de minutes avant l'arrivée du sergent Krebs et à un moment où de nombreux membres n'appartenant pas au détachement étaient présents.
Le caporal MacLellan a posé des questions suggestives48 au cours des interrogatoires du gendarme Sheremetta et de la gendarme Erickson. Quoiqu'il soit inapproprié d'agir ainsi, je conclus que l'intention était de diriger les réponses vers les questions que le caporal MacLellan cherchait à clarifier et qu'il n'y avait pas de mauvaises intentions. De plus, je suis convaincu que la nature des questions n'a pas nui à la fiabilité des déclarations.
En outre, il y a lieu de soulever certaines questions sur le niveau de préparation du caporal MacLellan pour l'interrogatoire du gendarme Sheremetta. Les déclarations du gendarme Sheremetta et de la gendarme Erickson divergeaient sur un point important, c'est-à-dire la position du gendarme Sheremetta lorsqu'il a tiré sur M. St. Arnaud. Il s'agit d'une divergence importante parce qu'elle remet clairement en cause la vulnérabilité du gendarme Sheremetta sur le plan tactique, un élément sur lequel il a mis l'accent dans sa déclaration. Non seulement cela compromettrait la possibilité du gendarme Sheremetta de se repositionner, mais il aurait également été exposé à une menace beaucoup plus importante parce que sa capacité à se défendre aurait été considérablement réduite. Cette divergence était aussi importante parce qu'elle aurait pu remettre en question l'exactitude ou la crédibilité des déclarations du gendarme Sheremetta ou de la gendarme Erickson.
Dans les circonstances, il aurait été préférable d'interroger la gendarme Erickson avant d'interroger le gendarme Sheremetta. Le fait de connaître cette information contradictoire avant d'obtenir la déclaration du gendarme Sheremetta aurait permis au caporal MacLellan de poser des questions dans le but de clarifier les divergences entre les deux versions lors de l'interrogatoire du gendarme Sheremetta.
Ces questions auraient toujours pu être posées à la suite de l'entrevue avec la gendarme Erickson, mais le caporal MacLellan n'a fait aucune tentative pour clarifier cette contradiction. En fait, au cours de la présente enquête sur la plainte déposée par le président, le caporal MacLellan a déclaré qu'il n'avait pas considéré cette divergence comme importante en raison du manque de clarté et des différents angles de vue des deux membres.
Conclusion : Le sergent Krebs aurait dû établir la disponibilité de membres qualifiés et expérimentés n'appartenant pas au détachement pour prendre les déclarations des gendarmes Sheremetta et Erickson.
Conclusion : Le caporal MacLellan ne s'est pas bien préparé pour mener l'entrevue auprès du gendarme Sheremetta, puisqu'il n'a pas commencé par l'entrevue auprès de la gendarme Erickson.
Conclusion : Le caporal MacLellan n'a pas précisé l'objectif de son entrevue auprès du gendarme Sheremetta; il n'a notamment pas précisé qu'il s'agissait d'une déclaration par obligation de rendre compte.
Conclusion : Le caporal MacLellan a posé des questions suggestives pendant les entrevues réalisées auprès des gendarmes Sheremetta et Erickson qui, bien qu'elles aient été inappropriées, n'ont pas nui à la fiabilité des déclarations.
Conclusion : Le caporal MacLellan n'a pas présumé l'importance de la preuve contradictoire concernant la position du gendarme Sheremetta lorsqu'il a tiré.
Conclusion : Le caporal MacLellan n'a pas réinterrogé le gendarme Sheremetta lorsqu'il a découvert la divergence entre sa version de la fusillade et celle de la gendarme Erickson.
En dépit du fait qu'il était le superviseur du gendarme Sheremetta et qu'il n'était pas un membre du Groupe des crimes graves, ce qui pouvait avoir une influence sur l'apparence d'impartialité de l'enquête, le caporal MacLellan a continué à participer aux premières étapes de l'enquête. Selon ses notes, il était présent lors de la première séance d'information du Groupe des crimes graves49 et lors que la séance d'information suivante, réalisée par la Section de l'identité judiciaire. Durant les jours suivants, il a parlé à plusieurs témoins potentiels, recueilli des pièces à conviction et visionné une vidéo de sécurité.
Le caporal MacLellan a même parlé au gendarme Sheremetta pour clarifier la façon dont M. St. Arnaud est sorti du centre commercial. C'est peut-être de cette façon que le gendarme a été mis au courant du fait que l'on croyait que M. St. Arnaud était sorti du centre commercial par une porte arrière, et non pas en sautant du toit, comme il l'avait déclaré en premier lieu50.
On a demandé au sergent Krebs d'expliquer pourquoi on a demandé au caporal MacLellan de contribuer à l'enquête alors qu'il était le superviseur du gendarme Sheremetta et qu'il l'aidait également pour des questions administratives. Il a répondu que les membres du Groupe des crimes graves n'avaient pas une bonne relation avec la famille de M. St. Arnaud et que, pour obtenir le répondeur de Mme Gingera, on a fait appel au caporal MacLellan, un membre local. Il n'a pas mentionné avoir fait appel au caporal MacLellan pour d'autres raisons.
Le peu de références au caporal MacLellan dans les notes des membres du Groupe des crimes graves et le fait que le caporal MacLellan a dupliqué une partie de l'enquête, notamment en allant examiner les enregistrements de surveillance du restaurant Tim Horton's une journée après que le sergent Krebs est allé au même endroit pour en obtenir une copie, m'amène à conclure que le caporal MacLellan participait de sa propre initiative. Selon les enregistrements, les membres du Groupe des crimes graves retournaient à Prince George à la fin de chaque journée. Pendant qu'ils n'étaient pas à Vanderhoof, le détachement a reçu des appels du public en rapport avec l'enquête sur le décès de M. St. Arnaud. Il semble que le caporal MacLellan a décidé de lui-même de contribuer à l'enquête, ce qui est loin d'être une pratique exemplaire et montre qu'il est nécessaire d'offrir une direction plus claire aux membres de la GRC qui ne font pas partie du Groupe des crimes graves menant l'enquête, transmise tant dans la politique que par l'équipe d'enquête.
Le caporal MacLellan ne faisait pas partie de l'équipe chargée d'enquêter sur les circonstances du décès de M. St. Arnaud. En outre, la relation professionnelle entre le caporal MacLellan et le gendarme Sheremetta constituait une autre raison de minimiser sa participation à l'enquête. Sa conduite avait le potentiel de causer une partialité réelle ou apparente.
Le sergent Krebs était clairement le chef du Groupe des crimes graves lorsque l'enquête a commencé et il aurait dû veiller à ce que le personnel du détachement soit mis au courant des limites quant aux rôles qu'ils pouvaient jouer dans cette enquête. Il n'y a aucune preuve indiquant qu'il aurait limité le rôle des employés ne faisant pas partie du Groupe des crimes graves, ce qui aurait été particulièrement important étant donné que le Groupe n'était pas présent à Vanderhoof pendant de longues périodes.
Conclusion : La participation du caporal MacLellan à l'enquête sur le décès de M. St. Arnaud était inappropriée.
Conclusion : Le sergent Krebs n'a pas assuré un contrôle efficace du rôle du caporal MacLellan dans l'enquête, après l'avoir utilisé pour prendre la déclaration par obligation de rendre compte du gendarme Sheremetta.
Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, les gestes de la gendarme Erickson et du caporal MacLellan ont eu une incidence négative sur l'impression d'impartialité de l'enquête. Ce n'est pas la première fois que ce problème est soulevé dans le cadre d'une enquête sur un homicide par un policier.
En réaction à une recommandation faite par la Commission à la suite du décès de M. Ian Bush, la GRC a entrepris d'élaborer une politique fournissant des directives aux membres de la GRC présents sur les lieux de cas graves où il convient d'enquêter sur la conduite d'un policier, notamment sur la nécessité d'assurer une impartialité réelle et apparente. Cette initiative a été entreprise après la mort de M. St. Arnaud, mais la façon dont la scène de crime a été traitée dans les premiers temps démontre l'importance de fournir des indications aux premiers agents arrivés sur les lieux d'une affaire grave débouchant sur une enquête sur d'autres policiers. Néanmoins, presqu'un an s'est écoulé depuis que le commissaire a pris cet engagement et l'élaboration de cette politique devrait être perçue comme une priorité.
Recommandation : La GRC doit adopter sans tarder une politique qui fournisse des directives aux membres de la GRC présents sur les lieux de cas graves où il convient d'enquêter sur la conduite d'un policier (c.-à-d. dans les situations où la police enquête sur la police), notamment sur la nécessité d'assurer une impartialité réelle et apparente.
Recours à des experts
Analyse de la morphologie des taches de sang
Les problèmes relevés à l'égard de l'analyse de la morphologie des taches de sang par un expert, confirmés par un examen indépendant effectué par le Service de police de Toronto, sont examinés à l'annexe K. Les preuves avancées dans le rapport d'expert étaient contraires aux déclarations des deux témoins de la GRC ainsi qu'à la chronologie apparente des événements. Le fait que le sergent Krebs et le Groupe des crimes graves ne se sont pas occupés de la divergence concernant la chronologie des événements constitue une omission grave. Selon le sergent Gallant, l'information de base fournie se limitait à un résumé indiquant qu'un homme avait été blessé par balle au cours d'une enquête sur une introduction par effraction. En outre, des photographies de la scène ont été mises à leur disposition.
Dans le cadre de cet examen, on a demandé au sergent Krebs si le sergent Gallant avait été mis au courant du problème concernant la chronologie. Il a répondu que, le 26 avril 2005, il a discuté longuement avec le sergent Gallant des conclusions de ce dernier relativement à la chronologie des événements. Il a indiqué avoir accepté l'opinion du sergent Gallant sans pour autant l'approuver, mais l'avoir tout de même divulguée à l'avocat de la Couronne.
À la suite de l'examen du travail du sergent Gallant par la Section de l'identité judiciaire de la région du Nord-Ouest, le sergent d'état-major Forsythe a mentionné divers facteurs limitant la capacité d'effectuer une analyse judiciaire, notamment le manque de renseignements fournis par la police au sergent Gallant. Ce dernier point porte sur les limites imposées aux experts lorsqu'on ne leur communique pas suffisamment de données. Le sergent Krebs détenait cette responsabilité. Il convient de souligner que, lorsque la GRC a demandé un rapport de biomécanique, elle a fourni beaucoup plus d'informations de base, incluant les déclarations du gendarme Sheremetta et de la gendarme Erickson.
Conclusion : Le sergent Krebs n'a pas fourni assez de documents de référence au sergent Gallant pour permettre une analyse approfondie de la morphologie des taches de sang.
L'examen du travail du sergent Gallant, effectué par la Section de l'identité judiciaire de la région du Nord-Ouest51, a entraîné des remarques intéressantes sur l'analyse de la morphologie des taches de sang. Le sergent d'état-major Jon Forsythe, sous-officier responsable de la Section de l'identité judiciaire de la région du Nord-Ouest, et le sergent d'état-major Alain Richard, sous-officier responsable de la Section de l'identité judiciaire du district de l'Île, ont examiné les rapports du sergent Gallant et du sergent Geoff Ellis, à qui on a demandé, à la suite de l'enquête du coroner, de fournir un deuxième avis sur les preuves relatives aux taches de sang. Ils ont conclu que le sergent Gallant avait omis de tenir compte des facteurs limitatifs, qu'il était allé plus loin que ce qui pouvait être appuyé sur le plan scientifique et que « [...] ses opinions et ses conclusions ne sont pas conformes aux normes habituelles de la GRC en matière de rapports [...] ».
Conclusion : Le sergent Gallant a fait des hypothèses erronées et il est arrivé à des conclusions qui ne sont pas fondées sur la preuve.
Conclusion : Le sergent Gallant a eu une vision étroite des choses, car il s'est montré réticent à modifier ses conclusions lorsqu'il a reçu des renseignements additionnels qui remettaient en question ses conclusions.
Puisque le sergent Gallant ne travaille plus pour la Section de l'identité judiciaire, je ne vois pas de raison pour formuler des recommandations à son égard.
Rapport de l'expert sur le recours à la force
Le processus pour trouver un expert sur le recours à la force a requis l'envoi d'un appel à tous les membres de la GRC faisant partie de la liste des experts. Ces membres ne travaillent pas à titre d'experts à temps plein; ils sont plutôt affectés à d'autres fonctions policières et réalisent des expertises lorsqu'ils en ont le temps. Cela signifie que différents membres ont entamé des discussions sur la possibilité de prendre le dossier pour finalement indiquer qu'ils n'avaient pas suffisamment de temps pour s'en occuper. Le premier expert assigné à la tâche n'a pas été en mesure de mener celle-ci à bonne fin pour des raisons médicales et c'est le sergent Lee Chanin qui a finalement été choisi pour la réaliser.
Le gendarme Gillis était le premier membre à qui l'on a parlé pour formuler une opinion. Malgré le fait qu'il a indiqué pouvoir le faire à partir du 18 janvier 2005, on n'a pas fait appel à lui pour préparer le rapport. En réponse aux questions posées par la Commission durant la présente enquête, le gendarme Gillis a indiqué qu'il avait d'abord accepté de travailler sur le dossier, mais qu'il avait dû se retirer en raison d'une augmentation du volume de ses tâches régulières. Il a ajouté qu'il n'a examiné aucun document portant sur l'enquête et qu'il n'a donné aucune opinion, formelle ou informelle. Il a déclaré que personne n'a cherché à le remplacer à titre d'expert sur le sujet et qu'il n'a jamais eu affaire au sergent Chanin, celui qui a finalement rédigé le rapport.
Le caporal Anctil, qui a été décrit comme le chef non officiel des experts sur le recours à la force de la Division E, a été interrogé sur sa participation au processus de sélection d'un expert sur le recours à la force. Il a indiqué qu'on lui avait demandé s'il pouvait participer, mais qu'il n'en avait pas le temps et avait donc refusé. Il n'a pu trouver de notes pour l'aider à préciser à quel moment cette requête lui a été présentée ni ce qu'il a fait pour aider à trouver un expert. Il a expliqué qu'il a transmis un courriel à un groupe composé d'environ huit membres réguliers qui réalisaient aussi des expertises lorsqu'ils en avaient le temps. Le sergent Chanin a répondu à la demande en indiquant qu'il pourrait s'occuper de cette affaire mais qu'il voulait d'abord parler au caporal Anctil.
Aucun des deux membres n'a pu fournir de notes sur leur conversation, mais le caporal Anctil s'est souvenu qu'il a transmis des renseignements au sergent Chanin, qui avait le sentiment d'être en mesure de préparer le rapport d'expert requis.
Malgré le fait que la requête présentée par la suite à l'inspecteur Van De Walle et au surintendant principal MacIntyre ne constituait pas une pratique normale, elle a apparemment été faite dans le but d'avertir les gestionnaires des risques potentiels liés à la participation du sergent Chanin. Voici un extrait de la requête du sergent Krebs :
Ce matin (le 3), Chanin a téléphoné pour indiquer qu'il était prêt à participer à cette enquête et qu'il avait discuté avec le caporal Tim Anctil, qui pourra l'aider au besoin. Chanin voulait préciser que, même s'il possède la formation et l'expérience requises pour être qualifié d'expert sur le recours à la force, il n'en possède pas la qualification. Chanin a été qualifié devant les tribunaux à titre d'expert dans d'autres domaines. En outre, Chanin n'a rédigé qu'un seul rapport d'expert ayant servi en cour, mais il n'a pas eu à fournir de preuves sur ce rapport.
[...]
Chanin partage les mêmes préoccupations que moi en ce qui concerne le fait que, après deux semaines, la direction aperçoit son nom ou découvre la note mentionnée ci-dessus et soulève des préoccupations ou nous demande de recommencer tout le processus à partir du début avec quelqu'un de mieux qualifié ou reconnu.
Le processus de nomination soulève deux problèmes différents. D'abord, l'approche par essai et erreur pour la nomination d'experts sur le recours à la force peut donner l'impression que les enquêteurs « magasinaient » leur expert, c'est-à-dire qu'ils cherchaient un expert qui serait le plus susceptible de donner une opinion favorable. Ce problème pourrait être réglé en veillant à ce que le bassin d'experts soit suffisamment large pour répondre aux besoins des enquêtes majeures et en établissant un processus de sélection dans lequel on n'approchera pas des candidats potentiels qui refuseront par la suite de travailler sur le dossier pour différentes raisons, comme ce fut le cas ici. Il convient également de souligner le fait qu'il s'est écoulé cinq mois entre le moment où l'on a mentionné le besoin de faire appel à un expert sur le recours à la force et le moment où l'on en a enfin embauché un.
Selon le rapport final du commissaire, la GRC s'efforçait d'augmenter le nombre « d'experts permanents sur le recours à la force » et travaillait à l'établissement d'un programme permettant de former ces experts et de simplifier le processus actuel. La reconnaissance du besoin d'améliorer ce système constitue une première étape positive. Le programme n'est toutefois pas suffisamment détaillé pour me permettre de déterminer s'il aura les répercussions souhaitées.
Ensuite, la nécessité de demander l'autorisation d'un plus grand nombre d'officiers supérieurs pour demander au sergent Chanin d'agir à titre d'expert sur le recours à la force montre également que le système actuel est inadéquat. Puisque ce dossier portait sur un homicide commis par un policier dans lequel il y avait divergence entre les témoignages des témoins oculaires, il fallait faire appel à un expert expérimenté et possédant des qualifications de haut niveau. Il était reconnu que le sergent Chanin manquait d'expérience dans la préparation de ce type de rapports et que ce dossier ne pouvait convenir à quelqu'un ayant une expérience aussi limitée.
Si, comme l'indiquent les documents pertinents, il n'y avait aucun autre expert disponible pour s'occuper de cette affaire, cela indique que le nombre d'experts est trop faible et cette excuse ne peut justifier le recours à un membre ayant trop peu d'expérience dans une affaire aussi grave que celle-ci.
Conclusion : Le processus de sélection des experts sur le recours à la force ouvre la voie à un problème de partialité réel ou apparent.
Conclusion : Il y a eu un retard excessif dans la nomination d'un expert sur le recours à la force en raison du manque de ressources.
Conclusion : La GRC n'a pas nommé un expert sur le recours à la force ayant suffisamment d'expérience pour gérer un cas grave d'homicide impliquant un policier.
Recommandation : La GRC devrait former un assez grand bassin d'experts sur le recours à la force travaillant à temps plein afin que des experts qualifiés et expérimentés puissent être disponibles rapidement pour s'occuper de cas graves.
Recommandation : La GRC devrait simplifier son processus de nomination des experts sur le recours à la force et en assurer la transparence en établissant un protocole pour les nominations.
Délais de l'enquête
Un examen de l'enquête a permis de révéler que la majeure partie de l'enquête sur le terrain, y compris les entrevues et la collecte de pièces à convictions, a été réalisée au cours des 72 premières heures qui ont suivi la fusillade52. La plupart des éléments de preuve matérielle ont également été transmis aux fins d'analyse (toxicologique, etc.) dans les 72 heures53.
Les opinions d'experts ont été demandées rapidement. Il y a toutefois eu un délai important, de plus de cinq mois, avant d'obtenir les services d'un expert sur le recours à la force. Ce dernier type d'expertise était un élément important de l'enquête et il aurait dû être réalisé plus rapidement. La GRC a expliqué ce retard par une insuffisance de ressources, qui a depuis lors été corrigée.
Après avoir effectué un examen indépendant de l'enquête, l'inspecteur Degrand a conclu qu'elle avait été réalisée avec professionnalisme.
Le 12 septembre 2005, la GRC a présenté un Rapport à l'avocat de la Couronne pour déterminer s'il convenait de déposer des accusations contre le gendarme Sheremetta.
Conclusion : L'enquête a été menée rapidement, à l'exception du retard dans la nomination d'un expert sur le recours à la force.
Gestion des cas graves
La structure et les responsabilités principales des membres de l'équipe du triangle sont décrites dans les pages précédentes ainsi que dans l'annexe O. L'inspecteur Hopkins était le chef d'équipe intérimaire avant que le sergent d'état-major Flath assume ce rôle. Le sergent Krebs était l'enquêteur principal tandis que le gendarme Huisman était le coordonnateur des dossiers. L'inspecteur Van De Walle, l'un des gestionnaires de programmes pour l'ensemble des Groupes des crimes graves en Colombie-Britannique, a été chargé de superviser l'enquête. De plus, le surintendant Killaly occupait un poste de niveau supérieur à celui de l'inspecteur Van De Walle et, même s'il est intervenu moins directement que ce dernier, il a néanmoins exercé une certaine influence sur le sergent Krebs. Le surintendant Killaly et l'inspecteur Van De Walle ont assumé des rôles qui n'étaient pas définis dans la politique sur la gestion des cas graves.
Aucun des membres ayant participé à l'enquête n'était accrédité, contrairement à ce que prévoit la politique de la GRC. La GRC a expliqué que, au moment de l'enquête, les procédés de certification à la Division E avaient été établis depuis moins d'un an et le processus de formation était en cours. Ainsi, la division ne disposait pas encore d'un répertoire complet de personnes accréditées pour mener de telles enquêtes. Cette lacune a été corrigée et le nombre de policiers accrédités dans la Division E est maintenant plus élevé que le nombre de postes d'enquêteurs, ce qui devrait garantir une disponibilité suffisante à l'avenir.
L'inspecteur Hopkins a été le chef d'équipe intérimaire et il a participé aux réunions dès le début de l'enquête. Il a continué à y participer pendant des mois, bien après que son remplaçant, le sergent d'état-major Flath, a commencé à participer à l'enquête.
Le sergent d'état-major Flath est revenu après un congé et il a commencé à assister aux séances d'information le 6 janvier 2005. Il a constaté que, auparavant, l'inspecteur Van De Walle traitait directement avec le sergent Krebs, qui, d'après lui, avait été le chef d'équipe intérimaire pendant son absence. Cette opinion va à l'encontre de celle exprimée par d'autres personnes, qui ont rapporté que le chef d'équipe intérimaire avait plutôt été l'inspecteur Hopkins. Toutefois, ce n'est que le 16 février 2005 que le sergent d'état-major Flath a informé l'inspecteur Van De Walle et l'inspecteur Hopkins qu'il devenait le chef d'équipe. Les notes du sergent d'état-major Flath révèlent qu'il était régulièrement informé des derniers développements de l'enquête, mais elles ne montrent pas qu'il contrôlait « globalement l'orientation, le rythme et le déroulement de l'enquête » ni qu'il assumait « la responsabilité générale du cas... »54.
L'inspecteur Van De Walle a participé activement à l'enquête. Il a régulièrement été informé des développements de l'enquête, a gardé contact avec Mme Young et Mme Gingera et a fait des démarches pour obtenir l'aide d'un expert sur le recours à la force.
Le surintendant Killaly a aussi été régulièrement informé des développements du dossier et a autorisé, en fin de compte, la rédaction du rapport de biomécanique. Comme il a été mentionné précédemment, il a aussi pris part à des discussions sur le type de déclaration qui devait être recueilli auprès du gendarme Sheremetta. Plus tard, il a expliqué que le sergent Krebs ne cherchait pas à obtenir son consentement sur la manière de mener l'enquête, mais qu'il voulait seulement avoir son point de vue sur cette question précise. Toutefois, je constate que, à la suite de leurs discussions, le sergent Krebs a décidé d'empêcher que l'on obtienne une déclaration; il a plutôt décidé de réexaminer la question avec l'avocat qui était initialement d'accord avec son intention d'obtenir une déclaration après mise en garde auprès du gendarme Sheremetta. Au bout du compte, le gendarme Sheremetta a refusé de faire une autre déclaration.
La méthode de gestion des cas graves n'a pas été bien appliquée dans la présente enquête. Le chef d'équipe n'a pas fait preuve du leadership auquel on était en droit de s'attendre. Conséquemment, le sergent Krebs était, en grande partie, laissé à lui-même pour gérer des aspects de l'enquête qui auraient dû être pris en charge par le chef d'équipe; en réalité, il assumait deux rôles. Or, l'un des avantages d'utiliser le triangle de commandement consiste à avoir plusieurs intervenants dont les rôles sont clairement définis et qui peuvent vérifier le travail des autres membres de l'équipe.
Il semble que l'inspecteur Van De Walle a aussi comblé le vide créé par le manque de leadership du chef d'équipe. Toutefois, son degré de participation à l'enquête semble avoir dépassé le rôle qui lui avait été confié initialement. Bien qu'il ait peut-être agi ainsi pour remédier aux lacunes du triangle de commandement, il reste néanmoins que le fait de redistribuer, de façon non officielle, les rôles décrits dans les politiques opérationnelles de la GRC n'aide pas le public à se former une opinion favorable de l'enquête.
Dans cette enquête, les membres supérieurs n'ont pas consigné les renseignements comme il se doit. L'inspecteur Hopkins et le surintendant Killaly n'ont pris aucune note, malgré qu'une politique indique clairement qu'« [i]l faut préserver les processus décisionnels de la [gestion des cas graves]. Les gestionnaires, les superviseurs, et les enquêteurs doivent prendre des notes exhaustives afin de documenter leur participation, leur analyse raisonnée, leur temps, leur direction et leurs décisions55. »
Il va de soi que les lacunes cernées dans la présente enquête s'expliquent en partie par le fait que le modèle de gestion des cas graves n'a pas été respecté.
Il faut souligner que, au moment de l'enquête, le modèle de gestion des cas graves était très récent et il est clair que l'infrastructure dans la division n'était pas suffisamment développée pour favoriser son utilisation. Je compare la présente enquête avec celle sur la mort de M. Ian Bush, décédé le 29 octobre 2005. Cette enquête a également été menée par le Groupe des crimes graves du district Nord. J'ai constaté qu'elle a été réalisée de façon très professionnelle et qu'elle illustrait bien les pratiques exemplaires à adopter lors d'enquêtes sur des crimes graves. Compte tenu des améliorations apportées dans cette autre enquête, qui a été menée après la mise en œuvre plus complète du modèle de gestion des cas graves, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de formuler des recommandations sur cette question.
Conclusions : Le modèle de gestion des cas graves n'a pas été appliqué de manière appropriée dans cette enquête :
- les membres de l'équipe n'étaient pas accrédités, contrairement à la politique;
- en tant que chefs d'équipe, l'inspecteur Hopkins et le sergent d'état-major Flath n'ont pas exercé un contrôle global ni assumé la responsabilité de l'orientation, du rythme et du déroulement de l'affaire, contrairement à la politique;
- après avoir fait appel aux services du caporal MacLellan pour contribuer à l'enquête, dans une certaine mesure, le sergent Krebs n'a pas limité la participation ultérieure de ce dernier;
- l'inspecteur Hopkins et le surintendant Killaly n'ont pas gardé de notes concernant leur participation, contrairement à la politique;
- la participation du surintendant Killaly et de l'inspecteur Van De Walle à l'enquête n'était pas clairement définie dans la politique sur la gestion des cas graves, ce qui a contribué à causer de l'ambiguïté sur la responsabilité de la gestion hiérarchique des opérations de l'enquête;
- l'équipe chargée de l'enquête n'a pas organisé une séance de débreffage critique, contrairement à la politique.
Recommandation : La politique sur la gestion des cas graves devrait être modifiée afin d'y préciser la distinction entre les gestionnaires et les superviseurs qui fournissent des directives opérationnelles et qui prennent des décisions opérationnelles et les gestionnaires et les superviseurs qui fournissent un soutien administratif.
Le 28 février 2007, l'inspecteur Degrand, qui avait examiné l'enquête à titre d'agent indépendant, a déposé son rapport final. Il a notamment conclu que l'enquête sur le décès par balle de M. St. Arnaud était « très exhaustive ». Il a aussi formulé deux recommandations :
Je recommande que les centres de décision de la Division et de la Direction générale examinent cette partie du Manuel des opérations (refonte du Manuel des opérations, 4.1) et qu'ils la modifient peut-être pour obliger les membres ayant suivi une formation sur les armes à impulsions56 (Taser) à porter une telle arme lorsqu'ils exercent les fonctions de police générale et les fonctions connexes et que ces armes sont mises à leur disposition.
[...]
Je recommande aussi que l'on songe à établir un procédé d'examen de suivi auprès des témoins de la GRC fournissant des preuves sous forme d'opinion qui, d'après l'enquêteur, ne concordent pas avec les faits présentés dans le cas en question. Ce procédé devrait comprendre, au besoin, la rédaction d'un deuxième rapport décrivant les modifications dans les faits examinés et les changements subséquents dans l'opinion du témoin, le cas échéant. Ainsi, les organismes judiciaires pourraient connaître à la fois l'opinion initiale du témoin, le réexamen ultérieur fondé sur les problèmes soulevés et la nouvelle opinion du témoin. En outre, le témoin concerné pourrait demeurer plus crédible et ne risquerait pas de changer d'opinion au moment d'être interrogé à la barre des témoins.
Cette dernière recommandation représente une stratégie raisonnable pour corriger les lacunes relatives à la communication des renseignements aux experts, comme c'était le cas avec le sergent Gallant.
La première recommandation concernant le port obligatoire d'une arme à impulsions pour les membres ayant suivi une formation à ce sujet, si une telle arme est mise à leur disposition, n'a aucun lien avec les questions traitées dans le présent dossier. L'inspecteur Degrand a indiqué que, le soir où l'incident est survenu, le gendarme Sheremetta avait décidé de ne pas porter une arme à impulsions, et ce, même s'il avait suivi une formation à ce sujet et qu'une telle arme était mise à sa disposition. Toutefois, il a aussi reconnu que l'utilisation d'une arme à impulsions ne représentait pas une stratégie de recours à la force appropriée dans les cas où il convient d'utiliser la force mortelle en l'absence de policiers en renfort qui pourraient recourir à la force mortelle, au besoin. Dans le cas présent, il n'était pas approprié que la GRC recommande que les membres soient plus armés et portent une arme à impulsions.
Comme il a été mentionné précédemment, le Service de police de Toronto a examiné l'enquête de la GRC et a cerné des problèmes qui ont déjà été mentionnés plus haut. Certaines recommandations formulées dans le rapport du Service de police de Toronto sont liées à mes conclusions et j'ai donc adopté l'une d'elles, que j'ai modifiée et qui figure dans le prochain paragraphe.
Recommandation : La GRC devrait veiller à ce que les enquêteurs principaux affectés aux affaires relatives à la police enquêtant sur la police fassent régulièrement et succinctement des comptes rendus aux agents de l'identité judiciaire qui examinent les lieux de l'incident pour qu'ils connaissent tous les renseignements utiles à leur inspection.
Question : Savoir si des membres de la GRC se sont engagés dans une situation avec M. St. Arnaud qui a entraîné la mort de ce dernier.
Lorsque le gendarme Sheremetta s'est mis à poursuivre M. St. Arnaud, il était assujetti aux dispositions relatives aux fonctions prévues dans la Loi sur la GRC, particulièrement à l'alinéa 18a),
18. Sous réserve des ordres du commissaire, les membres qui ont qualité d'agent de la paix sont tenus :
(a) de remplir toutes les fonctions des agents de la paix en ce qui concerne le maintien de la paix, la prévention du crime et des infractions aux lois fédérales et à celles en vigueur dans la province où ils peuvent être employés, ainsi que l'arrestation des criminels, des contrevenants et des autres personnes pouvant être légalement mises sous garde...
Les deux gendarmes ont répondu à une possible introduction par effraction et ils ont enquêté en ce sens. M. St. Arnaud a d'abord été aperçu dans la pharmacie, puis on l'a observé en train de fuir vers l'arrière du centre commercial, où le gendarme Sheremetta était situé. Ce dernier a vu M. St. Arnaud courir à partir de l'arrière du centre commercial et il a tenté de l'arrêter. Les faits montrent que les policiers exerçaient leurs fonctions en toute légitimité lorsqu'ils ont commencé à enquêter sur l'introduction par effraction et que le gendarme Sheremetta avait des motifs raisonnables pour procéder à l'arrestation de M. St. Arnaud.
Conclusion : Il était légitime pour les policiers d'interagir avec M. St. Arnaud et ils en avaient l'obligation en raison de leurs fonctions.
Question : Savoir si un membre de la GRC a déchargé son arme à feu indûment au cours de l'incident.
Je passe maintenant à l'analyse de la conduite du gendarme Sheremetta lors de la fusillade ayant mené au décès de M. St. Arnaud. L'examen que j'ai réalisé antérieurement sur l'enquête de la GRC relative au décès de M. St. Arnaud comprend un résumé des preuves qui, j'en suis convaincu, devrait être pris en considération pour évaluer cette conduite et expliquer quelles sont les preuves que je ne considère pas comme solides ou pertinentes. Je vais maintenant examiner les preuves au dossier par rapport aux lois et aux politiques applicables.
En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les policiers qui agissent dans l'application ou l'exécution de la loi sont fondés à employer la force nécessaire pour cette fin. De plus, en vertu du paragraphe 34(2) du Code criminel, toute personne illégalement attaquée est fondée à employer la force causant la mort ou une lésion corporelle grave en légitime défense afin de repousser l'attaque. Pour employer ce moyen de protection, la personne concernée doit avoir des motifs raisonnables pour appréhender la mort ou une lésion corporelle grave et elle doit aussi croire qu'elle ne peut pas autrement se soustraire à la mort ou à une lésion corporelle grave.
Les membres de la GRC suivent une formation afin d'utiliser le Modèle d'intervention pour la gestion des incidents (MIGI)57, un outil dont ils se servent pour déterminer la façon d'intervenir dans une situation et décider du moment auquel ils peuvent recourir à la force. Le MIGI repose sur sept principes fondamentaux :
- 1)L'objectif principal de toute intervention est la sécurité publique.
- 2)La sécurité du policier est essentielle à la sécurité publique.
- 3)Le modèle d'intervention doit toujours être appliqué dans le contexte d'une évaluation minutieuse des risques.
- 4)L'évaluation des risques doit tenir compte de la probabilité et de l'importance des pertes de vies, des blessures et des dommages matériels.
- 5)L'évaluation des risques est un processus continu et la gestion des risques doit évoluer à mesure que les situations changent.
- 6)La meilleure stratégie consiste à utiliser l'intervention minimale nécessaire pour gérer les risques.
- 7)L'intervention idéale est celle qui cause le moins de préjudices ou de dommages58.
Le membre doit procéder à une évaluation des risques en déterminant d'abord dans quelle catégorie se classe le comportement du sujet (coopératif, non coopératif, résistant, combatif et comportement susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves). De plus, il doit également tenir compte des facteurs situationnels propres à chaque incident. Ces facteurs comprennent les conditions météorologiques, la taille du sujet comparativement à celle du membre, la présence d'armes, le nombre de sujets et de policiers ainsi qu'une multitude d'autres facteurs propres à chaque incident.
Le MIGI prévoit différentes réactions ou stratégies d'intervention selon l'appréciation du comportement du sujet par le membre ainsi que l'évaluation des facteurs situationnels. Le comportement du sujet se classe dans l'une des catégories suivantes : coopératif, non coopératif, résistant, combatif ou susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves. Les options d'intervention sont les suivantes : présence du policier, intervention verbale, contrôle mains nues ou fermées, dispositifs intermédiaires, armes à impact, force mortelle et repositionnement tactique. Les membres de la GRC sont entraînés pour utiliser une stratégie d'intervention située à un niveau plus élevé que celui relatif à la résistance offerte par la personne avec qui ils traitent.
Dans le cas présent, la déclaration du gendarme Sheremetta montre qu'il était au fait des facteurs situationnels suivants. Ces facteurs servent de point de départ dans l'analyse effectuée à l'aide du MIGI. Il savait qu'une alarme avait été déclenchée à la pharmacie. Pendant qu'il se rendait sur les lieux, il a été informé que l'alarme provenait de l'officine et, une fois arrivé, il a appris qu'il y avait au moins un suspect toujours présent dans la pharmacie. De plus, il était conscient de certains facteurs environnementaux : il savait notamment que le sol était glissant et glacé.
La déclaration par obligation de rendre compte du gendarme Sheremetta montre également comment ce dernier percevait les facteurs de risque qui sont entrés en jeu lors de cette soirée. Il pensait que M. St. Arnaud avait sauté du toit du centre commercial59. En outre, M. St. Arnaud n'a pas obéi à ses ordres et a continué à courir même s'il lui avait ordonné de s'arrêter. De plus, le gendarme Sheremetta a déclaré que M. St. Arnaud était plus grand que lui; il estimait que ce dernier mesurait environ six pieds60.
Le gendarme Sheremetta a déclaré que, pendant la poursuite, M. St. Arnaud s'est retourné de nombreuses fois pour le regarder et il a refusé de s'arrêter malgré les ordres répétés du policier. Surtout, il a constaté que M. St. Arnaud courait avec une seule main découverte, sa main droite étant dans une poche. En outre, le gendarme Sheremetta était inquiet, puisqu'il ne savait pas où la policière en renfort, c.-à-d. la gendarme Erickson, se trouvait. De plus, vers la fin de la poursuite, il était bien conscient qu'il devait interagir seul à seul avec M. St. Arnaud, la nuit – dans l'obscurité et sur un terrain de soccer isolé.
Les déclarations des gendarmes Sheremetta et Erickson, les deux seuls témoins de la fusillade, doivent être examinées pour établir les événements qui se sont réellement déroulés. Premièrement, comme je l'ai mentionné précédemment, les récits des témoins oculaires ne sont pas toujours fiables. Dans le cas présent, je suis conscient que les perceptions du gendarme Sheremetta ont probablement été influencées par l'anxiété qu'il éprouvait. Il a cru à tort que M. St. Arnaud avait sauté du toit du centre commercial et pensait que ce dernier mesurait environ six pieds, alors qu'en réalité, il mesurait deux pouces et demi de moins.
Deuxièmement, les souvenirs des événements rapportés par la gendarme Erickson comportaient aussi des lacunes. Elle a déclaré avoir entendu seulement deux coups de feu et avoir seulement vu deux éclairs de lumière61. Même si ses observations se sont révélées inexactes au bout du compte, sa description de la manière dont M. St. Arnaud s'est approché du gendarme Sheremetta était à peu près la même que celle de ce dernier et de M. Klassen. La rue était peu éclairée et la gendarme Erickson a admis qu'elle n'avait pas été en mesure de voir le revolver dans la main du gendarme Sheremetta. Toutefois, elle a pu voir le sac blanc que tenait M. St. Arnaud. De plus, elle a précisé clairement que, au moment où les coups de feu ont été tirés, le gendarme Sheremetta était debout, les jambes écartées et les bras allongés vers l'avant. Toutes ces observations sont plausibles parce que, après avoir passé devant le terrain de tennis, elle était en mesure de bien voir les protagonistes situés en face et à la gauche du véhicule qu'elle conduisait.
Troisièmement, la gendarme Erickson a déclaré avoir vu M. St. Arnaud tomber après que le dernier coup de feu a été tiré. J'en viens à la conclusion qu'elle a vu et entendu le troisième coup de feu. Cela signifierait qu'elle aurait observé l'un des deux coups de feu précédents et qu'elle n'aurait pas été capable de différencier les deux premiers coups de feu, puisqu'on a rapporté qu'ils ont été tirés rapidement l'un après l'autre.
À un certain moment, M. St. Arnaud semblait sur le point de se rendre; toutefois, la situation a changé rapidement, puisqu'il a baissé les bras et a commencé à foncer sur le gendarme Sheremetta. M. St. Arnaud n'a pas écouté le gendarme Sheremetta, qui lui criait de s'arrêter et de se mettre à genoux; il lui a plutôt répondu « [...] il va falloir que tu me tires dessus mon chien sale [...] ». Le gendarme Sheremetta a aussi remarqué que le visage de M. St. Arnaud était couvert de sang. Le gendarme Sheremetta est ensuite tombé.
Les déclarations des nombreux témoins interrogés mettent en évidence les lacunes des facultés humaines sur les plans de l'observation et de la remémoration. Certaines de leurs déclarations, fournies sans motif illégitime, vont à l'encontre des preuves matérielles ou de ce qu'ont rapporté d'autres témoins. Je suis convaincu que le gendarme Sheremetta est tombé, comme il le rapporte dans sa première déclaration et comme en témoigne le trou dans la neige décrit dans l'enquête judiciaire réalisée par le sergent Doll et le caporal Beach. Je constate aussi qu'il y avait consensus sur le fait que le sol était glissant, que le gendarme Sheremetta avait glissé et était presque tombé une fois sorti de son véhicule de police et que M. St. Arnaud était tombé par terre pendant la poursuite. L'observation faite par les ambulanciers appuie l'hypothèse selon laquelle le gendarme Sheremetta serait tombé. En effet, ils ont remarqué qu'il s'était coupé à la main gauche, vraisemblablement en l'éraflant sur la neige glacée. Le gendarme Sheremetta a déclaré qu'il était tombé une seule fois, soit immédiatement avant de tirer les coups de feu. Par conséquent, j'en viens à la conclusion qu'après être tombé, le gendarme Sheremetta s'est relevé et, une fois debout, il a tiré les coups de feu, comme l'a rapporté la gendarme Erickson.
M. St. Arnaud a refusé d'obéir aux ordres du gendarme Sheremetta, et ce, dès le début de l'interaction entre les deux protagonistes. Lorsque M. St. Arnaud s'est mis à s'approcher du gendarme Sheremetta, il était pour le moins combatif. Je considère que ses paroles et ses gestes montrent qu'il avait l'intention d'agresser le gendarme Sheremetta pour éviter de se faire arrêter. La vraie question consiste à savoir si M. St. Arnaud représentait une menace de lésions corporelles graves ou de mort. À ce sujet, l'observation essentielle signalée par le gendarme Sheremetta était que M. St. Arnaud gardait constamment l'une de ses mains dans une poche. Après avoir examiné l'ensemble de la preuve, j'estime que ce geste concorderait entièrement avec l'hypothèse selon laquelle M. St. Arnaud tentait de protéger les médicaments qu'il avait volés à la pharmacie62.
Il faut aussi rappeler que le taux d'alcoolémie dans le sang de M. St. Arnaud ainsi que plusieurs témoignages permettent de conclure qu'il était très ivre. En outre, plus tôt dans la soirée, il avait déjà été l'instigateur d'une bagarre avec un individu bien plus imposant que lui. En effet, d'après le portier du bar qui a mis fin à la bagarre, l'individu en question devait peser cent livres de plus que M. St. Arnaud. Même si ces renseignements n'étaient pas connus du gendarme Sheremetta, ils contribuent néanmoins à évaluer la vraisemblance des événements qu'il a décrits.
Les facteurs sur lesquels le gendarme Sheremetta s'est appuyé comprennent le fait que, pendant les dernières secondes précédant la fusillade, il était seul et ne savait pas où se trouvait sa partenaire. En outre, il pensait que la stature de M. St. Arnaud était plus imposante que la sienne63. L'endroit était peu éclairé et le sol était glissant. Les paroles et la physionomie de M. St. Arnaud montraient aussi qu'il était agressif. De plus, la teneur de ses propos permet de conclure qu'il envisageait de se battre et que cette bagarre aurait pu entraîner des lésions corporelles graves ou la mort64. Le gendarme Sheremetta considérait que M. St. Arnaud présentait un risque encore plus élevé parce qu'il ne savait pas pourquoi ce dernier mettait sa main dans sa poche et il craignait qu'il ne cache une arme. Voilà le principal facteur qui explique pourquoi M. St. Arnaud présentait un risque très élevé65. Dans sa déclaration par obligation de rendre compte, le gendarme Sheremetta a affirmé qu'il a craint pour sa vie après avoir fait ces observations. Aux dires de tous les témoins présents lors de la fusillade, M. St. Arnaud s'est avancé vers le gendarme Sheremetta alors que ce dernier pointait directement son arme vers lui. Finalement, lorsqu'il a été atteint par balle, M. St. Arnaud se trouvait seulement à cinq pieds du gendarme Sheremetta.
Cette dernière constatation met en relief l'aspect dynamique de l'incident. La distance de cinq pieds qui séparait M. St. Arnaud du gendarme Sheremetta aurait pu être franchie en une fraction de seconde. D'après les preuves issues de l'examen biomécanique, cinq à huit secondes se seraient écoulées entre le moment où M. St. Arnaud s'est arrêté et semblait se rendre et le moment où il a foncé vers le gendarme Sheremetta. Le gendarme Sheremetta devait donc agir sans hésiter; il devait prendre une décision immédiatement.
Il importe de souligner que le cas présent, c'est-à-dire une situation dynamique dans laquelle le membre en question a dû prendre une mesure décisive, ressemble à de nombreux cas auxquels les agents de la paix doivent faire face dans l'exercice de leurs fonctions. Dans les tribunaux, bon nombre de commentaires ont été formulés à ce sujet et nul doute qu'ils s'appliquent en l'espèce.
C'est bien beau d'avoir le temps, lors d'un procès et pendant plusieurs jours, de reconstruire et d'examiner les événements qui se sont déroulés le soir du 14 août. Par contre, un policier qui doit agir en situation d'urgence, dans le feu de l'action, a très peu de temps pour analyser minutieusement l'importance des différents événements ou réfléchir calmement sur les décisions à prendre66.
Compte tenu de l'ensemble de la preuve, je considère que le gendarme Sheremetta avait des motifs raisonnables de croire que M. St. Arnaud représentait une menace de lésions corporelles graves ou de mort.
Selon le MIGI, dans ces circonstances, les interventions possibles comprenaient le repositionnement tactique et l'intervention verbale, soit deux stratégies applicables à n'importe quel moment lors d'une interaction, ainsi que le recours à la force mortelle. Le gendarme Sheremetta est intervenu verbalement du début de l'incident jusqu'à la fin, mais en vain67. Il a essayé de se repositionner en reculant, pour maintenir une distance avec M. St. Arnaud, mais il est tombé. Finalement, lorsque M. St. Arnaud s'est rapproché du gendarme Sheremetta, ce dernier a eu recours à la force mortelle, tirant trois coups de feu sur M. St. Arnaud. Compte tenu de la menace perçue par le policier, il s'agissait d'une réaction raisonnable.
Conclusion : Le gendarme Sheremetta a tiré sur M. St. Arnaud en situation de légitime défense après avoir jugé de manière raisonnable que M. St. Arnaud représentait une menace de lésions corporelles graves ou de mort et estimé qu'il ne pouvait se protéger de cette menace de lésions corporelles graves ou de mort qu'en ayant recours à une force mortelle.
L'examen de la plainte étant terminé, je dépose mon rapport intérimaire conformément à l'alinéa 45.42(3)a) de la Loi sur la GRC.
Le président,
L'original en anglais signé
par Paul E. Kennedy
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Paul E. Kennedy
1 Dossier no PC-2006-1532. Voir le site Web à l'adresse suivante : Rapport final suivant la plainte déposée par le Président concernant la mort par balle d'Ian Bush.
2 Voir l'annexe A pour une chronologie sommaire des événements liés à cet incident et l'annexe B pour une liste des membres de la GRC et autres personnes impliquées dans l'incident et dans l'enquête.
3 Pour les besoins du rapport, tous les rangs inscrits sont ceux que les personnes visées détenaient au moment où les événements décrits se sont produits. Plusieurs membres impliqués ont depuis pris leur retraite ou obtenu une promotion.
4 Les descriptions contradictoires de la position du gendarme Sheremetta lorsqu'il a fait feu sur M. St. Arnaud sont évaluées en détail plus loin dans ce rapport.
5 Le Dr McNaughton a déclaré que M. St. Arnaud pesait 86,4 kilos au moment de son autopsie, ce qui incluait le poids de ses vêtements mouillés.
6 Cette donnée semble provenir du témoignage du gendarme Sheremetta obtenu au moment de l'enquête du coroner, où il a donné son poids au 23 janvier 2007, et non pas le poids qu'il pesait au moment de la fusillade survenue plus de deux ans plus tôt.
7 L'analyse toxicologique a révélé que son taux d'alcoolémie était de 200 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang, un taux de deux fois et demi la limite légale pour conduire. Lors de l'enquête du coroner, le Dr McNaughton a indiqué qu'il s'agit d'une quantité considérable d'alcool, suffisante pour que l'on remarque des signes externes d'ébriété, peut-être même des signes importants. Le rapport a également révélé que M. St. Arnaud n'avait aucune drogue dans son système, sauf de l'acétaminophène, un analgésique offert en vente libre.
8 À titre de référence, une carte de l'endroit se trouve à l'annexe H.
9 À des fins de clarté et puisque l'identité du suspect est incontestée, « l'individu » aperçu sera nommé M. St. Arnaud pour le reste de la narration, même si les protagonistes ne connaissaient pas encore son identité à ce moment.
10 Peu après, lorsque l'autocar est arrivé, M. Thiessen a débarqué son passager et a quitté les lieux.
11 Dans le témoignage présenté dans le cadre de l'enquête du coroner, l'allée a été identifiée comme étant le passage entre le palais de justice et le terrain de curling.
12 Il s'agit de la première déclaration du gendarme Sheremetta, dont l'enregistrement audio-vidéo a été effectué par le caporal MacLellan, peu de temps après la fusillade.
13 M. Klassen a dit que les deux agents de police se sont approchés de M. St. Arnaud à partir de la rue, ce qui ne correspond pas aux témoignages des deux agents ni aux preuves recueillies sur la fusillade et la suite des événements. Je crois que M. Klassen a relaté les événements aussi bien qu'il le pouvait, mais qu'il s'agit d'un exemple de la fragilité des récits des témoins oculaires.
14 Il n'est consigné nulle part que la gendarme Erickson a entendu cela.
15 Le gendarme Sheremetta a affirmé, dans sa déclaration par obligation de rendre compte, avoir demandé à la gendarme Erickson d'aller chercher son manteau.
16 Manuel des opérations 19.2.2.1.
17 Manuel des opérations 19.2.2.2.
18 La gendarme Erickson a déclaré n'avoir jamais touché à M. St. Arnaud.
19 Manuel des opérations 19.2.2.3.
20 Les documents pertinents ne comprenaient pas de notes ou de déclarations de la part du sergent Grobmeier.
21 La requête initiale pour faire venir un chien policier sur les lieux a été annulée après que l'on ait déterminé que M. St. Arnaud était décédé.
22 Le Programme d'aide aux membres et aux employés est un programme de counselling confidentiel semblable à ceux qui existent dans les grandes organisations et les autres ministères gouvernementaux. Dans ce cas-ci, on a mis à la disposition des employés ayant participé aux opérations effectuées dans le cadre de cet incident des séances d'aide après un stress causé par un incident critique.
23 À 19 h 30, le gendarme Sheremetta a téléphoné au caporal MacLellan et lui a indiqué qu'il ne participerait pas à la séance de counselling.
24 Voir l'annexe J pour un résumé des conclusions de l'autopsie.
25 La position des caméras n'offrait aucune vue sur la scène de l'introduction par effraction ni du chemin emprunté par M. St. Arnaud durant sa tentative de fuite.
26 En fait, il apparaît que seuls les enregistrements vidéo de surveillance du 7-Eleven ont été saisis. Le dossier ne contient aucune explication à ce sujet. Dans les circonstances, il aurait été prudent de les saisir pour laisser les membres du Groupe des crimes graves les regarder eux-mêmes, plutôt que de les obliger à se fier à d'autres, en l'occurrence au caporal MacLellan ou au gérant du commerce. En outre, ces enregistrements auraient pu aider à identifier des témoins potentiels.
27 Le caporal Anctil a été décrit comme « le chef non officiel des experts sur le "recours à la force" de la Colombie-Britannique par le sergent Chanin, qui est le membre finalement affecté à la rédaction du rapport sur le recours à la force.
28 Il n'est plus question, par la suite, de tentatives d'obtenir une nouvelle déclaration et il semble que le gendarme Sheremetta n'était pas disposé à en faire une autre.
29 Ces divisions sont en Alberta et en Saskatchewan, respectivement.
30 Voir l'annexe K.
31 Voir l'annexe L.
32 Je conclus que l'analyse et les conclusions du rapport sur la fusillade impliquant un policier ne sont pas pertinentes dans cette enquête.
33 Voir l'annexe M.
34 Voir l'annexe N.
35 Voir l'annexe J.
36 L'illustration et la description du triangle de commandement se trouvent dans la politique de la GRC (Manuel des opérations 25.3.2.1.1), ci-jointe à l'annexe O.
37 Cette responsabilité porte sur « l'orientation, le rythme et le déroulement de l'enquête », Manuel des opérations 25.3.2.2.3.
38 Manuel des opérations 25.12.
39 Selon ses notes, elle aurait immédiatement commencé à consigner ce qu'elle se souvenait de l'incident et elle a noté toutes ses observations concernant la protection de la scène au fur et à mesure.
40 Par exemple, le sergent Grobmeier est rapidement arrivé sur les lieux mais il n'y a aucune indication claire quant aux tâches qu'il a assumées.
41 Selon les enquêteurs, cette trace concordait avec l'endroit où le gendarme Sheremetta serait tombé et avec les marques qu'il aurait faites, comme il a indiqué dans sa déclaration par obligation de rendre compte.
42 Le 15 janvier 2008, la GRC a demandé au Service de police de Toronto d'effectuer un examen externe indépendant du décès de M. St. Arnaud et de déterminer si la GRC a effectué une enquête approfondie, professionnelle et impartiale.
43 L'annexe P présente une description de ce projet. Il constitue maintenant un programme pleinement établi à la Division E et pourrait être appliqué dans d'autres divisions.
44 Pour une explication de ce que sont les déclarations par obligation de rendre compte, veuillez consulter l'annexe I.
45 Même si cette distinction ne s'est pas avérée importante dans le cadre de cette enquête, il s'agit d'une question importante dans la pratique.
46 Voir R. c. White [1999] 2 R.C.S. 417.
47 Selon la politique de la GRC, Manuel des opérations II.7.H.2 : « Enregistrer toute l'entrevue, y compris les mises en garde et les aveux ».
48 Des questions suggestives sont des questions qui mènent vers une réponse en particulier.
49 Le sergent d'état-major Kowalewich était également présent.
50 Le gendarme Sheremetta a indiqué dans sa deuxième déclaration qu'il avait été avisé que M. St. Arnaud était probablement sorti par la porte.
51 Mentionnée à l'annexe K.
52 La première partie d'une enquête sur un cas grave (normalement les 72 premières heures) est considérée dans la politique comme étant critique; Manuel des opérations 25.3.4.1.
53 Voir l'annexe Q pour une chronologie sommaire des étapes de l'enquête.
54 Manuel des opérations 25.3.2.2.3.
55 Manuel des opérations 25.3.9.2.
56 Le terme « arme à impulsions » est utilisé à la GRC pour décrire un groupe d'armes pouvant neutraliser un sujet ou lui infliger de la douleur au moyen d'une décharge électrique. Ces armes sont aussi communément appelées « dispositifs à impulsions » ou « matraques paralysantes ». Le terme « Taser » est le nom de marque des armes à impulsions utilisées par la GRC.
57 Ce modèle est un guide détaillé qui aide les policiers à choisir les techniques d'intervention à employer lorsqu'ils interagissent avec des citoyens, peu importe la situation. Une représentation graphique du modèle se trouve à l'annexe R.
58 Cette information figure aussi dans les politiques de la GRC, Manuel des opérations III.2.C.
59 Même si cette supposition s'est révélée fausse ultérieurement, je suis convaincu que le gendarme Sheremetta croyait bel et bien que M. St. Arnaud avait sauté du toit du centre commercial lorsqu'il s'est lancé à sa poursuite, d'autant plus qu'il a signalé cette information par radio à la gendarme Erickson.
60 En réalité, M. St. Arnaud mesurait cinq pieds et neuf pouces et demi. Il mesurait donc un pouce de moins que le gendarme Sheremetta, qui mesure cinq pieds et dix pouces et demi. Je reconnais qu'il s'agissait de la perception du gendarme Sheremetta et je considère qu'elle s'explique par la peur qu'il éprouvait pendant l'incident. Le gendarme Sheremetta a fait part de cette opinion peu de temps après la fusillade, dans sa déclaration par obligation de rendre compte, et je suis convaincu qu'il croyait bel et bien que M. St. Arnaud mesurait environ six pieds lorsqu'il le poursuivait.
61M. Klassen, le témoin le plus près de la fusillade après les deux gendarmes, a aussi affirmé avoir entendu seulement deux coups de feu.
62 Les types de médicaments trouvés près de M. St. Arnaud témoignent du peu de planification et de sophistication dont il a fait preuve lorsqu'il a commis l'introduction par effraction. Il y avait notamment des médicaments pour traiter l'hypertension et la schizophrénie. Ce constat montre bien que le crime a été perpétré de façon spontanée.
63 Les membres de la GRC sont entraînés pour appliquer le principe « AIM » lorsqu'ils doivent recourir à la force. « AIM » est un acronyme pour trois éléments : aptitude/intention/moyen. Avant de recourir à la force, les membres devraient être en mesure d'évaluer ces trois éléments. En observant la stature et les efforts physiques de M. St. Arnaud, par exemple la perception selon laquelle il avait sauté du haut du toit du centre commercial, le gendarme Sheremetta a pu établir que M. St. Arnaud avait l'« aptitude » de le blesser. Même si, au bout du compte, ces observations se sont révélées inexactes, je suis convaincu que M. St. Arnaud représentait une menace physique réelle et que le gendarme Sheremetta pensait la même chose.
64 Ces facteurs montrent que M. St. Arnaud avait l'« intention » de se battre avec le gendarme Sheremetta.
65 Ces observations ont amené le gendarme Sheremetta à conclure que M. St. Arnaud transportait une arme et qu'il avait ainsi les « moyens » de causer des lésions corporelles graves ou la mort. La question essentielle concerne le caractère raisonnable de la conclusion du gendarme Sheremetta. À ce sujet, il s'avère qu'un observateur indépendant aurait pu conclure, de manière raisonnable, que M. St. Arnaud cachait une arme par la façon dont il agissait, même si ce ne fut pas le cas au bout du compte.
66 Chartier c. Greaves, [2001] J.O. No 634 au par. 64 (Cour sup. Ont.)(QL).
67 Il se peut que les effets aient été atténués en raison du ton de voix utilisé par le gendarme Sheremetta. Il a lui-même affirmé qu'il semblait crier d'une voix paniquée plutôt que sur un ton d'autorité.
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