Plainte déposée par le président et enquête d’intérêt public concernant les interventions de la GRC lors de l’inondation survenue à High River (Alberta) en 2013
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Liens connexes
- Enquêteurs de la CPP à High River, en Alberta
2 décembre 2013 - Plainte déposée par le président
5 juillet 2013 - Communiqué de presse
12 février 2015 - Réponse du commissaire – en anglais seulement
12 février 2016 - Rapport final
29 avril 2016
Table des matières
Sommaire
Contexte
Le 20 juin 2013, des pluies plus abondantes qu'à l'habitude ont transformé la rivière Highwood, normalement calme, en un torrent déchaîné qui a déraciné des arbres et submergé des voitures et des maisons dans la ville de High Hiver, dans le sud de l'Alberta. On n'avait jamais vu une inondation d'une telle envergure ayant causé autant de dommages.
Au cours des sept jours suivants, d'innombrables actes héroïques et humanitaires ont été accomplis par des bénévoles, des pompiers et des premiers intervenants, notamment 380 membres des Forces canadiennes et des centaines de membres locaux, provinciaux et nationaux de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), qui ont tous travaillé de longues heures pour évacuer la ville et pour chercher et secourir des centaines de résidents en détresse. On estime que 600 personnes ont été secourues par hélicoptère et que 200 autres l'ont été au moyen de bateaux, de camions et de véhicules agricoles. Cependant, au cours de la crise, la conduite de membres de la GRC a été remise en question : des résidents ont été informés du fait que, pendant l'évacuation, on s'était introduit par la force dans leur domicile et que, dans certains cas, des fenêtres avaient été brisées, des portes, enfoncées, et des armes à feu, saisies.
Enquête d'intérêt public
Pendant la première semaine de juillet, il est devenu évident qu'il fallait procéder à un examen externe et indépendant des actes des membres de la GRC. Par conséquent, le 5 juillet 2013, le président de la Commission des plaintes du public contre la GRC (dont le nom est maintenant la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRCNote de bas de page 1, ci-après appelée la « Commission ») a lancé une enquête d'intérêt public sur la conduite des membres de la GRC dans le cadre de l'évacuation de High River. L'enquête de la Commission avait pour objet d'examiner les actes et les décisions des membres de la GRC et consistait à déterminer si ces derniers avaient respecté les lois, les politiques, les procédures, la formation et les lignes directrices applicables en ce qui a trait à l'introduction dans des résidences privées pendant l'évacuation et à la saisie d'armes à feu dans ces résidences. L'enquête de la Commission visait également à déterminer si les politiques, les procédures et les lignes directrices internes de la GRC étaient adéquates.
Après avoir procédé à une vaste enquête dans le cadre de laquelle on a passé en revue plus de 10 000 pages de documents, de courriels, de notes et de registres de saisie; plus de 1 000 images et 50 vidéos; les politiques opérationnelles et administratives de la GRC; les lois et les décisions de tribunaux applicables, en plus d'interroger des dizaines de personnes, la Commission a formulé 52 conclusions et 10 recommandations.
En résumé, les membres de la GRC étaient autorisés, en raison de l'état d'urgence déclaré, à pénétrer dans les bâtiments de High River et, sauf pour un nombre relativement restreint de maisons, la force utilisée pour entrer dans les résidences était nécessaire pour respecter les directives des responsables de la gestion des urgences. Cependant, après s'être introduits dans les maisons, des membres de la GRC ont trouvé des armes à feu et des produits de contrebande et, faute d'une supervision et d'une orientation suffisantes de la part des membres supérieurs de la GRC ou de quelque surveillance judiciaire, ils ont effectué des fouilles sans mandat et saisi des armes à feu dans certaines des maisons évacuées. Par ailleurs, en l'absence d'une stratégie de communication publique, le public était méfiant à l'égard des dires et des actes des membres de la GRC, ce qui a donné lieu à une réaction en cascade au chapitre des difficultés pour la GRC.
Contexte
Il serait négligent de la part de la Commission de ne pas reconnaître que le personnel de gestion des urgences, y compris les membres de la GRC, a fait un travail remarquable au cours des premiers jours d'intervention dans le cadre de cette catastrophe naturelle extraordinaire.
Cependant, à la lumière de la réaction de la collectivité aux actes de membres de la GRC dans les jours suivant l'inondation, il y a clairement eu des erreurs commises dont on peut tirer des leçons. Le mandat de la Commission, axé sur les mesures correctives, permet la détermination de toute erreur en tant qu'occasion d'accroître la responsabilité de la GRC, de renforcer ses relations avec les collectivités qu'elle sert et de rétablir la confiance des résidents à son égard.
État d'urgence
Au cours de la première journée de l'inondation, la ville de High River a déclaré l'état d'urgence aux termes de l'Emergency Management ActNote de bas de page 2 (EMA) de l'Alberta, et le Centre des opérations d'urgence (COU) de la ville a préparé des plans d'urgence demandant la rétroaction et la participation de la GRC en ce qui concerne 1) les opérations de recherche et de sauvetage, 2) la sécurité, 3) les fouilles et 4) les opérations de retour. Ces quatre plans ont été préparés, et leur mise en œuvre a été ordonnée par des responsables locaux et provinciaux exerçant les pouvoirs d'urgence établis dans l'EMA. Aux termes de l'alinéa 19(1)h), l'EMA autorise les membres de la GRC à entrer dans un bâtiment sans mandat si cela s'effectue dans le cadre des plans d'urgence du COU.
Le COU a ordonné aux membres de la GRC d'entrer dans toutes les résidences de la ville et d'y effectuer des fouilles, y compris d'avoir recours à la force afin de sauver des vies. Par la suite, le COU a diffusé des ordres et des directives supplémentaires pour que les membres de la GRC entrent (et entrent à nouveau) dans les maisons pour le sauvetage d'animaux de compagnie et les inspections de santé et sécurité. Dans le cadre de la mise en œuvre de ces plans d'urgence, les membres de la GRC ont pénétré dans 4 666 maisons et sont entrés par la force dans plus de 754 d'entre elles. Ces fouilles ont permis la découverte d'environ 38 personnes ayant besoin d'aide, le sauvetage de 700 animaux de compagnie et la tenue d'inspections de santé et de sécurité provinciales, selon lesquelles la moitié des maisons inspectées à High River ont été dites inhabitables.
Dans le cadre de leurs entrées dans les maisons, autorisées par le COU, des membres de la GRC, agissant de leur propre chef, ont découvert ou ont fouillé pour découvrir des armes à feu et des produits de contrebande, ce qui a mené à la saisie de 609 armes à feu dans 105 maisons, à la saisie de plants de marijuana dans cinq maisons et à la saisie d'armes prohibées dans une maison.
Décision d'entrer dans les maisons et d'y effectuer des fouilles
La rapidité de l'inondation en a pris beaucoup par surprise. Tandis que les résidents quittaient rapidement leur maison, les membres de la GRC ont commencé à recevoir des rapports selon lesquels certains résidents étaient entraînés par les eaux de crue ou étaient pris au piège dans leur maison et dans leur voiture alors que de vastes sections de la ville devenaient impraticables. À la fin de la matinée du premier jour de l'inondation, le COU était confronté à ses propres difficultés : ses locaux étaient inondés, ce qui l'empêchait de bien diriger les activités d'urgence. Pendant ce temps, le système spécialisé de communication de la GRC était inutilisable tout comme la majorité des services de communication téléphonique et de transmission de données fournis par les lignes terrestres et les stations de base. Les personnes qui avaient besoin d'aide ne pouvaient communiquer avec les services d'urgence. À la fin de l'après-midi du premier jour de l'inondation, le COU a ordonné l'évacuation obligatoire de toute la ville de High River.
Le matin du deuxième jour de l'inondation, les responsables du COU ont rencontré le commandant des interventions de la GRC, le surintendant Frank Smart, qui a recommandé une [traduction] « fouille de porte en porte systématique de toutes les résidences de la ville ». Comme les voies de communication ne fonctionnaient plus, la préoccupation tenait au fait qu'aucun secteur de la ville ne pouvait être considéré comme évacué, car il était impossible de déterminer si quelqu'un était blessé ou pris au piège dans une maison sans que des agents se rendent physiquement dans les maisons. Le résultat de la réunion du COU était clair : il fallait agir vite, et la priorité était la protection des personnes. Le directeur du COU, M. Ross Shapka, a confirmé que l'objet de la première série de fouilles de maison en maison était d'assurer la [traduction] « sécurité des personnes ». Le COU a donc décidé d'ordonner la [traduction] « fouille de toutes les résidences de la ville pour s'assurer que toutes les personnes avaient été évacuées ».
Méthodes et moyens utilisés pour entrer dans les maisons et y effectuer des fouilles
Dans l'après-midi du deuxième jour de l'inondation, au moment des derniers préparatifs liés au plan de recherche, certains membres de la GRC ont demandé des clarifications sur les mesures à prendre dans le cadre des opérations « de porte en porte » si personne ne répondait, surtout dans les quartiers où le niveau de l'eau était bas. Le surintendant Smart a indiqué aux membres de la GRC d'utiliser la force nécessaire (pour pénétrer dans chaque bâtiment), mais le moins possible afin de réduire au minimum les dommages.
En plus du fait que l'environnement opérationnel était complexe et du lourd fardeau consistant à sauver des vies, bon nombre des membres de l'équipe n'avaient jamais été à High River. On a envoyé les membres de la GRC en bateau pour qu'ils effectuent des fouilles dans des quartiers inondés qu'ils n'avaient jamais vus auparavant et où ils devaient chercher des plaques de rue submergées.
Dans les quartiers les plus touchés, les équipes de recherche ont dû composer avec des câbles sous tension, des fuites de gaz ou un sol instable avant d'entrer dans les maisons. La porte de certaines maisons n'était pas verrouillée; il a été possible d'entrer dans d'autres maisons par la porte de garage ouverte, tandis que, dans d'autres, il a fallu briser des fenêtres et des portes. Par ailleurs, une dizaine de serruriers ont été affectés aux équipes et ont pu déverrouiller ou percer les serrures. Dans certains cas, les équipes ont pu entrer dans les maisons dont les entrées avaient été endommagées par l'intensité des eaux de crue et de larges débris. Compte tenu de la nature de l'intervention d'urgence, la vitesse était une priorité même si cela entraînerait des dommages à l'extérieur et à l'intérieur des maisons.
Cependant, même si on a ordonné aux membres de la GRC de pénétrer dans toutes les résidences, dans les quartiers situés dans les secteurs non touchés représentant environ 5 % de la ville, il semble que la force utilisée pour s'introduire dans les maisons a parfois causé des dommages importants à des maisons qui n'avaient pas été touchées par l'inondation.
Fouilles et saisie d'armes à feu
Même si l'EMA accordait aux membres de la GRC le pouvoir légal de pénétrer sans mandat dans les maisons en vue de l'exécution des plans d'urgence du COU, ces pouvoirs prévus par la loi ne les autorisaient pas à effectuer des fouilles et à saisir des armes à feu et des produits de contrebande. Le sous-commissaire de la GRC Dale McGowan a indiqué que, pour ces saisies, les membres de la GRC s'appuyaient sur le Code criminel.
L'article 489 du Code criminel autorise la saisie d'armes à feu ou de produits de contrebande non sécurisées parce qu'elles sont « bien en vue ». Par ailleurs, l'article 489.1 du Code criminel exige que tous les biens saisis soient signalés à un juge de la paix. Il importe de mentionner que, dans un certain nombre de cas, les membres de la GRC ont saisi des armes à feu qui étaient adéquatement sécurisées ou qui n'étaient pas bien en vue. Dans ces cas, les armes à feu n'ont pas été retirées en fonction d'un pouvoir légal.
Pour justifier la saisie des armes à feu, la GRC a aussi avancé que les membres étaient autorisés à saisir les armes non sécurisées placées bien en vue parce qu'elles représentaient une menace pour la sécurité publique. À la suite de l'ordre d'évacuation, la GRC a reçu des rapports d'introductions par effraction et de vols, et plus de 300 personnes ont refusé d'évacuer leur maison, y compris un délinquant présentant un risque élevé.
Même si les membres de la GRC, agissant de leur propre chef et en s'appuyant sur des directives minimales, avaient peut-être la sécurité publique à l'esprit, ils ont néanmoins violé les exigences de la loi concernant la saisie d'armes à feu. Comme ils n'avaient pas de mandat, les membres de la GRC étaient obligés de signaler les saisies à un juge de la paix aux termes de l'article 489.1 du Code criminel. La composante de la surveillance judiciaire des saisies ne peut être surestimée dans les situations où des agents de police saisissent des biens personnels dans une maison. Le Parlement a indiqué qu'il souhaitait réglementer les saisies de biens personnels sans mandat de façon à assurer la responsabilisation de la police, la transparence et la surveillance judiciaire. Si la GRC avait signalé ses saisies à la cour, cela aurait pu éliminer bon nombre des préoccupations et des critiques soulevées par les résidents, les médias et les politiciens.
Communications
L'enquête de la Commission a révélé un certain nombre d'erreurs concernant les communications, lesquelles ont eu un effet direct sur les perceptions du public quant au rendement de la GRC pendant la crise et ont miné la confiance du public à l'égard de la GRC.
Tout d'abord, les responsables de la GRC n'ont pas planifié adéquatement les communications externes ou publiques concernant l'inondation de High River et n'ont pas affecté les ressources nécessaires à cet égard. De façon générale, les communications étaient la responsabilité du COU de High River. Cependant, l'omission par la GRC de planifier et de préparer les communications externes pendant l'urgence, et surtout le peu d'importance accordée aux communications publiques par la GRC, a nui à ses opérations et à sa réputation. Il s'agit d'une préoccupation concernant particulièrement les entrées par la force dans les maisons et les saisies d'armes à feu.
L'inefficacité de la GRC quant aux communications externes était le résultat direct de politiques et de procédures inadéquates et d'une formation insuffisante sur les politiques et les procédures en vigueur en matière de communications publiques, menant à une piètre planification et à un manque de ressources, à une confusion quant aux rôles et aux responsabilités et à une coordination déficiente des communications publiques, à l'interne et avec les partenaires. En conséquence, on n'a pas expliqué au public pourquoi on s'introduisait dans les maisons dans la zone d'évacuation, dans certains cas à plusieurs reprises, et pourquoi des armes à feu non sécurisées ont été saisies. Le fait de ne pas donner d'explications a entraîné des spéculations.
La Commission recommande que la direction de la Division de la GRC de l'Alberta (la Division « K ») effectue un examen complet de sa fonction de communication pour combler les lacunes relevées à l'égard des communications dans le cadre de l'intervention à High River, surtout en ce qui a trait à la planification et à l'affectation des ressources. À l'échelle nationale, la GRC devrait élaborer un guide pratique sur les communications en situation de crise pour les opérations d'urgence. La GRC devrait également prendre des mesures pour veiller à ce que les politiques et les procédures de gestion des urgences soutiennent l'intégration étroite des opérations et des communications externes.
Politique sur les interventions d'urgence
Compte tenu du manque de directives de supervision concernant les entrées, les fouilles et les saisies, les politiques et les procédures de la GRC ne présentaient pas adéquatement les pouvoirs juridiques accordés aux membres de la GRC pour 1) faire appliquer les ordres d'évacuation, y compris arrêter les personnes qui ne quittaient pas une zone d'évacuation et 2) entrer dans les maisons et effectuer des fouilles et des saisies en vertu des pouvoirs provinciaux de gestion des urgences ou des pouvoirs policiers découlant de la common law.
La Commission recommande donc que la GRC passe en revue ses politiques de gestion des urgences à l'échelle nationale et divisionnaire pour s'assurer qu'elles fournissent des directives claires et exhaustives à l'égard des pouvoirs juridiques et des obligations des membres de la GRC dans les situations d'urgence, compte tenu des obligations et des pouvoirs précis énoncés dans les lois provinciales et territoriales.
Plus précisément, compte tenu du manque de directives de supervision souligné dans le cadre de l'examen mené par la Commission relativement aux circonstances entourant la saisie d'armes à feu par la GRC, celle-ci devrait établir des procédures ou des lignes directrices à l'égard de la saisie d'armes à feu dans des situations d'urgence, comme cela a été le cas lors de l'inondation à High River.
Évacuation des membres de la GRC
En outre, des préoccupations ont été soulevées concernant l'omission de faire évacuer certains membres de la GRC, qui étaient demeurés dans leur maison dans la zone d'évacuation afin d'intervenir pendant l'urgence. Le fait de permettre à des membres de la GRC de rester dans leur maison située dans une zone d'évacuation risque d'engendrer une perception de favoritisme à l'égard de ces membres.
La Commission recommande donc que les politiques ou les lignes directrices de la GRC ordonnent aux intervenants d'urgence de la GRC dont les maisons sont situées dans une zone d'évacuation de quitter leur maison en conformité avec les ordres d'évacuation.
Système de commandement en cas d'incident
Selon les protocoles relatifs au Système de commandement en cas d'incident (SCI)Note de bas de page 3, pendant la phase d'activation d'une urgence, il faut déterminer les besoins en dotation, et les membres du personnel nécessaires disposant des compétences voulues doivent être affectés en conséquence. L'exécution des protocoles a été entravée par un manque de formation. Par conséquent, la Commission a conclu que la GRC n'avait pas entièrement mis en œuvre le SCI au sein de son cadre de gestion des urgences.
La Commission recommande donc que la GRC élabore une politique faisant du SCI la norme pour les situations de gestion des urgences et exigeant que les titulaires de postes clés, y compris les commandants de détachement, suivent une formation sur le SCI, à un niveau correspondant à leurs responsabilités en cas d'urgence.
Prise de notes
Le présent rapport souligne la piètre prise de notes par les membres ayant pris part à l'intervention pendant l'inondation de High River, ce qui a nui à l'enquête de la Commission. Par exemple, les notes prises par les équipes de recherche n'étaient pas uniformes et ne comportaient pas suffisamment de détails. Les membres de la GRC ont également omis de consigner de façon adéquate dans leur calepin de notes leurs activités liées à l'escorte des équipes d'inspection des maisons, particulièrement en ce qui concerne le recours à la force pour entrer dans les résidences.
La Commission recommande que la GRC élabore des lignes directrices pratiques nationales exigeant la création de feuilles d'enquête dans les quartiers ou de documents semblables et que les intervenants d'urgence les utilisent.
Conclusion
Au bout du compte, ce qui aurait dû être une histoire d'actes héroïques posés par d'innombrables premiers intervenants, y compris un grand nombre de membres de la GRC, a pris une tout autre tournure pour la GRC.
La GRC a bien sûr été surprise et a réagi à la colère ressentie par de nombreux résidents de High River en raison du fait que des membres de la GRC étaient entrés dans leur maison et y avaient saisi des armes à feu. Pourtant, la réaction des gens de la collectivité était assez prévisible, étant donné qu'un principe juridique profondément enraciné prévoit que l'ingérence de l'État doit respecter le caractère privé de la résidence d'une personne (ne pas porter atteinte à l'inviolabilité du domicile). Ce principe a été énoncé de façon éloquente par l'homme d'État britannique William Pitt dans un discours prononcé devant la Chambre des communes en 1763 :
[Traduction]
Dans sa chaumière, l'homme le plus pauvre peut défier toutes les forces de la Couronne. Sa chaumière peut bien être frêle, son toit branlant, le vent peut souffler à travers, la tempête peut y entrer, la pluie y pénétrer, mais le roi d'Angleterre, lui, ne peut pas entrer! Toute sa puissance n'ose pas franchir le seuil du logement délabréNote de bas de page 4.
Divers facteurs cernés dans le présent rapport ont mené à cette issue négative pour la GRC, y compris un manque de leadership relativement à la fourniture d'une orientation politique claire et de directives en matière de supervision, de même que l'omission de préciser et de communiquer de façon rapide et transparente les raisons et la justification juridique des actes des membres de la GRC.
La GRC participera sans doute à des interventions en cas de catastrophe à l'avenir, assumant un double rôle, comme à High River, d'organisme d'application de la loi et d'intervenant d'urgence. Afin de maintenir la confiance du public à l'égard de la capacité de la GRC d'assumer ces rôles, la Commission recommande, dans son rapport, diverses mesures que la GRC devra prendre pour s'assurer que ses membres comprennent pleinement leurs obligations et pouvoirs juridiques dans le contexte particulier d'une intervention en cas de catastrophe naturelle, communiquent efficacement, à l'interne et au grand public, la nature de leurs actes et leur justification et supervisent l'exécution de leurs activités de façon à faire preuve de leadership et de responsabilisation.
Introduction
Le présent rapport comprend les cinq volets suivants :
- Portée de l'enquête d'intérêt public
- Contexte
- Chronologie des événements
- Analyse
- Conclusion
La partie I présente le mandat de la Commission et les questions relatives aux interventions de la GRC qui sont examinées dans le rapport.
Les parties Il et III présentent un résumé chronologique des événements pertinents afin de fournir le contexte nécessaire pour effectuer une analyse plus détaillée de la conduite de la GRC dans la partie IV et formuler des recommandations visant à remédier aux manquements commis par la GRC lors de l'inondation survenue à High River.
Le rapport a été préparé à l'issue d'une enquête exhaustive dans le cadre de laquelle on a examiné :
- plus de 10 000 pages de documents, y compris des rapports de situation;
- les comptes rendus de séances du conseil municipal et du Centre des opérations d'urgence (COU) du District et de la Division;
- les notes des membres de la GRC, des courriels et des documents électroniques, et les registres des objets saisis ou retirés des maisons;
- les politiques opérationnelles et administratives pertinentes de la GRC;
- la législation et la jurisprudence applicables;
- plus de 1 000 photographies et environ 50 bandes vidéo.
De plus, le personnel de la Commission a rencontré 68 résidents de High River et a mené 56 entrevues en décembre 2013 et en janvier 2014. En mars 2014, un expert embauché par la Commission pour analyser la façon dont la GRC a géré ses communications externes a procédé à huit autres entrevues. En avril et en juin 2014, des membres principaux de la GRC de même que le chef du service d'incendie de la municipalité de High River ont été interviewés.
La Commission a aussi reçu une grande quantité d'information du public, y compris des documents obtenus par d'autres moyens qui se sont retrouvés dans le domaine public (comme des demandes d'accès à l'information), des centaines de courriels accompagnés de pièces jointes et de liens menant à des articles de presse, ainsi que des lettres, des déclarations et des bandes vidéo. La Commission a également passé en revue des documents publics et des études portant sur les interventions des organismes de police en cas de catastrophe.
Partie I : Portée de l'enquête d'intérêt public
Conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés aux paragraphes 45.37(1) et 45.43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC)Note de bas de page 5, en vigueur avant le 28 novembre 2014, la Commission a lancé une enquête d'intérêt public suivant une plainte déposée par le président au sujet de la conduite des membres de la GRC qui se sont introduits dans des résidences privées et y ont saisi des armes à feu lors de l'inondation survenue à High River (annexe A). L'enquête avait pour but de déterminer si :
- les membres de la GRC ou toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi sur la GRC qui se sont introduits dans des résidences privées à High River ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences législatives appropriées;
- les membres de la GRC ou toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi sur la GRC qui ont participé à la la saisie d'armes à feu dans des résidences privées à High River ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences législatives appropriées;
- les politiques, les procédures et les lignes directrices de la GRC à l'échelle nationale, divisionnaire et des détachements qui traitent d'incidents du genre sont adéquates.
L'annexe B présente un résumé des 52 conclusions et des 10 recommandations de la Commission.
La Commission est un organisme fédéral indépendant qui a pour mandat de faire un examen objectif des renseignements recueillis au cours de son enquête et, dans les cas appropriés, de formuler des recommandations en vue d'améliorer ou de corriger la conduite des membres de la GRC. La Commission n'avait pas comme mandat de se pencher sur les actes des personnes qui ont joué un rôle important dans les interventions d'urgence mais qui ne sont pas des employés de la GRC. Le rapport présente toutefois, lorsque nécessaire pour aider à comprendre le contexte opérationnel, les décisions et les mesures prises par des personnes qui ne sont pas des membres de la GRC.
L'enquête de la Commission visait à déterminer si les entrées dans les propriétés privées (y compris les entrées forcées) et les fouilles effectuées dans celles-ci par la GRC étaient autorisées ou justifiées selon la loi et la jurisprudence de common law. L'enquête visait également à établir si les membres de la GRC ayant exécuté ces fouilles avaient agi de façon raisonnable. La Commission a aussi analysé le fondement juridique et le caractère raisonnable du retrait des armes à feu et des produits de contrebande (p. ex. des plants de marijuana) dans les maisons fouillées par la GRC.
L'enquête de la Commission visait à déterminer si les entrées dans les propriétés privées (y compris les entrées forcées) et les fouilles effectuées dans celles-ci par la GRC étaient autorisées ou justifiées selon la loi et la jurisprudence de common law. L'enquête visait également à établir si les membres de la GRC ayant exécuté ces fouilles avaient agi de façon raisonnable. La Commission a aussi analysé le fondement juridique et le caractère raisonnable du retrait des armes à feu et des produits de contrebande (p. ex. des plants de marijuana) dans les maisons fouillées par la GRC.
La Commission a aussi élargi son examen pour inclure des questions additionnelles liées aux trois questions principales examinées. La première question vise l'efficacité des communications externes de la GRC lors de l'inondation, notamment à savoir si les activités de communication ont été adéquatement planifiées et pourvues en ressources, si les rôles et les responsabilités ont été clairement définis et si les politiques et les procédures de la GRC touchant les communications externes liées aux opérations d'urgence étaient adéquates. La deuxième question concerne le fait que certains membres de la GRC habitant dans la zone d'évacuation de High River n'ont pas quitté leur maison en même temps que les autres résidents. La troisième question a trait à la mise en application, lors de l'inondation, du Système de commandement en cas d'incident, y compris le manque de formation des commandants des interventions relativement à ce système.
La Commission a examiné l'ensemble des questions et des documents susmentionnés ainsi que les commentaires exprimés. La Commission a rédigé un rapport intérimaire conformément aux paragraphes 45.76(1) et 45.76(3) de la Loi sur la GRC, que le commissaire de la GRC doit examiner et auquel il doit répondre avant qu'un rapport final ne soit remis au ministre.
Partie II : Contexte
Dans l'après-midi du 19 juin 2013, le ministère de l'Environnement de l'Alberta a émis un avis de crue pour certaines régions du sud de l'Alberta, y compris pour la municipalité de High River. Située dans le bassin de la rivière Bow et à l'est des Rocheuses canadiennes, High River a connu plusieurs inondations depuis que la ville a été fondée en 1901, dont d'importantes inondations en 1995 et en 2005. La ville s'étend sur 14 kilomètres carrés et compte une population de 13 000 habitants répartis dans 5 200 maisons. Elle comprend deux routes d'accès, soit les autoroutes 2 et 23, tandis que la rivière Highwood serpente au milieu de la ville.
Au cours des deux journées précédant le 19 juin, la région semi-aride entourant High River avait absorbé 200 millimètres de pluie (10 fois les précipitations estivales moyennes de cette région). Une conjonction de systèmes météorologiques formée durant la nuit du 19 juin a apporté 345 millimètresNote de bas de page 6 de précipitations supplémentaires au cours des 60 heures suivantes, ce qui a donné lieu à l'inondation la plus destructrice et coûteuse de l'histoire canadienne, dont les coûts ont été estimés à 6 milliards de dollarsNote de bas de page 7.
À 8 h 45, dans la matinée du 20 juin, la rivière Highwood (qui coule habituellement au milieu de la ville à un débit de 30 à 70 mètres cubes par seconde [mcs]Note de bas de page 8) s'était transformée en un torrent déchaîné déracinant les arbres et submergeant les voitures et les maisons. L'eau de pluie s'écoulant des pentes des Rocheuses s'est engouffrée dans la rivière Highwood à une vitesse de 1 500 à 1 800 mcsNote de bas de page 9. Les autorités locales ont déclaré l'état d'urgence le 20 juin à 7 h 4. Le 27 juin, les autorités provinciales ont déclaré l'état d'urgence dans la région; celui-ci a duré près de trois mois, soit jusqu'au 20 septembre.
Alors que le débit de l'eau s'est accru, entraînant des crues soudaines et des coulées de boue, le niveau des eaux est monté et a débordé des bermes protégeant la ville. À 8 h 45, soit plus de deux heures après l'entrée de l'eau dans la ville, l'avis d'inondation pour la ville a été augmenté au niveau le plus élevé.
Au cours des 48 heures qui ont suivi, des pompiers et des premiers intervenants, y compris 380 membres des Forces canadiennes, ainsi que des centaines de membres locaux, provinciaux et nationaux de la GRC ont travaillé de longues heures pour aider à évacuer la ville et pour coordonner, le 21 juin, le sauvetage de plus de 150 personnes par voie aérienne. Au terme de l'opération d'urgence, on a estimé à 600 le nombre de personnes ayant été secourues par hélicoptère, et à 200 celles secourues au moyen de bateaux, de camions et de véhicules agricoles.
La municipalité de Canmore, située dans le district du Sud de l'Alberta, ainsi que la ville de Calgary (située à 30 minutes au nord de High River), ont également activé des plans d'urgence. Au total, 32 municipalités ont déclaré l'état d'urgence en réponse à l'inondation, mobilisant du coup toutes les ressources d'intervention d'urgence locales et provincialesNote de bas de page 10. Plus de 100 000 personnes ont été déplacées dans la région inondée du Sud de l'Alberta.
Le COU de High River a donné plusieurs ordres d'évacuation pour finalement décréter l'évacuation obligatoire de la ville entière. La municipalité a demandé à la GRC et à d'autres premiers intervenants de communiquer et d'exécuter cet ordre et de porter secours aux personnes évacuées. Selon les plans d'urgence du COU de High River, la GRC devait effectuer des opérations de recherche et de sauvetage qui consistaient notamment à aller de maison en maison pour secourir les personnes ayant besoin d'aide. Alors que l'ordre d'évacuation est demeuré en vigueur pendant plus d'une semaine (et dans certains secteurs de la ville, plusieurs semaines), les efforts et les ressources de la GRC, initialement consacrés à la recherche et au sauvetage, ont été redirigés afin d'assurer en premier lieu la sécurité, et en deuxième lieu un rôle de soutien auprès d'autres organismes, notamment pour accompagner ces derniers dans le sauvetage des animaux de compagnie. Pour des raisons de sûreté et de sécurité, le COU a également mandaté la GRC de fournir aux équipes d'inspection des maisons l'expertise technique permettant de s'assurer que les maisons ne présentaient pas de risques liés à l'électricité et au gaz ou de risques biologiques et qu'elles étaient solides sur le plan structurel. Le plan de retour du COU précisait que ces inspections devaient être effectuées avant que les résidents ne soient autorisés à réintégrer leur maison. Lors de l'exécution de leurs tâches, les membres ont saisi des armes à feu dans les maisons.
Tandis que l'ordre d'évacuation donné par le COU était maintenu pour une deuxième semaine, certains résidents, politiciens et médias ont critiqué la conduite des membres de la GRC parce qu'ils avaient pénétré de force dans les maisons, parfois brisant des fenêtres et défonçant des portes, lors des fouilles de 4 666 maisons, et parce qu'ils avaient saisi des armes à feu dans 105 propriétés.
Le 28 juin, Carl Vallée, le porte-parole du Cabinet du Premier ministre, a émis le commentaire suivant :
[Traduction]
Nous nous attendons à ce que toutes les armes à feu saisies soient retournées à leurs propriétaires le plus tôt possible. Nous croyons que la GRC devrait se concentrer sur des tâches plus importantes, comme le fait de protéger des vies et la propriété privée.Note de bas de page 11
Le 29 juin, à la dixième journée de l'inondation, le Calgary Sun a exprimé ainsi la colère de certains résidents :
[Traduction]
Présumons d'abord que toutes les erreurs commises à High River ont été faites de bonne foi. Une urgence d'une telle ampleur exige des décisions rapides, des nuits blanches et de sales besognes. Nous sommes reconnaissants de tout cela. Cela dit, la façon dont la situation à High River a été gérée dans son ensemble ne peut être qualifiée que de désastreuse [...].
Toutefois, l'aspect le plus troublant de cette débâcle touche la GRC, qui semble continuellement souiller sa réputation auparavant exemplaire en soulevant un scandale après l'autre. Sa dernière gaffe a été commise lors du pire désastre ayant frappé notre région. La GRC s'est introduite dans les maisons des gens alors que la ville faisait l'objet d'une évacuation obligatoire. Selon la GRC, ses membres étaient à la recherche de personnes âgées ou handicapées qui avaient peut-être été incapables de partir. Cela est admirable, et compte tenu du fait qu'ils avaient de l'eau jusqu'à la taille, la tâche n'était pas facile. Mais une fois à l'intérieur, les agents de police ont entrepris de confisquer des armes [...].Note de bas de page 12
Au 30 juin, les eaux avaient commencé à se retirer et le pire de l'inondation était passé. Ce qui aurait dû être un récit des actions des nombreux premiers intervenants – dont plusieurs membres de la GRC – s'est transformé en quelque chose de fort différent pour la GRC.
La première semaine de juillet, il est devenu clair que la Commission devait, dans l'intérêt du public, entreprendre un examen approfondi des interventions de la GRC. Les avis nécessaires ont été communiqués, et le 5 juillet, la Commission a annoncé qu'elle déposait une plainte et déclenchait une enquête d'intérêt public sur cette affaire. Le même jour, Bob Paulson, le commissaire de la GRC, a déclaré publiquement tout son appui et l'entière collaboration de la part de la GRC.
Partie III : Chronologie des événements
Jour 1 (20 juin) – Avant-midi
[Traduction]
La première journée, il a fallu [...] improviser, nous n'avions jamais connu rien de tel.
Le ministère de l'Environnement de l'Alberta a diffusé une veille de crue à 2 h 45, le 20 juin. Moins de 10 minutes plus tard, le chef du service d'incendie de la ville, M. Len Zebedee, a communiqué avec le prévisionniste du niveau des rivières, qui l'a informé de la crue imminente. À 4 h 30, le directeur de la gestion des urgences de High River, M. Ross Shapka, a ordonné la mise en opération du COU de la Ville. La municipalité disposait alors d'un délai de moins de quatre heures pour réagir à la menace imminente, ce qui constitue un délai particulièrement court par rapport aux inondations passées.
À 6 h 11, M. Shapka a alerté le détachement de la GRC de High River et lui a demandé de se présenter au COU. Tous les membres hors service du détachement de la GRC ont été appelés en renfort pour appuyer les efforts d'intervention de la Ville. Les premières heures, le COU était installé dans les bureaux municipaux. Selon l'un des premiers membres de la GRC arrivé sur les lieux, il y régnait une forte agitation :
[Traduction]
C'était très désorganisé et chaotique. Lorsque je suis arrivée, les intervenants et les services qui devaient être là n'étaient pas encore tous arrivés. Et je n'étais pas tout à fait certaine de ce que [...] j'étais censée mettre en œuvre.
À 7 h 4, la municipalité a déclaré l'état d'urgence en vertu de l'Emergency Management Act (EMA) de la provinceNote de bas de page 13, ce qui a entraîné des obligations de soutien pour l'Agence de gestion des urgences de l'Alberta et la GRC. Dans le cadre de son rôle de soutien, la GRC devait exécuter des plans d'urgence conformément aux directives du COU, qui exerçait les pouvoirs liés à l'EMA à l'échelle municipale. Concrètement, le COU de la Ville était responsable des décisions majeures telles que les ordres d'évacuation, y compris la durée pendant laquelle un ordre serait en vigueur et les secteurs de la ville visés par l'ordre.
Peu après 7 h 30, M. Shapka a demandé à ce que le centre d'évacuation soit mis en place et il a émis le premier de plusieurs ordres d'évacuation. La vitesse de l'inondation a pris bon nombre de personnes par surprise et les résidents ont rapidement abandonné leurs maisons et leurs biens.
À 7 h 34, la GRC a commencé à recevoir des rapports signalant que des résidents étaient emportés par les flots ou étaient emprisonnés dans leurs véhicules. À 8 h 35, le COU a été informé du fait que certains secteurs de la ville étaient impraticables et M. Shapka a ordonné à la GRC de procéder à l'évacuation des rues situées dans le quadrant nord-ouest de la ville, en coordination avec le ministère des Transports de l'Alberta.
À 9 h 13, la rivière a commencé à déborder de ses berges au centre-ville, ces dernières étant devenues incapables de la contenir. À ce moment, les membres de la GRC et les intervenants d'urgence avaient tous été déployés afin de porter secours aux résidents, qui étaient nombreux à demander de l'aide parce qu'ils étaient piégés dans leurs maisons ou leurs voitures. À 10 h, la GRC recevait déjà un flot continu de demandes de sauvetage, qui visaient en particulier des personnes âgées et des enfants.
Pendant ce temps, le COU de la Ville faisait face à ses propres difficultés. Vers 10 h 30, les bureaux municipaux dans lesquels le COU s'était installé étaient menacés d'inondation. L'eau avait atteint le stationnement, et dans l'heure qui a suivi, elle est montée presque jusqu'à la hauteur des genoux. À 11 h 28, les eaux de crue avaient inondé le sous-sol des bureaux municipaux. Le débit de l'eau, trois fois plus élevé que celui de l'inondation de 2008, rendait dangereuse l'utilisation des ponts et des autoroutes. M. Shapka a ordonné au COU de déménager dans la caserne de pompiers, située plus à l'écart de la rivièreNote de bas de page 14. Tous les véhicules de la GRC étaient en service alors que les membres de la GRC se rendaient à différents endroits de la ville pour avertir les résidents et mettre en sûreté les personnes bloquées.
Vers 11 h 30, les véhicules de la GRC ne pouvaient plus circuler en raison de la montée des eaux, qui ont fini par couvrir 95 % de la superficie de la ville. En fin de matinée, la GRC a perdu son système spécialisé de communication. La plupart des résidents de la ville ont également perdu l'accès aux services de communication téléphonique et de transmission de données fournis par les lignes terrestres et les stations de base. Ceux qui avaient besoin d'aide étaient incapables de joindre les services d'urgence.
Jour 1 (20 juin) – Après-midi
À midi, des bénévoles ont commencé à aider le personnel d'urgence, qui était débordé, dans ses efforts de sauvetage. Une entreprise de construction a fourni de gros camions de transport ainsi que d'autres machines lourdes. Les premiers intervenants et les bénévoles ont également obtenu deux moissonneuses-batteuses et ont recruté des conducteurs auprès d'un concessionnaire local. Toutefois, la crue a fini par caler le moteur des véhicules de construction et des véhicules agricoles.
Peu après 13 heures, le fort courant des eaux a entravé davantage les opérations de sauvetage au sol. Il était devenu de plus en plus dangereux d'utiliser des bateaux dans les eaux troubles, qui étaient remplies de débris en mouvement rapide et de voitures submergées et qui se transformaient en de puissants courants contraires aux principales intersections.
Les notes prises par le secrétaire du COU révèlent qu'à 13 h 49, le jour 1, M. Shapka a mentionné semble-t-il pour la première fois les opérations de recherche et de sauvetage « de porte en porte ». Le COU envisageait alors d'autoriser le personnel d'urgence à pénétrer dans les maisons et les bâtiments dans le cadre de son plan d'intervention d'urgence. Les notes du COU font état d'un « plan pour que les militaires fassent du porte-à-porte » afin « de secourir le plus de gens possible ». Pendant que le COU mettait en place son plan d'urgence, les membres de la GRC et d'autres intervenants – dont des pompiers, du personnel militaire, des employés de l'Agence de gestion des urgences de l'Alberta et d'autres employés provinciaux ainsi que des employés d'entreprises de gaz et d'électricité – tentaient de se rendre au COU.
Le COU a été forcé de déménager trois fois la première journée. Certains membres du personnel du COU ont abandonné leurs véhicules alors qu'ils étaient en route vers le nouvel emplacement, en laissant derrière eux plusieurs ressources nécessaires pour commander et diriger des interventions d'urgence efficaces, dont des cartes, des ordinateurs et des appareils de télécommunications.
Au milieu de l'après-midi, le COU, qui devait travailler sans téléphone, sans radio et sans communications Internet, a dû se résoudre à transmettre l'information par le bouche à oreille. Le centre a eu accès à des téléphones satellites et aux services de radioamateurs seulement plus tard au cours de la journée. Les communications téléphoniques pour High River ont été établies de façon temporaire dans la ville de Nanton (qui se trouve à environ 30 kilomètres au sud de High River).
À 15 h 53, le COU a ordonné l'évacuation obligatoire pour la ville de High River au grand complet.
Jour 1 (20 juin) – Soir
Ce soir-là, la municipalité avait deux éléments de son plan d'urgence en place : le sauvetage et la sécurité. Au cours de la soirée, la GRC a déployé des patrouilles pour assurer un périmètre de sécurité et prévenir le pillage dans la zone d'évacuation. Les secouristes de la GRC ont poursuivi les opérations de sauvetage.
Tandis que les eaux de crue gagnaient de plus en plus de terrain, la GRC a commencé à coordonner des sauvetages par voie aérienne. Tôt dans la soirée, le premier des trois hélicoptères des Forces canadiennes est arrivé pour faciliter les opérations de recherche et de sauvetage de la GRC.
À 21 h 23, tandis que les eaux continuaient de monter et arrivaient maintenant à deux pâtés de la caserne de pompiers où était situé le COU, ce dernier a décidé de se réinstaller à un troisième endroit, soit dans une caserne de pompiers située dans la ville voisine de Nanton. Le déménagement a été très long car les autoroutes étaient fermées et les ponts ainsi que les routes avaient été emportés ou n'étaient pas sécuritaires. À 22 h 30, le COU a décidé de retourner à la caserne de pompiers de High River à titre de mesure temporaire. Ces déplacements constants ont nui aux interventions d'urgence.
Un membre de la GRC a décrit avec justesse la situation du jour 1 :
[Traduction]
[La GRC] essayait de diriger les gens là où ils devaient aller pour obtenir les ressources dont ils avaient besoin. Et nous avions perdu près de la moitié de nos effectifs dans l'eau en raison de la férocité des flots. À un certain moment, j'ai entendu un son de bulles dans l'une des radios. Je n'arrivais pas à joindre qui que ce soit. Je ne savais pas où quiconque se trouvait. Je pouvais entendre une agente qui était prise seule sur une île. Le pont avait été emporté. Elle était là-bas et personne ne pouvait se rendre jusqu'à elle. Nous n'avions aucun bateau pour nous rendre jusqu'à elle. Nous étions incapables d'avoir assez de bateaux. Les bateaux n'étaient pas suffisamment solides et les débris submergés les renversaient. Des maisons commençaient maintenant à flotter. Il y avait des bateaux partout. C'était le chaos total.
Jour 2 (21 juin) – Avant-midi
Tandis que s'amorçait le jour 2, le COU de la Ville tentait de faire face aux défaillances de l'infrastructure des services d'électricité, d'eau et d'égouts, aux systèmes de communication lacunaires, aux routes bloquées et aux ponts emportés – outre les opérations de sauvetage en cours. Les premiers intervenants devaient également composer avec un sol instable, des incendies domestiques, des fuites de gaz et des fils électriques sous tension, y compris trois explosions dues à des pannes de courant et des lignes d'électricité abattues. Pendant ce temps, la liste des personnes disparues continuait de s'allonger (elle en comptait 31 au début du jour 2) et des centaines de résidents avaient toujours besoin d'être secourus et évacués.
Peu après 6 h, le COU s'est réuni à la caserne de pompiers de High River. Le commandant des interventions par intérim de la GRC, le surintendant Frank Smart, a participé à la réunion au nom de la GRC. Se faisant l'écho du commentaire formulé par M. Shapka le jour précédent, et compte tenu des conditions dangereuses auxquelles les membres de la GRC étaient exposés, le surintendant Smart a proposé une [traduction] « fouille systématique, de porte en porte, de toutes les résidences de la ville ». Les réseaux de communication étant en panne, le surintendant Smart a souligné qu'aucun secteur de la ville ne pouvait être considéré comme évacué car il n'y avait aucun moyen de savoir si des personnes étaient prises au piège dans un sous-sol inondé ou étaient frappées d'incapacité autrement qu'en vérifiant physiquement l'intérieur des résidences. Le surintendant Smart a recommandé d'intervenir directement pour venir en aide à toute personne incapable de s'aider elle-même.
Les résultats de la réunion du COU étaient clairs : le temps pressait et la protection des vies était prioritaire. Vers 6 h 30, M. Zebedee, qui était l'autorité responsable du COU à ce moment-là, a autorisé la préparation d'un plan de recherche comprenant des recherches de porte en porte. [Traduction] « [L]e COU a ordonné la fouille de toutes les résidences de la ville afin de s'assurer que les gens avaient été évacués. »Note de bas de page 15
À 9 h, les opérations de sauvetage maritimes (coordonnées et exécutées surtout par les pompiers) ainsi que les opérations de secours aérien (coordonnées par la GRC et exécutées par les Forces canadiennes et des pilotes privés) allaient bon train. Trois hélicoptères des Forces canadiennes ainsi qu'un certain nombre d'hélicoptères privés étaient en opération. À 16 h 3, les Forces canadiennes avaient soulevé 150 résidents des toits. Au total, environ 600 résidents ont été secourus par les airs (le dernier sauvetage aérien des civils pris au piège a eu lieu aussi tard que le 5 juillet). Les hélicoptères se sont avérés indispensables, car les secouristes au sol étaient exposés à des dangers cachés comme des fils sous tension, des fuites de gaz, des gros débris et des trous d'enlisement.
En plus de coordonner les opérations de secours, les membres de la GRC ont également fait des recherches pour retrouver les personnes disparues et décédées. À 10 h 30, on a fait appel à eux pour chercher une personne disparue présumée noyée. À 11 h 15, la GRC a retrouvé un premier corps. Un deuxième corps a été retrouvé vers midi près de làNote de bas de page 16 et un troisième corps a été découvert plus tard le jour suivant. La GRC a craint que le nombre de décès n'atteigne le cap des deux chiffresNote de bas de page 17. On recevait encore de nombreux signalements indiquant que des personnes étaient emportées dans les torrents. En raison des problèmes continus touchant l'infrastructure et les communications, la recherche des personnes disparues exigeait beaucoup de temps et de travail.
Jour 2 (21 juin) – Après-midi
La GRC a préparé un plan de recherche selon les directives du COU. À 14 h 39, les membres de la GRC ont demandé des éclaircissements sur les mesures à prendre pour les opérations « de porte en porte » dans les cas où personne ne se présenterait à la porte, en particulier dans les quartiers où le niveau de l'eau était plus bas. Le surintendant Smart a demandé aux membres de la GRC de recourir à toute la force nécessaire (pour pénétrer dans les bâtiments), mais à aussi peu de force que possible pour minimiser les dommages. Ce sont le sergent d'état-major Scott Fuller et le sergent Rob Marsollier, qui étaient tous deux des superviseurs de l'unité des Opérations tactiques spécialesNote de bas de page 18, qui ont communiqué cette consigne aux différentes équipes lors des séances d'information préalables aux fouilles.
Lors d'une séance d'information, les membres de la GRC ont reçu les directives suivantes :
- Fouiller chaque maison.
- Consigner l'adresse de la maison et indiquer si elle est vide ou occupée.
- Entrer dans les maisons pour sauver des vies.
- Dans le cas des maisons occupées, noter les noms des personnes s'y trouvant, des personnes manquant à l'appel et des plus proches parents.
- Marquer avec du ruban adhésif les maisons fouillées.
- Ne pas se déplacer dans l'eau profonde.
- Verrouiller les portes en repartant.
- S'identifier comme agent de police au moyen d'un porte-voix.
Plusieurs des membres de l'équipe n'étaient jamais allés à High River, ce qui compliquait davantage l'environnement opérationnel. Comme les cartes et le matériel du COU avaient en grande partie été perdus lors de la première journée de l'inondation, les membres de la GRC ont dû utiliser des cartes rudimentaires (obtenues, dans certains cas, auprès d'une pizzeria locale) pour effectuer des recherches en bateau dans des quartiers inondés qu'ils ne connaissaient pas, cherchant les plaques de rue en regardant sous l'eau.
Une fois les pires quartiers touchés repérés, les équipes ont employé divers moyens pour gérer les risques et pénétrer dans les maisons. Certaines maisons étaient déverrouillées ou accessibles par une porte de garage ouverte, alors que pour entrer dans d'autres maisons, il a fallu briser des fenêtres et des portes. Lorsque des serruriers étaient disponibles, ceux-ci déverrouillaient ou perçaient les serrures. Dans certains cas, les équipes ont pu entrer facilement dans les maisons grâce aux entrées déjà endommagées par les eaux de crue et les gros débris.
Tandis que les opérations de recherche et de sauvetage de maison en maison se poursuivaient, les membres de la GRC responsables des communications externes n'étaient pas encore au courant des détails de la stratégie « porte-à-porte » ni des entrées forcées.
Jour 2 (21 juin) – Soir
Tout en continuant leurs recherches en vue de trouver les résidents ayant besoin d'aide, certains membres de la GRC faisant partie des équipes de recherche ont remarqué la présence d'armes à feu non sécurisées dans les maisons fouillées. Les premières armes à feu non sécurisées ont été trouvées à 18 h 39; à ce moment, 50 armes à feu ont été trouvées dans une pièce située au deuxième étage d'une résidence. D'après l'examen, fait par la Commission, des notes et des communications de la GRC, la GRC n'avait pas songé, avant cette découverte, à élaborer un plan d'action ou à allouer des ressources pour sécuriser les armes à feu découvertes lors des fouilles.
Lorsqu'ils découvraient des armes à feu dans une maison, soit les membres de la GRC les saisissaient, soit, dans certains cas, ils communiquaient leur emplacement et une équipe de suivi s'y rendait pour saisir et cataloguer les armes avant de les entreposer dans une baie de sécurité au détachement de la GRC de High River. Le surintendant Smart a désigné le sergent d'état-major Fuller en tant que responsable de l'exécution du plan de recherche. Le sergent d'état-major Fuller ne considérait pas les armes à feu confisquées comme des biens infractionnels, et de ce fait, ses équipes n'ont pas fait enquête ni envisagé de déposer des accusations en lien avec les armes non sécurisées. Plus tard dans la soirée du jour 2, le sergent d'état-major Fuller a informé le surintendant Smart de la découverte des armes à feu et a indiqué que celles-ci étaient traitées comme des « biens trouvés ». Le surintendant Smart était satisfait de cette information et les membres de la GRC sur le terrain ont donc continué de saisir les armes à feu non sécurisées.
À la tombée de la nuit, alors que les opérations de sauvetage s'étaient transformées en opérations de récupération, la GRC a redirigé et priorisé les ressources conformément au plan de sécurité du COU. Les membres de la GRC étaient postés à divers points d'accès autour de la ville afin d'empêcher les gens d'y entrer. Tout au long de la soirée, le jour 2, la GRC a reçu des rapports indiquant que des introductions par effraction avaient eu lieu, y compris dans une épicerie et une pharmacie. Le sergent d'état-major Fuller a aussi reçu de l'information fiable selon laquelle on avait vu un groupe de jeunes dont on savait qu'ils avaient des antécédents criminels transporter des polochons vides et tenter de contourner les lignes de sécurité. La possibilité de pillage et d'activités criminelles a accru les inquiétudes de la GRC au sujet des armes à feu non sécurisées se trouvant dans la zone d'évacuation.
Jour 3 (22 juin) – Matin
Le jour 3, alors que la majeure partie de la ville était toujours considérée comme non sécuritaire par le COU, certains résidents ont commencé à s'impatienter dans les centres d'évacuation temporaires. Lors des évacuations dues aux inondations qui avaient eu lieu dans le passé à High River, les résidents avaient déjà pu réintégrer leur maison après ce temps.
Alors que l'ordre d'évacuation était toujours en vigueur, les équipes de recherche de la GRC trouvaient encore des résidents qui ne voulaient pas quitter leur résidence volontairement ainsi que quelques autres qui avaient besoin d'aide. Les membres de la GRC ont découvert des personnes âgées qui avaient besoin d'aide pour quitter leur domicile. Ailleurs dans la ville, un camion de distribution de gaz et une ambulance étaient restés pris dans des trous d'enlisement. D'autres secouristes ont aussi eu besoin de soins médicaux en raison des conditions dangereuses auxquelles ils avaient été exposés dans la zone d'évacuation.
Lors de la réunion divisionnaire du COU tenue le matin à Edmonton, certains problèmes relevés lors des deux journées précédentes ont été présentés par l'équipe divisionnaire des opérations d'urgence de la GRC à des fins de discussion. On a mentionné le fait que des membres de la GRC endommageaient les portes des maisons, notamment dans les quartiers peu touchés par l'inondation. Alors que de nouveaux membres de la GRC arrivaient pour prêter main-forte aux équipes de recherche de High River, l'équipe a continué de chercher à obtenir des éclaircissements quant à la nécessité d'entrer dans les maisons non touchées par l'inondation. Le surintendant Smart a indiqué qu'il fallait entrer dans toutes les maisons.
Le matin du jour 3, M. Shapka et le surintendant Smart ont tous deux exprimé le souhait que la GRC poursuive les recherches de maison en maison. Ils ont réitéré la consigne d'exécuter les fouilles de manière à causer le moins de dommages possible en pénétrant dans les demeures. Cependant, dans de nombreux cas, les équipes de recherche ont été laissées à elles-mêmes pour appliquer les directives relatives aux fouilles. Les membres disposaient d'outils limités pour entrer par la force; ils ont eu recours à des barres à clous et à des masses ou ont défoncé les portes à coups de pieds, ce qui a causé dans plusieurs cas des dommages importants aux portes et aux fenêtres des logements. Une fois à l'intérieur, les équipes de recherche entraînaient de la boue et des débris dans leur sillage pendant qu'ils circulaient de la cuisine au salon et aux chambres à coucher à la recherche de personnes ayant besoin de secours. Une fois que les portes et les fenêtres avaient été forcées ou défoncées à coups de pieds, les équipes ne disposaient d'aucun moyen pour sécuriser les maisons.
Selon le sergent d'état-major Fuller :
[Traduction]
La seule manière d'assurer la sécurité à ce moment-là était de resserrer le périmètre de sécurité autour de la ville.
Jour 3 (22 juin) – Après-midi
À 16 h, on a fait appel à deux serruriers afin de réduire au minimum les dommages causés par les membres de la GRC lors de l'entrée dans les maisons et des fouilles. Au terme de l'étape de sauvetage et de récupération, au moins une douzaine de serruriers avaient été mis à contribution.
Le jour 3, d'autres armes à feu ont été découvertes lors des fouilles des maisons. On a communiqué avec les membres du détachement local de la GRC pour qu'ils les saisissent, les mettent en lieu sûr et les entreposent au détachement de la GRC. Le retrait des armes à feu n'a pas donné lieu à la prise de notes et au maintien de la chaîne de possession qui sont normalement associés à la saisie de biens. Le COU de la Ville n'avait pas encore été informé du retrait des armes à feu des maisons. M. Zebedee a déclaré que lorsque le COU de la Ville a été mis au courant que des armes à feu avaient été trouvées dans les maisons, il s'est inquiété du fait qu'en raison du nombre de personnes toujours présentes dans la zone d'évacuation, les introductions par effraction et les vols d'armes à feu pourraient [traduction] « entraîner d'autres problèmes si ces armes étaient utilisées à des fins criminelles ». Il y avait plusieurs criminels connus parmi les 326 personnes qui se trouvaient toujours dans la zone d'évacuation, y compris un délinquant à risque élevé. La GRC était au fait de ces facteurs.
Jour 4 (23 juin)
Le jour 4, le niveau des eaux de crue a commencé à se stabiliser.
Le maire Émile Blokland a transmis à la GRC une lettre à l'intention des résidents qui souhaitaient retourner dans la zone d'évacuation ou qui s'y trouvaient encore. La lettre du maire mentionnait la défaillance complète des infrastructures essentielles de la ville et sollicitait la coopération des résidents pour évacuer la ville. La lettre se lisait comme suit :
[Traduction]
Aux résidents,
La ville de High River se trouve actuellement en état d'urgence et un ordre d'évacuation OBLIGATOIRE a été déclaré en conséquence. Même si certains secteurs de la ville n'ont pas été directement touchés par les eaux de crue, toutes les infrastructures essentielles de la ville ont été compromises.
Les systèmes d'égouts et d'évacuation des eaux usées de la municipalité sont en ce moment hors d'usage. Nous disposons de ressources d'eau potable très limitées et un avis d'ébullition de l'eau est en vigueur.
Il n'y a ni nourriture, ni médicaments, ni gaz, ni électricité. Les services d'incendie ainsi que les services médicaux d'urgence sont extrêmement restreints. Les déplacements dans la ville de High River et ses alentours sont dangereux.
Votre présence continue nuit aux capacités d'intervention de la Ville.
Même si vous estimez être en sécurité et pensez faire la bonne chose, vos actions pourraient retarder le retour dans leur maison de vos voisins qui ont respecté l'ordre d'évacuation.
Il s'agit d'une situation difficile pour nous tous et nous sommes tous concernés. Il est important que vous évacuiez la ville afin que les intervenants d'urgence puissent rendre nos demeures sécuritaires.
Nous vous demandons instamment d'agir comme il se doit.
Tandis que l'état d'urgence et l'ordre d'évacuation demeuraient en vigueur, bon nombre des résidents étaient mécontents de ne pas pouvoir revenir, en particulier ceux qui habitaient dans les secteurs non inondés (environ 5 %) de la ville. En outre, on avait forcé l'entrée et causé des dommages dans les maisons de plusieurs d'entre eux, ce que d'aucuns percevaient comme étant une destruction délibérée de la part de la GRC.
S'ajoutant aux frustrations des évacués, 326 personnes qui ne s'étaient pas conformées à l'ordre d'évacuation du COU n'ont pas été forcées par la GRC de quitter leur maison. Par contre, on voyait des membres de la GRC exécuter avec diligence l'ordre du COU en empêchant les gens de retourner chez eux. Certains résidents ont été interceptés alors qu'ils tentaient de rentrer dans la ville, et dans un cas, la GRC a mis en état d'arrestation un individu qui avait brandi un couteau après avoir été interpellé par des membres de la GRC. Les résidents estimaient que la GRC exécutait l'ordre d'évacuation de façon inéquitable. Cette perception s'est accrue lorsque les résidents ayant désobéi à l'ordre d'évacuation et qui étaient en communication avec ceux qui se trouvaient à l'extérieur de la zone d'évacuation ont mentionné qu'ils avaient entrepris des travaux de restauration dans leur propriété et qu'ils avaient vu des équipes de la GRC entrer dans des maisons et y retirer des armes à feu. Le niveau de frustration a augmenté aux points de contrôle établis par la GRC autour du périmètre de la ville, où les résidents ont dirigé contre les membres de la GRC leur colère relativement à l'ordre d'évacuation.
Certains résidents étaient inquiets au sujet des animaux de compagnie abandonnés. Le jour 4, le COU s'est penché sur cette question et a demandé à la GRC d'aider le personnel autorisé à entrer dans la zone d'évacuation afin de soigner et de secourir les animaux de compagnie. À ce moment, le personnel chargé de procéder au sauvetage des animaux de compagnie avait reçu des centaines d'appels d'aide. Avant la quatrième journée, le sauvetage des animaux de compagnie était effectué au cas par cas par des bénévoles, dont certains ne faisaient pas partie des services d'urgence et se présentaient de façon inopinée dans des zones dangereuses de la ville. Pour des raisons de sécurité, M. Shapka a ordonné, au nom du COU, que ces sauvetages n'aient plus lieu sans la présence d'agents de la GRC.
Au début, deux membres de la GRC ont été affectés aux équipes de sauvetage des animaux de compagnie, qui ont été intégrées au plan de recherche du COU. Plus tard, jusqu'à huit membres de la GRC ont été affectés aux équipes. À la fin de l'opération, on a estimé que 700 animaux de compagnie avaient été rescapés et que 90 % d'entre eux avaient été remis à leurs propriétaires. Le nombre d'animaux de compagnie qui ont péri est inconnu.
À la fin du jour 4, de plus en plus de résidents commençaient à désobéir à l'ordre d'évacuation du COU et pénétraient dans la zone d'évacuation pour s'occuper de leurs propriétés ou récupérer leurs animaux.
Jour 5 (24 juin)
En fin d'après-midi, le jour 5, les équipes dirigées par la GRC ont cessé les recherches de maison en maison, mettant ainsi fin à leur participation à la phase de recherche des opérations de sauvetage. La GRC avait à ce moment-là fouillé plus de 4 600 logements et aidé à secourir environ 38 personnes grâce aux recherches de maison en maisonNote de bas de page 19.
Une fois l'étape des recherches de maison en maison terminée, M. Shapka a demandé, au nom du COU, que la GRC accompagne des ingénieurs et des inspecteurs en santé en vue d'effectuer des inspections de santé et sécurité. Ceux-ci se sont employés à repérer les dangers biologiques et chimiques possibles et ont examiné l'intégrité structurelle des bâtiments. Le COU a exigé que ces dangers soient vérifiés avant de permettre aux résidents de retourner chez eux.
On a utilisé un système de cotation pour indiquer si les maisons étaient habitables, qui a donné les résultats suivants :
Code | Description | Nombre de maisons |
---|---|---|
Vert | Par d'impact habitable | 1 552 |
Jaune | Impact mineur; léger nettoyage requis; réparations mineures possibles | 538 |
Orange | Dommages; réparations ou rénovations importamtes requises; inhabitable dans l'immédiat | 2 171 |
Rouge | Dommages importants réparations non rentables; inhabitable | 619 |
Le tableau reflète la dévastation provoquée par l'inondation : plus de la moitié des résidences ont été déclarées inhabitables par les autorités provinciales.
Jour 6 (25 juin)
Au jour 6, la GRC avait vérifié 4 666 bâtiments au total, effectuant une entrée forcée dans 754 cas. Les ressources de la GRC s'attachaient maintenant à assurer la sécurité dans la ville et à soutenir les activités de récupération et le retour des personnes dans la zone d'évacuation. Pendant ce temps, certains résidents ont appris que des membres locaux de la GRC ainsi que des pompiers, parmi d'autres premiers intervenants, pénétraient dans la zone d'évacuation afin de s'occuper de leurs propres propriétés, et que de plus, certaines de ces maisons n'avaient pas fait l'objet d'une fouille et d'une entrée forcée. Ce jour-là, le surintendant Smart a ordonné aux membres de la GRC de se conformer à l'ordre d'évacuation et de quitter leur maison.
Jour 7 (26 juin) et après
Au jour 7, tandis que les télécommunications étaient de nouveau accessibles en ligne, les médias sociaux ont largement diffusé de l'information selon laquelle des membres de la GRC défonçaient les portes à coups de pieds et s'emparaient des armes à feu des résidents. Les médias traditionnels ont aussi tourné leur attention vers les mesures prises par la GRC. Les commentaires des résidents se sont retrouvés sur une page Facebook, où l'on appelait les résidents à reprendre la ville et à prendre d'assaut les barricades. La GRC a reçu des rapports faisant état d'un plan visant à prendre le contrôle de l'un de ses points de contrôle.
Pendant que les résidents de High River exprimaient leur colère, les résidents des villes voisines retournaient dans leurs collectivités pour commencer le nettoyage. Les résidents de High River sont devenus de plus en plus frustrés par le manque de communication concernant le calendrier de retour dans leur collectivité. Le COU a continué de fonctionner selon la prémisse que la zone d'évacuation de la ville demeurait dangereuse puisque certaines résidences demeuraient accessibles uniquement aux plongeurs de la GRC et que divers dangers subsistaient dans la ville, notamment : la présence de la bactérie E. coli dans l'eau et de trous d'enlisement, la perte de l'intégrité structurelle des résidences et la possibilité de risques liés aux fils électriques sous tension et aux fuites de gaz non encore réparées. Cependant, les membres de la GRC postés aux points de contrôle de la ville recevaient peu d'information qu'ils pouvaient transmettre aux résidents, ce qui a suscité davantage de frictions entre les résidents et la GRC.
Le jour 8 de l'ordre d'évacuation, les médias ont diffusé ce qui était devenu l'histoire de la « saisie d'armes » :
[Traduction]
[La GRC] a saisi une « importante quantité » d'armes à feu dans les résidences de la ville évacuée de High River [...]. Cette nouvelle a été mal accueillie par un groupe de résidents en colère qui projetaient d'ouvrir une brèche dans un point de contrôle policier situé au nord-ouest de la ville alors qu'un ordre d'évacuation s'étire depuis huit jours.Note de bas de page 20
La GRC a tenté de répondre au vif intérêt des médias, mais les procédures visant à retourner les armes à feu n'étaient pas terminées et les agents de communication de la GRC avaient peu de renseignements pertinents à transmettre. En fait, les commandants opérationnels de la GRC ont insisté pour que certains renseignements de base ne soient pas rendus publics.
Le jour 10, alors que l'électricité avait été restaurée dans près de 95 % des résidences, le COU a levé l'ordre d'évacuation pour certains secteurs de la ville. À ce moment, la GRC avait établi un processus de retour des armes à feu à leurs propriétaires. Le processus était doté d'une politique souple qui tenait compte de la difficulté de fournir les pièces d'identité et les documents appropriés et d'assurer le transport des armes à feu à autorisation restreinte.
En octobre, la GRC a préparé un rapport qui présentait certaines données sur les armes à feu. Le rapport indiquait que 609 armes avaient été retirées et étiquetées à la suite des entrées de la GRC. De plus, 452 armes à feu avaient été retournées et 107 armes avaient été volontairement remises pour qu'elles soient détruites, tandis que les autres armes n'avaient pas été réclamées et se trouvaient toujours au détachement.
En décembre 2014, seulement 18 armes à feu étaient toujours conservées par la GRC. Parmi celles-ci, deux avaient été trouvées dans un parc et personne ne les avait réclamées. Les seize armes qui restaient étaient gardées en lieu sûr à la demande des propriétaires des armes.
Des accusations en vertu du Code criminelNote de bas de page 21 ont été portées contre une seule personne pour des infractions liées à la drogue et à des armes prohibées.
Partie IV : Analyse
Avant de procéder à l'analyse des questions soulevées dans la plainte déposée par le président, il est important de noter que le présent rapport se limite à présenter des conclusions relativement à la conduite de la GRC et de ses membres. Bien que le rapport puisse mentionner la participation d'autres personnes ou organismes, cela est fait uniquement pour des motifs contextuels et ne vise pas à évaluer le caractère approprié des décisions ou des actes de ces personnes ou organismes.
En outre, la quantité de documents soumis sur les entrées et les fouilles effectuées par la GRC dans des milliers de maisons de High River ne permettait pas de faire un examen détaillé de chaque entrée, fouille et saisie. Ces actions sont plutôt évaluées dans leur ensemble. La seule exception à cette approche est l'examen de certains cas précis servant à mettre en lumière les principaux problèmes en matière de conduite.
A. Entrées dans les résidences privées lors de l'évacuation
La première question examinée par la Commission a trait aux entrées dans les résidences privées situées dans la zone d'évacuation. Les entrées ont parfois été forcées, ce qui, dans certains cas, a causé des dommages considérables. Aux fins de l'analyse de la Commission, il sera essentiel de déterminer si les entrées étaient conformes aux pouvoirs juridiques établis, y compris à savoir si les méthodes utilisées étaient raisonnables dans les circonstances.
L'analyse porte sur les pouvoirs juridiques sous-jacents aux interventions de la GRC. L'analyse de la formation, des politiques, des procédures et des lignes directrices sur l'entrée dans les maisons est présentée dans la section C du rapport.
Obligations et pouvoirs de la police
Au Canada, les policiers sont investis de pouvoirs leur permettant d'exécuter les fonctions qui leur sont attribuées par la loi. Certains de ces pouvoirs sont définis dans les lois, tandis que d'autres sont établis par les tribunaux. Les pouvoirs reconnus par les tribunaux, appelés « pouvoirs en common law », ont une portée limitée.
La Cour suprême du Canada ne s'est pas encore penchée sur l'étendue des pouvoirs dont dispose la police pour entrer dans des résidences privées sans mandat lors d'une catastrophe naturelle, mais elle a examiné la légalité d'entrer sans mandat dans une maison en réponse à un appel téléphonique au 911, qui constitue une situation d'urgence similaire. Dans cette affaire, la Cour suprême a déterminé que :
Le critère reconnu pour évaluer les pouvoirs et les obligations des agents de police en common law a été exposé dans l'arrêt Waterfield [...]. Si la conduite policière constitue de prime abord une atteinte à la liberté ou à la propriété d'une personne, le tribunal doit trancher deux questions : premièrement, la conduite entre-t-elle dans le cadre général d'un devoir imposé par une loi ou reconnu par la common law? Deuxièmement, la conduite, bien que dans le cadre général d'un tel devoir, comporte-t-elle un exercice injustifiable des pouvoirs découlant de ce devoir?Note de bas de page 22
Ce critère a été appelé doctrine Waterfield, ou doctrine des pouvoirs accessoires, dans des décisions subséquentes. Afin de répondre à la première question du critère de l'arrêt Waterfield, la Cour a examiné à la fois les obligations imposées par la common law et celles imposées par la loi. En fin de compte, la Cour a mis l'accent sur le devoir qu'ont les agents de police de protéger la vie des personnes et les biens. Elle a conclu que le devoir de protéger la vie entre clairement en jeu lorsqu'un policier intervient en réponse à un appel au 911 qui a été coupé.
À l'examen de la deuxième partie du critère de l'arrêt Waterfield, la Cour suprême s'est penchée sur la question de savoir s'il existait d'autres options raisonnables que celle de l'entrée sans mandat. Elle a déterminé que ce n'était pas le cas et a donc confirmé la validité de l'entrée sans mandat compte tenu des circonstances urgentes. En bout de ligne, la Cour a conclu que « chaque affaire est un cas d'espèce et doit être évaluée en fonction de toutes les circonstances qui entourent l'événement »Note de bas de page 23.
La conduite s'inscrit-elle dans le cadre général des obligations découlant d'une disposition législative ou de la common law?
Le fait que les membres de la GRC aient pénétré dans des résidences privées dans le cadre de leurs interventions, lors de l'inondation, n'est pas contesté. La façon dont les membres se sont acquittés de cette tâche sera abordée plus loin dans l'analyse. Il faut d'abord examiner les raisons qui ont motivé ces actions. Au cours de l'enquête de la Commission, les membres de la GRC ont cité deux raisons pour justifier leur entrée dans les résidences privées lors des interventions : l'Emergency Management ActNote de bas de page 24 (EMA) de l'Alberta et leur devoir de protéger la vie prévu par la common law. Nous examinerons chacune de ces raisons à tour de rôle.
L'alinéa 1f) de l'EMA définit une urgence comme suit : [traduction] « un événement qui exige que l'on prenne rapidement des mesures coordonnées ou que l'on gère les personnes ou les biens de manière à protéger la sécurité, la santé ou le bien-être des personnes ou à limiter les dommages aux biens [...] ». Les faits énoncés dans la partie III du présent rapport permettent d'établir qu'une urgence a eu lieu dans la ville de High River le 20 juin et pendant plusieurs jours par la suite.
La coordination des interventions d'urgence à High River a été fondée d'abord et avant tout sur les règles établies dans l'EMA. En vertu de l'EMA, deux types d'états d'urgence peuvent être déclarés lorsqu'on estime faire face à une urgence, soit un état d'urgence provincialNote de bas de page 25 ou un état d'urgence localNote de bas de page 26.
Lorsqu'un état d'urgence local est déclaré, ce qui, en l'espèce, a été fait le 20 juin, l'administration locale (dans ce cas-ci, le conseil municipal de High River) est responsable de diriger et de contrôler les mesures d'urgenceNote de bas de page 27. Aux termes des paragraphes 11.2(1) et (2) de l'EMA, l'agence de gestion des urgences de la Ville est désignée pour agir à titre de mandataire dans l'exercice des pouvoirs liés aux mesures d'urgence de la Ville, tandis que le directeur de cette agence est chargé de diriger et de coordonner les interventions d'urgence localesNote de bas de page 28.
À l'époque en question, le directeur de l'agence de gestion des urgences de la Ville était M. ShapkaNote de bas de page 29, et à ce titre, il était chargé de la mise en œuvre de tous les plans d'urgence.
Les pouvoirs qui peuvent être exercés dans le cadre d'un état d'urgence sont indiqués au paragraphe 19(1) de l'EMA et comprennent les suivants :
[Traduction]
19(1) Au moment où est déclaré un état d'urgence et pendant toute la durée de celui-ci, le ministre peut accomplir tous les actes et prendre toutes les mesures nécessaires, y compris :
- a) mettre en œuvre un plan ou un programme d'urgence;
- [...]
- d) autoriser ou exiger que des personnes fournissent l'aide qu'elles sont aptes à fournir;
- e) contrôler ou interdire les déplacements [...]
- [...]
- g) faire évacuer des personnes
- [...]
- h) autoriser les personnes qui mettent en œuvre un plan ou un programme d'urgence à pénétrer dans tout bâtiment ou sur tout bien-fonds sans mandat.
[C'est nous qui soulignons]
En vertu des pouvoirs découlant de l'alinéa 24(1)b)Note de bas de page 30, ces pouvoirs sont conférés à l'administration locale lorsqu'un état d'urgence est déclaré.
L'autorisation de pénétrer dans tout bâtiment sans mandat dans le cadre d'un plan d'urgence, prévue à l'alinéa 19(1)h) de l'EMA, constitue la clé de la présente analyse. Pour que les entrées sans mandat effectuées par les membres de la GRC dans le cadre des interventions réalisées lors de l'inondation soient reconnues comme ayant été autorisées aux termes de cette disposition de l'EMA, il faut que les trois conditions préalables suivantes soient remplies : 1) un état d'urgence avait été déclaré dans la ville de High River; 2) un plan d'urgence autorisant l'entrée dans les bâtiments avait été préparé; et 3) la GRC avait été chargée d'exécuter ce plan.
Quatre plans d'urgence ont été préparés et mis en œuvre dans le cadre des interventions d'urgence, soit le plan de sauvetage et de récupération, le plan de sécurité, le plan de recherche et le plan de retour.
- Le plan de sauvetage et de récupération est le premier plan exécuté par M. Shapka; il portait sur les sauvetages terrestres, maritimes et aériens qui ont eu lieu les deux premières journées de l'inondation, ainsi que sur les efforts continus visant à retrouver les victimes qui avaient pu mourir noyées dans les eaux. Parmi ces derniers efforts, on compte le travail des chiens détecteurs de cadavres et celui des équipes de plongée.
- Le plan de sécurité a été mis en œuvre à la fin de la première journée; il prévoyait la mise en place de points de contrôle permettant de contrôler les entrées dans la ville. Ce plan a été maintenu jusqu'à ce que l'ordre d'évacuation ait été levé et que les résidents aient été autorisés à rentrer chez eux.
- Le plan de recherche, mis en œuvre la deuxième journée, visait à retrouver des personnes et, plus tard, des animaux de compagnie. Les recherches de personnes se sont terminées le 24 juin, et le sauvetage d'animaux de compagnie, le 2 juillet.
- Le plan de retour, dont le but était de préparer le retour des résidents dans leur maison, a débuté la première journée de l'inondation; il prévoyait l'inspection des résidences privées afin de s'assurer que celles-ci ne présentaient pas de danger pour les occupants. Ce plan, exhaustif, comprenait les aspects logistiques du retour des résidents ainsi que les réparations aux infrastructures essentielles de la ville.
Ces plans étaient modifiés de temps à autre en fonction des circonstances.
L'enquête de la Commission a permis de constater que les entrées dans les maisons étaient autorisées par le plan de recherche, qui consistait au début à rechercher les personnes en détresse puis, plus tard, à récupérer les animaux de compagnie. En outre, le plan de retour autorisait les équipes multidisciplinaires, y compris les agents accompagnateurs de la GRC, à entrer dans les maisons pour faciliter les inspections dans le but d'évaluer l'électricité, le gaz, la plomberie, l'intégrité structurelle et d'autres risques pour la santé avant de permettre aux occupants de retourner chez eux. Ces plans, que M. Shapka a exécutés conformément aux pouvoirs que lui conférait l'EMA, représentent le fondement législatif sur lequel s'est fondée la GRC, comme il est mentionné plus haut.
L'EMA délimite les pouvoirs du ministre ou de l'administration locale, selon le cas, lorsqu'un état d'urgence provincial ou local est déclaré. Dès que l'état d'urgence local a été déclaré, le conseil municipal avait le pouvoir direct de coordonner les interventions d'urgence, tandis que la GRC avait un rôle d'appui. Le contrôle direct des interventions d'urgence incombait au directeur du COU. Cette situation s'est poursuivie après la déclaration, le 27 juin, d'un état d'urgence pour la région par la province. D'un point de vue pratique, cette structure n'a pas changé puisque les interventions d'urgence ont continué d'être gérées par le COU lorsque la province a pris les commandes. L'exécution des quatre plans d'urgence, ainsi que les directives fournies à la GRC, sont demeurées inchangées. La plupart des postes sont également restés les mêmes car les agents provinciaux participaient déjà aux interventions d'urgence puisque le personnel de l'Agence de gestion des urgences de l'Alberta était intégré au COUNote de bas de page 31.
Afin de déterminer si le rôle de la GRC a engendré des obligations autorisant l'exercice de pouvoirs policiers, il est d'abord nécessaire d'examiner les lois provinciales et fédérales pertinentes. En Alberta, l'article 38 de la Police Act, RSA 2000, c P-17, définit les pouvoirs, les obligations et le territoire de compétence des agents de police. Les membres de la GRC sont des « agents de police » au sens de la Loi. De même, l'article 18 de la Loi sur la GRC définit les obligations des membres. Ces deux lois établissent un devoir général pour les agents de police d'accomplir leurs fonctions en tant qu'agents de la paix.
En participant aux interventions d'urgence liées à l'inondation de High River sous la direction de la Ville et de M. Shapka, les membres ont aussi agi conformément aux obligations énoncées dans l'EMA.
Conclusion no 1 : Conformément à l'Emergency Management Act de l'Alberta, un état d'urgence local a été déclaré le 20 juin pour la ville de High River, suivi d'un état d'urgence provincial déclaré le 27 juin.
Conclusion no 2 : Conformément à l'Emergency Management Act, le Centre des opérations d'urgence a préparé et autorisé l'exécution de quatre plans d'urgence portant sur le sauvetage et la récupération, la sécurité, les recherches et le retour dans les résidences.
Conclusion no 3 : Conformément à l'Emergency Management Act, le Centre des opérations d'urgence a donné à la GRC l'autorisation et la directive d'entrer sans mandat dans tous les bâtiments de High River et d'y effectuer des fouilles, dans le cadre des plans d'urgence du Centre.
Conclusion no 4 : Les membres de la GRC qui ont participé aux interventions d'urgence ont agi en tant qu'agents de la paix, conformément aux pouvoirs et aux obligations découlant de la Police Act de l'Alberta et de la Loi sur la GRC.
Conclusion no 5 : Les membres de la GRC qui ont participé aux interventions d'urgence ont agi conformément aux obligations découlant de l'Emergency Management Act.
Outre les pouvoirs et les obligations conférés aux membres de la GRC par la Police Act, la Loi sur la GRC et l'EMA, la common law est également pertinente lorsqu'il s'agit d'examiner les actions de ces derniers en tant qu'agents de la paix. La common law se compose de précédents rédigés par des juges qui ont force obligatoire relativement aux actions de la police. Toutefois, contrairement aux lois, les règles de la common law ne sont pas adoptées en assemblée législative, mais sont établies au fil de nombreuses années et sont issues de la coutume et de la jurisprudence.
En ce qui concerne la common law, les tribunaux respectent depuis longtemps la protection des propriétés privées contre les intrusions de la police et ils s'opposent fortement à l'empiétement de l'État sur le droit à la vie privée à l'intérieur des foyers. Par conséquent, la règle générale veut que les policiers aient besoin d'un mandat pour pénétrer dans une maison, pour fouiller une propriété privée ou pour saisir des objets à la suite d'une fouille. En l'absence de pouvoirs conférés par une loi ou la common law ou d'autorisation judiciaire, toute atteinte portée par les autorités nationales à une propriété privée est jugée déraisonnable.
Dans un texte rédigé à l'intention des responsables de l'application de la loi, Ian Scott et Joseph Martino expliquent la common law en lien avec les fouilles et les saisies. Au chapitre 3 du Salhany's Police Manual of Arrest, Seizure and InterrogationNote de bas de page 32, ils décrivent comme suit le traitement en common law des fouilles et des saisies :
[Traduction]
Le droit de fouiller la maison ou le lieu de résidence d'une personne est considéré comme un recours extraordinaire, qui ne peut être exercé que s'il est autorisé en vertu d'une disposition claire et sans ambiguïté de la loi. En l'absence d'un mandat ou d'un autre pouvoir précis en ce sens, les policiers n'ont pas le droit d'entrer dans un lieu privé et d'y demeurer contre la volonté de l'occupant. S'ils le font, l'occupant est autorisé à les considérer comme des intrus [...].
D'autre part, selon la common law, l'occupant d'une maison d'habitation autorise implicitement tout membre du public, y compris un policier, à pénétrer sur sa propriété à des fins légitimes. Cependant, cette autorisation implicite ne vaut que jusqu'à la porte de la maison [...]. [Citations omises]
Bien que cette description soit considérée comme la règle générale interdisant les interventions policières sans mandat dans les maisons, il existe toutefois une exception reconnue à cette règle. Les policiers peuvent prendre des mesures sans disposer d'un mandat lorsqu'il s'agit d'un cas urgent, que les tribunaux désignent souvent comme une « situation d'urgence ». Ces situations comprennent notamment les urgences où les autorités doivent agir dans des circonstances qui rendent difficile l'obtention d'un mandat.
La décision rendue par la Cour provinciale de l'Alberta dans l'arrêt R c Cardinal, 2001 ABPC 92, donne un aperçu utile de l'exception relative aux « situations d'urgence » :
[Traduction]
56 Aucune des circonstances exceptionnelles reconnues par la common law et autorisant les policiers à entrer dans un lieu sans mandat ne s'appliquaient. Les policiers ne faisaient pas une poursuite immédiate [...] et ne tentaient pas, non plus, de capturer de possibles coupables qui s'étaient introduits dans la maison et étaient en train d'y commettre une infraction. [...] Rien ne portait à croire que quelqu'un était armé ou mettait en danger la sécurité d'autrui. [...] Le droit à la vie privée ne prime pas sur la sécurité des autres membres de la maisonnée; les policiers peuvent entrer pour protéger la vie des occupants et assurer leur sécurité. [...] Il existe d'autres exemples où une entrée sans mandat ou autorisation peut être permise en raison d'une urgence, comme dans le cas d'un incendie ou d'une autre catastrophe imminente, où le droit d'entrée serait implicite. [Citations omises]
Comme nous l'avons mentionné dans les pages précédentes, la Cour suprême du Canada a conclu que le devoir de protéger la vie imposé par la common law peut justifier l'entrée sans mandat dans une maisonNote de bas de page 33. Dans le cas de l'urgence de High River, les faits exposés dans la partie III du présent rapport permettent d'établir que les policiers s'acquittaient manifestement de leur devoir de protéger la vie, comme prévu par la common law. L'importance de ce devoir est indéniable. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a déclaré que [traduction] « dans les situations mettant en cause la protection de la vie et de la sécurité physique, le seul choix réaliste de la police est de faire preuve d'une grande prudence »Note de bas de page 34. En outre, dans ce même contexte, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a souligné que [traduction] « le devoir de protéger la vie et d'assurer la sécurité publique qui est imposé aux agents de police par la common law est très exigeant. Les conséquences d'une omission d'agir peuvent être tragiques »Note de bas de page 35. De fait, pas plus tard que l'an dernier, les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada ont déclaré que « l'accomplissement du devoir incombant aux policiers de protéger la vie et la sécurité est au cœur même de l'existence de la police en tant qu'entité sociale »Note de bas de page 36.
Les déclarations faites par les membres supérieurs sur place soulignaient l'importance de protéger les vies et reconnaissaient les conséquences tragiques pouvant découler de l'inaction. Le surintendant Smart a déclaré ce qui suit :
[Traduction]
Nous étions préoccupés par le fait que des gens âgés ou atteints d'une incapacité quelconque se trouvaient peut-être coincés dans leurs maisons et étaient incapables d'en sortir. Évidemment, deux personnes étaient décédées à ce moment-là et je pense que le simple fait que... En toute franchise, nous nous attendions [...] à ce qu'il y ait beaucoup d'autres décès [...]. Nous nous attendions à ce que la vie de bien d'autres personnes se trouve en danger, disons.
L'inspecteur Tony Hamori, qui a aussi agi en tant que commandant des interventions à l'étape des fouilles, a déclaré :
[Traduction]
[L]orsque j'ai appris que nous irions de porte en porte pour fouiller chaque maison, j'ai trouvé que cela était très raisonnable compte tenu des circonstances. Aussi, comme je l'ai déjà mentionné, la pensée de laisser une personne derrière m'a convaincue que toute autre situation était nettement moins grave par rapport aux critiques dont nous ferions l'objet si nous abandonnions cette personne, ce qui a certainement raffermi à mes yeux notre pouvoir d'agir.
Les circonstances créées par l'inondation, du moins dans les premiers temps, appuient objectivement la conclusion selon laquelle les membres de la GRC qui sont intervenus lors de l'inondation travaillaient dans des conditions mettant en jeu le devoir de protéger la vie imposé par la common law. Les citations qui précèdent démontrent que les membres qui ont participé aux interventions s'efforçaient d'accomplir ce devoir.
Conclusion no 6 : Les membres de la GRC qui ont participé aux interventions d'urgence avaient le devoir, imposé par la common law, de protéger la vie et d'assurer la sécurité publique.
La conduite, selon la portée générale d'une telle obligation prévue par la loi ou la common law, constitue-t-elle un exercice non justifiable des pouvoirs liés à cette obligation?
Après avoir conclu que la première partie du critère Waterfield avait été respectée (c.-à-d. que la conduite des membres de la GRC était conforme à une de leurs obligations prévues par l'EMA et à leur obligation en common law consistant à protéger la vie), il est nécessaire de déterminer si la conduite, c'est-à-dire l'entrée dans les maisons par la police, correspond à un exercice justifiable du pouvoir. Pour ce faire, les circonstances auxquelles la police était confrontée et les objectifs visés par les mesures prises, en d'autres mots l'importance du but visé, doivent être évalués.
Dans le cadre de l'intervention à la suite de l'inondation, les membres de la GRC se sont introduits dans des maisons pour diverses raisons.
Entrées initiales
- Protéger la vie (des personnes)
Entrées secondaires
- Récupérer des biens personnels des résidents;
- Escorter les équipes de sauvetage d'animaux de compagnie;
- Escorter les équipes d'inspection des maisons;
- Saisir les armes à feu entreposées de façon non sécuritaires.
Pour déterminer le caractère raisonnable des entrées et des fouilles, il est nécessaire d'évaluer chacune de ces entrées de façon indépendante. La période pendant laquelle chaque activité a été menée est également pertinente, puisque les conditions et les risques que posait l'inondation ont évolué au cours de l'intervention.
Entrées initiales
Protéger la vie (des personnes)
Autorisation d'entrer
Les notes du secrétaire du COU du 21 juin révèlent que, peu après 6 h, une réunion de planification a eu lieu. Parmi les personnes présentes, il y avait M. Zebedee, qui à l'époque était responsable du COU, et le surintendant Smart, qui était alors le commandant des interventions de la GRC. Toujours selon les notes du secrétaire du COU, le surintendant Smart a recommandé une « fouille de porte en porte systématique de toutes les résidences de la ville ». Pendant cette réunion, la GRC a soutenu qu'il était impossible de déterminer avec certitude si tous les secteurs de la ville avaient fait l'objet de recherches et étaient considérés comme évacués. Pendant l'opération de sauvetage, le personnel chargé du sauvetage avait répondu aux gens ayant besoin d'aide et avait cogné à certaines portes et crié pour trouver des gens en détresse. Les membres du personnel ne s'étaient toutefois pas introduits dans les maisons pour chercher des gens. Les notes du secrétaire du COU indiquent que M. Zebedee a autorisé la préparation du plan de recherche dans le cadre de cette réunion, lequel envisageait l'introduction dans les maisons à cette fin.
Selon ses déclarations, le surintendant Smart a quitté la réunion de planification et croyait que la Ville avait exercé son pouvoir aux termes de l'EMA pour ordonner l'entrée dans les maisons. C'est ce qu'il a constamment dit à ses subalternes par la suite. Cependant, quand il a été questionné sur les détails de la réunion, le surintendant Smart a affirmé qu'il ne se rappelait pas les discussions tenues pendant la réunion au sujet des entrées par la force dans les maisons. C'était également le cas de M. Zebedee.
M. Shapka n'a pas été interviewé dans le cadre de l'enquête. On lui a demandé de fournir une déclaration, ce qu'il a convenu de faire. Malheureusement, après de multiples tentatives pour organiser la tenue d'une entrevue, tentatives effectuées par téléphone et par écrit, la Commission a été incapable de s'entretenir avec lui. Les commentaires de M. Shapka sont toutefois du domaine public, puisqu'il a accordé une entrevue radiophonique le 23 juin 2014.
Pendant cette entrevue à la radio, il a indiqué clairement que les fouilles avaient été effectuées sous l'égide du COU. Il a confirmé que l'objet de la première série de fouilles était la « sécurité des personnes » et que la recherche était la principale priorité. En s'appuyant sur ces plans, M. Shapka a déclaré qu'il avait pris la décision d'ordonner la fouille des maisons pour trouver des gens, et il a défendu cette décision. Cela correspond aux notes prises par les personnes présentes à la séance de breffage des opérations du COU, à 17 h.
En outre, un rapport diffusé par la Ville de High River le 8 juillet 2014, à la suite d'un examen de l'intervention d'urgence pendant l'inondation de 2013, indique que, le 21 juin vers 6 h 30, [traduction] « le COU a ordonné la fouille de toutes les résidences de la ville afin de s'assurer que les gens avaient été évacués »Note de bas de page 37.
Le dossier de la preuve étaye la conclusion selon laquelle, le 21 juin, la GRC a commencé à entrer sans mandat dans les maisons conformément aux ordres du COU. L'ordre était une composante du plan d'urgence du COU, surtout du plan de recherche. Les actes des membres de la GRC à cette fin étaient autorisés par l'alinéa 19(1)h) de l'EMA, qui permet [traduction] « d'entrer dans un bâtiment ou sur un terrain sans mandat si cela s'effectue dans le cadre de plans ou de programmes d'urgence ». Même si l'EMA et les plans d'urgence n'établissent pas précisément les moyens à utiliser pour effectuer l'« entrée », il était évident qu'il serait nécessaire d'entrer par la force compte tenu des circonstances de l'urgence. Il s'agit en fait de la question qu'a examinée M. Shapka, puisqu'il a indiqué que le COU avait demandé à la GRC [traduction] « de faire le moins de dommages possible au moment d'entrer dans les maisons ».
Le COU savait que les membres de la GRC entraient par la force dans des maisons, et son ordre de mener les recherches est resté en vigueur. Ces entrées ont également été mentionnées dans le plan de retour, lequel établissait un régime d'indemnisation pour les résidents qui retournaient chez eux, étant donné que certaines maisons avaient subi des dommages pendant [traduction] « les fouilles initiales menées pour s'assurer que toutes les personnes avaient quitté leur maison et étaient en sécurité [...] ». Les membres de la GRC ne faisaient donc que se conformer à l'ordre du COU de fouiller chaque maison, et il était raisonnable pour eux d'entrer par la force dans les maisons en causant le moins de dommages possible pour exécuter les plans d'urgence.
Conclusion no 7 : L'entrée par la force était implicitement permise pour effectuer des fouilles en vue de protéger la vie des personnes, pour autant que les dommages causés soient minimaux.
Conclusion no 8 : Même si les dossiers tenus étaient inadéquats, il est raisonnable de conclure que, compte tenu de leur rôle dans le cadre des plans d'urgence, les membres de la GRC ont déterminé les moyens à utiliser pour pénétrer dans les bâtiments.
But des entrées
Les entrées systématiques ont commencé à la fin de l'après-midi du 21 juin et se sont terminées le 24 juin, soit environ 72 heures plus tard. Pendant ce temps, les membres sont entrés dans 4 666 bâtiments pour y effectuer des fouilles et ils se sont introduits par la force dans 754 d'entre eux. Les fouilles ont commencé dans les secteurs de la ville les plus facilement accessibles pour les sauveteurs et se sont poursuivies à partir de là. Pendant les fouilles, le niveau d'eau a diminué dans les parties de la ville les plus proches de la rivière. Cependant, certains quartiers, surtout ceux dans l'est de la ville, sont demeurés sous l'eau pendant des semaines.
Ces facteurs donnent un contexte important pour l'application de l'analyse juridique des questions. Comme l'a indiqué la Cour suprême du Canada, « l'atteinte à la liberté doit être nécessaire à l'accomplissement du devoir de la police et elle doit être raisonnableNote de bas de page 38 ». Plus précisément, la Cour a adopté la liste suivante de facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer si la conduite de la police était justifiable :
[...] le devoir dont il s'acquitte, la mesure dans laquelle il est nécessaire de porter atteinte à la liberté individuelle afin d'accomplir ce devoir, l'importance que présente l'exécution de ce devoir pour l'intérêt public, la liberté à laquelle on porte atteinte ainsi que la nature et l'étendue de l'atteinteNote de bas de page 39.
La Cour suprême du Canada a également indiqué qu'« [i]l faut délimiter les pouvoirs policiers avec prudence afin d'établir un juste équilibre entre la prévention de l'atteinte injustifiée à la liberté et à la vie privée d'une personne et l'octroi aux policiers de pouvoirs raisonnablement nécessaires à la protection des citoyens ».Note de bas de page 40 [C'est nous qui soulignons]
À partir du premier ordre d'évacuation obligatoire donné le matin du 20 juin jusqu'à l'après-midi où on a ordonné l'évacuation de toute la ville, on s'est inquiété de plus en plus pour la sécurité des résidents de High River et des intervenants d'urgence venant à leur aide. La situation empirait, et l'environnement était encore très chaotique.
Bon nombre de risques cachés et apparents ont subsisté pendant les jours suivants. Les facteurs pris en compte pour le maintien de l'ordre d'évacuation ont été résumés dans la lettre du maire Blokland du 23 juin. Cette lettre abordait la perte totale des infrastructures essentielles de la ville, soit l'eau, les égouts, l'électricité et le gaz, et l'intervention d'urgence. Elle mentionnait également la pénurie de nourriture et de médicaments ainsi que les dangers courus par les personnes se rendant dans la ville.
Ces facteurs sont pertinents pour justifier l'entrée dans les bâtiments par la police. Tous les dangers évoqués pour ordonner l'évacuation représentaient une menace potentielle pour quiconque restait là.
Certains des événements survenus dans les jours suivant l'ordre d'évacuation révèlent les risques qui existaient dans la zone d'évacuation et auxquels étaient confrontés les résidents qui avaient été pris au piège par l'inondation.
Tandis que des équipes des services d'électricité s'efforçaient de rétablir le courant dans la ville, le service a été rétabli dans une maison où un appareil de cuisson était allumé quand la panne est survenue. L'appareil s'est rallumé, et un incendie est survenu le 21 juin, ce qui a nécessité l'intervention des pompiers. Il y a eu un autre incendie pendant cette journée. Le 22 juin, un camion d'Atco Gas et une ambulance sont tombés dans des trous d'enlisement. L'ambulance répondait à une urgence médicale et a été incapable de poursuivre son chemin, il a donc fallu envoyer une autre ambulance. Dans le cadre de l'intervention pendant l'inondation, des sauveteurs sont tombés dans des trous ou sont passés à travers des balcons ou des planchers de maison et ont eu besoin de soins médicaux.
Pendant des jours après l'inondation, la GRC a aidé les résidents qui avaient besoin d'aide pour quitter la ville. Ces conditions montrent la gravité de la situation.
Comme il a été mentionné précédemment, l'obligation de protéger la vie des personnes est décrite sur le plan judiciaire comme étant « lourde » et justifiant [traduction] « la tendance à pécher par prudence ». En effet, trois personnes ont perdu la vie en raison de l'inondation.
Comme les gens étaient tenus d'évacuer la ville, mais qu'ils ne pouvaient le faire sans aide dans certains cas (p. ex. l'utilisation d'hélicoptères pour le sauvetage), des fouilles systématiques dans les maisons étaient justifiées pour trouver des gens blessés ou décédés. Comme il y avait beaucoup de bâtiments à fouiller et qu'il était raisonnable de croire que certaines personnes pouvaient être incapables de répondre aux sauveteurs qui cognaient à leur porte, on s'est introduit par la force.
La préoccupation couramment soulevée par les membres interrogés était la suivante : ils ne pouvaient pas savoir si des personnes prises au piège ou blessées avaient besoin d'aide dans une maison, à moins de procéder à une fouille. Comme l'a indiqué l'inspecteur Hamori, il considérait que se limiter à frapper aux portes n'était pas une option valable, car ils auraient pu apprendre après coup que quelqu'un avait été oublié.
Même s'ils ne sont pas déterminants pour la question, les résultats des fouilles, qui sont présentés ci-dessous, contribuent à évaluer le caractère raisonnable des risques perçus, lesquels ont été évoqués pour justifier les entrées par la force. Au nombre de ces risques, mentionnons les effets résiduels de l'inondation, qui touchaient non seulement les personnes prises au piège dans la ville, mais également celles qui ne pouvaient pas revenir dans leur maison.
Les détails complets du sauvetage par la police de 38 personnes dans leur maison, y compris la question de savoir si on a permis à la police d'entrer pour effectuer ces sauvetages, ne sont pas présentés dans le dossier écrit. La piètre tenue de dossiers a rendu difficile la détermination des circonstances exactes de ces événements individuels. Dans leurs notes, les équipes de recherche ont simplement inscrit une citation selon laquelle leur équipe avait « sauvé » un certain nombre de personnes dans la zone de fouille. Cependant, à la lumière des dossiers qui existent, il est évident que la grande majorité de ces personnes étaient incapables d'évacuer la ville ou avaient refusé de le faire et qu'elles avaient maintenant besoin d'aide pour se sortir de leur situation difficile.
Les dossiers de la GRC concernant les « sauvetages » indiquent que, le 24 juin, neuf personnes dans une situation précaire ont été sauvées. Voici un extrait concernant deux de ces sauvetages :
[Traduction]
Les deux femmes ont été découvertes quand les équipes dirigées par la GRC effectuaient des recherches de porte en porte. Lorsqu'elles ont été retrouvées, les deux femmes ont indiqué que leur situation devenait désespérée, et une des femmes semblait être dans un état de grande détresse. Une des résidentes a été sauvée par une équipe dans un bateau tandis que l'autre a été trouvée par une équipe dans un véhicule blindé léger.
Les entrées par la force n'ont pas entraîné la découverte de personnes décédées, mais elles ont supposément permis d'aider deux personnes qui couraient un grave risque. Le dossier écrit ne contenait aucune mention relative à ces sauvetages. Le sergent d'état-major Fuller a déclaré qu'il y a eu plusieurs cas où des personnes ne pouvant pas se dépêtrer ni communiquer leur besoin d'aide avaient été sauvées. Au moment de son entrevue, il a seulement été capable de se rappeler les détails d'un de ces sauvetages. Dans ce cas, il a expliqué qu'un homme âgé se déplaçant en fauteuil roulant était resté dans sa maison pendant trois jours après le début de l'inondation. Le sergent d'état-major Fuller a indiqué que l'homme n'avait pas de nourriture, d'eau potable ou d'installations sanitaires depuis trois jours. Ce cas a également été mentionné par les pompiers. Un cas semblable a été également mentionné par des intervenants de première ligne : une femme âgée ayant besoin d'aide et étant incapable de partir ou d'appeler à l'aide a été trouvée.
Même si l'atteinte à l'inviolabilité du domicile est une intrusion importante par rapport aux droits de propriété, la possibilité de sauver des vies dans des circonstances dangereuses en cours peut rendre cette conduite raisonnablement nécessaire.
En l'espèce, les membres de la GRC menaient leurs activités dans les conditions suivantes :
- un état d'urgence locale déclaré;
- un mandat conféré par le COU consistant à effectuer des recherches dans toute la ville, lesquelles, de par leur nature, devaient être effectuées rapidement;
- plus de 300 personnes avaient refusé d'évacuer la ville et pouvaient avoir besoin d'aide;
- des résidents à l'extérieur de la ville tentaient, parfois avec succès, de contourner les contrôles de sécurité pour regagner la ville, courant potentiellement un danger.
Compte tenu des conditions auxquelles étaient confrontées les équipes de recherche de la GRC, l'introduction dans les bâtiments pour chercher des gens était une intervention raisonnable et justifiable dans le cadre de la crise à laquelle faisaient face les sauveteurs, qui avaient l'obligation d'agir pour protéger la vie des personnes.
Conclusion no 9 : Compte tenu des circonstances d'urgence qui existaient pendant les 72 heures de fouilles visant la protection des personnes, l'entrée dans les maisons sans mandat par les membres de la GRC constituait un exercice justifiable des pouvoirs policiers afin de remplir leur obligation en common law consistant à protéger la vie des personnes.
Protocole de fouille
Comme il a été décrit ci-dessus, la portée des pouvoirs en common law est limitée par l'intrusion minimale requise par le critère des pouvoirs « raisonnablement nécessaires » énoncé par la Cour suprême dans l'arrêt Clayton.
Même si on a conclu que l'introduction dans les maisons était généralement un exercice valide des pouvoirs policiers en l'espèce, il est tout de même nécessaire d'examiner certains aspects de ces entrées afin d'analyser de façon approfondie le caractère raisonnable de la conduite des policiers. Les dommages causés par les entrées par la force, la protection des résidences à la sortie des membres et les bâtiments choisis sont d'autres considérations pertinentes.
i. Dommages
Le COU a demandé aux membres de mener les fouilles en causant le moins de dommages possible, et ce, avant le début de l'intervention. Le surintendant Smart a fourni des instructions semblables au sergent d'état-major Fuller en lui demandant que les responsables des fouilles utilisent la force minimale nécessaire pour pénétrer dans les bâtiments. Dans le cadre des séances d'information préalables aux fouilles, le sergent d'état-major Fuller et le sergent Marsollier ont communiqué cette information à l'ensemble des équipes de recherche, au sein desquelles la GRC était représentée par des membres du GOTS.
Le sergent d'état-major Fuller a expliqué que la nature de l'intervention d'urgence faisait de la rapidité une priorité, ce qui nécessitait le recours à une certaine force pour pénétrer dans les maisons.
[Traduction]
Notre seule préoccupation était d'accéder à chaque maison le plus rapidement possible pour nous assurer que personne n'était tombé en bas d'un escalier, n'était en détresse, n'avait eu une crise cardiaque, etc. Comme le service téléphonique ne fonctionnait pas et que les voisins étaient partis, il était impossible d'obtenir du secours. En gros, notre tâche consistait à nous introduire dans une maison, puis dans la prochaine et ainsi de suite.
Dans le cadre des séances d'information destinées aux équipes de recherche, on a indiqué aux membres de tenter de passer par les portes non verrouillées. En effet, pendant la deuxième journée des fouilles, on avait déterminé que les portes de garage électriques pouvaient être ouvertes manuellement et que, dans bien des cas, les résidents avaient laissé les portes de garage intérieures déverrouillées, ce qui permettait d'accéder facilement à la maison. Dans d'autres cas, les membres entraient par les fenêtres.
Dans bon nombre de cas, les membres s'en remettaient à ce qu'ils avaient sous la main pour s'introduire. Ils disposaient de quelques outils pour entrer par la force, utilisant souvent des barres à clous, des masses ou leurs pieds. Beaucoup de ces entrées ont causé des dommages importants aux maisons. Il importe également de mentionner qu'un grand nombre de témoins ont décrit en détail les dommages causés à l'intérieur de leur maison par des sauveteurs qui étaient entrés avec des bottes recouvertes de boue.
Le recours à des serruriers pour atténuer les dommages causés par l'entrée de force par des portes ou des fenêtres était une mesure raisonnable prise par la GRC pour réduire au minimum les conséquences négatives pour les propriétaires de maison. Le 21 juin, dans le cadre de la séance d'information de 21 h du COU, une discussion a été tenue sur le recours à des serruriers. On n'a commencé à recourir à leurs services que l'après-midi de la journée suivante, mais, au début, il n'y en avait que deux. On a fait appel à d'autres serruriers de villes avoisinantes et de Calgary, mais il n'y en avait pas assez pour protéger toutes les propriétés, et ils n'étaient pas toujours capables de déverrouiller les portes. Même si c'était une amélioration notable, il s'agissait uniquement d'une solution partielle.
Les dommages causés par les entrées par la force étaient un des aspects les plus controversés de l'intervention d'urgence. L'effet émotionnel dévastateur des dommages causés aux maisons, comme l'indiquent les entrevues menées auprès des résidents de la ville, ne saurait être surestimé. Les dommages causés par les entrées par la force dans les maisons, surtout dans celles qui n'avaient pas été touchées par l'inondation, ont mis en colère les résidents de la ville. Même si, à l'époque, les membres de la GRC ignoraient l'effet qu'auraient les dommages, cet effet est un élément pertinent à considérer dans l'évaluation visant à déterminer si la force utilisée était raisonnable.
La gravité de ces actes doit toutefois être considérée à la lumière de l'objectif pour lequel les pouvoirs ont été exercés. Comme l'objet des fouilles était de protéger la vie des personnes et qu'il était raisonnable de croire que les fouilles dans les bâtiments étaient la seule façon d'accomplir cette tâche, l'utilisation raisonnable de la force était justifiée.
Pour mettre cela en contexte, les décisions judiciaires portant sur le besoin pour les policiers de pécher par prudence, quand la protection des personnes est au cœur de leurs actes, doivent être considérées. Ces affaires judiciaires accordent une certaine latitude aux policiers dans l'exercice de leurs pouvoirs, ce qui, essentiellement, élargit la gamme des actes qu'ils peuvent raisonnablement commettre, étant donné que la rapidité était primordiale et qu'il était raisonnable de croire que des personnes et leur sécurité étaient en danger. Dans ces circonstances, compte tenu de l'ensemble des répercussions graves qu'ont subies de nombreux résidents de High River en raison des actes des policiers et de l'inondation elle-même, la GRC était justifiée de pénétrer par la force dans les maisons.
Conclusion no 10 : Compte tenu des circonstances d'urgence présentes à ce moment-là, le recours raisonnable à la force pour entrer dans les bâtiments dans le but de protéger la vie des personnes était justifié.
ii. Verrouiller les portes à la sortie
Lorsque le surintendant Smart a chargé le sergent d'état-major Fuller de mettre en œuvre le plan de recherche, il lui a ordonné de sécuriser tous les bâtiments à la sortie, dans la mesure du possible. Cependant, cette directive semble avoir été suivie seulement pour les maisons ayant un accès libre ou quand l'entrée a seulement causé des dommages très limités. Le verrouillage des portes à la sortie est une pratique normale lorsque la police entre par la force (avec ou sans mandat) et a pour objet de protéger les biens du propriétaire ou du résident du bâtiment.
Quand on a questionné le sergent d'état-major Fuller sur le fait que bon nombre de maisons n'avaient pas été sécurisées, il a répondu qu'il ne croyait pas qu'il était possible de verrouiller toutes les portes. Il a déclaré ce qui suit : [Traduction] « [L]orsque la porte est ouverte avec un coup de pied, il est impossible de la verrouiller par la suite. La seule façon de la verrouiller à ce moment-là est d'établir un périmètre de sécurité plus serré autour de la collectivité. »
Le sergent d'état-major Fuller a reconnu qu'il n'avait pas pris de mesures pour assurer la sécurité des maisons endommagées, car il ne croyait pas que cela était possible. D'un point de vue logistique, il a expliqué que les membres ne disposaient pas de l'équipement nécessaire pour verrouiller les portes. Pour ce faire, il aurait été nécessaire d'avoir recours aux services de tiers possédant cet équipement et, pour les amener sur les lieux, il aurait alors fallu obtenir davantage de bateaux et de membres du personnel chargés du transport. Dans les deux cas, cela aurait ralenti les équipes de recherche, dont l'objectif principal était de sauver des vies.
Dans certains cas, le fait d'assurer la sécurité des maisons a entraîné des dommages pendant les entrées subséquentes. Cette question a été abordée dans le cadre de l'examen des entrées aux fins des inspections de maison, ci-dessous.
Conclusion no 11 : Il était raisonnable pour les membres de la GRC de sécuriser les bâtiments après avoir effectué leurs fouilles.
Conclusion no 12 : La décision de ne pas recourir à l'équipement et aux ressources supplémentaires nécessaires pour sécuriser les bâtiments qui avaient été endommagés au moment de l'entrée était raisonnable dans les circonstances.
iii. Entrée dans tous les bâtiments
Il y a un autre aspect lié aux entrées sans mandat effectuées pendant les premiers jours qui influe directement sur la détermination du caractère raisonnable de l'exercice des pouvoirs policiers. Même si, selon les estimations, 95 % de la ville était sous l'eau au plus fort de l'inondation, certaines maisons dans un nombre restreint de quartiers n'avaient pas été touchées directement par l'inondation, mais on y est tout de même entré. Après avoir examiné les notes des membres de la GRC, on a clairement exprimé des réserves quant à l'introduction dans les maisons dans les quartiers non inondés. Selon les renseignements fournis à la Commission, il ne semble pas que les membres de la GRC se soient introduits dans ces maisons avant que le COU ordonne précisément de fouiller toutes les maisons de High River dans le cadre de ses plans d'urgence. Les notes révèlent que, pendant l'élaboration du plan de recherche, les membres de la GRC ont demandé des clarifications sur les mesures qu'ils devraient prendre pour la fouille des maisons qui ne semblaient pas avoir été touchées par l'inondation. La confusion a persisté après le début des fouilles, les membres continuant de se demander pourquoi ils devaient entrer dans des maisons qui ne semblaient pas avoir été touchées par l'inondation. En fait, tard le 21 juin, les fouilles dans ces secteurs ont été suspendues pour permettre de clarifier la question.
C'est le COU qui a décidé qu'il fallait entrer dans toutes les maisons. Les membres de la GRC suivaient donc, comme il se doit, les directives du COU. Cependant, il importe de mentionner que les superviseurs de la GRC ont considéré les motifs de la décision. Selon le sergent d'état-major Fuller, la décision de fouiller toutes les maisons était logque, car le stress occasionné par l'inondation pouvait avoir entraîné des troubles médicaux de toutes sortes. Des préoccupations semblables ont été soulevées par d'autres personnes dirigeant les fouilles, et un certain nombre de commentaires ont été formulés au sujet du nombre important de personnes âgées habitant dans la villeNote de bas de page 41.
Le surintendant principal Kevin Harrison, officier responsable du District Sud de l'Alberta de la GRC, a expliqué pourquoi il était nécessaire de chercher des gens dans tous les bâtiments. Il a déclaré que les gens qui craignaient pour leur vie auraient raisonnablement pu chercher refuge dans n'importe quel endroit sécuritaire. Si, pour assurer leur sécurité, ils s'étaient réfugiés dans une maison évacuée, enregistrée comme telle par les résidents, ils pourraient toujours avoir besoin d'aide. Selon lui, c'était la principale préoccupation de la Ville.
Quand on lui a demandé d'évaluer les différentes phases des plans d'intervention, il a affirmé ce qui suit :
[Traduction]
En ce qui concerne le plan de recherche, on nous a demandé de le mettre en œuvre, et le raisonnement était alors logique et je crois d'ailleurs qu'il l'est encore : un certain nombre de personnes manquaient toujours à l'appel et des décès avait déjà été signalés [...].
Lorsque la nécessité d'effectuer des fouilles de porte en porte a été abordée pour la première fois au sein du COU, la GRC a indiqué qu'elle était préoccupée par le fait qu'il était impossible de savoir si des personnes avaient besoin d'aide. Même si on avait demandé aux résidents de se présenter à un centre d'évacuation, cela s'est révélé être d'une aide limitée.
Le sergent d'état-major Doug Wattie, qui était le sous-officier responsable du Groupe des crimes graves, a déclaré que, dans ses tentatives de trouver des personnes manquantes, l'équipe essayait de communiquer avec les centres d'évacuation pour obtenir des renseignements provenant des listes de personnes inscrites, car il s'agissait de la façon la plus rapide de déterminer si celles-ci avaient évacué le secteur en toute sécurité et c'était le meilleur moyen d'obtenir des renseignements à jour. Il a indiqué que ce processus avait donné des résultats inégaux, car certains membres du personnel des centres étaient réticents à fournir des renseignements personnels.
Le sergent d'état-major Wattie a indiqué que des renseignements avaient été échangés au cours des jours suivants, mais qu'il s'agissait d'un processus lent qui nécessitait souvent que les membres se rendent dans les différents centres d'évacuationNote de bas de page 42. Qui plus est, la majorité des résidents ne se sont jamais présentés aux centres d'évacuation. En raison de ces facteurs, la GRC devait faire preuve de prudence à l'égard des renseignements des centres d'évacuation.
Nonobstant le fait que certaines maisons semblaient ne pas avoir été touchées par l'inondation, il était approprié pour les membres de la GRC de respecter l'ordre du COU d'entrer par la force dans les maisons qui n'avaient pas été touchées par l'inondation. Tout d'abord, les membres devaient exécuter les plans d'urgence du COU pendant l'état d'urgence locale déclaré. Ensuite, ils ont tenu compte des différentes circonstances dans les secteurs non inondés et averti rapidement leurs superviseurs. Enfin, l'objectif consistant à protéger la vie des personnes est devenu la principale considération. Ces facteurs soutiennent le fait qu'il était adéquat de pénétrer dans chaque maison pour s'assurer que les personnes qui pouvaient avoir besoin d'aide étaient en sécurité.
Conclusion no 13 : Compte tenu des circonstances d'urgence qui existaient au moment des entrées initiales en vue de protéger la vie des personnes, l'entrée dans tous les bâtiments selon l'ordre du COU était une mesure adéquate.
Entrées secondaires
Récupérer les biens personnels des résidents
Au cours des premiers jours de l'intervention, les résidents ont présenté de nombreuses demandes pour récupérer leurs biens personnels. Bon nombre de ces demandes concernaient des médicaments, des dispositifs médicaux ou des passeports. Dans certains cas, les membres de la GRC ont escorté les résidents à leur maison mais, dans d'autres cas, ils s'y sont rendus eux-mêmes. En raison des préoccupations dues aux biorisques dans les maisons, le commandant des interventions de la GRC a suspendu les entrées le 24 juin. À ce moment-là, on a constaté que le volume de demandes liées à la récupération des biens personnels avait diminué grandement. Ces entrées ont été permises à nouveau le 28 juin.
Selon le surintendant principal Harrison, quand les membres entraient dans les maisons pour récupérer des biens personnels, ils le faisaient après qu'on leur avait fourni les clés. L'enquête menée par la Commission n'a pas révélé d'éléments de preuve indiquant le contraire.
Conclusion no 14 : Les membres de la GRC sont entrés dans les maisons pour récupérer des biens personnels à la demande des résidents et avec leur consentement.
Escorter les équipes de sauvetage d'animaux de compagnie
La GRC a également effectué un certain nombre d'entrées dans des résidences privées pour escorter des équipes de sauvetage d'animaux de compagnie.
Même si les membres ont enregistré les coordonnées des résidences dans lesquelles ils ont trouvé des animaux de compagnie, pour lesquels ils ont souvent laissé de la nourriture et de l'eau dans le cadre des entrées initiales, il s'agissait uniquement d'une mesure secondaire et non de l'objet de ces entrées initiales. L'objet principal de ces entrées initiales, comme il a été mentionné précédemment, était de trouver les personnes ayant besoin d'aide, et les membres ne disposaient pas de suffisamment de temps ou de ressources pour procéder au sauvetage des animaux de compagnie. Cependant, les membres des équipes de recherche chargés de la prise de notes ont inscrit les adresses des maisons dans lesquelles des animaux de compagnie ont été trouvés, le type et le nombre d'animaux trouvés et si on leur avait laissé de la nourriture et de l'eau.
Les entrées dont il est question dans la présente section sont celles qui ont été effectuées en vertu du plan de recherche modifié. Le 22 juin, les notes des membres du GOTS indiquaient initialement que les responsables du contrôle des animaux devaient être joints quand des animaux étaient trouvés. Pendant la séance d'information de 16 h du COU le 22 juin, la question du sauvetage des animaux de compagnie a été soulevée. Dans le cadre de cette réunion, on a signalé que de 400 à 500 demandes avaient été reçues de la part de résidents qui souhaitaient que l'on récupère leur animal de compagnie. On a également indiqué que de nombreux animaux de compagnie étaient morts en raison de l'inondation. À ce moment-là, le sauvetage d'animaux de compagnie avait été effectué par des bénévoles à qui on avait donné la clé des maisons et qui s'étaient rendus en ville pour récupérer les animaux. M. Shapka a donné l'ordre aux équipes de sauvetage d'animaux de compagnie de cesser leurs opérations, sauf si elles étaient escortées par les membres de la GRCNote de bas de page 43.
Le 23 juin, M. Shapka a ordonné que les équipes de sauvetage d'animaux de compagnie soient accompagnées par deux membres de la GRC. La GRC a suggéré qu'une autre organisation remplisse cette fonction d'escorte. Cependant, le surintendant principal Harrison a indiqué que le COU souhaitait que les membres soient présents pour deux raisons. Tout d'abord, les membres étaient chargés d'assurer la sécurité des sauveteurs d'animaux de compagnie ainsi que d'évaluer si les maisons où ils voulaient entrer étaient suffisamment sécuritaires pour ce faire. Ensuite, on espérait que l'escorte fournie par la GRC atténuerait le stress ressenti par les résidents qui étaient restés en ville et qui étaient préoccupés par les entrées dans les maisons. Par ailleurs, il est mentionné à maintes reprises dans le dossier écrit que les personnes évacuées étaient de plus en plus frustrées et en colère. Bien souvent, cette colère découlait directement des craintes ressenties par les résidents à l'égard de leur animal de compagnie. On avait alors procédé à l'arrestation d'un homme qui tentait d'aller en ville pour récupérer son chien. Quand les membres de la GRC lui ont posé des questions, il a sorti un couteau et les a menacés.
Avant ce moment-là, les sauvetages d'animaux de compagnie étaient effectués par des bénévoles selon les demandes de résidents qui donnaient la clé de leur maison aux sauveteurs. Les sauveteurs tentaient également de capturer les animaux errants qu'ils rencontraient en ville.
À compter du 23 juin, les équipes de sauvetage du GOTS avaient pour directive non seulement de tenir un registre de tous les animaux de compagnie qu'elles rencontraient, mais aussi de fournir de façon proactive ces renseignements à l'organisation chargée du contrôle des animaux. Par conséquent, le sauvetage des animaux de compagnie a été effectué presque parallèlement avec certaines des recherches initiales de personnes.
Un certain nombre de membres ont signalé avoir été griffés et mordus par des animaux tandis qu'ils accompagnaient les sauveteurs d'animaux de compagnie, et il est évident que certains d'entre eux ont contribué à la récupération d'animaux. Ce qui n'est pas aussi clair, c'est la façon dont ces membres ont contribué à l'entrée dans les maisons. Aucune des notes fournies n'indique le moyen utilisé pour entrer dans les maisons. Bon nombre de ces entrées ont été rendues possibles grâce aux clés fournies au personnel chargé du sauvetage des animaux de compagnie. Pour certains de ces sauvetages, on a inscrit qu'ils ont été effectués pendant ou peu après la fouille initiale menée par les équipes de recherche primaires. D'autres sauvetages ont clairement été effectués dans des maisons où on était déjà entré et dont la porte n'avait pas été verrouillée à la sortie. Aucune note écrite n'indique qu'on a eu recours à la force pour entrer. L'inspecteur Jim Stewart, qui était le commandant des interventions pendant une partie de l'opération de sauvetage d'animaux de compagnie, a indiqué qu'il s'entretenait régulièrement avec les membres affectés à la fonction d'escorte et qu'il ne se rappelait pas que des membres lui aient indiqué qu'ils avaient utilisé la force pour entrer dans les maisons. Il a en outre signalé que, si une telle conversation avait eu lieu, elle aurait été consignée par son secrétaire, ce qui n'a pas été le cas.
Conclusion no 15 : Des membres de la GRC étaient présents pendant les entrées ayant pour objet le sauvetage d'animaux de compagnie, sauvetages effectués principalement à la demande des résidents et avec leur consentement.
Conclusion no 16 : Des membres de la GRC sont entrés dans des maisons pour escorter les membres du personnel chargés du sauvetage des animaux de compagnie et assurer leur sécurité.
Escorter les équipes d'inspection des maisons
Autorisation d'entrer
Des membres de la GRC se sont également introduits dans des maisons à titre d'agents accompagnateurs pendant la phase d'inspection des maisons du plan de retour, un des quatre plans d'urgence approuvés par le COU conformément à l'EMA.
Les rapports de situation du District Sud de l'Alberta indiquaient qu'il y avait deux raisons pour lesquelles le COU avait demandé à la GRC d'escorter les équipes d'inspection des maisons. Tout d'abord, on désirait montrer aux résidents que [traduction] « les entrées dans les maisons étaient supervisées par la GRC ». On voulait ainsi atténuer toute préoccupation que les résidents pouvaient avoir concernant l'accès non supervisé de bénévoles, d'ouvriers et d'autres personnes dont le COU ne pouvait se porter garant. Deuxièmement, on s'inquiétait pour la sécurité des inspecteurs. Cette demande a été attribuée à M. Jim Cornish, directeur des opérations sur le terrain et des activités de rétablissement de l'Agence de gestion des urgences de l'Alberta. Dans le cadre de l'intervention d'urgence, M. Cornish agissait à titre de chef des opérations du COU. Selon le rapport de situation, la GRC a signalé que les ressources étaient insuffisantes pour fournir le soutien demandé.
Les diverses notes du secrétaire du COU révèlent également que la GRC était réticente à participer aux inspections des maisons. Malgré cette réticence, M. Shapka a soutenu qu'il était nécessaire que les membres de la GRC fassent partie des équipes d'inspection des maisons. On a décidé à l'échelon divisionnaire d'envoyer d'autres membres du personnel participer aux inspections des maisons, lesquelles ont commencé le 24 juin dans le cadre du plan de retour approuvé par M. Shapka.
Compte tenu de la directive fournie par le directeur du COU, l'EMA autorisait la GRC à pénétrer dans des maisons sans mandat pour escorter les équipes d'inspection des maisons. Ce pouvoir prévu par la loi était requis pour que les membres de la GRC puissent entrer dans les maisons, car, contrairement aux entrées abordées précédemment qui avaient pour objet de protéger la vie des personnes, la common law n'aurait pas autorisé l'introduction dans les maisons sans mandat uniquement pour permettre l'inspection des maisons.
Conclusion no 17 : Le Centre des opérations d'urgence a autorisé l'inspection des bâtiments dans la ville de High River dans le cadre du plan d'urgence.
Conclusion no 18 : Aux termes de la Emergency Management Act, le Centre des opérations d'urgence a autorisé la GRC à entrer sans mandat dans les bâtiments de High River pour escorter les équipes d'inspection des maisons dans le cadre du plan d'urgence et lui a demandé de le faire.
Conclusion no 19 : Le Centre des opérations d'urgence n'a pas indiqué de quelle façon on devait pénétrer dans les bâtiments, mais a chargé la GRC de superviser les entrées.
b. Objet des entrées
Les équipes d'inspection étaient formées de spécialistes chargés d'évaluer l'électricité, le gaz, la plomberie, l'intégrité structurelle et les risques pour la santé dans les maisons. Selon les notes du secrétaire du COU et les procès-verbaux des réunions, ces inspections étaient une priorité, car on avait établi qu'elles étaient essentielles au retour des résidents dans la ville. Étant donné la nature des inspections, les inspecteurs devaient examiner les maisons de l'intérieur; il était donc nécessaire d'y entrer.
L'objectif du plan de retour était [traduction] « [d]e permettre le retour des résidents dans leur maison de façon sécuritaire et ordonnée et de soutenir les autres activités de récupération et les activités de restauration à long terme ». Le retour supposait le respect de certains critères précis, notamment [traduction] « l'achèvement des inspections et de la classification des maisons pour déterminer si elles sont habitables ». Des rapports d'inspection ont été préparés pour chaque propriété inspectée et, lorsque la maison était classifiée par un code rouge (inhabitable) ou orange (inhabitable dans l'immédiat), le résident en était informé. Pour les sous-sols où l'eau devait être pompée, la Ville a pris les dispositions nécessaires et inspecté les maisons à nouveau par la suite. En fait, des maisons ont parfois fait l'objet de plusieurs inspections, et des entrées distinctes devaient parfois être faites pour les inspections liées à la santé. Par conséquent, on est entré dans certaines maisons trois ou quatre fois dans le cadre du processus d'inspection des maisons du COU aux termes du plan de retour.
Tout au long de la phase de retour, l'inspection des maisons est demeurée une priorité. À mesure que les secteurs désignés de la ville étaient inspectés, les résidents pouvaient revenir de façon graduelle. Les dernières inspections ont été achevées le 14 juillet après que l'eau a été pompée d'un secteur bas de la ville et que les maisons sont devenues accessibles.
c. Protocole d'inspection
Tout comme pour l'analyse des entrées visant la protection des personnes, il est nécessaire de déterminer si les pouvoirs exercés par la police afin d'entrer dans les maisons pour escorter les équipes d'inspection des maisons constituent l'intrusion minimale requise selon le critère des pouvoirs « raisonnablement nécessaires ». Encore une fois, les dommages causés par les entrées par la force et les bâtiments choisis sont des considérations pertinentes.
i. Dommages
Il n'existe aucun dossier écrit précisant la façon dont les entrées devaient se faire ou ce qui devait être consigné relativement aux entrées. Les notes du secrétaire du COU n'abordent pas cet aspect, pas plus que les notes des membres qui ont accompagné les équipes d'inspection des maisons.
Selon les notes du secrétaire du COU, les efforts pour obtenir les services de serruriers pendant les premiers jours des inspections des maisons ont permis de veiller à ce que chaque équipe compte au moins un serrurier. Comme cela a été le cas pendant les entrées visant la protection des personnes, on a affirmé que l'obtention des services des serruriers avait joué un rôle dans la limitation des dommages causés par les entrées dans les maisons. Cette affirmation sous-entend que des dommages ont été causés à certaines maisons. Les notes révèlent également que, pendant la première journée de fouilles, des plans ont été élaborés pour que les trois équipes d'inspection des maisons suivent les équipes effectuant les fouilles initiales visant la protection des personnes afin de réduire au minimum les entrées en double. Cette méthode a été adoptée, mais il convient de noter que les inspections des maisons ont pris beaucoup plus de temps que les fouilles visant la protection des personnes et que, par conséquent, les équipes de recherche et de sauvetage ont rapidement pris beaucoup d'avance par rapport aux équipes d'inspection des maisons.
La Commission a déjà mentionné le caractère raisonnable de la mesure consistant à verrouiller les portes après les entrées initiales. Une conséquence imprévue de cette mesure était que, dans certains cas, il a fallu déverrouiller les portes ou pénétrer dans les maisons par la force au moment des entrées secondaires. Cela pourrait raisonnablement expliquer pourquoi des maisons qui n'avaient pas été endommagées dans le cadre des fouilles initiales l'ont été au moment des inspections. Il n'est pas possible de déterminer dans combien de maisons des membres sont entrés par la force pendant cette phase de l'opération, car ces derniers ont omis de prendre des notes convenables. Pendant les fouilles initiales visant à protéger la vie des personnes, les responsables de la prise de notes dans les équipes ont eu pour directive de consigner des renseignements précis, notamment le nombre de maisons endommagées, soit 754.
Après l'inondation, les membres du détachement ont traité plus de 1 900 plaintes concernant des dommages matériels. Certains de ces dommages étaient attribuables à d'autres causes, comme l'inondation ou des introductions par effraction soupçonnées. Néanmoins, il semble qu'on soit entré par la force dans un nombre important de maisons, mais il n'y a rien à ce sujet dans les dossiers de la GRC. Encore une fois, en raison de l'absence de dossiers, il est impossible de déterminer dans combien de cas les dommages ont été causés par les entrées de force des équipes d'inspection des maisons après les fouilles initiales visant à protéger la vie des personnes.
Il est donc raisonnable de conclure que, dans certains cas, des membres de la GRC ont eu recours à la force pour entrer dans les bâtiments alors qu'ils assumaient des fonctions d'escorte des équipes d'inspection des maisons.
Conclusion no 20 : Les membres de la GRC n'ont pas pris de notes convenables dans leur calepin pendant qu'ils escortaient les équipes d'inspection des maisons, surtout en ce qui a trait au recours à la force pour entrer dans les bâtiments.
Conclusion no 21 : Conformément à la directive du Centre des opérations d'urgence selon laquelle la GRC devait superviser les entrées aux fins d'inspection des maisons, le recours à la force pour entrer dans les bâtiments était autorisée aux termes de la Emergency Management Act.
ii. Sélection des bâtiments dans lesquels on est entré
Les inspections des maisons ont presque été aussi nombreuses que les fouilles visant à protéger la vie des personnes. La détermination par le COU de la sécurité des maisons des résidents a été considérée ci-dessus comme un élément important du plan de retour. Cependant, il y avait des différences au chapitre du temps et du but qui auraient dû avoir un effet sur la façon dont les fouilles étaient menées. D'un point de vue temporel, il n'était pas nécessaire d'inspecter les maisons avec la même urgence que les fouilles visant la protection des personnes. Ces fouilles ont duré non pas trois jours, mais plutôt trois semaines, et, au cours des dernières étapes, le COU commençait à maîtriser la situation. En outre, l'objet des inspections comportait la prise de mesures correctives à moyen terme pour le « retour » des résidents, comparativement à l'objectif plus important de trouver des personnes ayant besoin immédiatement d'une aide d'urgence. Par conséquent, on disposait de plus de temps pour appliquer des stratégies qui auraient réduit au minimum les dommages causés par les entrées par la force. Il n'existe pas de dossier dans lequel les membres de la GRC auraient noté le degré de force à utiliser au moment d'exercer leurs pouvoirs pour entrer dans les maisons.
Pendant ces inspections, les équipes se sont demandé s'il était nécessaire d'entrer dans toutes les maisons pour procéder aux inspections. Les notes du secrétaire du COU révèlent que les équipes de recherche n'entraient pas dans toutes les maisons dans les secteurs non touchés par l'inondation, car elles considéraient que cela n'était pas nécessaire. Selon des discussions tenues au COU, l'équipe responsable des services électriques a insisté pour entrer dans tous les bâtiments. Le raisonnement des membres de cette équipe était le suivant : il fallait fermer les disjoncteurs électriques avant de rétablir le courant pour éviter les incendies; certains incendies avaient été déclenchés pendant la réactivation de certaines parties du réseau électrique.
À la lumière des déclarations de témoins, il est également évident qu'il y a eu des entrées par la force dans les secteurs non touchés. Il est impossible de reconstituer la manière dont ces entrées se sont faites, mais plusieurs témoins ont indiqué que des résidents avaient abandonné leur maison après que les équipes de recherche initiales étaient passées et qu'ils avaient constaté à leur retour qu'on était entré par la force dans leur maison après coup, ce qui avait causé des dommages importants dans certains cas.
Conclusion no 22 : L'entrée dans les bâtiments par les membres de la GRC dans des secteurs non touchés par l'inondation pour faciliter les inspections des maisons a été ordonnée par le COU, et les entrées par la force étaient autorisées par le plan d'urgence, pour autant que les dommages causés soient minimaux.
Conclusion no 23 : Dans un certain nombre de cas, les entrées de force par les membres de la GRC pour faciliter les inspections des maisons ont causé d'importants dommages et n'étaient pas raisonnables lorsque les bâtiments n'avaient pas été touchés par l'inondation.
Saisir les armes à feu non entreposées de manière sécuritaire
Dans un certain nombre de cas, lorsque des armes à feu qui n'étaient pas entreposées de manière sécuritaire ont été trouvées par des membres de la GRC dans des bâtiments où ils étaient entrés dans le but de protéger la vie des personnes, les membres n'étaient pas en position de retirer les armes à feu. La priorité était de fouiller chaque maison le plus rapidement possible dans le but premier de sauver des vies. Lorsqu'il n'était pas possible de retirer les armes à feu au moment de leur découverte, on fournissait l'adresse des maisons concernées et l'emplacement des armes à feu qui n'étaient pas entreposées de manière sécuritaire à des membres du détachement afin qu'ils viennent les saisir. Pour ces entrées secondaires, les membres ne disposaient d'aucun pouvoir spécifique aux termes de l'EMA.
Rien n'indique que les membres de la GRC se sont demandé si l'entrée secondaire dans un bâtiment dans le but précis de saisir des armes à feu était autorisée en vertu d'une loi ou de la common law.
Bien que les entrées initiales aient été autorisées par le COU en vertu de ses plans d'urgence, les entrées secondaires dans le but précis de saisir des armes à feu n'étaient pas autorisées aux termes de l'EMA. En temps normal, les membres de la GRC auraient dû obtenir un mandat pour procéder à l'entrée secondaire. La GRC s'est fondée sur des considérations relatives à la sécurité publique pour justifier les actes de ses membres, mais a omis de préciser les motifs juridiques (comme les pouvoirs prévus par une loi ou la common law) sur lesquels elle s'est fondée pour autoriser les entrées secondaires sans mandat, dans le seul but de saisir des armes à feu non entreposées de manière sécuritaire qui avaient été vues au cours de l'entrée initiale.
La question du pouvoir général de saisir des armes à feu sera analysée dans la prochaine partie.
Conclusion no 24 : Les entrées secondaires dans le but précis de saisir des armes à feu n'étaient pas autorisées aux termes de l'Emergency Management Act.
B. Saisie d'armes à feu dans des résidences privées pendant l'évacuation
Décision de saisir des armes à feu
Il y a eu beaucoup de spéculations visant à déterminer qui avait ordonné la saisie d'armes à feu et en vertu de quel pouvoir. Dans la présente section, la Commission abordera la première de ces deux questions. La question du pouvoir juridique lié à la saisie des armes à feu sera traitée dans la prochaine section.
Les premières saisies d'armes à feu sont survenues à la fin de l'après-midi du 21 juin. Pendant les jours suivants, les membres qui effectuaient des fouilles dans les maisons pour trouver des personnes ont découvert à maints endroits des armes à feu bien en vue. Les rapports initiaux indiquaient que les armes à feu étaient entreposées illégalement. Les membres de la police interrogés étaient généralement d'avis que les armes à feu avaient été déplacées par leurs propriétaires à partir de zones susceptibles d'être inondées, où elles étaient peut-être entreposées de façon sécuritaire, notamment des sous-sols, pour être transférées dans des parties de la maison considérées comme non susceptibles d'être inondées, comme des manteaux de cheminée, des divans, des lits et des garde-robes situés dans les étages supérieurs de la maison, où elles n'avaient pas été entreposées de façon sécuritaire.
Comme il a été mentionné précédemment dans le présent rapport, les membres des équipes de recherche n'ont pas tenu de notes convenables relativement aux mesures qu'ils ont prises. L'effet de cette omission était clair en ce qui concerne les saisies d'armes à feu, car non seulement il a été difficile par la suite de suivre la chaîne de commandement, notamment la détermination des membres qui avaient effectué les saisies, mais on disposait également de détails insuffisants pour établir des rapports officiels sur ces saisies. Cependant, il est clair, à la suite de l'examen des notes générales des secrétaires des équipes et des dossiers subséquents créés par le personnel du détachement, qu'une tendance s'est rapidement dessinée en ce qui concerne les saisies. Les membres de l'équipe de recherche du GOTS ayant trouvé des armes à feu qui n'étaient pas bien entreposées ont réagi de deux manières. Si le secteur était accessible aux membres du détachementNote de bas de page 44, l'équipe du GOTS informait le détachement de l'adresse de la maison et de l'endroit où se trouvaient les armes à feu. Le détachement envoyait ensuite des membres prendre possession des armes à feu. Dans la majorité des cas, quand les armes à feu étaient saisies dans des maisons se trouvant dans des secteurs grandement touchés par l'inondation, les membres du GOTS transportaient les armes dans leur bateau jusqu'à ce qu'ils rencontrent le personnel du détachement, à qui ils les remettaient.
Selon les responsables de la Ville et les dossiers, le commandement du COU n'était pas initialement au courant des saisies et, quand il en a été informé, il a considéré que les saisies étaient une question liée aux services de police. Le commandement a attribué l'entière responsabilité des saisies à la GRC, mais a indiqué qu'il soutenait les aspects liés à la sécurité sur lesquels avait été fondée la décision.
M. Zebedee a affirmé qu'il était d'avis que la décision de saisir les armes à feu avait été prise unilatéralement par la GRC. Il a également affirmé que, lorsqu'il a appris que des armes à feu avaient été trouvées dans les maisons :
[Traduction]
[I]l existait une préoccupation selon laquelle, compte tenu du nombre de personnes qui n'avaient pas évacué la collectivité, et qui ne voulaient pas le faire, et comme des maisons étaient accessibles ou que des armes à feu étaient placées bien en vue, il y avait un rique qu'on vole ces armes à feu si des gens entraient dans les maisons et les apercevaient. Ces vols auraient pu causer des problèmes ultérieurement si ces armes à feu avaient été utilisées à des fins criminelles.
À l'instar d'autres personnes qui ont été interrogées à ce sujet, le surintendant principal Harrison a maintenu que les membres de l'équipe de recherche ayant trouvé des armes à feu dans des résidences qui semblaient ne pas être entreposées de façon sécuritaire avaient agi de leur propre chef.
[Traduction]
Eh bien, il n'y avait pas d'ordre de saisir les armes. Ils ont trouvé quelque chose d'illégal, et, vous savez, certains d'entre eux connaissent mieux la teneur des lois sur les armes à feu, mais, vous savez, ils ont vu des armes à feu qui n'étaient pas entreposées de manière sécuritaire, personne n'a eu besoin de leur dire quoi faire. C'est contraire à la loi. Et ce n'est pas pourquoi nous les avons saisies, car elles n'ont jamais été saisies afin que nous puissions porter des accusations, mais elles étaient là, entreposées illégalement, ils avaient le droit de les saisir [...]. [L]e risque que nous courrions si nous laissions des armes à feu qui n'étaient pas adéquatement entreposées dans les maisons était important. Et il n'a pas été nécessaire de dire à nos membres de les saisir. [C'est nous qui soulignons]
Le sergent d'état-major Fuller était du même avis. Il a expliqué que les premières saisies avaient été effectuées par des membres de l'équipe de recherche et que cette situation avait suivi un cours naturel, les membres remplissant leurs obligations juridiques. Il a reconnu avoir été informé des saisies et les avoir approuvées. Lui aussi a soutenu qu'on n'avait jamais eu l'intention d'accuser les propriétaires des armes à feu d'entreposage non sécuritaire et que les saisies étaient justifiées par la loi et aux fins de la sécurité publique.
Selon les notes consignées, la première saisie d'armes à feu est survenue à 18 h 39 le 21 juin : 50 armes à feu ont été découvertes sous le berceau d'un enfant et partout dans la chambre. Cette situation a été signalée au commandement du GOTS à 18 h 45, et des membres du détachement ont été envoyés sur les lieux pour saisir les armes à feu. Le sergent d'état-major Fuller était responsable des fouilles quand les premières armes à feu ont été trouvées, et il justifie les saisies de la façon suivante :
[Traduction]
Il est évident que les gens avaient pris leurs armes dans leur sous-sol et qu'ils les avaient simplement déplacées aux étages supérieurs. Le verrou des armes n'avait pas été actionné, et ces dernières n'avaient pas été désassemblées; il s'agissait d'armes à feu complètement intactes. La directive donnée a donc été la suivante : signaler la situation au détachement, laisser les membres du détachement s'occuper des armes à feu qui n'étaient pas entreposées de manière sécuritaire et poursuivre son travail. À ce moment-là, la norme que nous avions adoptée consistait à traiter les armes presque comme s'il s'agissait d'objets trouvés, à les traiter comme tels, à les étiqueter, puis, quand les gens seraient en mesure de retourner dans leur maison, ils n'auraient qu'à se présenter au détachement et à identifier leurs armes, puis les fusils leur seraient remis [...] On ne s'attendait pas à les poursuivre en justice, car il n'y avait aucune intention criminelle. Nous avons seulement [...] nous avons reconnu la situation pour ce qu'elle était. Nous savions seulement que nous ne pouvions pas laisser les armes où elles étaient.
Il a expliqué que sa principale préoccupation tenait au fait que les armes à feu étaient facilement accessibles, pas seulement au grand nombre de personnes qui étaient restées en ville, mais également aux personnes qui violaient la zone de sécurité. Selon lui, il n'y avait tout simplement pas suffisamment de membres pour interdire l'accès.
Au bout du compte, la GRC a signalé qu'un total de 609 armes à feu avaient été saisies à 105 endroits dans le cadre de l'opération. Par ailleurs, 107 armes à feu ont été remises à la police par des résidents afin qu'elles soient entreposées de façon sécuritaire ou détruitesNote de bas de page 45.
Les notes des membres ayant effectué les fouilles ne font pas mention des questions qu'ils ont posées concernant les saisies d'armes à feu pour obtenir des clarifications sur leurs pouvoirs et obligations relativement aux fouilles. Par ailleurs, les notes du commandement du GOTS abordent à peine les premières saisies, qui semblent être considérées comme des mesures prises dans le cours normal de l'intervention. L'absence de directives de supervision concernant la saisie des armes à feu dans le dossier écrit est conforme à l'affirmation de la GRC selon laquelle les membres ont réagi de la sorte de leur propre chef. En fait, je ne suis saisi d'aucun élément de preuve qui contredirait cette affirmation.
Conclusion no 25 : La saisie d'armes à feu n'était pas initialement prévue.
Conclusion no 26 : Lorsque des armes à feu non entreposées de manière sécuritaire ont été trouvées, les membres des équipes de recherche ont pris la décision de les saisir.
Conclusion no 27 : Après avoir été informé des saisies, le commandement du Groupe des opérations tactiques spéciales a approuvé la mesure.
Pouvoir juridique de saisir les armes à feu
Comme il est établi dans le Manuel des opérations de la GRC, toutes les fouilles et les saisies doivent être clairement autorisées soit par une loi ou la common law, soit par un consentement exprèsNote de bas de page 46. Par conséquent, la présente section visera à déterminer si les membres de la GRC avaient le pouvoir juridique, conféré par une loi ou la common law, de saisir des armes à feu dans des bâtiments où ils étaient entrés conformément à des plans d'urgence.
Pouvoir législatif de saisir des armes à feu
Dans une lettre adressée au Property Rights Advocate Office de l'Alberta datée du 16 août 2013, le sous-commissaire Dale McGowan a fourni la justification suivante quant à la saisie d'armes à feu effectuée par la GRC à High River :
[Traduction]
Tandis que nous effectuions des fouilles dans les maisons pour trouver des occupants pris au piège, nous avons trouvé des armes à feu entreposées de manière non sécuritaire à l'intérieur de certaines maisons. Sur le plan juridique, nous ne pouvions ignorer ces situations, et, aux termes du Code criminel du Canada, nous avons saisi les armes et les avons sécurisées jusqu'à ce qu'elles puissent être remises à leurs propriétaires. Nous reconnaissons que les gens ont été forcés de quitter leur maison sans grand préavis et n'ont peut-être pas eu le temps de sécuriser leurs armes à feu. Par conséquent, nous ne sommes pas intéressés à porter des accusations à cet égard. Il importe toutefois de mentionner que, à ce moment-là, certaines parties de la ville n'étaient pas encore contrôlées et que plus de 300 résidents étaient restés chez eux, malgré les ordres d'évacuation et faisaient fi des barrages routiers. De plus, chaque jour, on prenait sur le fait des gens qui tentaient de violer les périmètres de sécurité établis autour des zones évacuées.
Cette réponse présente deux éléments distincts du pouvoir lié aux saisies d'armes à feu : l'entreposage non sécuritaire allégué contraire à la loi et la préoccupation relative à la sécurité publique si on laissait les armes à feu ainsi. Chacune de ces sources alléguées de pouvoir sera abordée à tour de rôle.
Le premier élément mentionné par le sous-commissaire McGowan a trait à l'entreposage illégal des armes à feu.
Le Règlement sur l'entreposage, l'exposition, le transport et le maniement des armes à feu par des particuliers (DORS/98-209) pris en vertu de la Loi sur les armes à feuNote de bas de page 47 présente notamment les exigences liées à l'entreposage légal des armes à feu. Les dispositions pertinentes concernant les armes à feu sans restrictions, qui s'applique tout au long de la présente analyse, est la suivante :
5. (1) Le particulier ne peut entreposer une arme à feu sans restrictions que si les conditions suivantes sont respectées :
- a) elle est non chargée;
- b) elle est, selon le cas :
- (i) rendue inopérante par un dispositif de verrouillage sécuritaire,
- (ii) rendue inopérante par l'enlèvement de son verrou ou de sa glissière,
- (iii) entreposée dans un contenant, un compartiment ou une pièce qui sont gardés bien verrouillés et qui sont construits de façon qu'on ne peut les forcer facilement;
- c) elle ne se trouve pas à proximité de munitions, à moins que celles-ci ne soient entreposées — avec ou sans l'arme à feu — dans un contenant ou un compartiment qui sont gardés bien verrouillés et qui sont construits de façon qu'on ne peut les forcer facilement.
6. Le particulier ne peut entreposer une arme à feu à autorisation restreinte que si les conditions suivantes sont respectées :
- a) elle est non chargée;
- b) elle est, selon le cas :
- (i) rendue inopérante par un dispositif de verrouillage sécuritaire et entreposée dans un contenant, un compartiment ou une pièce qui sont gardés bien verrouillés et qui sont construits de façon qu'on ne peut les forcer facilement,
- (ii) entreposée dans une chambre forte, un coffre-fort ou une pièce qui ont été construits ou modifiés expressément pour l'entreposage sécuritaire des armes à feu à autorisation restreinte et qui sont gardés bien verrouillés;
- (c) elle ne se trouve pas à proximité de munitions, à moins que celles-ci ne soient entreposées, avec ou sans l'arme à feu :
- (i) soit dans un contenant ou un compartiment qui sont gardés bien verrouillés et qui sont construits de façon qu'on ne peut les forcer facilement,
- (ii) soit dans une chambre forte, un coffre-fort ou une pièce qui ont été construits ou modifiés expressément pour l'entreposage sécuritaire des armes à feu à autorisation restreinte et qui sont gardés bien verrouillés.
Aux termes du paragraphe 86(2) du Code criminel, il est interdit d'entreposer une arme à feu d'une manière qui va à l'encontre du Règlement mentionné ci-dessus.
Le paragraphe 489(2) du Code criminel est ainsi libellé :
L'agent de la paix ou le fonctionnaire public nommé ou désigné pour l'application ou l'exécution d'une loi fédérale ou provinciale et chargé notamment de faire observer la présente loi ou toute autre loi fédérale qui se trouve légalement en un endroit en vertu d'un mandat ou pour l'accomplissement de ses fonctions peut, sans mandat, saisir toute chose qu'il croit, pour des motifs raisonnables :
[...]
b) avoir été employée à la perpétration d'une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale [...]
Les cours d'appel ne s'entendent pas sur la question de savoir si cette disposition codifie simplement la doctrine des objets « bien en vue » de la common law. La majorité de ces cours considèrent cette disposition comme un fondement indépendant pour les saisies, sans lien avec les exigences plus strictes de la doctrine des objets bien en vueNote de bas de page 48. Il importe de mentionner qu'il s'agit non pas d'un pouvoir de fouille, mais plutôt d'un pouvoir de saisie.
Dans l'analyse antérieure du pouvoir des membres de la GRC d'entrer dans les bâtiments, la Commission a constaté que les membres s'étaient introduits dans les bâtiments en vertu de l'EMA ou avec le consentement de l'occupantNote de bas de page 49. Par conséquent, les membres « se trouv[aient] légalement en un endroit [...] pour l'accomplissement de [leurs] fonctions » aux termes du paragraphe 489(2) du Code criminel.
L'alinéa 489(2)b) du Code criminel autorise la saisie d'objets qui ont été employés lors de la perpétration d'une infraction. Il n'est pas exigé que cela soit lié à une poursuite intentée relativement à l'infraction. Par conséquent, les membres de la GRC avaient le pouvoir législatif de saisir les armes à feu qui n'étaient pas entreposées en conformité avec le Règlement, même s'il n'y avait aucune intention de porter des accusations contre les propriétaires des armes à feu.
Conclusion no 28 : Les membres de la GRC étaient autorisés à saisir les armes à feu entreposées de manière non sécuritaire aux termes de l'article 489 du Code criminel.
Comme il a été mentionné précédemment, la GRC a signalé qu'un total de 609 armes à feu avaient été saisies à 105 endroits. Parmi ces saisies, la Commission a relevé un certain nombre de situations où les armes à feu avaient en fait été entreposées en conformité avec le règlement visant l'entreposage sécuritaire des armes à feu. Ces armes à feu avaient été sécurisées adéquatement, soit par un dispositif de verrouillage, soit par l'enlèvement de la platine. Au total, trois incidents de cette nature ont été signalés par les résidents, deux incidents ont été soulignés dans les notes des membres et un incident a été relevé dans le processus de la GRC concernant la remise des armes à feuNote de bas de page 50.
La saisie de ces armes à feu sécurisées n'était pas autorisée par le Code criminel, car elles étaient entreposées en conformité avec le Règlement sur l'entreposage, l'exposition, le transport et le maniement des armes à feu par des particuliers.
Dans certains cas, les saisies ont pu être effectuées par inadvertance. Par exemple, dans le cadre d'une saisie de plusieurs armes à feu, où seulement quelques-unes d'entre elles avaient été sécurisées adéquatement. Dans d'autres cas, l'entreposage sécuritaire avait été accompli par l'enlèvement du percuteur, rendant ainsi l'arme à feu inopérante, mais cela n'était pas facile à voir.
À l'autre extrémité du spectre, on trouve les deux cas signalés par des membres mentionnés ci-dessus. Un membre a saisi deux armes à feu même s'il savait qu'elles étaient adéquatement sécurisées. L'autre membre a effectué une vaste saisie dans le cadre de laquelle deux des armes auraient été munies d'un verrou.
Conclusion no 29 : Dans un certain nombre de cas, la GRC a saisi des armes à feu qui avaient été sécurisées conformément à la loi.
Conclusion no 30 : Les membres de la GRC n'étaient pas autorisés aux termes du Code criminel à saisir les armes à feu sécurisées.
Au cours de l'enquête, des spéculations du public laissaient entendre que des armes à feu entreposées légalement avaient également été saisies par des membres de la GRC qui avaient ouvert des coffres de sécurité pour fusils qui étaient verrouillés. Aucun renseignement révélé dans le cadre de l'enquête ne soutient l'allégation selon laquelle des coffres de sécurité pour fusils ont été ouverts par la GRC. Par ailleurs, aucun des résidents interviewés n'a signalé que son coffre de sécurité avait été ouvert.
Conclusion no 31 : Aucun renseignement n'appuie l'allégation selon laquelle des membres de la GRC auraient ouvert des coffres de sécurité pour fusils qui étaient verrouillés.
L'examen des entrées dans les calepins de notes révèle que, dans certains cas, les membres ont saisi des armes à feu qui n'étaient pas entreposées de manière sécuritaire et laissé des armes à feu sécurisées. Dans d'autres cas, les membres ont indiqué avoir déplacé des armes à feu après être entrés par la force dans une maison. Selon les dossiers, les membres ont parfois déplacé les armes qui se trouvaient dans l'entrée d'une maison vers des endroits plus reculés, ils ont parfois caché des armes à feu et, à une occasion, ils ont mis sous verrou les armes à feu dans une pièce sécurisée. Les entrées dans les calepins de notes n'indiquent pas si ces armes à feu étaient sécurisées adéquatement ou non.
Les diverses approches adoptées par les membres concernant la manipulation des armes à feu révèlent des lacunes au chapitre de la structure et de la coordination. Dans la section précédente, les membres chargés de la supervision ont parlé de la spontanéité des saisies et de l'absence de planification. Le surintendant principal Harrison a affirmé ce qui suit : [Traduction] « Il n'a pas été nécessaire de dire à nos membres de saisir [les armes à feu]. » Le sergent d'état-major Fuller était d'avis que les saisies avaient commencé parce que les membres effectuant les fouilles initiales avaient réagi naturellement. Le surintendant Smart a décrit le processus décisionnel comme ayant été « naturel ». L'approche de supervision adoptée semble avoir été passive : on s'appuyait sur le jugement de chaque membre pour qu'il tire ses propres conclusions.
Même s'il est compréhensible que les saisies initiales aient été effectuées en fonction des évaluations de chaque membre, une politique claire et des directives de supervision auraient pu alléger les préoccupations du public à l'égard des agissements arbitraires des membres de la GRC. Selon les documents pertinents, une procédure de saisie rudimentaire a été établie, sans plus. Nonobstant la situation d'urgence dans laquelle les membres menaient leurs activités, au fil des jours, on aurait dû envisager la création de lignes directrices uniformes. Les saisies sans mandat, même si elles étaient légales dans la plupart des cas, ont constitué une violation importante des libertés des propriétaires d'armes à feu et ont été appliquées de façon non uniforme.
Conclusion no 32 : Les superviseurs de la GRC n'ont pas fourni suffisamment de directives aux membres ayant participé à la saisie d'armes à feu.
Pouvoir de saisir des armes à feu prévu par la common law
En plus du pouvoir législatif examiné ci-dessus, la GRC a également allégué que ses membres agissaient en vertu de la common law, plus précisément la « doctrine des objets bien en vue », relativement à la saisie des armes à feu. Dans certaines circonstances, cette doctrine confère à la police un pouvoir de saisie. Voici les trois éléments de la doctrine :
- les policiers doivent se trouver sur les lieux de façon légale;
- les objets doivent avoir été découverts par inadvertance;
- il doit être immédiatement évident que l'objet est associé aux activités criminellesNote de bas de page 51.
Dans l'affaire R c Knee, le juge Fradsham de la Cour provinciale de l'Alberta a conclu que la doctrine s'applique après une entrée en réponse à un appel au 911 :
[Traduction]
Le concept de l'« attente raisonnable en matière de vie privée » n'est pas indûment limité par la doctrine des objets bien en vue, car seuls les objets qui sont visibles à un visiteur peuvent être saisis. Un agent qui répond à un appel au 911 se trouve déjà sur les lieux de façon légale. Il n'est pas indûment intrusif de lui permettre de réagir à ce qui est bien en vue. Il ne serait pas naturel d'agir autrementNote de bas de page 52.
Les circonstances auxquelles étaient confrontés les membres dans le cadre de l'intervention pendant l'inondation étaient semblables à celles dans l'affaire Knee, en ce sens que leur intrusion dans les maisons était autorisée à des fins d'urgence. À la lumière de l'analyse de la Commission concernant l'entrée dans des résidences privées par des membres de la GRC, ceux-ci se trouvaient légalement dans les maisons, sauf lorsque le seul but de ces entrées était de saisir des armes à feu.
Aux termes de la doctrine des objets bien en vue, il n'est pas nécessaire que l'objet soit par la suite utilisé en tant que preuve dans une poursuite. Cependant, dans presque toutes les affaires judiciaires, telle était l'intention. En l'espèce, la GRC a indiqué qu'elle n'avait jamais eu l'intention de porter des accusations concernant l'entreposage non sécuritaire d'armes à feu. Les affaires semblables sont souvent appelées des « saisies sans poursuite » pour lesquelles la police n'a aucunement l'intention d'utiliser les objets saisis en tant que preuve dans une poursuite. Les saisies sans poursuite ont été permises par les tribunaux. Par exemple, dans R c PatersonNote de bas de page 53, la Cour a conclu que la saisie de drogues sans mandat et sans poursuite aux termes du paragraphe 11(7) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substancesNote de bas de page 54 était légale compte tenu de la situation d'urgence existante, même si on ne prévoyait pas utiliser les drogues en tant qu'élément de preuve. La Cour a conclu sans équivoque ce qui suit :
[Traduction]
Les pouvoirs de fouille et de saisie en droit criminel ne se limitent pas aux objets ou choses qui peuvent être utilisés en tant que preuve, et le retrait ou la saisie de substances contrôlées est un objectif valide en droit criminel, même quand des poursuites au criminel ne sont pas envisagéesNote de bas de page 55.
La Cour a conclu que le droit criminel va au-delà de la poursuite de criminels et inclut la protection de la sécurité publique :
[Traduction]
L'objet du droit criminel n'est pas limité aux enquêtes et aux poursuites d'infractions criminelles, même si cela en est une manifestation évidente. Le pouvoir du Parlement s'étend aux lois visant à prévenir la criminalité et à protéger la sécurité publique, et il peut contribuer à la réalisation de ces objectifs de façon indirecteNote de bas de page 56.
La Cour a admis la proposition de la Couronne selon laquelle [traduction] « la capacité de saisir des drogues illicites afin de les retirer de la circulation, empêchant ainsi leur consommation, est un objectif important et justifiable de l'application de la loiNote de bas de page 57 ».
Les saisies sans poursuite découlent des pouvoirs discrétionnaires de la police reconnus par les tribunaux de porter des accusations. Habituellement, les affaires judiciaires concernent de petites quantités de drogues qui, selon la police, ne méritent pas de faire l'objet de poursuites. En l'espèce, la justification de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire est quelque peu différente :
- il y avait un état d'urgence et les policiers avaient des obligations plus pressantes à remplir;
- en ce qui concerne les armes à feu non entreposées de manière sécuritaire, les policiers ont soupçonné que les propriétaires avaient seulement déverrouillé leurs armes à feu pour les protéger contre l'inondation; par conséquent, ils ont exercé leur pouvoir discrétionnaire de ne pas porter d'accusations compte tenu de l'absence apparente d'intention de commettre une infraction.
En outre, dans certaines affaires, la sécurité publique a été mentionnée par les cours en tant que soutien supplémentaire à une saisie d'objets bien en vue, mais seulement lorsque les trois éléments énumérés ci-dessous étaient présents (c.-à-d. présence légale, découverte par inadvertance et lien évident avec la criminalité). Un dernier élément, qui a été mentionné dans un certain nombre d'affaires judiciaires concernant la saisie d'objets bien en vue, est le fait que le membre effectuant la saisie agit de « bonne foi ». Les faits dans l'affaire de la saisie à High River soutiennent le point de vue selon lequel les membres qui ont saisi les armes à feu non entreposées de manière sécuritaire agissaient de bonne foi.
Par conséquent, les membres avaient le pouvoir légal prévu par la common law de saisir les armes à feu non entreposées de manière sécuritaire.
Conclusion no 33 : Les membres de la GRC étaient raisonnablement justifiés de saisir les armes à feu non entreposées de manière sécuritaire aux termes de la doctrine des objets bien en vue de la common law.
Saisies aux fins de la sécurité publique
Une autre affirmation avancée par la GRC pour justifier la saisie des armes à feu était le fait que les membres étaient aussi justifiés de saisir les armes à feu non entreposées de manière sécuritaire qui étaient bien en vue, car elles représentaient une menace pour la sécurité publique. Il s'agit du deuxième élément du pouvoir concernant les saisies d'armes à feu mentionné dans la lettre datée du 16 août 2013 du sous-commissaire McGowan adressée au Property Rights Advocate Office de l'Alberta. Afin de déterminer le caractère raisonnable de cette affirmation, il faut évaluer la nature de la menace pour la sécurité publique que constituaient les armes à feu non entreposées de manière sécuritaire.
L'allégation de la GRC selon laquelle les armes à feu non entreposées de manière sécuritaire représentaient une menace pour la sécurité publique était fondée sur la préoccupation suivante : les armes à feu pouvaient entrer en la possession de criminels. Le sous-commissaire McGowan a souligné que, en plus du fait que les armes à feu étaient entreposées de façon non sécuritaire, les conditions créées par l'inondation et l'intervention d'urgence — des actes de pillage et des introductions par effraction signalés, la présence de bon nombre de personnes dans la zone d'évacuation, l'entrée par la force dans de nombreuses maisons, le fait qu'on pouvait entrer facilement dans les maisons, etc. — avaient accru la préoccupation de la police.
Comme il est indiqué dans la chronologie des événements figurant dans la partie III, pendant la soirée du deuxième jour de l'inondation, la GRC a reçu des rapports sur des cas d'introduction par effraction, notamment dans une épicerie et une pharmacie. La GRC a également reçu des renseignements fiables selon lesquels un groupe de jeunes ayant des antécédents criminels connus et transportant des polochons vides ont été vus alors qu'ils tentaient de contourner le périmètre de sécurité. Par ailleurs, plus de 300 personnes avaient refusé d'obtempérer à l'ordre d'évacuation, y compris un délinquant présentant un risque élevé.
La GRC avait raison de considérer le risque de pillage dans le cadre de son intervention pendant l'inondation à High River. Dans un article intitulé « The Myth of a Disaster Myth: Potential Looting Should be Part of Disaster Plans », Kelly Frailing écrit que [traduction] « [i]l est essentiel que les planificateurs de l'intervention en cas de catastrophe [et les responsables de l'application de la loi] prévoient des actes de pillage à la suite de catastrophes naturelles et conçoivent leurs interventions en conséquenceNote de bas de page 58 ». Citant plusieurs exemples récents dans des pays développés et des pays en développement partout au monde, Stuart P. Green affirme que [traduction] « il semble maintenant pratiquement inévitable que des actes de pillage surviennent en cas de catastrophe terrible »Note de bas de page 59.
Compte tenu de la situation d'urgence qui existait à l'époque et de l'accès potentiel aux armes à feu dans les maisons, la croyance de la GRC selon laquelle les armes à feu non entreposées de manière sécuritaire présentaient une menace à la sécurité publique n'était pas déraisonnable.
La deuxième question qu'il faut se poser consiste à savoir si le risque pour la sécurité publique justifiait les saisies. Malheureusement, la jurisprudence nous aide peu à répondre à cette question. La grande majorité des affaires signalées ayant trait à des saisies surviennent quand des accusations sont portées. Les affaires concernant des situations d'urgence sont rares. Cependant, la sécurité publique est mentionnée dans un certain nombre d'affaires.
L'affaire qui ressemble le plus à celle qui nous occupe est la décision Paterson, citée précédemmentNote de bas de page 60, qui insiste sur l'importance des considérations liées à la sécurité publique dans le contexte des lois existantes. Cette vaste interprétation n'a pas été examinée par d'autres cours, mais le cadre sous-jacent d'une saisie aux fins de la sécurité publique et correspondant aux faits en l'espèce ressemble à la doctrine des objets bien en vue. Les deux premiers éléments restent les mêmes :
- les policiers doivent se trouver sur les lieux de façon légale;
- les objets doivent avoir été découverts par inadvertance.
Le troisième élément préalable doit être modifié :
- Il doit être immédiatement évident que l'objet pose une menace à la sécurité publique.
On peut alléguer qu'il s'agit d'une approche raisonnable et sensée. Cependant, à l'heure actuelle, les cours n'ont pas établi d'orientation claire relativement à cette question et, par conséquent, il n'est pas possible de tirer une conclusion définitive à cet égard. On ne pourra pas trancher cette question avant que les cours rendent une décision connexe ou qu'une loi soit promulguée.
Pouvoir de saisie dans le cadre des entrées secondaires non autorisées par le COU
Le pouvoir des membres qui sont entrés dans les maisons dans le but précis de saisir des armes à feu qui n'étaient pas entreposées de manière sécuritaire et qui avaient été découvertes pendant une entrée précédente par des membres des équipes de recherche ou des membres accompagnateurs n'est pas clair. La légitimité même de leur entrée secondaire n'est pas claire, puisque ni l'EMA ni les plans d'urgence adoptés en vertu de l'EMA n'autorisaient les membres de la GRC à entrer dans les bâtiments précisément pour récupérer les armes à feu qui n'étaient pas entreposées de manière sécuritaire (voir l'analyse de cette question à la partie I, ci-dessus).
En plus du manque de jurisprudence sur cette question, les faits eux-mêmes sont mal définis. À cet égard, la piètre prise de notes mentionnée précédemment est encore une fois en cause. Les circonstances pertinentes sont soit non déclarées, soit médiocrement décrites.
À titre d'exemple, il est souvent impossible de savoir à quel moment les membres ont posé leurs gestes. Le moment où un membre a trouvé une arme à feu non sécurisée au cours d'une entrée initiale n'est consigné que quelques fois. Le moment où la saisie a eu lieu durant l'entrée secondaire est souvent inconnu, tout comme l'identité du membre qui a saisi l'arme à feu.
Lorsque les armes à feu ont été saisies par bateau, ce sont les membres qui ont trouvé les armes à feu non entreposées de manière sécuritaire qui les ont saisies. En ce qui concerne les saisies effectuées par les équipes qui se déplaçaient à pied, il est encore plus difficile de savoir si les saisies ont été effectuées par des responsables des recherches ou des membres du détachement à qui ces derniers avaient donné l'adresse des maisons et l'emplacement des armes à feu non entreposées de manière sécuritaire. Même dans ces cas, il n'est pas évident de savoir à quelles occasions les membres ont pénétré dans les maisons, si le membre ayant fait le signalement est demeuré sur place et s'il était possible d'entrer dans la maison. Tous ces renseignements seraient pertinents à l'évaluation de la conduite des membres.
Pour toutes ces raisons, la Commission ne peut reconstituer les circonstances de chaque cas. Même si cela était possible, la Commission a reçu peu de directives du Parlement ou des tribunaux pour l'aider à évaluer le caractère adéquat de la conduite des membres qui sont entrés dans les maisons uniquement dans le but de saisir des armes à feu. La loi n'établit pas clairement si une préoccupation relative à la sécurité publique aurait pu autoriser ces saisies.
Les documents dont dispose la Commission ne contiennent aucune information étayant le fait que la GRC ait envisagé de présenter une demande de mandat dans ces circonstances ou qu'elle était convaincue qu'il était pratiquement impossible d'obtenir un mandat.
Là encore, il s'agit d'un domaine où le défaut pour la GRC de communiquer efficacement ses actes ou de soumettre un rapport à un juge de paix après une saisie, comme elle est tenue de le faire (infra p. 89), a donné lieu à des spéculations du public au sujet de ses motifs de procéder ainsi.
Comme il en est question à la page 63, les entrées dans le but précis de saisir des armes à feu qui n'étaient pas entreposées de manière sécuritaire et qui avaient été vue au cours d'une entrée précédente n'étaient pas autorisées aux termes de l'EMA. Dans le cas de certaines entrées qui n'était possiblement pas autorisées par l'EMA ou la common law, toute saisie qui y auraient été effectuées auraient également été non autorisées.
Conclusion no 34 : Lorsque l'entrée secondaire dans un bâtiment n'était pas autorisée par la Emergency Management Act ni la common law, la saisie des armes à feu qui n'étaient pas entreposées de manière sécuritaire n'était, elle non plus, pas autorisée.
Saisies de munitions
Dans certains cas, les membres de la GRC ont déclaré avoir saisi des munitions. Les descriptions contenues dans leurs calepins de notes sont toutefois moins que celles concernant les saisies d'armes à feu et il y a peu de cas où le type et la quantité de munitions ont été consignés. De même, la justification de ces saisies n'a pas été bien définie par les membres ayant procédé à la saisie. Ils semblent avoir traité les armes à feu et les munitions comme un seul et même objet.
Comme dans le cas des armes à feu, le Code criminel prévoit une infraction pour l'entreposage non sécuritaire des munitions.
Le paragraphe 86(1) du Code criminel est ainsi libellé :
86. (1) Commet une infraction quiconque, sans excuse légitime, utilise, porte, manipule, expédie, transporte ou entrepose une arme à feu, une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées d'une manière négligente ou sans prendre suffisamment de précautions pour la sécurité d'autrui.
Contrairement au paragraphe 86(2), qui établit un lien entre l'entreposage illégal d'armes à feu et un règlement pris en application de la Loi sur les armes à feuNote de bas de page 61, l'entreposage illégal des munitions aux termes du paragraphe 86(1) est lié à la négligence ou à un manque d'égards pour la sécurité d'autrui. Cependant, au moment d'évaluer ces facteurs, les tribunaux ont pris en considération le Règlement sur l'entreposage, l'exposition, le transport et le maniement des armes à feu par des particuliers.
Dans R c Rousel, [2014] AJ no 376, la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a reconnu l'accusé coupable d'avoir entreposé d'une manière négligente des munitions aux termes du paragraphe 86(1) du Code criminel. La Cour a particulièrement souligné que les munitions et les armes à feu avaient été entreposées ensemble dans un contenant non verrouillé. Pour en arriver à cette conclusion, la Cour a invoqué les normes énoncées dans la réglementation sur l'entreposage des armes à feuNote de bas de page 62.
Dans les cas qui nous occupent, lorsque les membres de la GRC ont consigné la saisie de munitions, les munitions saisies semblaient avoir été trouvées à proximité des armes à feu non entreposées de manière sécuritaires et avoir été bien en vue, ce qui soutient la détermination par les membres selon laquelle l'entreposage équivalait à une infraction aux termes du Code criminel. Comme c'était le cas pour les armes à feu, les munitions entreposées illégalement pouvaient être saisies en vertu du paragraphe 489(2) du Code criminel et de la doctrine des objets bien en vue, puisqu'il s'agissait d'une preuve qu'une infraction avait été commise aux termes du paragraphe 86(1).
Cependant, la prise de notes à cet égard laissait particulièrement à désirer et, par conséquent, il est impossible de déterminer si toutes les munitions saisies étaient entreposées de manière illégale et, donc, qu'elles ont été saisies de façon appropriée.
Conclusion no 35 : Dans certains cas, les membres de la GRC étaient autorisés à saisir les munitions entreposées de manière négligente, conformément au paragraphe 489(2) du Code criminel et à la doctrine des objets bien en vue.
Conclusion no 36 : Il n'y a pas assez d'éléments de preuve pour conclure que toutes les saisies de munitions étaient autorisées en vertu de la loi.
Saisies d'objets qui n'étaient pas bien en vue
Dans son examen de la validité des entrées dans les maisons, la Commission a conclu que les membres étaient autorisés à entrer dans les maisons pour diverses raisons, comme il a été mentionné précédemment dans le présent rapport. Chaque entrée avait un objet précis et, dans certains cas, cela permettait de chercher des gens. Il n'aurait pas été approprié pour les membres de la GRC de mener des recherches dans des endroits où on ne se serait pas raisonnablement attendu à trouver des gens, comme des armoires ou des tiroirs. Par ailleurs, les membres n'avaient pas le pouvoir juridique d'effectuer une fouille sans mandat pour trouver des armes à feu.
Habituellement, les membres prennent des notes détaillées quand ils effectuent des fouilles et des saisies. Ces notes sont normalement un élément essentiel des dossiers de preuve dans les poursuites criminelles. Cette pratique n'a pas été suivie en l'espèce, car les équipes chargées des fouilles ne comptaient souvent que sur une seule personne pour prendre des notes, et ces dernières étaient généralement trop peu détaillées pour contribuer à clarifier cette question. Même si cela peut être une conséquence naturelle de l'urgence avec laquelle les membres devaient agir, la valeur du dossier écrit concernant ce qui s'est révélé être un ensemble d'actions très litigieuses a été amoindrie.
Pendant l'enquête, plusieurs témoins ont signalé que des armes à feu qu'ils avaient cachées avaient tout de même été confisquées par la police. Au total, 11 témoins ont soulevé des préoccupations quant aux fouilles effectuées par la GRC pour trouver des armes à feu. Ces plaintes visaient les types d'activités suivantes :
- des fouilles dans des garde-robes;
- une fouille dans une armoire;
- un matelas renverséNote de bas de page 63;
- des fouilles dans des boîtes ou des coffres;
- des fouilles sous des vêtements ou des linges de maison;
- des fouilles dans des tiroirs.
Au total, deux de ces cas représentent bien cet enjeu. Dans le premier cas, le propriétaire des armes à feu a expliqué qu'il avait entreposé ses armes à feu dans une garde-robe à l'étage. Il avait placé les armes d'épaule debout, et elles étaient visibles quand la porte de la garde-robe était ouverte. Les armes de poing étaient cachées sous des serviettes et des linges de maison. Néanmoins, les deux types d'armes ont été saisis par la police. Dans le deuxième cas, le propriétaire a indiqué que son arme à feu avait été placée sous un sac de couchage dans son garage.
La GRC disposait seulement du pouvoir limité d'effectuer des fouilles en vue de protéger la vie des personnes. Même si on peut alléguer que l'ouverture d'une porte de garde-robe est une mesure raisonnable pour atteindre cet objectif (p. ex. si l'on présume qu'un enfant peut s'être réfugié dans la garde-robe), le fait de soulever les linges de maison et des éléments semblables excède clairement la portée des fouilles autorisées par la doctrine des objets bien en vue ou l'application du paragraphe 489(2) du Code criminel.
Les déclarations des témoins ci-dessus selon lesquelles les armes à feu étaient cachées et non bien en vue, le fait que les armes à feu ont été saisies par la GRC et l'absence de dossiers écrits pour expliquer les détails de la saisie appuient l'allégation selon laquelle, dans ces cas, les fouilles de la GRC ont dépassé la portée autorisée.
Même si on n'a pas signalé que des armes à feu avaient été saisies dans des boîtes, des coffres ou des tiroirs, les rapports selon lesquels de tels endroits ont été fouillés appuieraient également la prémisse selon laquelle les fouilles ont dépassé la portée prévue. Il n'est pas raisonnable de penser que le fait de fouiller ces endroits pourrait permettre de trouver des gens ayant besoin d'aide ou des animaux de compagnie. Si les membres de la GRC ont bel et bien mené ces activités, ils ont dépassé la portée établie de leurs fonctions de fouille.
Des dossiers plus détaillés existent en ce qui concerne les cinq cas où de la marijuana a été découverte et saisie. Les deux premières saisies ont été effectuées le 24 juin. Dans les deux cas, les équipes de recherche et de sauvetage sont tombées sur ce qu'elles ont décrit comme des installations de culture pendant la dernière journée des fouilles visant à protéger la vie des personnes. Des membres de l'extérieur de la ville qui assuraient la relève au détachement ont été chargés de saisir l'équipement des installations de culture, la marijuana et les armes à feu non entreposées de manière sécuritaire.
Dans le premier cas, les dossiers ne soulèvent pas de préoccupations concernant la façon dont la fouille a été menée, surtout en ce qui a trait au fait d'aller au-delà des secteurs qui avaient été fouillés par l'équipe du GOTS pour chercher des personnes ayant besoin d'aide. Un membre de l'équipe du GOTS était resté sur place pour aider les membres. L'installation de cultureNote de bas de page 64 a été démantelée, et les objets saisis ont été remis au détachement où le sergent Dan Powers, qui était à l'époque le commandant du détachement par intérim et le sous-officier des opérations du détachement de High River, a ordonné qu'on traite l'affaire comme une « saisie sans poursuite », c'est-à-dire qu'aucune accusation ne serait portée.
Le deuxième cas survenu cette journée-là est l'exemple le plus clair d'une approche trop générale adoptée dans le cadre des fouilles. Encore une fois, on a fait appel au détachement pour aider à la saisie de marijuana et d'armes à feu non entreposées de manière sécuritaire. Les membres qui sont intervenus ont également été escortés par un membre du GOTS et menés dans une pièce où ils ont saisi des armes à feu qui n'étaient pas entreposées de manière sécuritaire et de la marijuana, dont le poids consigné par la suite était de 789 grammes. Cependant, ils n'ont pas arrêté là. Supposément parce que des parties d'armes à feu et des munitions avaient été trouvées dans la maison, les membres ont effectué une fouille approfondie. Les membres ont trouvé trois ensembles de coups de poing américains dans un [traduction] « meuble de rangement dans une chambre à coucher ». Ces objets ont été saisis en tant qu'armes prohibées.
Les membres ont trouvé un petit coffre-fort noir dans la garde-robe d'une chambre à coucher. Ils ont également trouvé un trousseau de clés dans le même tiroir où ils avaient trouvé les coups de poing américains. Ils ont utilisé les clés pour ouvrir le coffre-fort, qui contenait plus de 10 000 $. Cet argent a également été saisi. Ils ont ensuite procédé à une inspection visuelle de la maison et trouvé deux chargeurs qui semblaient avoir été modifiés pour permettre d'y placer plus de cartouches que ce qui est permis par la loi. Ces chargeurs ont été saisis, car leur possession est interdite dans leur forme modifiéeNote de bas de page 65.
Les fouilles dans les meubles de rangement et le coffre-fort excédaient clairement la portée de l'objet initial des fouilles sans mandat, qui visaient à trouver des gens, et elles étaient déraisonnables.
Les trois autres saisies de marijuana semblent toutes avoir été effectuées après que les équipes d'inspection des maisons ont communiqué avec le détachement. Cependant, les membres de la GRC n'ont pas indiqué de façon précise quelles parties des maisons avaient été visitées pendant les inspections. Sans ces détails, il semble que, à au moins une occasion, les membres de la GRC ont mené des fouilles à l'extérieur de la zone limitée qui avait été établie par l'équipe d'inspection des maisons. Il s'agit d'un autre cas où il semble que les membres du détachement ont effectué une fouille qui excédait la portée de l'objet initial. On a appelé les membres du détachement pour qu'ils saisissent les objets; ils n'avaient pas le pouvoir d'effectuer des fouilles de façon indépendante.
Il y a suffisamment d'éléments de preuve pour conclure que, dans plusieurs cas, les fouilles ne visaient pas seulement l'objet établi de protéger la vie des personnes. Même si les fouilles avaient pour but de trouver des personnes ayant besoin d'aide, il est évident que dans plusieurs cas elles ont dépassé cet objectif légitime et ont pris la forme de fouilles non autorisées pour trouver des armes à feu ou des produits de contrebande. Ces cas relevés concernaient la découverte initiale d'armes à feu non entreposées de manière sécuritaire ou de produits de contrebande bien en vue. Cela a été suivi par une fouille plus vaste dans des endroits où il n'était pas possible de trouver des gens ayant besoin d'aide, devenant ainsi une fouille en vue de trouver des armes à feu ou des produits de contrebande. La GRC reconnaît qu'aucun mandat n'a été obtenu pour permettre une fouille approfondie et, par conséquent, la Commission conclut que ces fouilles approfondies pour trouver des armes à feu ou des produits de contrebande étaient déraisonnables.
À l'instar du manque de directives concernant la saisie des armes à feu mentionné ci-dessus, aucun dossier n'indique que les superviseurs de la GRC ont envisagé de fournir des directives aux membres en ce qui a trait à leurs pouvoirs juridiques d'effectuer des fouilles et de saisir des objets. Les notes des membres ayant pris part aux saisies, surtout les saisies de marijuana, montrent clairement qu'ils ne comprenaient pas les limites de leurs pouvoirs d'effectuer des fouilles.
Conclusion no 37 : Dans plusieurs cas, les fouilles ont dépassé la portée autorisée, passant d'une recherche de personnes ou d'animaux de compagnie à une fouille en vue de trouver des armes à feu ou des produits de contrebande.
Conclusion no 38 : Les superviseurs de la GRC ont omis de fournir aux membres des directives suffisantes concernant la portée de leurs pouvoirs d'effectuer des fouilles dans les bâtiments.
Signalement et remise d'armes à feu
Comme c'est le cas des entrées dans les résidences privées, la saisie des biens d'une personne entraîne des répercussions importantes sur le droit à la liberté de cette personne. Pour cette raison, le Parlement a promulgué des lois qui exigent précisément que la police signale les saisies à la cour et rende les biens saisis au propriétaire aussitôt que possible s'ils ne sont pas nécessaires au processus judiciaire. Depuis l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertésNote de bas de page 66, la surveillance judiciaire ultérieure aux saisies est devenue une composante centrale des lois portant sur les fouilles et les saisies au Canada.
Signalement des saisies d'armes à feu
L'alinéa 489.1(1)a) du Code criminel exige qu'un agent de la paix fasse rapport à un juge de paix lorsqu'il effectue une saisie (lorsqu'il n'y a aucune contestation quant à la possession légitime des biens saisis et que la détention des biens saisis n'est plus nécessaire). Cette disposition s'applique également aux saisies effectuées dans le cadre d'un mandat de perquisition et aux saisies effectuées sans mandat, qu'elles soient autorisées par une loi ou par la common lawNote de bas de page 67. L'exigence est la suivante : le bien doit être remis à la personne qui a droit à la possession légitime de celui-ci, et il faut en faire rapport au juge de paix « dans les plus brefs délais possible », c'est-à-dire [traduction] « sans délai déraisonnableNote de bas de page 68 ».
Par conséquent, normalement, toute saisie effectuée par un agent de la paix doit être signalée à un juge de paix. L'article 489.1 du Code criminel veille à ce que les biens saisis soient ultimement remis à leur propriétaire ou que la détention continue des biens saisis soit justifiée.
Dans R c Backhouse, le juge Rosenberg, au nom de la Cour d'appel de l'Ontario, souligne que l'article 489.1 du Code criminel reflète les valeurs et les principes de la Charte et favorise la surveillance judiciaireNote de bas de page 69. Cette disposition fait partie d'un régime qui inclut l'article 490 du Code criminel [traduction] « et qui a pour objet de réglementer les activités de l'État qui nuisent aux intérêts en matière de protection de la vie privéeNote de bas de page 70 ».
Les membres de la GRC n'ont fait rapport d'aucune saisie d'armes à un juge de paix aux termes de l'alinéa 489.1(1)a) du Code criminel. La GRC n'a pas justifié l'omission de respecter cette importante obligation juridique. En outre, rien n'indique que cette obligation a été prise en considération. Le respect de cette exigence aurait profité au public et à la GRC en permettant un examen indépendant de ces actes plus rapide que le présent examen exhaustif. Cela aurait également servi à fournir une orientation judiciaire sur les pratiques à suivre la prochaine fois qu'une situation semblable surviendra.
La composante de la surveillance judiciaire des saisies ne peut être surestimée dans les situations où des agents de police saisissent des biens personnels dans une maison. Le Parlement a indiqué qu'il souhaitait réglementer les saisies de biens personnels sans mandat de façon à assurer la responsabilisation de la police, la transparence et la surveillance judiciaire. Si la GRC avait signalé ses saisies à la cour, cela aurait pu éliminer bon nombre des préoccupations et des critiques soulevées par les résidents, les médias et les politiciens.
Conclusion no 39 : Les membres de la GRC n'ont pas fait rapport à un juge de paix pour montrer qu'ils avaient des motifs raisonnables de procéder à des saisies sans mandat aux termes de l'alinéa 489.1(1)a) du Code criminel.
Conclusion no 40 : La GRC n'a pas assuré une surveillance adéquate relativement aux fonctions des membres aux termes de l'alinéa 489.1(1)a) du Code criminel.
Remise des armes à feu
Le deuxième aspect de l'orientation législative concernant les saisies est l'exigence de remettre les biens saisis. Le dossier écrit à cet égard est beaucoup plus clair que celui des rapports sur ces saisies. En ce qui concerne la remise des armes à feu, le sergent d'état-major Kevin Morton a préparé un plan écrit, et chaque remise a été consignée.
Selon l'alinéa 489.1(1)a) du Code criminel, les biens saisis doivent être remis à la personne qui a droit à la possession légitime de ceux-ci lorsqu'il n'y a aucune contestation quant à leur possession légitime et que la détention des biens saisis n'est plus nécessaire.
Les armes à feu saisies ont été remises au personnel du détachement. Elles ont été transportées dans le fond d'embarcations ou des coffres de voiture. La chaîne de possession n'a pas été bien consignée, et l'absence d'ordinateurs et d'accès à Internet a nui au processus de catalogage. Lorsque le sergent d'état-major Morton a assumé temporairement le commandement du détachement de High River le 24 juin, il a commencé à mettre en œuvre une approche plus structurée relative à l'entreposage et au catalogage.
Le sergent d'état-major Morton a indiqué dans son entrevue avec un enquêteur de la Commission que, peu après son arrivée à High River, il est devenu préoccupé par le fait que les armes à feu [traduction] « étaient transportées comme s'il s'agissait de bois de chauffage ». Il a expliqué que, vu le grand nombre d'armes à feu, l'entreposage consistait à les empiler en groupe sur le plancher et que dans certains cas on y avait seulement apposé un « papillon autoadhésif » pour indiquer l'adresse où elles avaient été saisies. Après avoir évalué la situation des armes à feu au détachement, où un garage sécurisé avait été réservé exclusivement à l'entreposage des armes à feu, il a obtenu des supports à bicyclettes d'une école avoisinante ainsi que des couvertures. Cela a permis de placer sur les supports les piles d'armes à feu saisies qui avaient été déposées sur le plancher. Son principal objectif était [traduction] « de les traiter avec respect et de les protéger ». Les armes à feu étaient encore placées en groupe, et un plan a été élaboré pour cataloguer adéquatement chaque groupe.
Il a également réussi à obtenir les services de membres qui connaissaient bien la réglementation sur les armes à feu pour qu'ils s'occupent du catalogageNote de bas de page 71 et de la préparation des dossiers, ce qui faciliterait la remise aux propriétaires. L'identification des propriétaires d'armes à feu à autorisation restreinte représentait une tâche relativement simple puisque les propriétaires sont obligés d'enregistrer ces armes dans le cadre du Programme canadien des armes à feu.
Une difficulté majeure liée au processus de remise concernait l'identification des propriétaires d'armes à feu sans restrictions, qui représentaient la majorité des saisies. Initialement, la GRC disposait des renseignements suivants sur une arme à feu : sa description, son numéro de série et l'adresse où elle avait été saisie. Le sergent d'état-major Morton a déclaré que des efforts avaient été déployés pour identifier les propriétaires au moyen de recherches dans les bases de données de la police, soit le Centre d'information de la police canadienne le Système d'incidents et de rapports de police. Ces recherches portaient sur les armes à feu et visaient à déterminer si des rapports y étaient associés. Le but était d'identifier les propriétaires d'armes à feu et éventuellement d'aviser les membres du fait qu'une arme avait été volée. Aucune ne l'avait été.
À l'exception des chargeurs prohibés dans le cas mentionné précédemment, toutes les armes à feu étaient à autorisation restreinte ou sans restrictions, ce qui signifie que leur possession était légale si le propriétaire disposait du permis adéquat. Le sergent d'état-major Morton a indiqué qu'il fallait tenir compte de ces facteurs, de la propriété et des permis avant la remise de l'arme à feu à son propriétaire.
En ce qui concerne les recherches effectuées dans les bases de données de la police décrites par le sergent d'état-major Morton, la Commission conclut qu'il était raisonnable pour la GRC de s'assurer qu'une arme à feu n'avait pas été volée pour pouvoir la remettre à son propriétaire légitime.
Le sergent d'état-major Morton a aussi déclaré que, une fois les saisies d'armes à feu devenues un enjeu public, il s'est senti contraint de remettre les armes à feu le plus rapidement possible. Dans le cadre de son entrevue, il a affirmé qu'on avait même suggéré de remettre les armes à feu aux résidents à mesure qu'ils revenaient dans leur maison. Il a répondu que cette suggestion était déraisonnable. Tout d'abord, il ne disposait pas de l'effectif nécessaire pour remplir cette tâche. Ensuite, il n'avait aucune façon de déterminer à qui appartenaient les armes à feu ou si elles étaient adéquatement enregistrées.
Par la suite, le sergent d'état-major Morton a établi un système au moyen duquel les prétendus propriétaires devaient se rendre au détachement et identifier de façon générale leurs armes à feu et l'endroit où ces dernières avaient été saisies. Par ailleurs, ils devaient présenter des pièces d'identité adéquates, notamment un permis de possession et d'acquisition d'arme à feu et une pièce d'identité avec photo.
Les propriétaires qui n'avaient pas les permis requis, lesquels avaient été dans bien des cas perdus en raison de l'inondation, étaient aidés par les membres du détachement, qui téléphonaient au Centre des armes à feu Canada pour confirmer la documentation. Dans d'autres cas, des efforts ont été déployés pour accélérer le traitement des demandes de permis présentées par les propriétaires d'armes à feu. Les propriétaires avaient le droit de transporter les armes à autorisation restreinte à leur résidence même s'ils n'avaient pas le permis de transport requis.
Le sergent d'état-major Morton a expliqué que, lorsqu'un propriétaire tentait de récupérer ses armes à feu, se produisait l'une des trois issues suivantes :
- Le propriétaire partait avec les armes à feu.
- Les armes à feu étaient laissées au détachement pour un entreposage sécuritaireNote de bas de page 72 jusqu'à ce que le propriétaire trouve un endroit pour les entreposer ou jusqu'à ce qu'il reçoive les permis adéquats.
- Le propriétaire demandait que l'on détruise les armes à feu, habituellement parce qu'elles avaient été endommagées dans l'inondation.
Toutes les armes à feu ont fini par être remises à leur propriétaire, sauf celles qui n'ont pas été réclamées ou celles dont le propriétaire avait demandé la destruction, de même que deux armes à feu trouvées dans un parc pour lesquelles aucun propriétaire n'a pu être identifié. En date du 19 décembre 2014, ces deux armes à feu n'avaient toujours pas été réclamées. De plus, seize armes à feu étaient encore en la possession du détachement de la GRC de High River à la demande de leur propriétaire.
Conclusion no 41 : Il était raisonnable pour la GRC d'effectuer des recherches dans la base de données du Centre d'information de la police Canadienne.
Conclusion no 42 : Les armes à feu saisies ont été remises de la façon la plus ordonnée et rapide possible dans les circonstances.
C. Bien-fondé des politiques, des procédures, des lignes directrices et de la formation de la GRC
La présente enquête sur la plainte du public a relevé deux types de problèmes au chapitre des politiques. Le premier avait trait aux situations dans lesquelles la GRC ne comptait sur aucune politique, procédure ni ligne directrice. Le deuxième concernait des secteurs où des politiques existaient mais n'étaient pas adéquates pour remplir les objectifs pour lesquels elles avaient été créées.
Les communications externes constituent le premier secteur de politique à examiner pour cerner les lacunes ayant touché l'intervention générale de la GRC. Les problèmes de communication ont eu un effet direct sur la réussite perçue et réelle des opérations de la GRC dans le cadre de l'inondation de High River.
La présente section portera également sur les lacunes des politiques et des procédures de la GRC concernant les pouvoirs juridiques des membres de procéder à l'arrestation de citoyens qui ne respectent pas les ordres d'évacuation légitimes et d'entrer dans des maisons et d'y effectuer des fouilles et des saisies aux termes de l'EMA; l'absence de politiques concernant l'évacuation des membres de la GRC agissant à titre d'intervenants d'urgence et habitant dans les zones d'évacuation; et les lacunes des séances de formation sur le Système de commandement en cas d'incident (SCI) fournies aux membres participant aux interventions d'urgence.
Communications externes pendant les situations d'urgence
La Commission a fait appel à un professionnel des communications publiques pour qu'il examine les communications externes (c.-à-d. publiques) de la GRC dans le cadre de l'intervention d'urgence pendant l'inondation de High River.
L'examen de la Commission englobait des entrevues menées auprès de témoins qui ont joué un rôle clé dans les communications de la GRC ou qui possédaient des connaissances spécialisées à cet égard. Ces renseignements ont été complétés par des courriels, des notes et des plans pertinents aux communications d'urgence dans le cadre de l'intervention. L'examen de ces renseignements a révélé les éléments factuels qui sont pertinents à l'analyse du traitement des communications externes par la GRC pendant l'inondation et ceux-ci sont présentés ci-dessous.
Contexte
La sergente Patricia Neely, agente des relations avec les médias de la Division « K », a indiqué que, au cours de la première journée de l'inondation, l'équipe des communications avait tenté de rassembler des ressources et de jeter sur papier une stratégie initiale qui a été décrite comme [traduction] « improvisée ».
La sergente Neely et Mary Schlosser (stratège des communications de la Division « K ») ont fait de leur mieux pour déterminer quels employés pourraient contribuer aux relations avec les médias à partir d'une liste des membres du personnel de la Division ayant suivi une formation à cet égard. Malheureusement, cette liste n'était pas à jour. Le sergent d'état-major Brian Jones, agent des relations avec les médias chevronné en Saskatchewan, a pu se joindre à l'équipe des communications le deuxième jour. L'inspecteur Garrett Woolsey a également été nommé en tant que porte-parole principal de la GRC pour l'intervention à High River.
En plus de nommer les agents des relations avec les médias et de leur conférer des rôles et des responsabilités, on a rapidement pris d'autres mesures après le début de l'inondation, notamment les suivantes : établissement d'une ligne téléphonique de relations avec les médias 24 heures sur 24 (qui est devenue fonctionnelle au deuxième jour de la crise), émission de communiqués de presse et planification et exécution de mêlées de presse. Quelques membres de la GRC ont rempli un certain nombre de fonctions liées aux communications, dont bon nombre ont été définies dans le protocole du SCI.
À la fin du deuxième jour, un « plan » spécial avait été établi dans un courriel rédigé par l'inspecteur Woolsey. Ce plan exigeait la nomination d'un agent des relations avec les médias qui pourrait répondre aux demandes de renseignements 24 heures par jour. Un agent de nuit a été chargé de la surveillance des médias et de la préparation de mises à jour et de communiqués qui devaient être envoyés aux médias en priorité le lendemain matin. Des rencontres régulières avec les médias devaient être prévues à midi et à 16 h à High River et à Calgary pour fournir des rapports sur la progression des opérations. Par ailleurs, des représentants principaux de la GRC devaient être présents, dans la mesure du possible, avec les responsables de la gestion des urgences pertinents.
La GRC a connu des retards importants dans le recrutement d'employés de soutien aux communications (p. ex. photographes, vidéographes, experts des médias sociaux), ce qui a entraîné des difficultés pendant les premiers jours de l'inondation.
Au cours du troisième jour, le COU a constaté que les préoccupations concernant l'endommagement des maisons par les membres de la GRC pourraient entraîner des questions des médias. Cependant, à la lumière du dossier, il ne semble pas qu'on ait fait le suivi de cette question auprès de l'équipe des communications.
La sergente Neely a indiqué dans son entrevue que [traduction] « [a]u cours des premiers jours, bien franchement, nous ne participions pas [aux séances d'information du COU de la Division] [...] Je crois qu'on ne reconnaissait tout simplement pas l'importance des communications autour de la table. »
Pendant le troisième jour, l'équipe des communications a également demandé des renseignements sur le sauvetage des animaux de compagnie et sur les efforts qui étaient déployés. Les agents des relations avec les médias de la GRC recevaient des appels au sujet d'animaux de compagnie et ne pouvaient fournir de renseignements pertinents ou à jour même si des plans pour secourir les animaux dans les maisons étaient en place et exécutés.
Vers le quatrième jour, les activités de communication de la GRC sont devenues plus difficiles, car l'infrastructure des télécommunications a été restaurée et les médias sociaux ont rapidement comblé le manque d'information. Des renseignements concernant le fait que des membres de la GRC étaient entrés dans des maisons et avaient causé des dommages ont été diffusés rapidement, et un certain nombre de résidents ont suggéré de poser des gestes de désobéissance civile et de revenir en masse dans la ville par les points de contrôle. Ces renseignements se sont rendus jusqu'aux médias et, par la suite, aux politiciens. À ce moment-là, le ton avait été donné, et tous les efforts de communication déployés par la GRC étaient devenus des mesures défensives et réactives.
Pendant le cinquième jour, le plan des relations avec les médias de la GRC a été diffusé; il établissait la possibilité pour les citoyens d'exprimer publiquement leur insatisfaction à l'égard des efforts de la police. Cependant, le document ne précisait pas les problèmes précis qui pourraient entraîner des critiques du public (notamment la façon de répondre aux questions des résidents qui ne pouvaient retourner chez eux) et il ne fournissait pas de directives sur les messages clés pour aborder les problèmes ni sur les mécanismes pour diffuser ces messages. Il importe également de mentionner que la section portant sur la stratégie du plan des relations avec les médias indiquait qu'il était nécessaire de [traduction] « faire le suivi des appels des médias afin de déterminer les tendances qui devaient être signalées à [la Direction générale] ». Le document n'établissait pas la façon dont les problèmes seraient relevés, suivis et réglés de façon proactive au fil du temps; il indiquait plutôt la façon la plus rapide de transmettre ces renseignements à la Direction générale de la GRC.
C'est autour du septième jour, quand l'histoire des saisies d'armes à feu à High River s'est répandue, que l'équipe des communications a été chargée d'assumer un rôle plus important. Pendant les premiers jours de l'inondation, l'équipe des communications ne recevait pas de contenu nouveau ou actuel et n'était donc pas bien préparée pour répondre aux journalistes, surtout lorsqu'elle faisait le suivi sur les rapports selon lesquels des membres de la GRC étaient entrés dans des maisons et y avaient saisi des armes à feu.
Même si on reconnaissait à l'interne la nécessité de communiquer la justification des saisies, la GRC n'a pas fourni de réponse complète aux demandes de renseignements du public et des médias :
[Traduction]
Nous devons répondre aux mêmes questions [au sujet des procédures de remise des armes à feu] dans les entrevues de suivi. Nous avons indiqué que le processus sera élaboré en temps voulu/le plus rapidement possible avec l'aide des experts en armes à feu de la GRC. Il serait bien d'élaborer un communiqué à ce sujet et de clarifier le pouvoir juridique d'entrer dans les maisons.
Un communiqué de presse présentant la justification de la GRC pour les saisies d'armes à feu et des propos réconfortants de la commissaire adjointe Marianne Ryan a été diffusé le 28 juin vers midi :
[Traduction]
La dernière chose que souhaite un propriétaire d'arme à feu est que ses armes tombent entre de mauvaises mains. Les résidents de High River peuvent être assurés que les armes à feu qui sont maintenant en possession de la GRC sont entre bonnes mains et qu'elles leur seront remises aussitôt que possible. Les propriétaires d'armes pourront également demander à la GRC de les conserver jusqu'à ce qu'ils puissent les entreposer de façon sécuritaire.
Le neuvième jour, les médias étaient très intéressés par l'histoire de la saisie des armes à feu à High River. Tandis que les différents médias cherchaient à obtenir des renseignements sur les saisies d'armes à feu dans les maisons de High River, la GRC était encore à élaborer un plan opérationnel, faisant en sorte qu'il était difficile de répondre de façon significative sans nuire à la crédibilité. Les procédures pour la remise des armes à feu n'étaient pas encore achevées, et les commandants opérationnels insistaient pour que certains des renseignements de base n'atteignent pas le domaine public.
La relation de la GRC avec les médias a encore été mise à l'épreuve quand l'équipe des communications de la Division « K » a été chargée par la Direction générale de la GRC de transmettre les demandes de renseignements des journalistes sur la question des armes à feu au Groupe des relations avec les médias de la Direction générale. La sergente Neely a décrit l'effet de cette décision de la façon suivante :
[Traduction]
Aussitôt qu'une question concernait les armes à feu, la Direction générale s'en chargeait [...] et les responsables des médias m'appelaient et étaient très frustrés [...] car ils ne pouvaient obtenir de réponse de la Direction générale [...] ou ils obtenaient une réponse qui ne répondait aucunement à leur besoin.
Le onzième jour (30 juin), la GRC a publié un « document à l'intention des agents de police » qui établissait les rôles et les responsabilités des membres, mais qui donnait peu de directives sur la façon de fournir des renseignements pertinents ou importants aux résidents. Les membres de la GRC sur le terrain étaient les principaux points de contact, et on leur fournissait seulement des directives limitées relativement aux communications.
Analyse
Les éléments factuels présentés ci-dessus révèlent des problèmes de communication qui correspondent à l'un ou l'autre des six thèmes suivants :
- Reconnaître l'importance de la planification des communications.
- Reconnaître le rôle des communications dans les opérations d'urgence.
- Affecter des ressources pour répondre aux besoins en communications.
- Assurer la coordination des communications au sein de la GRC.
- Coordonner les communications avec les partenaires du COU.
- Gérer les problèmes.
Analysons chacun des thèmes à tour de rôle.
Reconnaître l'importance de la planification des communications
Un plan de communication complet est un facteur essentiel de la capacité d'une organisation de gérer efficacement une crise. L'importance d'établir des communications claires est décrite de la façon suivante dans le Plan stratégique de gestion des urgences de la GRC :
L'établissement par les autorités compétentes de communications claires avant, pendant et après une situation d'urgence constitue un processus essentiel et continu. Avant une situation d'urgence, la communication est axée sur l'éducation du public en matière de sécurité civile afin d'accroître la sensibilisation aux aléas, aux vulnérabilités et aux risques, d'améliorer les mesures de prévention, d'atténuation et de préparation et de fournir des renseignements sur divers aspects de la sécurité civile. Lorsqu'un danger est imminent, la population est avisée par la diffusion d'un message d'alerte.
Les communications pendant et immédiatement après une catastrophe expliquent et guident les mesures d'intervention immédiate qui sont mises en place pour minimiser les impacts et pour assurer la sécurité. Ces communications renseignent sur les exigences visant un rétablissement à court, moyen et long terme.
Pour qu'elles soient efficaces, les communications en temps de crise doivent être proactives, ce qui nécessite la diffusion de renseignements pertinents dans un contexte qui soutient le mandat de l'organisation et promeut le bien-fondé de ses décisions (c.-à-d. qui lui permet d'obtenir le soutien et la confiance des personnes qu'elle tente de servir). Une approche réactive entraîne souvent un problème ou un incident défini par des intérêts qui peuvent n'offrir aucun soutien ou être diamétralement opposés.
Afin d'évaluer l'efficacité de la planification des communications de la GRC, il est tout d'abord nécessaire de passer en revue les instruments de planification des communications avant l'opération. Nous procéderons ensuite à l'examen de la planification des communications qui a eu lieu dans le cadre de l'intervention d'urgence.
Le document national principal de la GRC est son Plan stratégique de gestion des urgences qui établit l'importance de la planification à la phase de préparation (selon le libellé du plan), qui suppose l'élaboration et la tenue à jour de politiques, de procédures et de plans de gestion des urgences efficaces et leur application pour les valider et les mettre en pratique. Selon le plan, la préparation peut inclure ce qui suit :
- Plans et procédures. Élaborer et tenir à jour des plans d'intervention tous risques civils et des plans de continuité des opérations coordonnés à l'interne et intégrés à l'externe avec les partenaires;
- Préparation. Tenir des séances d'entraînement et des exercices afin de valider les plans et de permettre aux employés et bénévoles de mettre en pratique leurs rôles en cas d'urgence pour assurer la préparation de l'intervention;
- Information publique en situation d'urgence. En collaboration avec des organismes partenaires, communiquer de façon continue et constante avec le public au sujet des nouvelles situations d'urgence;
- Stratégie de communication. Veiller continuellement à ce que tous les employés soient au courant de leurs rôles et responsabilités dans le cadre des plans d'intervention d'urgence et de leurs responsabilités individuelles pour être prêts à intervenir.
Les plans d'urgence à l'échelon des divisions et des détachements consistent principalement à déterminer le rôle de liaison avec les médias et de nommer la personne responsable de superviser la fonction de communication. Selon le plan opérationnel d'urgence de base de la Division « K », les fonctions de communications externes/publiques sont affectées aux responsables de la liaison avec les médias et supervisées par le COU de la Division. Le plan du détachement de High River affecte ces fonctions aux responsables de la liaison avec les médias de High River et au gestionnaire du poste de commandement. Les plans n'indiquent pas les rôles à assumer pendant les situations d'urgence, la façon dont ces rôles devraient être coordonnés entre les différents échelons ni comment les fonctions de communications sont liées à la réussite de l'opération.
Les documents de politique et de procédure de la GRC devraient indiquer que le rôle des communications dans une opération d'urgence suppose bien plus que de dire aux gens quoi faire.
Les plans existants avant l'inondation n'étaient pas suffisamment solides ou détaillés pour contribuer à l'intervention initiale.
La préparation insuffisante à cette étape a eu des répercussions sur la planification qui a été effectuée pendant l'intervention d'urgence, et cela a été souligné par divers membres ayant assumé des responsabilités relativement aux communications.
Le premier document de planification des communications de la GRC concernant l'inondation de High River (un plan de relations avec les médias de base) n'a été approuvé que quatre jours après le début de l'inondation. En raison de ce retard, les agents des relations avec les médias et les autres membres du personnel de la GRC s'appuyaient sur une orientation minimale quant aux messages clés à diffuser ou à l'approche à adopter pendant la période la plus importante de la crise. Par ailleurs, il n'y avait pas de plan de communication à l'intention de publics externes clés, outre les médias.
En raison de la nature chaotique d'une catastrophe en cours, même une équipe des communications disposant des ressources nécessaires sera confrontée à des difficultés en raison de la portée et du volume des tâches, en plus des délais serrés. Les membres de l'équipe des communications de la GRC dans le sud de l'Alberta ont reconnu que le fait de tenter de rassembler des ressources et de planifier une approche initiale au beau milieu d'une crise était une mauvaise stratégie.
L'inspecteur Garrett Woolsey (porte-parole auprès des médias) a indiqué ce qui suit :
[Traduction]
Donc, en situation de crise, nous mettons des choses en commun et essayons d'obtenir les ressources qui peuvent ou non nous être accessibles. S'il manque un élément, comme la stratégie auprès des médias, cela peut nous nuire.
Le personnel de la GRC ne comptait pas sur des plans de communication réfléchis et détaillés.
Reconnaître le rôle des communications dans les opérations d'urgence
Les dirigeants de la GRC interviewés par la Commission ont confirmé que l'intégration des communications et des opérations avait été effectuée de façon irrégulière et que, parfois, on en avait fait fi. Cela a entraîné des retards dans l'examen et l'approbation des conseils sur les communications stratégiques offerts.
La GRC devrait intégrer à ses protocoles d'intervention d'urgence les communications externes et établir adéquatement leur lien avec son rôle opérationnel. Des communications informatives en temps opportun peuvent entraîner de nombreux avantages :
- accroître la confiance du public envers le service de police et bénéficier d'une plus grande coopération de sa part;
- contribuer à réduire les spéculations et les perceptions erronées, éliminant ainsi les obstacles pour les agents de première ligne, notamment les membres de la GRC qui faisaient face à des résidents frustrés aux barrières;
- obtenir une plus grande rétroaction du public, ce qui peut être utile lorsque la police demande des renseignements pour soutenir une opération;
- atténuer les interventions tangentielles et chronophages de la part des médias;
- fournir une expertise en la matière au moment où les commandants sur place se penchent sur les priorités opérationnelles.
En l'espèce, les membres de la GRC ayant pris part à l'intervention opérationnelle n'ont pas tenu compte de l'importance des stratégies de communication pour gérer la crise. Ils tentaient tout d'abord de sauver des vies, ce qui était attendu. Malheureusement, leur manque de considération à l'égard des communications a eu des répercussions à long terme.
Conclusion no 43 : Les dirigeants de la GRC n'ont pas intégré de stratégie de communication solide à l'intervention d'urgence.
Affecter des ressources pour répondre aux besoins en communications
Selon les protocoles relatifs au Système de commandement en cas d'incident (SCI), pendant la phase d'activation d'une urgence, il faut déterminer les besoins en dotation, et les membres du personnel nécessaires (c.-à-d. ceux possédant des compétences liées à la gestion de problèmes et aux relations avec les médias) doivent être affectés à une section d'information publique. Cependant, pendant la crise de High River, il semble qu'il n'y avait pas de plan en place pour déterminer le nombre de personnes requises pour la gestion des communications en temps de crise ou pour veiller à ce que les personnes disposant des compétences adéquates soient identifiées en vue de fournir du soutien. Sans plan de communication en temps de crise, il a été difficile de trouver des agents des relations avec les médias compétents au sein de la Division.
Les communications par courriel pendant l'urgence illustrent les difficultés liées à la dotation. Le 25 juin, un courriel a été acheminé au sein de la Division « K » : on cherchait des agents des relations avec les médias compétents pour assurer la relève à High River. Le lendemain, les difficultés éprouvées pour trouver des agents des relations avec les médias disponibles ont été mentionnées dans un courriel interne, et on a demandé la permission de s'adresser à d'autres divisions pour obtenir de l'aide.
L'affectation de membres du personnel dans les 24 premières heures de la crise, compte tenu d'une liste à jour de ressources compétentes en matière de communication, aurait vraisemblablement eu un effet important sur l'efficacité de la fonction de communication de la GRC, surtout si ces ressources avaient pu s'appuyer sur un plan de communication en temps de crise.
Il semble également que la Direction générale de la GRC à Ottawa a fourni peu de soutien. Les procédures opérationnelles normalisées nécessitent la participation d'une équipe de gestion de crise formée de membres de la direction de la GRC, représentant habituellement les responsables de la police contractuelle, des opérations criminelles et des communications à l'échelle nationale et divisionnaire. Cependant, l'examen de la Commission a révélé qu'aucun spécialiste des communications national n'avait participé de façon officielle et continue à la table de gestion du District Sud de l'Alberta. Par ailleurs, il existait un protocole clairement défini qui ordonnait à la Division « K » d'informer la Direction générale de la GRC de tout problème qui pourrait susciter l'attention des médias à l'échelle nationale ou être soulevé à la Chambre des communes, mais on n'a trouvé aucune mention d'un soutien réciproque de la Direction générale à la Division.
Conclusion no 44 : Dans la Division, le nombre de membres de la GRC qui avaient une expertise des communications et qui étaient disponibles au début de l'urgence était insuffisant.
Conclusion no 45 : Le personnel de la GRC chargé des communications à l'échelle nationale a peu participé à l'intervention d'urgence.
Assurer la coordination des communications au sein de la GRC
La confusion entourant les rôles et les responsabilités aux différents échelons de la GRC, combinée à l'absence d'une orientation stratégique, a créé d'importants obstacles pour la fonction de communications externes de la GRC au cours des 72 premières heures de la crise.
L'inspecteur Woolsey, qui était sur place à High River, a déclaré que l'agent d'information est le coordonnateur principal des communications dans le cadre du modèle du SCI. Il a laissé entendre que le rôle qui s'en approchait le plus était assumé par la sergente Neely en tant qu'agente principale des relations avec les médias qui travaillait de Calgary. Cependant, il a également indiqué que certains auraient pu croire qu'il était le responsable des communications externes, compte tenu de la confusion qui régnait à l'interne au sujet des fonctions et des responsabilités associées à ce rôle.
Même si la GRC compte sur des procédures opérationnelles normalisées liées à la gestion de problèmes et à la communication en temps de crise, les entrevues menées auprès du personnel des communications de la GRC et des membres de l'équipe de la direction du District n'ont pas montré qu'ils savaient qu'un tel document était accessible pour les orienter pendant les premières étapes de la crise. En tous les cas, ce document n'établit pas de protocole clair orientant les communications dans le cadre d'une intervention d'urgence.
En plus de la confusion entourant les rôles et les responsabilités, on ne reconnaissait pas la nécessité pour les membres de première ligne d'obtenir en temps opportun des messages exacts. Ce sont les membres de première ligne qui interagissaient le plus avec les résidents frustrés et souvent avec les journalistes. La capacité de ces membres d'écouter, de tenir compte des préoccupations, de diffuser des messages clés et de transmettre des renseignements pertinents à la chaîne de commandement était essentielle à la bonne gestion de la crise.
En conséquence, la GRC a surtout pris des mesures réactives et tactiques pendant la crise. Les modèles de pratiques exemplaires insistent constamment sur l'importance de prendre des mesures proactives et stratégiques. Cela est particulièrement important au début d'une crise lorsque les employés d'une organisation et les membres du public éprouvent de fortes premières impressions à l'égard de la qualité et de l'efficacité de l'intervention d'urgence.
Coordonner les communications avec les partenaires du COU
Les lois sur la gestion des urgences de la province attribuent la responsabilité pour l'opération, y compris le soutien des communications, à l'autorité déclarant l'état d'urgence locale (c.-à-d. la Ville de High River). Par conséquent, d'un point de vue pratique, les responsables de la Ville étaient chargés de prendre des décisions opérationnelles et d'en informer le public.
Le surintendant principal Kevin Harrison a déclaré :
[Traduction]
[S]i des communications découlaient de cette situation, l'autorité locale en serait la principale responsable.
Les membres de l'équipe des communications ont confirmé l'idée générale selon laquelle les membres de la GRC étaient à High River pour aider l'autorité locale.
Cela dit, la GRC a participé chaque jour aux séances de rencontre avec les médias. Le surintendant principal Harrison a indiqué que même si, idéalement, toutes les communications publiques devaient passer par l'autorité locale, cela n'avait pas été le cas. Il a laissé entendre que la GRC aurait pu pousser davantage ses partenaires pour qu'ils soient plus proactifs en ce qui concerne la diffusion de messages, même si, pendant les premiers jours, ils ne disposaient pas de la capacité pour ce faire.
Les ressources de la GRC étaient insuffisantes pour soutenir une présence continue au COU. Cela l'a empêchée de contribuer aux décisions clés concernant l'approche relative aux communications et les messages. Le sergent d'état-major Brian Jones a déclaré ce qui suit :
[Traduction]
Nous avons tenté de communiquer les faits. Nous avons tenté de communiquer les raisons de nos agissements dans cette structure. Nous ne nous sommes pas défilés pour tenir nos propres séances d'information [...] Nous avons toujours œuvré au sein de la structure du gouvernement de l'Alberta et de la Ville de High River, parce que c'est la raison pour laquelle nous étions là. Nous n'avons pas pris la décision d'élargir l'évacuation. Nous n'avons pas pris la décision de garder les résidents de l'autre côté des barrières. Mais nous les avons appliquées. C'est nous qui étions présents aux barrières et qui faisions l'objet de la colère des [résidents].
Selon le guide sur les pratiques exemplaires dans le cadre des opérations d'évacuation de 2012 de la GRC, une des pratiques exemplaires concerne l'élaboration d'un plan de communication pour l'évacuation, de concert avec des partenaires, afin d'orienter les activités de communication et les messages. Le guide reconnaît la nécessité d'informer le public et d'accroître sa compréhension à l'égard de ce qui surviendra pour contribuer à diminuer ou à limiter les interruptions possibles des activités policières, répondre aux questions et atténuer les craintes. Le document souligne l'importance pour la GRC de coordonner les communications avec les partenaires en tant qu'exigence pour l'exécution réussie des fonctions relatives au maintien de l'ordre dans une intervention d'urgence. Des discussions avec des partenaires clés doivent être tenues avant une crise pour veiller à ce que la GRC soit représentée à la table. Cela a pour objet non seulement d'éviter d'assumer les répercussions négatives des décisions prises par d'autres autorités (ainsi que celles prises par la GRC), mais également de veiller à ce que la GRC soit en mesure d'obtenir et de maintenir le soutien et la confiance du public pour gérer avec succès son intervention opérationnelle dans le cadre d'une crise.
Gérer les problèmes
Les lacunes de l'approche relative aux communications de la GRC ont eu un effet direct sur la réaction du public quant à l'application par la GRC des ordres d'évacuation générale, aux entrées par la force dans les maisons et à la saisie d'armes à feu dans certaines de ces maisons.
D'un point de vue positif, quand les personnes évacuées ont soulevé des préoccupations concernant les animaux de compagnie qu'elles avaient dû abandonner, une intervention opérationnelle décisive, combinée à un communiqué de presse rapide, a contribué à atténuer ces préoccupations des résidents. Cependant, la majeure partie des communications externes a été un échec.
Bon nombre des résidents évacués de la ville de High River pensaient qu'ils pourraient y retourner dans deux ou trois jours. Des animaux de compagnie ont été laissés derrière, des gens manquaient à l'appel et plus de 300 résidents n'avaient pas quitté la ville. Selon le surintendant principal Harrison, les gens voulaient savoir quand ils pourraient retourner chez eux, l'état de leur maison, comment leurs proches s'en sortaient, etc. Les renseignements ont été transmis non pas par la GRC, mais plutôt par les médias sociaux. Le surintendant principal Harrison a indiqué qu'il était d'avis que les personnes ne comprenaient pas à quel point il était dangereux d'être dans la ville, même après la diminution du niveau de l'eau, en raison, entre autres, des trous d'enlisement et des fuites de gaz, et que [traduction] « toute la situation n'avait pas été présentée efficacement ».
Même si c'est l'autorité locale qui a ordonné l'évacuation générale, c'est la GRC qui a appliqué l'ordre et qui avait besoin de la coopération continue des résidents pour qu'ils partent et demeurent à l'extérieur de la ville. De plus grands efforts étaient nécessaires pour communiquer l'ampleur de l'urgence, notamment au moyen de la présentation de vidéos ou de photos des conditions dans la ville et d'efforts déployés par la police. Cependant, les vidéographes de la Division « K » ont été déployés non pas pendant les premières phases critiques de l'inondation, mais seulement après la couverture médiatique de plus en plus négative.
Voici un autre exemple : dès le 21 juin, le procès-verbal d'une réunion du COU de la Division cernait un problème potentiel concernant les dommages causés par les membres de la GRC qui s'introduisaient dans des résidences dont la porte avait été verrouillée. La préoccupation découlait d'un nombre inconnu d'appels reçus au COU de High River et au Centre des communications opérationnelles du sud de l'Alberta. Cependant, rien n'indique que la GRC a tenté d'expliquer les mesures qu'elle a prises en réponse à ces rapports. En l'absence de renseignements fournis par la GRC, les résidents ne pouvaient que spéculer sur la raison pour laquelle des membres de la GRC entraient dans des maisons et y causaient des dommages. La GRC a été forcée de réagir à des accusations de dommages importants portées par des résidents en colère qui étaient déjà frustrés.
Cela s'applique également aux saisies d'armes à feu, qui ont fait la manchette le 27 juin. La GRC saisissait des armes à feu depuis le 21 juin, mais n'avait pas considéré qu'il s'agissait d'une question concernant les communications. Le surintendant principal Harrison a indiqué que la saisie d'armes à feu non entreposées de manière sécuritaire dans une maison [traduction] « tombait sous le sens » d'un point de vue policier et expliqué qu'il y avait encore à ce moment-là des personnes de la collectivité qui n'évacuaient pas la ville, y compris un délinquant présentant un risque élevé. Peu importe la mesure dans laquelle il s'agissait d'un processus naturel pour la GRC, ces saisies représentaient tout de même une violation importante des libertés des résidents de la ville. Il aurait dû être évident que cette information devait être transmise au public en temps opportun et de façon transparente.
Cependant, la GRC a attendu que des parties externes mentionnent la question et donnent le ton au débat pour finalement répondre. Un courriel daté du 27 juin de la sergente Neely fait état de la première réponse de la GRC :
[Traduction]
Nous sommes à rédiger un communiqué indiquant que dans le cadre des recherches de personnes, si une arme à feu était trouvée ET qu'elle était entreposée de façon non sécuritaire, on la saisissait uniquement pour l'entreposer de façon sécuritaire. Les armes à feu ont été entreposées au détachement de High River et seront remises aux propriétaires quand ces derniers fourniront les documents de propriété. Aucune accusation d'entreposage non sécuritaire ne sera déposée pour l'instant. Tous les fusils placés dans des armoires sous verrou, entreposés de façon sécuritaire ou se trouvant à un endroit où un humain ne peut être (c.-à-d. tiroirs, armoires, petits espaces) n'ont pas été saisis. Nous ne cherchions pas précisément des armes à feu, nous n'avons saisi que celles que nous avons trouvées par hasard dans le cadre de la mission de recherche et sauvetage.
Cette information était connue du commandement de l'incident de la GRC depuis le début des saisies. L'omission de transmettre cette information dès le début a fait en sorte que la GRC a perdu la maîtrise de la situation et que d'autres voix se sont fait entendre. L'approche de la GRC s'est traduite en une occasion perdue.
Selon les entrevues effectuées par la Commission et les documents examinés, les membres du personnel chargés des communications n'avaient pas été pleinement informés relativement à la saisie des armes dans les maisons à High River. Rien n'indique que le personnel des communications opérationnelles ait tenu compte de l'effet des saisies d'armes à feu du point de vue des communications stratégiques. Bon nombre des membres interrogés ont indiqué que la saisie d'armes à feu mal entreposées était un exercice courant et qu'on ne considérait pas qu'il s'agissait d'un problème du point de vue des communications. Cela laisse entendre que la GRC aurait pu tirer profit d'un point de vue autre fourni par des experts en communications afin de déterminer les problèmes potentiels.
Une approche plus efficace a été adoptée auprès des résidents au centre d'accueil, où les problèmes ont été cernés et des solutions en matière de communications, cherchées. Une vidéo montrant l'ampleur des dommages dans la ville a été présentée aux résidents qui ne comprenaient pas pourquoi ils ne pouvaient retourner chez eux. Les résidents ont pu rencontrer en personne les représentants officiels de l'intervention d'urgence qui pouvaient répondre à leurs questions et aborder leurs préoccupations. La même approche a été utilisée au centre où les résidents de High River se rendaient pour préparer leur retour à la maison.
À l'inverse, un courriel de la GRC daté du 25 juin présentait les messages clés en vue d'une séance de rencontre avec les médias, lesquels mettaient l'accent sur les mesures policières au lieu d'adopter une approche plus empathique et d'expliquer les décisions ou les mesures.
Sommaire
Malgré les problèmes présentés ci-dessus, les membres du personnel de la GRC chargés des communications ont été en mesure d'établir quelques éléments de communications publiques de base. Au nombre des mesures prises rapidement, mentionnons la détermination des membres réguliers expérimentés qui pouvaient agir en tant qu'agents des relations avec les médias, l'établissement d'une ligne téléphonique de relations avec les médias 24 heures sur 24 au deuxième jour de la crise; la prise de mesures pour élaborer un plan de relations avec les médias (dans la mesure du possible, compte tenu des problèmes décrits ci-dessus), la diffusion de communiqués de presse et la planification et l'exécution de mêlées de presse. Cependant, l'absence de plans et de protocoles adéquats a limité leur capacité d'obtenir et de diffuser en temps opportun des renseignements sur l'opération de sauvetage et les actes des membres sur le terrain.
L'incident montre qu'il est nécessaire pour la GRC d'affecter les ressources adéquates à la fonction de communication au sein des détachements, des districts et des divisions. Des politiques et des procédures doivent être mises en œuvre pour garantir une approche uniforme et coordonnée. Le cas échéant, la Direction générale de la GRC devrait fournir un soutien adéquat au personnel chargé des communications des détachements, des districts et des divisions. Le fait de compter sur des plans de communications publiques, du soutien et des ressources connexes aurait permis à la GRC de déterminer les questions problématiques potentielles, d'influer sur l'évolution de ces questions et d'atténuer les répercussions possibles sur les opérations et la confiance du public, élément essentiel pour la réussite de l'opération.
Conclusion no 46 : Dans l'ensemble, l'approche relative aux communications de la GRC pendant la crise de l'inondation de High River était inefficace et a eu un effet négatif sur les opérations d'urgence de la GRC et sa réputation.
Conclusion no 47 : L'inefficacité des communications publiques de la GRC pendant l'inondation de High River découlait directement de ce qui suit :
- a) politiques, procédures et plans inadéquats en ce qui concerne les communications;
- b) formation insuffisante sur les politiques et les procédures en place liées aux communications publiques;
- c) mauvaise planification;
- d) manque de ressources affectées à la fonction de communication;
- e) confusion à l'égard des rôles et des responsabilités;
- f) manque de coordination des communications publiques à l'interne et auprès des partenaires.
Recommandation no 1 : La Division « K » de la GRC devrait procéder à un examen complet de sa fonction de communication pour combler les lacunes relevées relativement aux communications pendant la crise de High River, assurer l'harmonisation adéquate entre les priorités en matière de communications et les priorités opérationnelles et répondre à la question des ressources affectées à la fonction de communication de la Division.
Recommandation no 2 : La GRC devrait élaborer un guide national sur les communications en temps de crise pour établir les objectifs, les politiques et les procédures à respecter dans le cadre des opérations d'urgence.
Recommandation no 3 : La GRC devrait s'assurer que les politiques et les procédures sur la gestion des urgences reconnaissent et soutiennent l'intégration étroite des communications et des opérations.
Recommandation no 4 : La GRC devrait collaborer avec ses partenaires clés pour veiller à ce que les communications coordonnées soient reconnues comme essentielles pour une intervention d'urgence réussie et fassent partie de toute intervention d'urgence ultérieure.
Politique sur les interventions d'urgence
Pendant l'inondation de High River, il est devenu apparent que les politiques et les procédures de la GRC n'abordaient pas adéquatement les pouvoirs juridiques des membres de procéder à l'arrestation de gens qui ne respectaient pas les ordres d'évacuation légitimes et qu'elles ne fournissaient pas une orientation claire concernant les pouvoirs et obligations des membres qui s'introduisaient dans les bâtiments et effectuaient des fouilles et des saisies dans le contexte d'une intervention d'urgence.
Au moment de l'inondation, la GRC comptait sur des procédures opérationnelles d'urgence à l'échelle nationale et au sein des divisions et des détachements. Ces procédures comportaient des plans stratégiques détaillés pour aider les différents groupes dans le cadre des événements d'intervention critique. Il s'agissait de directives générales pour l'intervention organisationnelle. Cependant, il n'existait aucune politique, procédure ni ligne directrice pour aider les intervenants dans le cadre de leurs interventions tactiques, surtout en ce qui a trait à la planification ou à l'exécution des évacuations. En d'autres mots, les membres ne disposaient généralement pas d'une orientation stratégique opérationnelle sur la façon d'intervenir en cas d'urgence.
L'absence de politiques clarifiant les obligations et les pouvoirs juridiques dans une situation d'intervention d'urgence a constitué un problème important pendant l'inondation. Une telle politique aurait pu aider les membres et les résidents en fournissant une explication détaillée des pouvoirs et des obligations des membres aux termes des lois pertinentes (p. ex. Code criminel, EMA) et de la common law en ce qui a trait aux éléments suivants : application des ordres d'évacuation; entrée dans les bâtiments pour diverses raisons, comme la recherche de personnes en détresse ou l'escorte des équipes de sauvetage d'animaux de compagnie ou d'inspection des maisons; et saisie de biens dans ces bâtiments lorsqu'il y avait des problèmes liés à la sécurité publique ou des infractions criminelles.
Plus précisément, compte tenu du manque de directives de supervision souligné dans le cadre de notre examen relativement aux circonstances entourant la saisie d'armes à feu par la GRC, celle-ci devrait établir des procédures ou des lignes directrices à l'égard de la saisie d'armes à feu, de munitions et de produits de contrebande dans des situations d'intervention d'urgence, comme l'inondation à High River.
La GRC devrait également s'assurer que toutes les divisions comptent sur une politique qui traite des obligations et des pouvoirs précis établis par les lois provinciales ou territoriales concernant la gestion des urgences.
Conclusion no 48 : Au moment de l'inondation, la GRC ne comptait pas sur une politique complète sur la gestion des interventions en cas d'urgence établissant les obligations et les pouvoirs juridiques des membres dans les situations d'urgence en ce qui a trait à ce qui suit :
- a) effectuer des évacuations et appliquer des ordres d'évacuation, notamment déterminer s'il y a lieu de procéder à l'arrestation d'une personne qui refuse de quitter une zone d'évacuation;
- b) entrer dans des bâtiments, y compris faire la distinction entre les entrées effectuées aux termes des pouvoirs policiers prévus par la common law et celles effectuées en vertu d'une autorisation fournie par une autorité provinciale ou locale aux termes d'une loi, comme l'Emergency Management Act de l'Alberta;
- c) fouiller des bâtiments;
- d) saisir des biens dans des bâtiments.
Recommandation no 5 : La GRC devrait examiner ses politiques de gestion des urgences à l'échelle nationale et divisionnaire pour veiller à ce qu'elles fournissent des directives claires et complètes concernant les obligations et les pouvoirs juridiques de ses membres dans des situations d'urgence, compte tenu des obligations et pouvoirs précis établis dans les lois provinciales ou territoriales.
Recommandation no 6 : La GRC devrait établir des procédures ou des lignes directrices à l'égard de la saisie d'armes à feu, de munitions ou de produits de contrebande dans des situations d'intervention d'urgence, comme l'inondation à High River.
Évacuation des membres de la GRC
Pendant l'incident, des préoccupations ont été soulevées concernant l'omission de faire évacuer certains membres de la GRC, qui étaient demeurés dans leur maison dans la zone d'évacuation afin d'intervenir pendant l'urgence. Le fait que la GRC n'a pas exigé que ces membres évacuent leur maison au même moment que les autres résidents a contribué à la colère et au ressentiment exprimés par certaines personnes évacuées qui se sont senties désavantagées en respectant l'ordre d'évacuation. Le ressentiment a été aggravé par le fait que la GRC avait également omis d'exiger que d'autres résidents évacuent leur maison. Les personnes évacuées étaient frustrées de ne pas avoir la possibilité de commencer à réparer leur maison et de récupérer des biens personnels tandis que ceux qui étaient restés derrière le pouvaient.
Le sergent Powers a indiqué que certains membres de la GRC avaient pu pomper l'eau dans leur sous-sol, tandis que d'autres continuaient de rester dans la zone d'évacuation pour dormir entre leurs quarts. Cela a été constaté par d'autres résidents qui avaient été évacués.
Ces dispositions ont été portées à l'attention du surintendant Smart, qui a ordonné aux membres de quitter leur résidence pendant que l'ordre d'évacuation restait en vigueur. Il a également ordonné qu'on interdise aux membres et pompiers de retourner chez eux pour s'occuper de leur propriété, car cela était également interdit aux autres résidents. Certaines tensions aux points de contrôle découlaient sans aucun doute du fait que les personnes évacuées considéraient qu'elles étaient traitées inéquitablement. Leur ressentiment a été aggravé quand elles ont appris qu'on n'était pas entré de force dans les maisons des agents de police et des pompiers.
L'évacuation de tous les membres du personnel de la GRC aurait fourni un exemple positif aux personnes évacuées et éliminé la perception inévitable selon laquelle les membres bénéficiaient d'un traitement privilégié. La police ne retire habituellement pas de force les personnes de leur propriété privée, et les résidents qui ont refusé de quitter la ville pendant l'événement n'ont pas eu à partir. Cependant, les agissements des membres doivent être examinés dans le contexte de leurs fonctions et des obligations qui en découlent, notamment leur position dans la collectivité. À cette fin, leur conduite ne devrait pas mener à une remise en question de leurs décisions et agissements en tant qu'agents de police dans une situation d'urgence. Il importe également de mentionner que leur présence continue dans leur maison aurait pu nécessiter leur sauvetage en raison de l'inondation.
La GRC devrait élaborer à l'intention des membres des lignes directrices qui tiennent compte de leurs besoins en matière de santé et de sécurité lorsqu'ils interviennent dans le cadre de telles urgences dans leur propre collectivité et de la façon dont leur conduite influera sur la réaction des autres résidents. Les intervenants d'urgence de la GRC doivent recevoir l'ordre d'évacuer leur maison quand celle-ci se trouve dans une zone d'évacuation, dans la mesure du possible.
Recommandation no 7 : La GRC devrait élaborer à l'intention des membres des lignes directrices qui tiennent compte de leurs besoins en matière de santé et de sécurité lorsqu'ils interviennent dans le cadre de telles urgences dans leur propre collectivité et de la façon dont leur conduite influera sur la réaction des autres résidents.
Recommandation no 8 : Les politiques ou les lignes directrices de la GRC devraient établir que, dans la mesure du possible, les intervenants d'urgence de la GRC dont la maison est située dans une zone d'évacuation doivent évacuer leur maison en conformité avec les ordres d'évacuation.
Mise en œuvre du système de commandement en cas d'incident
La mise en œuvre du SCI a été entravée par un manque de formation ou une formation insuffisante chez les membres de la GRC ayant pris part à l'intervention d'urgence.
Le SCI est un système de gestion des urgences normalisé et propre au site conçu pour pouvoir s'adapter aux besoins dans le cadre d'incidents gérés par un seul ou plusieurs organismes, notamment les catastrophes naturelles, les incidents concernant des matières dangereuses, les événements prévus ou les missions de recherche et sauvetage. Le SCI comporte les divers niveaux de soutien mentionnés tout au long du présent rapport : les COU et les commandements en cas d'incident. L'intervention globale, qui recourt à un langage commun et établit un commandement unique et unifié, favorise des communications, une coordination et une collaboration efficaces et efficientes entre les divers organismes participant à la gestion de l'incident.
En assumant l'entière responsabilité et les pouvoirs complets associés à leur compétence et à leur rôle juridique respectifs, les organismes d'intervention doivent travailler en coopération dans le cadre de cette structure commune. Par conséquent, tous les organismes doivent connaître et respecter le SCI pour que ce dernier soit efficace. Le SCI est fondé sur cinq fonctions de gestion principales : commandement, opérations, planification, logistique et finances et administration. À High River, la GRC participait principalement aux opérations; cependant, elle devait assumer un rôle dans chacune des cinq fonctions de gestion principales à divers degrés.
Dans son entrevue avec la Commission, le surintendant Smart a expliqué que la nature du travail de la police fait en sorte que la GRC assume principalement une capacité opérationnelle pendant ce type de situation d'urgence et qu'elle jouera rarement un rôle de commandement. C'était le cas à High River, où la GRC a supervisé bon nombre de fonctions opérationnelles, y compris les opérations de recherche et sauvetage et de sécurité. Dans le cadre de cette situation d'urgence, la GRC relevait principalement du COU de High River.
Déploiement du détachement au COU
Le premier problème survenu pendant l'inondation avait trait à la réaction du détachement. Le COU de High River avait effectué avec succès des exercices de mise en pratique des procédures d'urgence auxquels avait pris part le détachement, mais le personnel du détachement n'avait pas suivi de formation sur le SCI. Cela s'appliquait à la caporale Franks, chef de veille qui a agi à titre d'agente de liaison entre la GRC et le COU, et le sergent Powers, qui au moment de l'inondation était le commandant du détachement par intérim. Il importe de mentionner que, malgré ce manque de formation, l'enquête n'a pas révélé de lacunes quant à la façon dont les membres avaient rempli leurs tâches pendant l'inondation. Au contraire, l'enquête a permis de déterminer qu'ils avaient travaillé avec diligence pour remplir les tâches confiées, tout en courant de grands risques.
Le sergent Powers a eu de bons mots à l'égard de la caporale Franks quant au rôle qu'elle a assumé et au travail remarquable qu'elle a accompli. Le dossier confirme cette évaluation. Cela dit, la décision d'utiliser initialement la caporale Franks comme agente de liaison entre la GRC et le COU, puis de la laisser dans ce rôle une fois le sergent Powers en service, était douteuse.
Le sergent Powers occupait depuis les cinq dernières années des postes supérieurs au sein du détachement de High River. Il était affecté à la même région générale depuis environ 25 ans et connaissait bien la région ainsi que les inondations à High River et la façon d'intervenir. La caporale Franks, quant à elle, était seulement dans la région depuis quelques mois et n'avait jamais vécu d'événement semblable. La caporale Franks a expliqué qu'elle n'avait pas rempli de fonctions de première ligne relatives au maintien de l'ordre depuis environ 12 ans et a indiqué ce qui suit : [Traduction] « Je n'avais aucune expérience de la gestion des urgences [...] Je n'étais pas une première intervenante. Il y a longtemps que je n'avais pas rempli de telles fonctions [...]. »
Cette situation a été aggravée par l'incapacité de la caporale Franks de communiquer avec le sergent Powers au cours des premières phases de l'inondation. Le sergent Powers a reconnu avoir souhaité qu'on communique avec lui au sujet de certaines décisions prises par le COU, car il aurait pu fournir des commentaires utiles. Cependant, il n'aurait pas été nécessaire de le joindre pour obtenir cette information s'il avait été présent au COU en tant que représentant de la GRC.
Le sergent Powers a indiqué qu'il réglait des problèmes sur le terrain tandis que la caporale Franks agissait en tant qu'intermédiaire entre le détachement et le commandement du COU, ce qui consistait à coordonner les divers organismes de soutien. Il considérait que le conflit entre lui-même et M. Shapka découlait de sa décision. Un tel conflit aurait dû être mis de côté pendant l'intervention d'urgence. La tâche du sergent Powers était de considérer la situation dans son ensemble et de la gérer du mieux qu'il le pouvait. Il a avoué que cela supposait d'être présent au COU. Même si sa décision de ne pas se présenter au COU et d'assumer d'autres responsabilités n'a peut-être pas eu d'effet négatif sur l'intervention générale de la GRC, la caporale Franks n'aurait pas dû y être déployée pour les raisons mentionnées.
Comme il a été indiqué plus haut, les deux membres n'avaient pas suivi de formation sur le SCI, mais cela avait été prévu pour le sergent Powers. La formation sur le SCI insiste sur la nécessité pour les organismes de travailler en coopérationNote de bas de page 73. Si le sergent Powers avait suivi cette formation, il aurait été mieux placé pour réagir à la crise et peut-être même pour reconnaître l'importance que sa contribution et son expérience auraient pu apporter au COU.
Conclusion no 49 : Le sergent Powers, commandant du détachement de High River par intérim, aurait dû agir en tant que représentant de la GRC au Centre des opérations d'urgence de High River.
Formation des chefs des interventions
Le 21 juin, les cadres supérieurs de la GRC sont arrivés et ont mis sur pied le commandement en cas d'incident de la GRC. Les chefs des interventions ont effectué des quarts de huit heures, et les membres ont été retirés de ces rôles périodiquement pour qu'ils puissent se reposer, surtout pour éviter les problèmes cognitifs qui peuvent survenir en raison de la fatigue.
Même à ce niveau, ce ne sont pas tous les membres qui avaient suivi une formation sur le SCI. En ce qui concerne le sergent d'état-major Gord Sage, il a affirmé qu'il avait acquis une vaste expérience des urgences où le SCI avait été utilisé. Il a décrit ses expériences passées de façon positive et indiqué qu'il connaissait bien le SCI, mais ses propos étaient moins flatteurs quant à la façon dont le SCI avait été mis en œuvre à High River.
Le SCI constituait le cadre principal de l'intervention d'urgence pendant l'inondation. Les commandants du COU savaient très bien comment il fonctionnait, mais les membres du personnel du détachement qui ont assumé un rôle si essentiel au début de l'inondation ne le connaissaient pas aussi bien. Par ailleurs, ce ne sont pas tous les officiers supérieurs de la GRC envoyés à High River par la suite qui avaient suivi une formation sur le SCI.
De par leur nature, les situations d'urgence nécessitent une intervention souple. Il ne serait pas adéquat de restreindre les intervenants et d'exiger qu'ils suivent une formation si cela devait entraîner des capacités de dotation ou d'intervention inadéquates. Dans les régions éloignées, on ne voudrait pas empêcher les intervenants les plus près d'assumer des rôles liés au SCI simplement parce qu'ils n'ont pas suivi la formation connexe. Néanmoins, on pourrait établir un régime qui optimiserait la possibilité de compter sur des membres formés disponibles pour intervenir en cas de crise. La mise en œuvre de politiques obligeant le personnel du détachement et les chefs des interventions potentiels à suivre une formation constituerait une étape positive à cet égard. Au minimum, tous les commandants de détachement devraient avoir un certain degré de formation à l'égard du SCI.
Il importe de mentionner que la Division « K » a préparé un rapport après l'incendie de Slave Lake en 2011Note de bas de page 74. Tout comme l'incendie, l'inondation de High River a nécessité une intervention d'urgence prolongée. Dans les deux cas, il a fallu faire appel à des ressources externes ayant suivi une formation sur le SCI pour effectuer une rotation dans les postes d'urgence. Voici un commentaire tiré du rapport :
[Traduction]
Cela a mis en évidence la nécessité de veiller à ce que tous les membres de la GRC soient formés aux niveaux adéquats du SCI pour leur permettre de travailler à tous les niveaux du SCI et au sein d'un commandement unifié dans le cadre d'incidents semblables. On recommande que tous les membres du personnel du détachement suivent la formation SCI-100 et SCI-200, les commandants du détachement, la formation SCI-300 et les officiers, la formation SCI-400.
À la lumière des faits ci-dessus, il est évident que cette recommandation raisonnable n'avait pas été mise en œuvre au moment de l'inondation.
Conclusion no 50 : La GRC n'a pas pleinement intégré le Système de commandement des incidents à son cadre de préparation en cas d'urgence.
Recommandation no 9 : La GRC devrait élaborer une politique obligeant les titulaires de postes clés, y compris les commandants de détachement, à suivre une formation sur le Système de commandement des incidents à un niveau correspondant à leurs responsabilités dans une situation d'intervention d'urgence.
Prise de notes
Prise de notes pendant les urgences
Le présent rapport a souligné la piètre prise de notes par les membres pendant l'opération de sauvetage initiale et les fouilles visant à protéger la vie des personnes. Cela peut être dû aux difficultés posées par les conditions environnementales et opérationnelles auxquelles étaient confrontés les membres, surtout au début de l'urgence. Cependant, à mesure que le travail passait d'interventions de sauvetage ponctuelles — qui rendaient bien souvent impossible la consignation des détails — à la phase de recherche organisée, on aurait pu en faire plus pour s'assurer de constituer un dossier adéquat.
Dans la plupart des cas, les détails ont presque tous été consignés par un secrétaire désigné au sein des équipes. C'est une pratique courante dans le cadre du protocole du SCI. Cette approche a pour avantage de libérer les membres de ce fardeau quand ils doivent porter leur attention ailleurs. Malheureusement, le degré de détails des notes prises variait grandement, et des renseignements clés n'étaient pas toujours enregistrés.
Le sergent d'état-major Fuller a fourni l'évaluation suivante concernant la question de la prise de notes :
[Traduction]
Il y avait un secrétaire dans chaque équipe qui consignait tout. Les notes n'étaient pas aussi détaillées qu'elles auraient pu l'être. Les secrétaires s'appuyaient davantage sur des cartes et des petits bouts de papier pour prendre leurs notes. Et dans une opération comme celle-ci, si on utilise un calepin de notes normal qui, vous le savez, a une largeur de quelques pouces [...] on aura de la difficulté à prendre des notes.
Le sergent d'état-major Fuller a expliqué qu'il avait mis en œuvre un nouveau protocole fondé sur les pratiques du Groupe des crimes graves au moment d'enquêter sur des rapports d'enfants disparus. Par exemple, quand une alerte AMBER est diffusée, les enquêteurs vont de porte en porte et prennent des notes sur [traduction] « tout ce qui se rapporte à la maison ». Pour ce faire, ils utilisent une feuille d'enquête dans le quartier. Un tel document permet la planification de sections de données pertinentes qui aident la personne chargée de prendre des notes à cibler les faits clés. Des dossiers comportant ces feuilles sont maintenant conservés en tant qu'équipement type dans les véhicules du GOTS.
Ces efforts représentent une étape positive pour améliorer la prise de notes dans le cadre d'une intervention d'urgence et ils devraient être déployés à l'échelle nationale afin d'accroître l'uniformité et le degré de détails des notes prises pendant les événements d'urgence.
Conclusion no 51 : Les notes prises par les équipes de recherche n'étaient pas uniformes, ni suffisamment détaillées.
Recommandation no 10 : La GRC devrait élaborer des lignes directrices sur les pratiques nationales exigeant la création et l'utilisation de feuilles d'enquête dans les quartiers ou de documents semblables pour les intervenants d'urgence.
Prise de notes générale
En plus de la prise de notes qui s'est faite pendant l'intervention d'urgence, le présent rapport a fréquemment soulevé le fait que la prise de notes lacunaire, voire inexistante, avait nui à la tenue de l'enquête. La prise de notes par les membres de la GRC constitue un sujet d'intérêt depuis les débuts de la Commission.
Dans sa version actuelle, la politique nationale de la GRC précise le but et les avantages d'une prise de notes adéquate :
1. 1. Les notes de l'enquêteur servent à rafraîchir la mémoire, à justifier les décisions prises et à enregistrer les éléments de preuve. Des notes bien consignées confèrent une certaine crédibilité au témoignage et s'avèrent utiles pour corroborer des informations plusieurs années après leur enregistrement. Des notes incomplètes et inexactes risquent de compromettre l'enquête et les poursuites ultérieures.
1. 2. Les membres doivent prendre des notes manuscrites et/ou électroniques dès qu'ils en ont l'occasion afin d'énoncer les observations faites et les mesures prises dans l'exercice de leurs fonctionsNote de bas de page 75.
La Commission est d'avis que la prise de notes lacunaire n'était pas vraiment un facteur pendant les circonstances urgentes des premiers jours de l'inondation. Les notes recueillies au cours de l'enquête comprennent celles des membres affectés aux fonctions d'escorte dans le cadre du sauvetage d'animaux de compagnie et de l'inspection des maisons. Dans plusieurs cas, ces notes ne sont en fait qu'une simple indication du début du quart, de la tâche de la journée et de l'heure à laquelle le quart a pris fin.
Conclusion no 52 : Il y avait plusieurs cas où les notes prises par les membres n'ayant pas participé à l'intervention d'urgence initiale n'étaient pas suffisamment détaillées.
Dans certains cas, les entrées dans les calepins de notes ont été consignées des semaines après l'inondation, à un moment où les membres aidaient d'autres équipes et n'étaient pas les principaux responsables. L'urgence à laquelle ont fait face les premières équipes de recherche n'existait plus. Ces exemples étaient dépourvus du contenu auquel on est censé s'attendre. La politique de la GRC définit le contenu des notes :
2. 1. Les notes doivent décrire en détail l'incident et répondre aux questions suivantes : qui, quoi, quand, où, pourquoi et comment.
[...]
2. 3. Les notes doivent être factuelles et doivent être suffisamment descriptives pour expliquer les décisions prisesNote de bas de page 76.
D'un point de vue de la politique, il semblerait que les lignes directrices sont suffisamment claires en ce qui concerne les renseignements que les membres doivent consigner et la façon de le faire. Dans un examen interne que la GRC a effectué concernant la prise de notes et dont les résultats ont été publiés en juillet 2014, intitulé Vérification des notes de l'enquêteurNote de bas de page 77, la GRC a cerné deux domaines clés pertinents au présent examen. Plus précisément, la GRC a conclu que « [l]es calepins ne comportaient pas tous les éléments essentiels prévus par la politique et l'examen par le superviseur ne se faisait pas toujours comme prévu ». Ces lacunes systémiques peuvent aider à expliquer les mauvaises pratiques relatives à la prise de notes révélées dans le cadre de la présente enquête.
Pour régler ce problème, la GRC a recommandé qu'elle « mette en place des mécanismes pour que les superviseurs fassent les examens prévus et qu'ils les documentent comme le prévoit la politique, afin de traiter les enjeux liés à la non-conformité ». La Commission est d'accord avec cette recommandation. Comme la GRC a mené cette vérification après les événements survenus à High River et qu'elle a indiqué vouloir régler le problème, la Commission ne voit pas la nécessité de répéter la recommandation. Elle cherchera plutôt à examiner les mesures prises par la GRC pour remédier au problème.Partie V : Conclusion
Au bout du compte, ce qui aurait dû être une histoire d'actes héroïques posés par d'innombrables intervenants de première ligne, y compris un grand nombre de membres de la GRC, a pris une tout autre tournure pour la GRC.
La GRC a bien sûr été surprise et a réagi à la colère ressentie par de nombreux résidents de High River en raison du fait que des membres de la GRC étaient entrés dans leur maison et y avaient saisi des armes à feu. Pourtant, la réaction des gens de la collectivité était assez prévisible, étant donné qu'un principe juridique profondément enraciné prévoit que l'ingérence de l'État doit respecter le caractère privé de la résidence d'une personne (ne pas porter atteinte à l'inviolabilité du domicile). Ce principe a été énoncé de façon éloquente par l'homme d'État britannique William Pitt dans un discours prononcé devant la Chambre des communes en 1763 :
[Traduction]
Dans sa chaumière, l'homme le plus pauvre peut défier toutes les forces de la Couronne. Sa chaumière peut bien être frêle, son toit branlant, le vent peut souffler à travers, la tempête peut y entrer, la pluie y pénétrer, mais le roi d'Angleterre, lui, ne peut pas entrer! Toute sa puissance n'ose pas franchir le seuil du logement délabréNote de bas de page 78.
Divers facteurs cernés dans le présent rapport ont mené à cette issue négative pour la GRC, y compris un manque de leadership relativement à la fourniture d'une orientation politique claire et de directives en matière de supervision, de même que l'omission de préciser et de communiquer de façon rapide et transparente les raisons et la justification juridique des actes des membres de la GRC.
Plus précisément, en ce qui concerne le manque de leadership au chapitre des directives en matière de supervision, la Commission a conclu que les superviseurs de la GRC n'avaient pas fourni assez de directives aux membres concernant la saisie d'armes à feu et la portée de leur pouvoir de fouiller les résidences. La GRC a également omis de superviser adéquatement l'obligation des membres aux termes de l'alinéa 489.1(1)a) du Code criminel de rendre compte à un juge de paix pour démontrer qu'ils avaient des motifs raisonnables de mener des fouilles sans mandat et d'effectuer des saisies.
En ce qui a trait au manque de leadership dans la fourniture d'une orientation politique claire, la Commission a conclu que, au moment de l'inondation de High River, la GRC n'avait pas de politique globale sur la gestion des interventions en cas d'urgence établissant les obligations et les pouvoirs juridiques des membres dans les situations d'urgence en ce qui a trait à ce qui suit :
- a) effectuer des évacuations et appliquer des ordres d'évacuation, notamment définir s'il y a lieu de procéder à l'arrestation d'une personne qui refuse de quitter une zone d'évacuation;
- b) entrer dans des bâtiments, y compris faire la distinction entre les entrées effectuées aux termes des pouvoirs policiers prévus par la common law et celles effectuées en vertu d'une autorisation fournie par une autorité provinciale ou locale aux termes d'une loi, comme l'Emergency Management Act de l'Alberta;
- c) fouiller des bâtiments;
- d) saisir des biens dans des bâtiments.
L'absence de procédures ou de lignes directrices à l'égard des saisies d'armes à feu dans le cadre d'interventions en cas de catastrophe s'est révélée particulièrement problématique, comme l'a montré la controverse entourant les actes des membres de la GRC à High River.
La Commission a également noté un manque de leadership de la part des dirigeants de la GRC, qui n'ont pas intégré de solide stratégie de communication à l'intervention d'urgence. Cela a empêché de fournir rapidement des communications transparentes concernant des mesures litigieuses comme l'entrée par la force dans les maisons et la saisie d'armes à feu qui en a découlé.
La Commission a conclu que, globalement, l'approche relative aux communications de la GRC pendant la crise de l'inondation de High River avait été inefficace et avait eu un effet négatif sur les opérations d'urgence de la GRC et sur sa réputation. L'inefficacité des communications publiques de la GRC découlait directement de ce qui suit :
- a) politiques, procédures et plans inadéquats en ce qui concerne les communications;
- b) formation insuffisante sur les politiques et les procédures en place liées aux communications publiques;
- c) mauvaise planification;
- d) manque de ressources affectées à la fonction de communication;
- e) confusion à l'égard des rôles et des responsabilités;
- f) manque de coordination des communications publiques à l'interne et auprès des partenaires.
Dans son rapport, la Commission recommande que la GRC prenne diverses mesures pour améliorer son intervention dans des situations difficiles comme celle qui est survenue à High River, particulièrement par l'amélioration de ses politiques, de sa fonction de communication et de la formation de ses membres. Ces mesures aideraient les membres de la GRC à déterminer leurs obligations et pouvoirs juridiques dans le contexte particulier d'une intervention en cas de catastrophe naturelle, à superviser l'exécution de leurs activités et à communiquer de façon rapide, efficace et transparente les raisons et la justification légale de leurs actes.
La Commission recommande notamment que la GRC examine ses politiques de gestion des urgences à l'échelle nationale et divisionnaire pour qu'elles fournissent des directives claires et complètes sur les obligations et les pouvoirs juridiques de ses membres dans des situations d'urgence, compte tenu des obligations et des pouvoirs précis établis dans les lois provinciales ou territoriales. De plus, la GRC devrait élaborer une politique obligeant les titulaires de postes clés, y compris les commandants de détachement, à suivre une formation sur le Système de commandement des incidents à un niveau correspondant à leurs responsabilités dans une situation d'intervention d'urgence.
Un certain nombre des recommandations de la Commission ont trait à la fonction de communication de la GRC, puisque, en grande partie, la perte de confiance du public à l'égard de la GRC dans le cadre de son intervention pendant l'inondation de High River découle des difficultés qu'elle a eues à communiquer efficacement avec le public durant la crise. Par conséquent, la Commission recommande que la Division « K » de la GRC procède à un examen complet de sa fonction de communication pour assurer l'harmonisation adéquate entre les priorités en matière de communications et les priorités opérationnelles et pour aborder la question des ressources affectées à la fonction de communication de la Division. La Commission recommande également que la GRC s'assure que les politiques et les procédures de gestion des urgences tiennent compte et appuient l'intégration étroite des communications et des opérations et qu'elle élabore un guide national sur les communications en temps de crise pour établir les objectifs, les politiques et les procédures à respecter dans le cadre d'opérations d'urgence.
La GRC participera sans doute à des interventions en cas de catastrophe à l'avenir, assumant un double rôle, comme à High River, d'organisme d'application de la loi et d'intervenant d'urgence. La mise en œuvre par la GRC des recommandations de la Commission devrait contribuer au maintien de la confiance du public dans la capacité de la GRC d'assumer ces rôles.
Après avoir examiné la plainte, je dépose mon rapport conformément au paragraphe 45.76(1) de la Loi sur la GRC.
Le président,
Ian McPhail, c.r.
Annexe A
Plainte déposée par le président et enquête d'intérêt public : Saisie d'armes à feu effectuée par la GRC à High River (Alberta)
No de dossier : 2013-2013
Le 5 juillet 2013
À titre de président intérimaire de la Commission des plaintes du public contre la GRC (Commission), je dépose une plainte et lance une enquête d'intérêt public en ce qui concerne la conduite des membres de la GRC qui sont entrés dans des résidences privées en juin et juillet 2013 pour y saisir des armes à feu à la suite d'inondations à High River, en Alberta.
Les médias et la GRC ont décrit les actions des membres de la GRC à High River à la suite des inondations dans la région et de l'évacuation subséquente de ses résidents. En particulier, des membres du public ont exprimé des préoccupations après avoir appris que la GRC était entrée dans des résidences privées de la région pour y saisir des armes à feu. Le Cabinet du Premier ministre a également fait part publiquement de ses préoccupations au sujet des saisies.
À la lumière de ce qui précède et en vertu des paragraphes 45.37(1) et 45.43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC), je dépose aujourd'hui une plainte et lance une enquête d'intérêt public relativement à la conduite des membres de la GRC et de toute personne nommée ou employée sous le régime de la Loi sur la GRC qui ont participé aux activités qui se sont déroulées à High River, en Alberta, afin de déterminer si :
- les membres de la GRC ou toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi sur la GRC qui se sont introduits dans des résidences privées à High River ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences obligatoires appropriées;
- les membres de la GRC ou toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi sur la GRC impliqués dans la saisie d'arme à feu dans des résidences privées à High River ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences obligatoires appropriées;
- les politiques, les procédures et les lignes directrices de la GRC à l'échelle nationale, divisionnaire et des détachements qui traitent d'incidents du genre sont adéquates.
Annexe B
Sommaire des conclusions et des recommandations de la commission
Conclusion no 1 : Conformément à l'Emergency Management Act de l'Alberta, un état d'urgence local a été déclaré le 20 juin pour la ville de High River, suivi d'un état d'urgence provincial déclaré le 27 juin.
Conclusion no 2 : Conformément à l'Emergency Management Act, le Centre des opérations d'urgence a préparé et autorisé l'exécution de quatre plans d'urgence portant sur le sauvetage et la récupération, la sécurité, les recherches et le retour dans les résidences.
Conclusion no 3 : Conformément à l'Emergency Management Act, le Centre des opérations d'urgence a donné à la GRC l'autorisation et la directive d'entrer sans mandat dans tous les bâtiments de High River et d'y effectuer des fouilles, dans le cadre des plans d'urgence du Centre.
Conclusion no 4 : Les membres de la GRC qui ont participé aux interventions d'urgence ont agi en tant qu'agents de la paix, conformément aux pouvoirs et aux obligations découlant de la Police Act de l'Alberta et de la Loi sur la GRC.
Conclusion no 5 : Les membres de la GRC qui ont participé aux interventions d'urgence ont agi conformément aux obligations découlant de l'Emergency Management Act.
Conclusion no 6 : Les membres de la GRC qui ont participé aux interventions d'urgence avaient le devoir, imposé par la common law, de protéger la vie et d'assurer la sécurité publique.
Conclusion no 7 : L'entrée par la force était implicitement permise pour effectuer des fouilles en vue de protéger la vie des personnes, pour autant que les dommages causés soient minimaux.
Conclusion no 8 : Même si les dossiers tenus étaient inadéquats, il est raisonnable de conclure que, compte tenu de leur rôle dans le cadre des plans d'urgence, les membres de la GRC ont déterminé les moyens à utiliser pour pénétrer dans les bâtiments.
Conclusion no 9 : Compte tenu des circonstances d'urgence qui existaient pendant les 72 heures de fouilles visant la protection des personnes, l'entrée dans les maisons sans mandat par les membres de la GRC constituait un exercice justifiable des pouvoirs policiers afin de remplir leur obligation en common law consistant à protéger la vie des personnes.
Conclusion no 10 : Compte tenu des circonstances d'urgence présentes à ce moment-là, le recours raisonnable à la force pour entrer dans les bâtiments dans le but de protéger la vie des personnes était justifié.
Conclusion no 11 : Il était raisonnable pour les membres de la GRC de sécuriser les bâtiments après avoir effectué leurs fouilles.
Conclusion no 12 : La décision de ne pas recourir à l'équipement et aux ressources supplémentaires nécessaires pour sécuriser les bâtiments qui avaient été endommagés au moment de l'entrée était raisonnable dans les circonstances.
Conclusion no 13 : Compte tenu des circonstances d'urgence qui existaient au moment des entrées initiales en vue de protéger la vie des personnes, l'entrée dans tous les bâtiments selon l'ordre du COU était une mesure adéquate.
Conclusion no 14 : Les membres de la GRC sont entrés dans les maisons pour récupérer des biens personnels à la demande des résidents et avec leur consentement.
Conclusion no 15 : Des membres de la GRC étaient présents pendant les entrées ayant pour objet le sauvetage d'animaux de compagnie, sauvetages effectués principalement à la demande des résidents et avec leur consentement.
Conclusion no 16 : Des membres de la GRC sont entrés dans des maisons pour escorter les membres du personnel chargés du sauvetage des animaux de compagnie et assurer leur sécurité.
Conclusion no 17 : Le Centre des opérations d'urgence a autorisé l'inspection des bâtiments dans la ville de High River dans le cadre du plan d'urgence.
Conclusion no 18 : Aux termes de la Emergency Management Act, le Centre des opérations d'urgence a autorisé la GRC à entrer sans mandat dans les bâtiments de High River pour escorter les équipes d'inspection des maisons dans le cadre du plan d'urgence et lui a demandé de le faire.
Conclusion no 19 : Le Centre des opérations d'urgence n'a pas indiqué de quelle façon on devait pénétrer dans les bâtiments, mais a chargé la GRC de superviser les entrées.
Conclusion no 20 : Les membres de la GRC n'ont pas pris de notes convenables dans leur calepin pendant qu'ils escortaient les équipes d'inspection des maisons, surtout en ce qui a trait au recours à la force pour entrer dans les bâtiments.
Conclusion no 21 : Conformément à la directive du Centre des opérations d'urgence selon laquelle la GRC devait superviser les entrées aux fins d'inspection des maisons, le recours à la force pour entrer dans les bâtiments était autorisée aux termes de la Emergency Management Act.
Conclusion no 22 : L'entrée dans les bâtiments par les membres de la GRC dans des secteurs non touchés par l'inondation pour faciliter les inspections des maisons a été ordonnée par le COU, et les entrées par la force étaient autorisées par le plan d'urgence, pour autant que les dommages causés soient minimaux.
Conclusion no 23 : Dans un certain nombre de cas, les entrées de force par les membres de la GRC pour faciliter les inspections des maisons ont causé d'importants dommages et n'étaient pas raisonnables lorsque les bâtiments n'avaient pas été touchés par l'inondation.
Conclusion no 24 : Les entrées secondaires dans le but précis de saisir des armes à feu n'étaient pas autorisées aux termes de l'Emergency Management Act.
Conclusion no 25 : La saisie d'armes à feu n'était pas initialement prévue.
Conclusion no 26 : Lorsque des armes à feu non entreposées de manière sécuritaire ont été trouvées, les membres des équipes de recherche ont pris la décision de les saisir.
Conclusion no 27 : Après avoir été informé des saisies, le commandement du Groupe des opérations tactiques spéciales a approuvé la mesure.
Conclusion no 28 : Les membres de la GRC étaient autorisés à saisir les armes à feu entreposées de manière non sécuritaire aux termes de l'article 489 du Code criminel.
Conclusion no 29 : Dans un certain nombre de cas, la GRC a saisi des armes à feu qui avaient été sécurisées conformément à la loi.
Conclusion no 30 : Les membres de la GRC n'étaient pas autorisés aux termes du Code criminel à saisir les armes à feu entreposées de manière sécuritaire.
Conclusion no 31 : Aucun renseignement n'appuie l'allégation selon laquelle des membres de la GRC auraient ouvert des coffres de sécurité pour fusils qui étaient verrouillés.
Conclusion no 32 : Les superviseurs de la GRC n'ont pas fourni suffisamment de directives aux membres ayant participé à la saisie d'armes à feu.
Conclusion no 33 : Les membres de la GRC étaient raisonnablement justifiés de saisir les armes à feu non entreposées de manière sécuritaire aux termes de la doctrine des objets bien en vue de la common law.
Conclusion no 34 : Lorsque l'entrée secondaire dans un bâtiment n'était pas prévue ni authorisée par la Emergency Management Act ni la common law, la saisie des armes à feu qui n'étaient pas entreposées de manière sécuritaire n'était, elle non plus, pas autorisée.
Conclusion no 35 : Dans certains cas, les membres de la GRC étaient autorisés à saisir les munitions entreposées de manière négligente, conformément au paragraphe 489(2) du Code criminel et à la doctrine des objets bien en vue.
Conclusion no 36 : Il n'y a pas assez d'éléments de preuve pour conclure que toutes les saisies de munitions étaient autorisées en vertu de la loi.
Conclusion no 37 : Dans plusieurs cas, les fouilles ont dépassé la portée autorisée, passant d'une recherche de personnes ou d'animaux de compagnie à une fouille en vue de trouver des armes à feu ou des produits de contrebande.
Conclusion no 38 : Les superviseurs de la GRC ont omis de fournir aux membres des directives suffisantes concernant la portée de leurs pouvoirs d'effectuer des fouilles dans les bâtiments.
Conclusion no 39 : Les membres de la GRC n'ont pas fait rapport à un juge de paix pour montrer qu'ils avaient des motifs raisonnables de procéder à des saisies sans mandat aux termes de l'alinéa 489.1(1)a) du Code criminel.
Conclusion no 40 : La GRC n'a pas assuré une surveillance adéquate relativement aux fonctions des membres aux termes de l'alinéa 489.1(1)a) du Code criminel.
Conclusion no 41 : Il était raisonnable pour la GRC d'effectuer des recherches dans la base de données du Centre d'information de la police canadienne.
Conclusion no 42 : Les armes à feu saisies ont été remises de la façon la plus ordonnée et rapide possible dans les circonstances.
Conclusion no 43 : Les dirigeants de la GRC n'ont pas intégré de stratégie de communication solide à l'intervention d'urgence.
Conclusion no 44 : Dans la Division, le nombre de membres de la GRC qui avaient une expertise des communications et qui étaient disponibles au début de l'urgence était insuffisant.
Conclusion no 45 : Le personnel de la GRC chargé des communications à l'échelle nationale a peu participé à l'intervention d'urgence.
Conclusion no 46 : Dans l'ensemble, l'approche relative aux communications de la GRC pendant la crise de l'inondation de High River était inefficace et a eu un effet négatif sur les opérations d'urgence de la GRC et sa réputation.
Conclusion no 47 : L'inefficacité des communications publiques de la GRC pendant l'inondation de High River découlait directement de ce qui suit :
- a) politiques, procédures et plans inadéquats en ce qui concerne les communications;
- b) formation insuffisante sur les politiques et les procédures en place liées aux communications publiques;
- c) mauvaise planification;
- d) manque de ressources affectées à la fonction de communication;
- e) confusion à l'égard des rôles et des responsabilités;
- f) manque de coordination des communications publiques à l'interne et auprès des partenaires.
Conclusion no 48 : Au moment de l'inondation, la GRC ne comptait pas sur une politique complète sur la gestion des interventions en cas d'urgence établissant les obligations et les pouvoirs juridiques des membres dans les situations d'urgence en ce qui a trait à ce qui suit :
- a) effectuer des évacuations et appliquer des ordres d'évacuation, notamment déterminer s'il y a lieu de procéder à l'arrestation d'une personne qui refuse de quitter une zone d'évacuation;
- b) entrer dans des bâtiments, y compris faire la distinction entre les entrées effectuées aux termes des pouvoirs policiers prévus par la common law et celles effectuées en vertu d'une autorisation fournie par une autorité provinciale ou locale aux termes d'une loi, comme l'Emergency Management Act de l'Alberta;
- c) fouiller des bâtiments;
- d) saisir des biens dans des bâtiments.
Conclusion no 49 : Le sergent Powers, commandant du détachement de High River par intérim, aurait dû agir en tant que représentant de la GRC au Centre des opérations d'urgence de High River.
Conclusion no 50 : La GRC n'a pas pleinement intégré le Système de commandement des incidents à son cadre de préparation en cas d'urgence.
Conclusion no 51 : Les notes prises par les équipes de recherche n'étaient pas uniformes, ni suffisamment détaillées.
Conclusion no 52 : Il y avait plusieurs cas où les notes prises par les membres n'ayant pas participé à l'intervention d'urgence initiale n'étaient pas suffisamment détaillées.
Recommandation no 1 : La Division « K » de la GRC devrait procéder à un examen complet de sa fonction de communication pour combler les lacunes relevées relativement aux communications pendant la crise de High River, assurer l'harmonisation adéquate entre les priorités en matière de communications et les priorités opérationnelles et répondre à la question des ressources affectées à la fonction de communication de la Division.
Recommandation no 2 : La GRC devrait élaborer un guide national sur les communications en temps de crise pour établir les objectifs, les politiques et les procédures à respecter dans le cadre des opérations d'urgence.
Recommandation no 3 : La GRC devrait s'assurer que les politiques et les procédures sur la gestion des urgences reconnaissent et soutiennent l'intégration étroite des communications et des opérations.
Recommandation no 4 : La GRC devrait collaborer avec ses partenaires clés pour veiller à ce que les communications coordonnées soient reconnues comme essentielles pour une intervention d'urgence réussie et fassent partie de toute intervention d'urgence ultérieure.
Recommandation no 5 : La GRC devrait examiner ses politiques de gestion des urgences à l'échelle nationale et divisionnaire pour veiller à ce qu'elles fournissent des directives claires et complètes concernant les obligations et les pouvoirs juridiques de ses membres dans des situations d'urgence, compte tenu des obligations et pouvoirs précis établis dans les lois provinciales ou territoriales.
Recommandation no 6 : La GRC devrait établir des procédures ou des lignes directrices à l'égard de la saisie d'armes à feu, de munitions ou de produits de contrebande dans des situations d'intervention d'urgence, comme l'inondation à High River.
Recommandation no 7 : La GRC devrait élaborer à l'intention des membres des lignes directrices qui tiennent compte de leurs besoins en matière de santé et de sécurité lorsqu'ils interviennent dans le cadre de telles urgences dans leur propre collectivité et de la façon dont leur conduite influera sur la réaction des autres résidents.
Recommandation no 8 : Les politiques ou les lignes directrices de la GRC devraient établir que, dans la mesure du possible, les intervenants d'urgence de la GRC dont la maison est située dans une zone d'évacuation doivent évacuer leur maison en conformité avec les ordres d'évacuation.
Recommandation no 9 : La GRC devrait élaborer une politique obligeant les titulaires de postes clés, y compris les commandants de détachement, à suivre une formation sur le Système de commandement des incidents à un niveau correspondant à leurs responsabilités dans une situation d'intervention d'urgence.
Recommandation no 10 : La GRC devrait élaborer des lignes directrices sur les pratiques nationales exigeant la création et l'utilisation de feuilles d'enquête dans les quartiers ou de documents semblables pour les intervenants d'urgence.
Annexe C
Membres de la GRC et personnes ayant participé à l'intervention pendant l'inondation à High River (les postes et les grades indiqués sont ceux en vigueur au moment des événements)
Personne | Poste | Rôle |
---|---|---|
Sergent Dan Powers | Commandant du détachement par intérim et sous-officier des opérations | Supervision de l'intervention initiale du détachement pendant l'inondation |
Sergent d'état-major Kevin Morton | Commandant du détachement par intérim | Commandement du détachement de High River à partir du 24 juin |
Sergent d'état-major Ian Shardlow | Commandant du détachement | Affecté au détachement de High River le 29 juin, et commandant du détachement le 19 juillet |
Caporale Sharon Franks | Chef de veille | Agente de liaison initiale de la GRC entre le COU de la ville et le détachement |
Personne | Poste | Rôle |
---|---|---|
Surintendant Frank Smart | Commandant des interventions | Officier principal ayant coordonné l'intervention de la GRC avec le COU |
Inspecteur Tony Hamori | Commandant des interventions | Coordination de l'intervention de la GRC avec le COU |
Sergent d'état-major Gord Sage | Commandant des interventions | Coordination de l'intervention de la GRC avec le COU |
Inspecteur Jim Stewart | Commandant des interventions | Coordination de l'intervention de la GRC avec le COU |
Personne | Poste | Rôle |
---|---|---|
Sergent Rob Marsollier | Commandant du GOTS | Coordination des équipes du GOTS pour les opérations de recherche et sauvetage et de sécurité de la ville |
Personne | Poste | Rôle |
---|---|---|
Sergent d'état-major Doug Wattie | Sous-officier des opérations pour le Groupe des crimes graves du District Sud de l'Alberta de la GRC | Enquête sur les morts subites et les personnes disparues |
Personne | Poste | Rôle |
---|---|---|
Surintendant principal Kevin Harrison | Commandant du District Sud de l'Alberta | Directeur du COU du District Sud de l'Alberta |
Personne | Poste | Rôle |
---|---|---|
Sous-commissaire Dale McGowan | Commandant de la Division | Réponse aux demandes de renseignements du public et de politiciens |
Commissaire adjointe Marianne Ryan | Officier responsable des enquêtes criminelles et adjointe au commandant de la Division | Supervision de l'intervention de la Division |
Personne | Poste | Rôle |
---|---|---|
Directeur des services de protection Ross Shapka | Directeur du COU | Coordination des efforts du Centre des opérations d'urgence |
Chef des pompiers de High River Len Zebedee | Directeur adjoint du COU | Coordination des efforts du Centre des opérations d'urgence et du service d'incendie |
Personne | Poste | Rôle |
---|---|---|
Sergente Patricia Neely | Agente des relations avec les médias | Agente principale des relations avec les médias |
Mary Schlosser | Stratège des communications | Stratège des communications |
Inspecteur Garrett Woolsey | Porte‑parole auprès des médias |
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