Rapport final suivant une plainte déposée par le président relativement à la mort sous garde de M. Raymond Silverfox

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada Paragraphe 45.46(3)

Le 16 juin 2011

Traduction

No de dossier : 2008-3266

Contexte

La nuit du 1er décembre 2008, M. Raymond Silverfox, de Carmacks, au Yukon, célébrait son 43e anniversaire de naissance. Sa petite amie et lui ont trouvé quelqu'un pour les conduire jusqu'à Whitehorse, qui est à 2 heures et demie de Carmacks en voiture. À leur arrivée à Whitehorse, au petit matin le 2 décembre 2008, ils ont trouvé une place au refuge de l'Armée du Salut. Ils avaient bu jusqu'à ce moment‑là.

Une fois au refuge, M. Silverfox a commencé à vomir. Le personnel du refuge a appelé les services médicaux d'urgence (SMU), puisqu'il savait que la GRC ne mettrait pas M. Silverfox sous garde si son bon état de santé n'était pas d'abord confirmé. Un peu avant 5 h, le personnel des SMU a examiné M. Silverfox et confirmé son bon état de santé après avoir déterminé que ses réactions et ses signes vitaux étaient normaux malgré son ivresse. Toutefois, M. Silverfox ne pouvait pas rester au refuge en raison de ses vomissements. Le personnel des SMU a donc téléphoné à la GRC dans l'espoir que M. Silverfox puisse être incarcéré pour la nuit, puisqu'il faisait extrêmement froid dehors.

Les gendarmes Len Van Marck et Daniel Bulford se sont rendus au refuge. M. Silverfox a été mis en état d'arrestation pour ivresse sur la voie publique et placé dans la cellule 3 au détachement de la GRC peu après 5 h. La caporale Calista MacLeod, chef de veille, est allée voir M. Silverfox à environ 8 h, avant de commencer son quart de travail. Elle était le chef de veille et le membre supérieur en service pendant toute l'incarcération de M. Silverfox. Durant cette période, trois différents gardiens et surveillantes étaient responsables du bloc cellulaire.

M. Silverfox est resté dans une cellule de la GRC pendant toute la journée et il a été malade pendant tout ce temps. Certains de ses vomissements ont été notés par les gardiens/surveillantes et membres présents dans la salle de veille, mais la plupart n'ont pas été consignés. Cependant, la cellule de M. Silverfox est devenue de plus en plus contaminée par ses liquides organiques. Dans l'enregistrement audio de la salle de veille ce jour‑là, on peut entendre les membres et les gardiens parler de l'état de M. Silverfox. On a réalisé peu de vérifications physiques, à l'égard de M. Silverfox, même si on a continué de le surveiller à l'aide du système vidéo en circuit fermé. 

Vers 16 h, M. Silverfox a demandé un matelas, ce qui lui a été refusé. À environ 18 h, un autre prisonnier a été amené aux cellules. Il était d'humeur combative, et la présence de plusieurs membres était donc nécessaire, y compris celle de la caporale MacLeod. Une fois le prisonnier turbulent placé dans une cellule, vers 18 h 34, la caporale MacLeod est allée voir M. Silverfox et a remarqué qu'il ne semblait pas respirer. On a ouvert la porte de la cellule. Le gendarme Mike Muller a voulu vérifier les signes vitaux de M. Silverfox; ne les trouvant pas, les membres ont retiré M. Silverfox de sa cellule et ont appelé les SMU. Ils ont également commencé à effectuer des compressions thoraciques.

Le personnel des SMU est arrivé dans le bloc cellulaire aux alentours de 18 h 47 et a pris en charge M. Silverfox, qui a été transporté à l'Hôpital général de Whitehorse peu de temps après. Même si les ambulanciers ont réussi à faire brièvement rebattre son cœur, les efforts déployés pour réanimer M. Silverfox ont été vains, et son décès a été déclaré à 21 h 15. L'autopsie pratiquée ultérieurement a révélé qu'une sepsie et une pneumonie aiguë étaient les causes de son décès, et, selon les conclusions de l'autopsie, il s'agissait peut‑être d'une pneumonie de déglutition.

L'enquête sur le décès de M. Silverfox a d'abord été menée par le Groupe des crimes graves de la Division M, mais elle a été confié au Groupe des crimes graves du district Nord de la Division E, le 3 décembre 2008. La Commission des plaintes du public contre la GRC (la Commission) a dépêché l'un de ses observateurs indépendants pour réaliser une évaluation impartiale, et aucune préoccupation importante n'en est ressortie. L'enquête criminelle a été renvoyée au procureur de la Couronne, qui a déterminé qu'il n'était pas justifié de porter des accusations. 

Une enquête administrative sur l'incident a ultérieurement été réalisée par l'inspecteur Yvon de Champlain, Section des infractions commerciales de la Division K de la GRC, en Alberta. L'inspecteur de Champlain a formulé un certain nombre de recommandations dans son rapport daté du 26 mai 2009. Le 16 juin 2009, l'inspecteur Mark Wharton, commandant du détachement de Whitehorse de la GRC, a réagi à ces recommandations.

Peu de temps avant l'enquête du coroner sur la mort sous garde de M. Silverfox, qui a été réalisée du 15 au 23 avril 2010, on s'est rendu compte du fait que la bande sonore de la salle de veille du bloc cellulaire n'avait pas été transcrite. Sur cette bande sonore, on peut entendre des membres, des gardiens et des surveillantes faire des commentaires sur M. Silverfox, sur l'état de sa cellule et sur le fait qu'il était malade. Deux semaines après la conclusion de l'enquête, la GRC a annoncé qu'une enquête en vertu du code de déontologie serait menée à cet égard. 

Compte tenu des préoccupations exprimées par le public, le président de la Commission de l'époque a exercé son pouvoir, le 12 décembre 2008, pour examiner rigoureusement les faits qui ont suscité des préoccupations chez le public.

La plainte déposée par le président

  1. si les membres de la GRC ou toute autre personne nommée ou employée en vertu de la Loi sur la Gendarmerie Royale du Canada (la Loi sur la GRC) en cause dans les événements survenus le 2 décembre 2008, soit du premier contact avec M. Silverfox et de son arrestation jusqu'à sa détention et à son décès, ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences obligatoires appropriées en ce qui concerne le traitement de personnes détenues par la GRC et, plus particulièrement, de la possibilité pour ces derniers de recevoir un traitement médical;
  2. si les membres du détachement de la GRC de Whitehorse ont surveillé adéquatement le gardien ou les gardiens chargés de la prestation de soins aux personnes sous la garde du détachement de la GRC de Whitehorse et qu'il lui ou leur ont fourni les directives appropriées, du moment où M. Silverfox a été mis sous garde jusqu'au moment de sa mort;
  3. si les politiques, procédures et lignes directrices de la GRC, établies à l'échelle nationale, à l'échelle de la division et au niveau du détachement, concernant la surveillance et le traitement des personnes sous la garde de la GRC sont suffisantes pour veiller à la prestation de soins appropriés et à la sécurité de ces personnes.

Conformément à la Loi sur la GRC, la GRC a enquêté sur la plainte. L'enquête sur la plainte du public a été réalisée par le sergent d'état‑major Tom Caverly de la Division E de la GRC, en Colombie‑Britannique. Le 16 février 2010, la GRC a diffusé son rapport final sur cette affaire.

Aux termes de la Loi sur la GRC, la Commission examine la manière dont la GRC traite chaque plainte déposée par le président. À cette fin, la Commission a demandé à la GRC de lui fournir les documents nécessaires à son examen et a reçu cette information le 16 mars 2010. La Commission a reçu les transcriptions de l'enquête du coroner le 15 juin 2010.

Le 2 septembre 2010, la Commission a transmis son rapport intérimaire sur l'affaire en cause au commissaire de la GRC et au ministre de la Sécurité publique (annexe 1), dans lequel elle a formulé 39 conclusions et 17 recommandations distinctes.

La Commission a conclu que la réaction initiale de la GRC et la détention de M. Silverfox étaient appropriées, même si les membres n'ont pas adéquatement documenté l'examen de M. Silverfox par le personnel des SMU et qu'un membre a omis de prendre des notes en bonne et due forme. Les membres ont également omis de demander un échantillon d'haleine à M. Silverfox avant son incarcération comme l'exige la politique du détachement, fait que les membres supérieurs en service ont omis de consigner. Cependant, les membres ont adéquatement évalué les réactions de M. Silverfox.

La Commission a ensuite cerné plusieurs lacunes concernant la surveillance du bloc cellulaire et des prisonniers qu'il abrite et la supervision des gardiens de la GRC qui étaient responsables de M. Silverfox pendant qu'il se trouvait dans la cellule. La Commission a conclu que, bien que les vérifications de l'état de M. Silverfox aient généralement été effectuées à des intervalles conformes à la politique de la GRC, les gardiens (dont la formation était à jour) n'ont fait aucune distinction entre les vérifications physiques et les vérifications par vidéo, ce qui va à l'encontre de ladite politique. De surcroît, la chef de veille en service a omis de vérifier périodiquement l'état de M. Silverfox durant son quart de travail. Néanmoins, on a immédiatement demandé des soins médicaux après avoir déterminé que M. Silverfox était inanimé, soit environ 17 minutes après la dernière fois où on l'avait vu bouger au moyen de la surveillance vidéo de la cellule. Les recommandations de la Commission avaient pour objectif de veiller à ce que les membres supérieurs de la GRC qui sont en service assurent un suivi de la conformité avec la politique de la GRC en matière de vérification des prisonniers et à ce que l'information sur ces derniers soit adéquatement communiquée aux membres et aux gardiens. La commission a également recommandé que le commandant du détachement assure un suivi régulier de la conformité avec la politique de la GRC.

La Commission a aussi examiné des questions relatives au devoir de diligence à l'égard des personnes sous la garde de la GRC, puisque ce devoir a soulevé des préoccupations particulières, vu les commentaires qui ont été faits à l'endroit de M. Silverfox par des membres en service et qui ont été enregistrés sur la bande audio de la salle de veille. La Commission a conclu qu'on avait omis d'obtenir des soins médicaux pour M. Silverfox durant son incarcération et qu'aucun effort n'avait été fait pour veiller à ce que sa cellule soit sécuritaire et habitable. La Commission a également conclu que les communications relatives à l'état de santé de M. Silverfox avaient été inadéquates et a recommandé que les membres supérieurs renforcent leur suivi à cet égard. En ce qui concerne la politique de la GRC, la Commission a conclu que la politique relative à la prestation de soins médicaux qui était en vigueur au moment de l'incarcération de M. Silverfox était inappropriée, dans la mesure où la décision à cet égard reposait exagérément sur une évaluation subjective de l'état de santé du prisonnier. La Commission a recommandé que la politique soit révisée, en consultation avec des professionnels de la santé, et que la GRC organise, à l'intention de ses membres de la collectivité de Whitehorse, une séance d'orientation et de formation qui porterait sur la reconnaissance des problèmes de santé pouvant résulter de la consommation d'alcool ou de drogues.

Enfin, la Commission a conclu que plusieurs membres n'avaient pas agi en conformité avec les valeurs fondamentales de la GRC lorsqu'ils étaient intervenus auprès de M. Silverfox. La Commission a recommandé que tous les membres du détachement de la GRC de Whitehorse, de même que tous les gardiens et toutes les surveillantes employés par le détachement, reçoivent une formation sur la façon de créer un environnement respectueux et d'interagir en conformité avec les valeurs fondamentales de la GRC.

L'avis du commissaire de la GRC

Conformément au paragraphe 45.46(2) de la Loi sur la GRC, le commissaire de la GRC doit présenter un avis écrit faisant état de toute nouvelle mesure prise ou prévue à la lumière des conclusions et des recommandations contenues dans le rapport intérimaire.

Le 12 mai 2011, la Commission a reçu l'avis du commissaire de la GRC, lequel était daté du 11 mai 2011 (annexe 2). Le commissaire de la GRC a exprimé son accord avec toutes les conclusions et les recommandations de la Commission et a décrit les mesures prises par la GRC en réaction à la fois à son examen administratif à l'interne, dans le cadre duquel un certain nombre de lacunes ont été cernées, et au rapport intérimaire de la Commission. Entre autres, le commissaire a indiqué ce qui suit :

  • Le commandant du détachement et le sous-officier responsable du Soutien opérationnel effectuent maintenant des vérifications ponctuelles hebdomadaires des rapports sur les prisonniers.
  • On s'affaire à cerner, en consultation avec des professionnels de la santé de Whitehorse, les besoins précis en matière de formation sur la détection des signes et des symptômes de l'ébriété et sur les problèmes de santé qui peuvent en découler. On se penche également sur les changements qui pourraient s'imposer dans le cadre de l'achèvement du nouveau centre d'évaluation sous garde du Yukon.
  • Les chefs de veille examinent maintenant les rapports sur les prisonniers au début et à la fin de leurs quarts de travail, et ils cernent et corrigent toute lacune ou chargent quelqu'un d'autre de le faire.
  • Le commandant du détachement a revu avec tous les membres et tous les gardiens l'importance et la nécessité de communiquer, de manière rigoureuse, exhaustive et cohérente, les renseignements relatifs aux personnes sous garde au détachement de la GRC de Whitehorse.
  • Les chefs de veille effectuent maintenant des examens occasionnels des registres des prisonniers, tout au long de leur quart de travail et à la fin de celui‑ci, pour veiller à ce que les vérifications et la surveillance des prisonniers ainsi que les enregistrements de sécurité soient conformes à la politique de la GRC.
  • Le détachement a mis en place une politique obligeant les membres et les gardiens du détachement à obtenir des soins médicaux pour les personnes en état d'ébriété qui vomissent en position couchée sur le ventre ou qui vomissent de façon excessive.
  • Le commandant du détachement a pris des mesures pour veiller à ce que les membres obtiennent des soins médicaux pour les personnes sous garde qui sont susceptibles d'être malades ou de souffrir d'une intoxication alcoolique, entre autres problèmes de santé.
  • On a élaboré un système de suivi et de surveillance des interventions des membres et des gardiens dans les cas d'incidents mettant en cause des personnes en état d'ébriété avancé.
  • La GRC s'est engagée à travailler en collaboration avec la Commission pour organiser la tenue d'un examen annuel des dossiers concernant de tels incidents durant au moins trois ans.
  • La politique du détachement concernant l'état des cellules a été clarifiée, et des mesures ont été prises pour que les membres et les gardiens sachent ce qu'on entend par une cellule « sécuritaire et habitable ».
  • Un poste spécial de caporal a été créé au sein du détachement en vue d'améliorer la surveillance du bloc cellulaire.
  • La politique relative à la prestation de soins médicaux fait actuellement l'objet d'un examen, en consultation avec des professionnels de la santé de la région.
  • La GRC met actuellement en œuvre une initiative visant la création d'un groupe de consultation formé de professionnels de la santé afin de renforcer la politique opérationnelle nationale concernant la prestation de soins de santé aux personnes sous la garde de la GRC.

À mon avis, les mesures prises par la GRC à la suite de l'incident et en réaction au rapport intérimaire de la Commission représentent des progrès considérables et s'avèrent essentielles pour éviter qu'un tel incident se reproduise au sein du détachement de la GRC de Whitehorse et pour renforcer la relation de la GRC avec la collectivité qu'elle sert.

Les conclusions et recommandations de la Commission

À la suite de l'enquête menée par la Commission, j'ai formulé un certain nombre de conclusions et de recommandations qui, je crois, pourraient aider la GRC à examiner et à modifier ses politiques et ses pratiques, particulièrement dans la région de Whitehorse. Ainsi qu'il est mentionné ci-dessus, la GRC a répondu à ces conclusions et recommandations. Je répète ci-dessous les conclusions et les recommandations de la Commission.

Conclusions

Conclusion no 1 : L'arrestation sans mandat de M. Silverfox était raisonnable et conforme au Code criminel

Conclusion no 2 : Les gendarmes Van Marck et Bulford n'ont pas obtenu de document des SMU certifiant que M. Silverfox était apte à l'incarcération, ils n'ont pas rempli la section du rapport sur le prisonnier qui porte sur l'examen des SMU et ils n'ont pas pris de notes détaillées à cet égard, comme l'exige la politique.

Conclusion no 3 : Le gendarme Van Marck n'a pris aucune note concernant son interaction avec M. Silverfox.

Conclusion no 4 : Les gendarmes Van Marck et Bulford n'ont pas suivi la politique du détachement, selon laquelle il faut demander aux prisonniers en état d'ébriété de fournir un échantillon d'haleine avant leur incarcération.

Conclusion no 5 : Le gendarme Bulford a évalué les réactions de M. Silverfox de manière adéquate au moment de la mise en détention et a rempli la section pertinente du rapport sur le prisonnier, conformément aux exigences.

Conclusion no 6 : La formation du gardien Craig MacLellan était complète et valide.

Conclusion no 7 : Il n'était pas nécessaire de placer M. Silverfox dans la position de réveil lorsqu'il est entré dans la cellule 3.

Conclusion no 8 : Le caporal Gale n'a pas évalué l'état de M. Silverfox à la fin de son quart.

Conclusion no 9 : La caporale MacLeod n'a pas effectué de vérification physique de M. Silverfox ni évalué l'état de ce dernier au début de son quart en tant que chef de veille.

Conclusion no 10 : Même si la caporale MacLeod a examiné le rapport sur le prisonnier de M. Silverfox, elle ne s'est pas questionnée sur l'absence de mesure de son taux d'alcoolémie.

Conclusion no 11 : Les renseignements relatifs à M. Silverfox n'ont pas été communiqués de manière complète à Craig MacLellan, ni par le gendarme Bulford ni par le gendarme Van Marck.

Conclusion no 12 : Les intervalles notés dans le registre des prisonniers relativement aux vérifications de M. Silverfox durant le quart de Craig MacLellan étaient conformes à la politique de la GRC, tout comme l'était l'irrégularité de ces intervalles.

Conclusion no 13 : Craig MacLellan n'a pas indiqué si M. Silverfox avait fait l'objet de vérifications physiques ou si les vérifications avaient été faites au moyen de l'écran du système vidéo.

Conclusion no 14 : Comme la politique divisionnaire stipule clairement que les vérifications effectuées doivent être des vérifications physiques, le nombre de vérifications effectuées auprès de M. Silverfox durant le quart du gardien Craig MacLellan était insuffisant.

Conclusion no 15 : On aurait satisfait à l'exigence de surveiller constamment les prisonniers si on avait respecté la politique de la GRC relative aux vérifications physiques des prisonniers en plus de faire preuve d'un niveau accru de vigilance compte tenu du fait que M. Silverfox avait fait l'objet d'un examen médical avant son incarcération.

Conclusion no 16 : La formation de Mme Balfour était complète et à jour.

Conclusion no 17 : Mme Balfour a effectué une vérification physique appropriée de M. Silverfox lorsqu'elle a commencé son quart.

Conclusion no 18 : Les intervalles notés dans le registre des prisonniers en ce qui concerne les vérifications de M. Silverfox durant le quart de Mme Balfour étaient conformes à la politique de la GRC, tout comme l'était l'irrégularité de ces intervalles.

Conclusion no 19 : Mme Balfour n'a pas indiqué si M. Silverfox avait fait l'objet de vérifications physiques ou si les vérifications avaient été faites au moyen de l'écran du système vidéo.

Conclusion no 20 : Comme la politique divisionnaire prévoit clairement que les vérifications effectuées doivent être des vérifications physiques, le nombre de vérifications effectuées auprès de M. Silverfox durant le quart de la gardienne Heather Balfour était insuffisant.

Conclusion no 21 : La déclaration de Mme Balfour à M. Silverfox, selon laquelle il serait tenu de nettoyer sa cellule, n'était pas conforme à la politique de la GRC à cet égard.

Conclusion no 22 : La formation de Hector MacLellan était complète et à jour.

Conclusion no 23 : Hector MacLellan a dûment procédé à une vérification physique de M. Silverfox au début de son quart de travail.

Conclusion no 24 : Même si, conformément aux politiques opérationnelles de la GRC, Hector MacLellan a inscrit, dans le registre des prisonniers, qu'il avait mené des vérifications à des intervalles d'exactement 15 minutes pendant son quart de travail, ces intervalles n'étaient pas irréguliers, ce qui contrevient aux politiques de la GRC pour ce qui est de la surveillance des prisonniers.

Conclusion no 25 : Pendant son quart de gardien, Hector MacLellan a procédé à un nombre insuffisant de vérifications auprès de M. Silverfox.

Conclusion no 26 : Hector MacLellan a omis de préciser s'il avait effectué des vérifications physiques de M. Silverfox ou s'il s'était contenté de faire des vérifications au moyen de l'écran de surveillance vidéo.

Conclusion no 27 : La caporale MacLeod n'a pas procédé à des vérifications périodiques de M. Silverfox pendant son quart de chef de veille.

Conclusion no 28 : On a demandé immédiatement des soins médicaux après avoir déterminé que M. Silverfox était inanimé.

Conclusion no 29 : Les membres et les gardiens en service pendant l'incarcération de M. Silverfox n'ont pas cherché à obtenir des soins médicaux.

Conclusion no 30 : La caporale MacLeod ne s'est pas assurée que la cellule de M. Silverfox était sécuritaire et habitable.

Conclusion no 31 : Les membres présents dans le bloc cellulaire et les gardiens et les surveillantes responsables de M. Silverfox pendant son incarcération ne se sont pas assurés que sa cellule était sécuritaire et habitable.

Conclusion no 32 : Les gardiens et les surveillantes responsables des prisonniers, y compris M. Silverfox, ont reçu une orientation adéquate concernant leurs responsabilités.

Conclusion no 33 : Les gardiens et les surveillantes de service pendant la détention de M. Silverfox n'ont pas fait l'objet d'une supervision adéquate.

Conclusion no 34 : La politique de la GRC concernant l'obtention de soins médicaux pour un prisonnier est inappropriée dans la mesure où la décision à cet égard repose sur l'évaluation subjective de l'état de santé du prisonnier en question.

Conclusion no 35 : Les raisons pour lesquelles l'existence de l'enregistrement audio de la salle de veille semblait inconnue ne sont pas claires.

Conclusion no 36 : Les gendarmes Corbett, Kalles, Kaytor et Telep n'ont pas agi en conformité avec les exigences de la Loi sur la GRC et avec les valeurs fondamentales de la GRC lorsqu'ils sont intervenus auprès de M. Silverfox.

Conclusion no 37 : L'enquête criminelle menée sur la mort en détention de M. Silverfox était impartiale, rigoureuse et bien documentée, et, même si les enquêteurs désignés étaient affiliés à la GRC, les mesures prises pour assurer leur indépendance étaient appropriées dans les circonstances.

Conclusion no 38 : L'examen administratif de l'enquête criminelle et des activités dans le bloc cellulaire était rigoureux et bien documenté.

Conclusion no 39 : L'enquêteur sur la plainte du public a pris toutes les mesures d'enquête raisonnable dans les circonstances.

Recommandations

Recommandation no 1 : Que le commandant de détachement effectue des vérifications ponctuelles des rapports sur les prisonniers pour garantir que des notes appropriées sont prises, conformément à la politique de la GRC.

Recommandation no 2 : Qu'un officier supérieur revoit avec le gendarme Van Marck l'importance de prendre des notes détaillées, tel que l'exige la politique de la GRC.

Recommandation no 3 : Que les membres du détachement de la GRC de Whitehorse, ainsi que tous les gardiens et toutes les surveillantes qui travaillent dans les cellules de la GRC, à Whitehorse, reçoivent une formation plus poussée sur les signes et les symptômes de l'ébriété et sur les problèmes de santé qui peuvent en découler.

Recommandation no 4 : Que le commandant du détachement effectue régulièrement des vérifications ponctuelles des registres des prisonniers pour s'assurer que les chefs de veille évaluent les prisonniers au début, à la fin et tout au long de leur quart, tel que l'exige la politique de la GRC.

Recommandation no 5 : Que les chefs de veille examinent les rapports sur les prisonniers au début et à la fin de leur quart, et qu'ils constatent et corrigent toute omission, ou en ordonnent la correction.

Recommandation no 6 : Que le commandant du détachement revoie avec tous les membres et tous les gardiens l'importance et la nécessité de communiquer, de manière rigoureuse et cohérente, les renseignements relatifs aux personnes sous garde au détachement de la GRC de Whitehorse. 

Recommandation no 7 : Que les chefs de veille examinent les registres des prisonniers par intermittence tout au long de leur quart et à la fin de ce dernier pour assurer la conformité avec la politique de la GRC en ce qui concerne la vérification et la surveillance des prisonniers, ainsi que la consignation des renseignements à cet égard.

Recommandation no 8 : Que le commandant du détachement ou son délégué revoie la politique de la GRC relative au nettoyage des cellules avec Mme Balfour.

Recommandation no 9 : Que la GRC envisage de prendre une mesure corrective à l'égard de l'emploi de Hector MacLellan.

Recommandation no 10 : Que le commandant du détachement de la GRC de Whitehorse établisse un système de suivi et de surveillance des interventions des membres et des gardiens dans les cas d'incidents mettant en cause des personnes en état d'ébriété avancé.

Recommandation no 11 : Que la GRC travaille en collaboration avec la Commission pour organiser la tenue d'un examen annuel des dossiers concernant de tels incidents; cet examen annuel serait mené par le personnel de la Commission, et ce, pendant au moins les trois années suivant la publication du présent rapport.

Recommandation no 12 : Que la GRC mette en place des directives concernant l'obligation de consigner et de communiquer au moyen du registre des prisonniers l'information sur l'état général du prisonnier et, le cas échéant, sur les problèmes de santé possibles ou soupçonnés de même que sur l'état de la cellule, lorsque des substances étrangères ou corporelles sont présentes.

Recommandation no 13 : Que le commandant du détachement, en consultation avec des professionnels de la santé, précise la politique exigeant la fourniture de soins médicaux lorsque le prisonnier vomit de façon excessive afin qu'elle comprenne une norme objective et mesurable à ce chapitre.

Recommandation no 14 : Que la GRC mette sur pied un groupe consultatif formé entre autres de professionnels de la santé en vue de renforcer la politique opérationnelle nationale concernant la prestation d'une aide médicale aux personnes sous la garde de la GRC.

Recommandation no 15 : Que la GRC organise, à l'intention des membres nouvellement installés dans la collectivité de Whitehorse, une séance de formation pendant laquelle des professionnels de la santé de la localité traiteraient des problèmes de santé pouvant résulter de la consommation d'alcool ou de drogues. Les membres travaillant déjà dans la région devraient aussi participer régulièrement à une formation semblable.

Recommandation no 16 : Que la GRC désigne un enquêteur indépendant pour qu'il examine les circonstances entourant la divulgation tardive ou la non‑divulgation de l'enregistrement audio de la salle de veille et qu'il transmette les conclusions de son examen au commissaire et à la Commission.

Recommandation no 17 : Que tous les membres du détachement de la GRC de Whitehorse, de même que tous les gardiens et toutes les surveillantes employés par le détachement, reçoivent une formation sur la façon de créer un environnement respectueux et d'interagir en conformité avec les valeurs fondamentales de la GRC, et ce, tant à l'intérieur du détachement que dans la collectivité.

Conclusion

Les membres de la GRC ont un devoir de diligence à l'égard des collectivités qu'ils servent. Les membres des services de police des collectivités du Nord, à l'instar de leurs collègues, doivent souvent accomplir un travail difficile. Ils peuvent en effet être appelés à remplir un certain nombre de rôles qui ne correspondent pas à ceux des forces de l'ordre classiques. Cependant, comme il a été mentionné dans le rapport final relatif à un examen des services de police du Yukon qui a été mené conjointement par le gouvernement du Yukon, le Conseil des Premières nations du Yukon et la GRC : « Les policiers gagnent la confiance du public grâce aux relations qu'ils tissent jour après jour avec les citoyens dans le cadre de leurs fonctionsNote de bas de page 1. » Les agents de police doivent toujours demeurer conscients de leurs engagements envers le public et du rôle crucial que joue la confiance du public dans l'accomplissement de leur mandat. Ils doivent également maintenir des normes fondamentales en matière de dignité humaine, même dans des situations difficiles.

Dans l'affaire entourant la mort tragique de M. Silverfox, ces normes ont fait défaut. Bien que ce soit la compassion qui ait motivé la décision initiale d'emprisonner M. Silverfox, son incarcération au détachement de Whitehorse a ensuite été marquée par la négligence et la dureté des membres chargés de sa surveillance. Le surintendant en chef Peter Clark, commandant de la GRC au Yukon, a fait la déclaration suivante au sujet de l'incident :

[traduction]
Comme bien des membres de la GRC, je suis outré et déçu du traitement empreint d'insensibilité et de dureté qu'a subi M. Silverfox sous notre garde. Nous avons failli à notre devoir envers vous et envers nous‑mêmes […]. M. Silverfox méritait un bien meilleur traitement de notre part, et il est évident que nous n'avons pas été à la hauteur de la situation […]. Nous n'avons pas répondu à vos attentes ni respecté les normes que nous nous sommes fixées […] et nous nous en excusons.

Tant les commentaires de M. Clark que la réaction de la GRC au rapport intérimaire de la Commission indiquent une reconnaissance du fait que le décès de M. Silverfox en pareilles circonstances a eu des répercussions uniques et servi de catalyseur, suscitant énormément de préoccupations au sein du public. Je suis grandement encouragé par les mesures fermes et positives prises par la GRC et par l'engagement de cette dernière à améliorer ses politiques et ses pratiques locales et nationales. En outre, je constate avec plaisir que la GRC collabore à la mise sur pied du nouveau centre d'évaluation sous garde à Whitehorse. La réaction de la GRC témoigne d'efforts continus pour améliorer les services de police du Yukon et devrait servir de modèle pour d'autres administrations. Selon moi, c'est cette amélioration, et non les circonstances tragiques de sa mort, que va léguer M. Silverfox à la postérité.

Aux termes du paragraphe 45.46(3) de la Loi sur la GRC, le mandat de la Commission dans cette affaire a été rempli.

Le président intérimaire,
______________________________
Ian McPhail, c.r.

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