Rapport final du président après l'avis du commissaire : Décès d'une détenue, Mme Cheryl Anne Bouey, à Prince George (Colombie-Britannique), le 26 juin 2008

No de dossier : PC-2008-1680

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Loi sur la Gendarmerie royale du Canada
Paragraphe 45.46(3)

Plaignant :

Président de la Commission des plaintes du public contre la GRC

Le 7 février 2013

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Plainte

Au petit matin du 26 juin 2008, le gendarme Nathan Christopher Adam Poyzer du détachement de la GRC de Prince George, en Colombie-Britannique, a répondu à un appel d'urgence concernant un homme en état d'ébriété. À son arrivée, le gendarme Poyzer a constaté que M. Colin Mamela et Mme Cheryl Anne Bouey étaient en état d'ébriété, et il les a arrêtés pour ivresse dans un lieu public. Ils ont ensuite été conduits tous les deux au bloc cellulaire du détachement de Prince George. Mme Bouey a été fouillée par la gendarme Carissa Hornoi et placée en cellule. Environ 40 minutes plus tard, Mme Bouey a été trouvée sans vie dans sa cellule; elle s'était apparemment pendue aux barreaux de la porte de sa cellule.

Le 27 juin 2008, le président de l'époque de la Commission des plaintes du public contre la GRC (Commission) a déposé une plainte concernant la mort sous garde de Mme Cheryl Anne Bouey, à Prince George, en Colombie-Britannique, aux termes du paragraphe 45.37(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC). La plainte portait sur la conduite de tous les membres de la GRC ou de toute personne nommée ou employée en vertu de la Loi sur la GRC en cause dans l'incident et concernant les situations d'ordre général où des personnes sont sous la garde de la GRC pour déterminer, notamment :

  1. si les membres de la GRC ou toute autre personne nommée ou employée en vertu de la Loi sur la GRC en cause dans les événements survenus le 26 juin 2008, soit du premier contact avec Mme Cheryl Anne Bouey et de son arrestation jusqu'à sa détention et sa mort, ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences réglementaires en ce qui concerne le traitement de personnes détenues par la GRC;
  2. si les membres du détachement de la GRC de Prince George ont fourni la surveillance et les directives appropriées aux gardiens chargés de la prestation de soins aux personnes sous la garde du détachement de la GRC de Prince George, du moment où Mme Bouey a été détenue jusqu'à sa mort;
  3. si les politiques, les procédures et les lignes directrices de la GRC, établies à l'échelle nationale, à l'échelle de la division et à l'échelle du détachement, concernant la surveillance et le traitement des personnes sous la garde de la GRC sont suffisantes pour veiller à la prestation de soins appropriés et à la sécurité de ces personnes.

Rapport final de la GRC

Conformément à la Loi sur la GRC, la GRC a enquêté sur la plainte. L'enquête sur la plainte du public a été menée par le Groupe des crimes graves du district Nord de la Division « E » et l'enquêteur principal était le caporal Gary Heebner. Le 9 mars 2010, la GRC a présenté son rapport final sur cette affaire.

Examen et rapport intérimaire de la Commission

Dans son rapport intérimaire du 26 mai 2011, la Commission a conclu que l'arrestation sans mandat de Mme Bouey parce qu'elle troublait la paix était raisonnable tout comme l'aurait été son arrestation pour ivresse sur la voie publique en vertu de la Liquor Control and Licensing Act de la Colombie-Britannique, et que la force utilisée par le gendarme Eccleston pendant qu'il escortait Mme Bouey au bloc cellulaire était raisonnable dans les circonstances. La Commission a conclu aussi que la gendarme Hornoi a traité Mme Bouey avec respect et professionnalisme, qu'elle n'a pas vu le cordon inséré dans le pantalon de Mme Bouey lorsqu'elle l'a fouillée avant de la placer en cellule et qu'elle a évalué adéquatement les réactions de Mme Bouey au moment de sa mise en détention et a dûment rempli la section appropriée du Rapport sur le prisonnier.

En ce qui concerne le gardien qui était de service, la Commission a conclu qu'il n'a pas reçu la formation d'appoint prescrite par la politique de la GRC, que sa formation en premiers soins était à jour et que le fait qu'il a tardé à chercher de l'aide après avoir constaté que Mme Bouey n'avait aucune réaction est incompatible avec la politique de la GRC. De plus, la Commission est d'avis que la surveillance des prisonniers était inadéquate le jour de l'incident, que le registre des prisonniers contenait très peu de renseignements et que ceux-ci n'étaient pas suffisamment détaillés pour satisfaire aux exigences de la politique, qu'une aide médicale a été demandée immédiatement et que les membres n'ont pas administré les premiers soins à Mme Bouey.

Avis du commissaire

Conformément au paragraphe 45.46(2) de la Loi sur la GRC, le commissaire de la GRC doit fournir un avis écrit de toute autre mesure qui a été prise ou qui sera prise à la lumière des conclusions et des recommandations formulées dans le rapport d'enquête d'intérêt public.  

Le 18 janvier 2012, la Commission a reçu l'avis du commissaire, dans lequel le commissaire est d'accord avec les conclusions de la Commission selon lesquelles l'arrestation de Mme Bouey était raisonnable, la force utilisée par le gendarme Eccleston pendant qu'il escortait Mme Bouey au bloc cellulaire était raisonnable et la gendarme Hornoi a traité Mme Bouey avec respect et professionnalisme. Le commissaire a également convenu que la gendarme Hornoi n'a pas vu le cordon inséré dans le pantalon de Mme Bouey lorsqu'elle l'a fouillée, mais qu'il s'agissait d'une erreur commise par inadvertance.

Le commissaire a rejeté la conclusion de la Commission selon laquelle une « liste de vérification » soit ajoutée au formulaire du Rapport sur le prisonnier pour rappeler de vérifier la présence de cordons cachés ou de tout autre article potentiellement dangereux. Il est à noter que bien que le terme « liste de vérification » apparaisse dans la recommandation de la Commission, on mentionne en effet une « case à cocher » dans le rapport, ce que visait la recommandation à l'origine. Un membre peut effectuer une fouille adéquatement et pourtant, dans le cadre du travail quotidien, ne pas remarquer un élément important. J'estime, tout comme le commissaire, qu'une liste de vérification distincte est inutile. Je réitère donc ma recommandation, modifiée, d'ajouter une case à cocher au formulaire du Rapport sur le prisonnier.  

La commissaire est d'accord avec la conclusion de la Commission selon laquelle la gendarme Hornoi a évalué adéquatement les réactions de Mme Bouey et qu'elle a rempli le Rapport sur le prisonnier. La Commission a également recommandé qu'on clarifie le libellé de la section du formulaire du Rapport sur le prisonnier portant sur l'évaluation, plus précisément le terme « déprimé », mais le commissaire a rejeté cette recommandation. Quoi qu'il en soit, je réitère ma recommandation, étant donné que la présente affaire a démontré que le terme en question n'était pas précis et qu'il a été interprété de façon incohérente par les différents intervenants. 

Quant à la formation offerte aux gardiens, le commissaire de la GRC a adhéré à la conclusion de la Commission selon laquelle M. Reznechenko n'a pas reçu la formation d'appoint, ce qui va à l'encontre de la politique de la GRC. Le commissaire a souscrit à la recommandation de la Commission voulant que tous les membres de la GRC et tous les gardiens reçoivent les cours de formation d'appoint annuels obligatoires concernant la sécurité du bloc cellulaire et la garde des prisonniers, comme l'exige la politique de la GRC, et qu'un mécanisme d'enregistrement et de suivi adéquat soit élaboré à cet effet.

En outre, le commissaire de la GRC a appuyé les conclusions de la Commission selon lesquelles le fait que M. Reznechenko a tardé à chercher de l'aide après avoir constaté que Mme Bouey n'avait aucune réaction est incompatible avec la politique de la GRC et que la surveillance des prisonniers était inadéquate le jour de l'incident. Le commissaire était également d'accord avec la conclusion voulant que les renseignements contenus dans le registre des prisonniers ne satisfaisaient pas aux exigences de la politique de la GRC. Par conséquent, le commissaire a souscrit à la recommandation en ce sens, c'est-à-dire que les chefs de veille examinent les registres des prisonniers par intermittence tout au long de leur quart de travail et à la fin de celui-ci pour s'assurer que la politique de la GRC concernant la vérification et la surveillance des prisonniers est respectée et qu'ils consignent les renseignements connexes. Le commissaire a fait remarquer que la politique nationale a été modifiée depuis l'incident. 

La Commission a recommandé que le commandant du détachement évalue le temps que les gardiens consacrent à des tâches autres que la garde des prisonniers afin de déterminer la pertinence du nombre actuel de gardiens par rapport au nombre de prisonniers et pour s'assurer que les affectations sont faites conformément à la politique de la GRC. Bien que le commissaire repousse l'opinion de la Commission, il a tout de même ordonné qu'on procède à l'évaluation. Le commissaire a aussi noté qu'il ordonnerait au chef de veille d'effectuer des vérifications périodiques pour s'assurer que les gardiens portent une radio de police portable pendant leur service, et de prendre note de ces vérifications, comme le prévoit la recommandation de la Commission. 

Le commissaire s'est dit d'accord aussi avec les conclusions de la Commission selon lesquelles une aide médicale a été demandée immédiatement une fois qu'il a été déterminé que Mme Bouey était sans réaction et les membres n'ont pas administré les premiers soins à Mme Bouey. La Commission a souligné qu'elle était satisfaite de la décision rendue par la GRC à l'égard de cette allégation, et le commissaire était tout aussi satisfait.

Pour ce qui est de la recommandation de la Commission voulant que la GRC examine le système vidéo actuel pour déterminer s'il devrait être mis à niveau ou remplacé par un système qui permettrait d'alerter, au moyen d'un dispositif visuel ou sonore, les gardiens et le personnel de sécurité s'il cesse d'enregistrer, et que la GRC informe la municipalité des résultats de cet examen, le commissaire a fait remarquer que le détachement de Prince George déménagera dans de nouveaux locaux à l'automne 2013 et que les appareils vidéo utilisés actuellement ne seront pas installés dans les nouveaux locaux. Le commissaire a noté qu'on tiendra compte de la recommandation de la Commission dans la planification du déménagement.

Enfin, le commissaire a souscrit à la recommandation émise par la Commission au sujet du sergent d'état-major Bethune, qui devrait recevoir une formation sur le processus de traitement des plaintes du public, et a fait savoir qu'il ordonnera qu'on donne la formation au membre. Cependant, le commissaire a rejeté la recommandation de la Commission selon laquelle la GRC précise dans une politique les rôles et les responsabilités des superviseurs et des membres témoins dans le cadre du processus de traitement des plaintes du public. Quoi qu'il en soit, pour les raisons énoncées dans mon rapport, je réitère ma recommandation.

Conclusions et recommandations de la Commission

À la lumière de ce qui précède, la Commission réitère ses conclusions ainsi que ses recommandations modifiées.

Conclusions

Conclusion no 1 : L'arrestation sans mandat de Mme Bouey parce qu'elle troublait la paix était raisonnable tout comme l'aurait été son arrestation pour ivresse sur la voie publique en vertu de la Liquor Control and Licensing Act de la Colombie-Britannique.

Conclusion no 2 : La force utilisée par le gendarme Eccleston pendant qu'il escortait Mme Bouey au bloc cellulaire était raisonnable dans les circonstances.

Conclusion no 3 : La gendarme Hornoi a traité Mme Bouey avec respect et professionnalisme.

Conclusion no 4 : La gendarme Hornoi n'a pas vu le cordon inséré dans le pantalon de Mme Bouey lorsqu'elle l'a fouillée avant de la placer en cellule.

Conclusion no 5 : La gendarme Hornoi a évalué adéquatement les réactions de Mme Bouey au moment de sa mise en détention et elle a dûment rempli la section appropriée du Rapport sur le prisonnier.

Conclusion no 6 : M. Reznechenko n'a pas suivi la formation d'appoint prescrite par la politique de la GRC.

Conclusion no 7 : La formation en premiers soins de M. Reznechenko était à jour.

Conclusion no 8 : Le fait que M. Reznechenko a tardé à chercher de l'aide après avoir constaté que Mme Bouey n'avait aucune réaction est incompatible avec la politique de la GRC.

Conclusion no 9 : La surveillance des prisonniers était inadéquate le 26 juin 2008.

Conclusion no 10 : Le registre des prisonniers contenait très peu de renseignements et ceux-ci n'étaient pas suffisamment détaillés pour satisfaire aux exigences de la politique.

Conclusion no 11 : Une aide médicale a été demandée immédiatement une fois qu'il a été déterminé que Mme Bouey était sans réaction.

Conclusion no 12 : Les membres n'ont pas administré les premiers soins à Mme Bouey; la GRC a correctement réglé cette question dans son rapport final.

Recommandations

Recommandation no 1 : Qu'une case à cocher soit ajoutée au formulaire du Rapport sur le prisonnier pour rappeler de vérifier la présence de cordons cachés ou de tout autre article potentiellement dangereux.

Recommandation no 2 : Que la GRC envisage de clarifier le libellé de la section du formulaire du Rapport sur le prisonnier portant sur l'évaluation, plus précisément le terme « déprimé ».

Recommandation no 3 : Que le commandant du détachement de la GRC de Prince George veille à ce que tous les membres de la GRC et tous les gardiens qui travaillent au détachement reçoivent les cours de formation d'appoint annuels obligatoires concernant la sécurité du bloc cellulaire et la garde des prisonniers, comme l'exige la politique de la GRC, et qu'un mécanisme d'enregistrement et de suivi adéquat soit élaboré à cet effet.

Recommandation no 4 : Que les chefs de veille examinent les registres des prisonniers par intermittence tout au long de leur quart de travail et à la fin de celui-ci pour s'assurer que la politique de la GRC concernant la vérification et la surveillance des prisonniers est respectée et qu'ils consignent les renseignements connexes.

Recommandation no 5 : Que le commandant du détachement évalue le temps que les gardiens consacrent à des tâches autres que la garde des prisonniers afin de déterminer la pertinence du nombre actuel de gardiens par rapport au nombre de prisonniers et pour s'assurer que les affectations sont faites conformément à la politique de la GRC.

Recommandation no 6 : Que le chef de veille observe périodiquement les gardiens pour s'assurer qu'ils portent une radio de police portable pendant leur service et prenne note de ces vérifications.

Recommandation no 7 : Que la GRC examine le système actuel pour déterminer s'il devrait être mis à niveau ou remplacé par un système qui permettrait d'alerter, au moyen d'un dispositif visuel ou sonore, les gardiens et le personnel de sécurité s'il cesse d'enregistrer. Que la GRC informe la municipalité des résultats de cet examen.

Recommandation no 8 : Que le sergent d'état-major Bethune reçoive une formation sur le processus de traitement des plaintes du public.

Recommandation no 9 : Que la GRC précise dans une politique les rôles et les responsabilités des superviseurs et des membres témoins dans le cadre du processus de traitement des plaintes du public.

Je dépose mon rapport final conformément au paragraphe 45.46(3) de la Loi sur la GRC. Par conséquent, la Commission a rempli son mandat dans le cadre de la présente affaire.

Le président intérimaire,

Ian McPhail, c. r.

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