L'avis du commissaire de la GRC - Robert Dziekanski
TRADUCTION
Monsieur Ian McPhail, c.r.
Président intérimaire
Commission des plaintes du public
contre la GRC
C.P. 1722, succursale « B »
Ottawa (Ontario)
KIP 0B3
Monsieur,
J'accuse réception du Rapport de la Commission en date du 15 octobre 2009, sur l'enquête d'intérêt public concernant une plainte déposée par le président au sujet de la mort de M. Robert Dziekanski, qui était sous la garde de la GRC, numéros de référence des dossiers CPP-2007-2305 et CPP-2007-2344. Je regrette d'avoir tardé à y répondre. Comme je l'ai indiqué à votre prédécesseur, nous croyions qu'avant de répondre au rapport de la CPP, la GRC devait recevoir et examiner les rapports de la Commission d'enquête Braidwood.
Nous avons maintenant terminé notre examen de cette question, y compris les conclusions et les recommandations figurant dans le rapport de la CPP.
Comme je l'ai reconnu publiquement après la diffusion du second rapport de la Commission Braidwood en juin 2010, la GRC a manqué à ses devoirs sur de nombreux plans, et les événements qui ont eu lieu à l'aéroport international de Vancouver n'auraient pas dû se produire. La GRC a tiré des leçons de cet incident tragique, et elle a apporté des modifications importantes à ses politiques et à ses exigences en matière de formation et d'établissement de rapports concernant les armes à impulsions (AI). Un certain nombre de ces modifications font suite aux recommandations formulées dans le rapport de la CPP.
Je souscris aux conclusions selon lesquelles la conduite des gendarmes Kwesi Millington, Gerry Rundel et Bill Bentley ainsi que du caporal Benjamin Robinson était loin de correspondre à celle qu'on attend des membres de la GRC. Je conviens qu'ils n'ont pas cherché suffisamment à désamorcer la situation et qu'ils ne sont pas intervenus en adoptant une approche coordonnée et mesurée. En particulier, le caporal Robinson aurait dû demander aux trois autres membres d'agir avec coordination et de communiquer efficacement à mesure que les événements se déroulaient. Comme l'indique le rapport, le fait que le caporal Robinson ne l'ait pas fait a eu des répercussions négatives sur l'interaction avec M. Dziekanski.
En ce qui concerne l'utilisation initiale de l'AI par le gendarme Millington, je souscris à la conclusion selon laquelle il était prématuré d'y recourir. Je conviens que le gendarme Millington aurait dû adresser un avertissement conformément à la politique de la GRC en vigueur à ce moment-là. Je conclus que la capacité réduite de communiquer avec M. Dziekanski en raison du fait qu'il ne pouvait pas parler anglais n'était pas une raison suffisante pour que le gendarme Millington omette d'attirer l'attention de celui-ci sur le fait que l'aI était pointée vers lui. Je souscris au commentaire figurant à la page 12 du rapport d'après lequel cette façon de procéder aurait peut-être permis de désamorcer la situation. De plus, comme les membres ont procédé à un repositionnement tactique après que M. Dziekanski eut saisi l'agrafeuse sur le comptoir, je souscris à l'analyse selon laquelle ils avaient le temps de recourir à d'autres moyens pour désamorcer la situation, par exemple en continuant de faire des signes de la main.
En ce qui concerne les décharges ultérieures de l'AI par le gendarme Millington, je souscris aux conclusions selon lesquelles il ne savait pas si elles étaient nécessaires pour maîtriser M. Dziekanski, et je conviens qu'il n'a fait aucun effort important pour déterminer l'effet des décharges sur M. Dziekanski.
Quant à la façon dont les membres ont réagi à l'urgence médicale après avoir constaté que M. Dziekanski était en détresse, je souscris à la conclusion selon laquelle le caporal Robinson n'a pas surveillé adéquatement la respiration et le rythme cardiaque de M. Dziekanski. Comme l'indique le rapport, le caporal Robinson et les autres membres auraient dû prodiguer les premiers soins et surveiller attentivement M. Dziekanski jusqu'à l'arrivée du personnel médical. La décision qu'ils ont prise de confier la responsabilité à M. Trevor Enchelmaier, superviseur d'une agence privée de sécurité à l'aéroport international de Vancouver, était inappropriée. Je souscris également à la conclusion selon laquelle les membres auraient dû enlever les menottes à M. Dziekanski lorsqu'ils se sont rendu compte qu'il était inconscient et qu'il ne représentait pas une menace immédiate pour eux. À tout le moins, ils auraient dû les enlever immédiatement dès la première demande du personnel médical.
Je ne souscris pas à la conclusion selon laquelle l'expert en recours à la force engagé par le Groupe intégré des enquêtes sur les homicides n'avait pas reçu des directives adéquates concernant la question à examiner, la portée de son travail ou le mandat qu'il devait examiner. Comme le rapport l'indique, le sergent Brad Fawcett a mentionné dans son rapport qu'il est qualifié pour évaluer le bien-fondé et la pertinence de la force utilisée par la police. En outre, le sergent Fawcett a évalué les actions des membres qui sont intervenus, et il a précisé dans son rapport d'avoir demandé aux témoins de faire une déclaration et d'avoir examiné la bande vidéo de l'incident.
Je souscris aux conclusions selon lesquelles les membres n'ont pas pris suffisamment note de l'incident mettant en cause M. Dziekanski, et je conviens que l'exposé et l'exactitude des souvenirs des membres comprennent des divergences lorsqu'on les compare aux éléments de preuve sur la bande (« vidéo Pritchard »). Même si ce n'était pas intentionnel et si les membres suivaient peut-être les directives d'autres personnes, je conviens également qu'il n'était pas approprié qu'ils se réunissent seuls au sous-détachement de l'aéroport international de Vancouver après la mort de M. Dziekanski. De plus, je conviens, ne serait-ce que pour être juste envers les membres et leur donner la possibilité d'expliquer les divergences importantes entre leurs versions des événements et la bande vidéo, qu'il aurait été approprié de leur permettre de visionner la vidéo Pritchard avant de leur demander de formuler d'autres déclarations.
Veuillez prendre note que je souscris à toutes les autres conclusions non mentionnées expressément ci-dessus.
La politique de la GRC sur l'utilisation des AI a été révisée pour la dernière fois en avril 2010; elle limite maintenant l'utilisation des AI aux cas où une personne cause des préjudices physiques ou aux cas où il est raisonnable de croire que la personne est sur le point de causer des préjudices physiques. Elle fait une mise en garde aux membres, tout comme dans le cas de toute intervention où l'on a recours à la force, que l'utilisation des AI présente un risque et les décharges multiples ou l'utilisation continue des AI peuvent être dangereuses pour une personne.
Pour rendre compte davantage du recours aux AI, la GRC a renforcé ses exigences et ses processus en matière de rapport afin de consigner plus de renseignements sur tous les incidents de recours à la force et d'aider les membres à expliquer de manière plus détaillée les circonstances des incidents particuliers où ils ont recouru à la force. La GRC présente maintenant des rapports publics trimestriels et annuels sur l'utilisation des AI. Elle a également fait tester ses AI par un organisme indépendant et elle a mis en œuvre un régime de tests permanents.
La GRC a aussi mis à jour sa formation sur le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents afin de mettre davantage l'accent sur le désamorçage, en insistant sur le fait que l'objectif de toute intervention consiste à résoudre l'incident par la présence de membres et la communication dans la mesure du possible et, si les facteurs conjoncturels exigent de recourir à la force, les membres ne doivent utiliser que la force nécessaire pour faire face à la situation. Nous nous sommes engagés à examiner en permanence les études et les faits nouveaux concernant les AI et à collaborer avec la CPP, d'autres services de police et des experts médicaux dans le but de faire en sorte que nos politiques et notre formation demeurent appropriés et à jour. Nous avons déjà donné suite à cet engagement en accueillant récemment des experts en la matière d'autres services de police, de la collectivité médicale, du Centre canadien de recherches policières et de l'ensemble de la GRC, pour réécrire et mettre à jour le cours à l'intention des utilisateurs des armes à impulsions. Cette approche a été couronnée de succès et elle donnera lieu à la formation la plus à jour sur les armes à impulsions offerte à nos membres.
De plus, la GRC a mis en œuvre une nouvelle Politique sur la responsabilité en matière de rapports, qui présente une approche mesurée et équilibrée selon laquelle les membres produisent rapidement et avec diligence des rapports pour décrire leurs actions et les circonstances qui ont donné lieu à leurs interventions au cours d'un incident.
Nous avons pris d'autres mesures concernant des questions mises en lumière dans l'examen des interventions de la GRC à cet égard, notamment la mise à jour de notre politique en matière de prise de notes et l'élaboration et la mise en œuvre de la Politique relative aux enquêtes ou examens externes de la GRC.
Les notes prises par les enquêteurs constituent un élément fondamental de toute enquête policière professionnelle. La prise de notes relève directement de tous les membres de la GRC, et des calepins officiels sont remis aux membres pour qu'ils puissent y consigner les renseignements, les détails et les faits importants portés à leur attention dans l'exercice de leurs fonctions. Dès les premiers jours à la Division Dépôt, les cadets apprennent que les calepins et leur contenu sont essentiels et que les notes qui y sont consignées servent à rafraîchir la mémoire et à rendre crédibles les témoignages et qu'ils revêtent une valeur inestimable pour corroborer les renseignements des années après qu'ils ont été consignés. On enseigne aussi aux cadets à utiliser leur calepin comme source principale de renseignements afin de constituer le reste de leur dossier opérationnel. Les instructeurs examinent les calepins des cadets pendant leur formation afin d'insister sur l'importance de la prise de notes, de s'assurer que les notes sont prises dans un calepin approprié et que le contenu consigné est adéquat.
En l'espèce, vous avez fait remarquer à juste titre que les membres en cause n'avaient pas pris des notes adéquates. À l'heure actuelle, notre politique désuète en matière de prise de notes est réécrite pour exiger que les notes prises par les membres fassent l'objet d'une surveillance et d'un contrôle accrus afin d'en vérifier la qualité et la conformité avec la politique et de corriger les lacunes. D'ici à ce que la politique soit modifiée, on a demandé aux commandants et aux agents de la police criminelle de se pencher sur les préoccupations suscitées par la prise de notes inadéquate. Ils ont accepté de prendre des mesures provisoires dans les divisions afin de renforcer les pratiques en matière de prise de notes en attendant la publication des modifications à la politique.
Je note que le rapport comprenait des commentaires sur la possibilité que la GRC entreprenne des enquêtes internes concernant les interventions des membres et de nos agents des relations avec les médias. Selon le rapport, la GRC n'a pas fourni à la Commission des renseignements permettant de déterminer si des enquêtes de ce genre étaient envisagées après la mort de M. Dziekanski. Même si cette question ne fait pas l'objet d'une conclusion dans le rapport, je crois qu'elle est importante et mérite une réponse.
En fait, nous avons envisagé la mise sur pied d'enquêtes aux termes du Code de déontologie, mais aucune enquête de ce genre n'a eu lieu. Les décideurs responsables estimaient que les renseignements dont ils disposaient à ce moment-là ne correspondaient pas au minimum requis pour procéder à ces enquêtes.
La GRC a par la suite conclu qu'il fallait apporter des précisions concernant ce minimum. Une directive du sous-commissaire supérieur, émise le 15 octobre 2010, confirme que seule l'apparence d'une contravention au Code de déontologie est requise et que, lorsqu'il y a apparence d'une contravention, une enquête doit être instituée.
En outre, la GRC a créé et pourvu le poste d'agent de l'intégrité professionnelle, un poste de cadre supérieur. Il est dorénavant obligatoire d'informer cet agent de toutes les enquêtes instituées aux termes du Code de déontologie lorsqu'un membre de la GRC est impliqué dans un cas de blessure grave, ou lorsqu'il semble avoir contrevenu ou qu'il a été accusé d'avoir contrevenu à une disposition du Code criminel ou à une autre loi, ou dans tout autre cas considéré comme grave ou de nature délicate. Le rôle de l'agent de l'intégrité professionnelle consiste à informer et à conseiller le Bureau du commissaire et l'état-major supérieur de la GRC au sujet des questions importantes relatives au comportement des employés et à aider les divisions à déterminer si une enquête sera instituée ou non en vertu du Code de déontologie.
La GRC a pris des mesures officielles afin de déterminer les domaines où les quatre membres qui ont interagi directement avec M. Dziekanski, le 14 octobre 2007, n'ont pas eu un rendement satisfaisant et les exigences qu'ils doivent respecter pour corriger ces lacunes.
La GRC est déterminée à faire tout son possible afin de tirer des leçons de la mort tragique de M. Dziekanski et de continuer de chercher à réaliser sa vision axée sur le changement, c'est-à-dire être une organisation responsable, digne de confiance et souple, composée d'employés motivés à se démarquer par un leadership exceptionnel et à fournir des services de police de toute première classe.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.
Le commissaire,
William J.S. Elliott, C.O.M., c.r.
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