Présentation au Comité permanent de la sécurité publique nationale au sujet du racisme systémique dans les services de police au Canada
Mot d’ouverture
Michelaine Lahaie, présidente
Date : 24 juillet 2020
Le texte prononcé fait foi
Bonjour et merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet du racisme systémique dans les services de police au Canada.
La Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC est un organisme indépendant créé par le Parlement.
Nous formulons des recommandations de large portée concernant les politiques, les procédures et la formation, dans le but ultime d'améliorer le maintien de l'ordre et de renforcer la responsabilité de la police.
Une plus grande responsabilisation de la police est obtenue grâce à une surveillance efficace, non seulement en ce qui concerne les plaintes du public, mais aussi grâce à l'examen des problèmes systémiques.
Comme l'a indiqué le ministre de la Sécurité publique dans ses commentaires devant ce comité récemment, les Autochtones, les Canadiens noirs et les autres personnes racialisées sont victimes de racisme systémique et de disparités au sein du système de justice pénale.
Ce système comprend toutes les forces policières, y compris la GRC.
Le travail de la Commission n'est pas à l'abri des effets à long terme et permanents du racisme systémique.
Par exemple, il a été rapporté qu'il y a une surreprésentation des incidents liés à l'usage de la force par la police impliquant des Autochtones et des personnes racialisées. Toutefois, nombre de ces incidents impliquant le recours à la force ne donnent pas lieu de plainte du public.
Pourquoi en est-il ainsi?
Dans l'enquête de la Commission sur le Nord de la Colombie‑Britannique, qui a été entreprise à la suite d'un rapport de Human Rights Watch, nous avons demandé aux membres des collectivités autochtones pourquoi ils n'utilisaient pas le système des plaintes du public.
Nous avons découvert que de nombreux Autochtones ne connaissent pas le processus de traitement des plaintes du public ou ne lui font pas confiance. Ce processus peut être excessivement bureaucratique et enchevêtré.
La Commission a pris certaines mesures pour améliorer l'accessibilité du public au système des plaintes, notamment en offrant le formulaire de plainte du public en 16 langues différentes.
Tout récemment, la Commission a travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement du Nunavut pour s'assurer que le formulaire de plainte et les documents supplémentaires sur le processus de traitement des plaintes sont offerts en inuktitut.
Malgré ces progrès, la Commission doit encore en faire davantage pour assurer une plus grande accessibilité, confiance et transparence dans le processus de traitement des plaintes.
En définitive, mon objectif est que les gens croient qu'ils peuvent déposer une plainte auprès de la Commission et être traités équitablement, sans crainte de représailles de la part de la GRC.
Pour y parvenir, nous devons travailler plus étroitement avec les collectivités autochtones et racialisées afin de cerner les obstacles systémiques qui existent dans notre système actuel et de mettre en œuvre les changements qu'ELLES suggèrent. Nous devons adopter un régime qui répond mieux aux besoins des collectivités.
À cet égard, la Commission, de concert avec la GRC, a participé à l'avancement d'un processus de résolution informel mis en place par les dirigeants autochtones.
De tels projets sont essentiels pour lutter contre le racisme systémique et restaurer la confiance du public.
En ce qui concerne le racisme systémique au sein de la GRC, je dois souligner que l'optique de la Commission tend à se concentrer sur les allégations individuelles de préjugés, de discrimination ou de racisme ‒ nous ne recevons pas de plaintes de racisme systémique en règle générale. Ce n'est que lorsque nous prenons du recul et analysons nos conclusions que la nature systémique du racisme devient apparente.
Un domaine où le racisme systémique peut être évident est la disparité dans le traitement des femmes caucasiennes et autochtones détenues pour ivresse publique dans le Nord de la Colombie-Britannique, comme l'a révélé l'enquête d'intérêt public de la Commission sur le maintien de l'ordre dans cette région.
Dans un examen des rapports d'incidents impliquant le maintien de l'ordre en cas d'ivresse publique, la Commission a noté qu'il y avait des différences de traitement entre les femmes autochtones et caucasiennes en ce qui concerne la détention pour ivresse publique.
73 % des femmes autochtones arrêtées pour ivresse publique étaient détenues dans des cellules jusqu'à ce qu'elles soient sobres.
En revanche, dans le cas des femmes caucasiennes, ce pourcentage s'élevait à 54 %.
En outre, les femmes autochtones avaient quatre fois moins de chances d'être ramenées chez elles plutôt que d'être placées en cellule, par rapport aux les femmes caucasiennes.
La Commission travaille aussi actuellement à un examen systémique du modèle de prestation de services de police dépourvus de préjugés de la GRC.
L'examen de la Commission porte sur les politiques et la formation de la GRC en matière de services de police dépourvus de préjugés et évalue le cadre d'application et de responsabilisation plus large qui est en place pour garantir que les membres de la GRC respectent ces politiques.
La responsabilisation et la transparence sont essentielles pour résoudre les problèmes systémiques et apporter des changements.
À cette fin, je pense qu'il est possible d'améliorer encore le régime de surveillance grâce au projet de loi C-3 et je fais les recommandations suivantes pour renforcer le projet de loi.
Premièrement, je recommande des délais prévus par la loi pour les réponses aux rapports de la Commission, afin de codifier le calendrier établi dans le protocole d'entente entre la CCETP et la GRC.
À l'heure actuelle, la législation exige que la commissaire réponde dès que possible.
Les réponses aux rapports intérimaires de la Commission prennent maintenant en moyenne 17 mois. L'un des rapports de la Commission attend une réponse depuis plus de trois ans et demi. Cela est inacceptable dans tout système où la responsabilisation est essentielle.
Deuxièmement, la sensibilisation du public et la liaison avec les collectivités autochtones et racialisées doivent devenir des exigences prévues par la loi.
Le projet de loi C-3 rend actuellement l'éducation de la population obligatoire pour le nouveau mandat de surveillance de l'ASFC par la Commission, mais ces activités restent facultatives en vertu de la Loi sur la GRC.
Pour que le processus de traitement des plaintes du public fonctionne, il faut que les gens fassent confiance au système. La seule façon d'établir cette confiance réside dans la consultation, l'éducation et l'évaluation continue de nos efforts de sensibilisation.
Troisièmement, j'aimerais que la commissaire et, une fois le projet de loi C-3 entre en vigueur, le président de l'ASFC soient tenus de fournir à la Commission un rapport annuel décrivant l'état de la mise en œuvre des recommandations de la Commission.
Cela augmenterait la transparence du système de traitement des plaintes et rassurerait les Canadiens sur le fait que la GRC et l'ASFC sont tenues de respecter une norme élevée de responsabilisation publique.
Enfin, la Commission doit être dotée de ressources suffisantes pour mener des examens systémiques.
À l'heure actuelle, les examens systémiques sont effectués lorsque des ressources suffisantes sont disponibles, mais en tant que présidente, je dois constamment choisir entre le traitement des plaintes du public et la réalisation des examens systémiques.
Je me rends bien compte, néanmoins, que la Commission a du travail à faire.
La Commission doit consacrer davantage de ressources à la sensibilisation du public et la liaison avec les collectivités autochtones et racialisées. Nous devons consulter et nous devons écouter.
Ensuite, nous devons devenir plus transparents.
Nous avons récemment commencé à publier sur notre site Web des résumés des décisions relatives aux plaintes du public. Il est important que la population canadienne soit au courant de notre travail et des recommandations que nous faisons.
La Commission doit être consultée sur toute modification de la surveillance de la GRC et sur les changements apportés au projet de loi C-3. Forte de ses 35 années d'expérience en matière de surveillance du corps policier national, la CCETP est des plus compétentes pour fournir une orientation et formuler des recommandations qui permettront d'éclairer les décideurs sur cette question cruciale et urgente.
Le moment est opportun pour apporter des changements.
Enfin, je m'engage à traiter tout problème interne qui pourrait contribuer au racisme systémique.
À cette fin, la Commission met en place un comité consultatif sur l'inclusion, la diversité et l'équité ayant comme but de veiller à ce que nos activités, tant internes qu'externes, soient inclusives et exemptes d'inégalité raciale.
Je vous remercie encore de m'avoir invitée aujourd'hui. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions.
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