Réponse de la CCETP à la BCCLA, aux chefs héréditaires des Wet'suwet'en et à l'Union des chefs indiens de la Colombie Britannique relativement aux préoccupations concernant les opérations de la GRC sur le territoire des Wet'suwet'en
Lien connexes
- Lettre de la BCCLA adressée à la présidente (en anglais seulement)
29 janvier 2020 - Lettre de la BCCLA adressée à la présidente (en anglais seulement)
9 février 2020
Le 13 février 2020
PAR COURRIER ET COURRIEL
Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique
Chefs héréditaires des Wet'suwet'en
Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique
A/S de Harsha Walia
Directrice générale
Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique
306-268, rue Keefer
Vancouver (Colombie-Britannique) V6A 1X5
À l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, aux Chefs héréditaires des Wet'suwet'en et à l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique
La Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada (la « Commission ») a reçu votre lettre du 29 janvier 2020 dans laquelle vous lui demandiez [traduction] « de déposer une plainte en matière de politique et de mener une enquête d'intérêt public » concernant la mise en œuvre et l'application, par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), « d'un point de contrôle et d'une zone exclusion » sur le chemin de service forestier de Morice Ouest. Cette mesure a un lien avec le litige en cours concernant le projet de gazoduc de Coastal GasLink. La Commission accuse également réception de votre lettre datée du 9 février 2020, que vous avez qualifiée de mise à jour urgente de la situation.
Votre lettre du 29 janvier 2020 était accompagnée des déclarations de huit personnes touchées par le point de contrôle et la zone d'exclusion, et vous avez indiqué que votre demande était appuyée par la West Coast Environmental Law et la Pivot Legal Society.
Comme ces questions n'ont pas encore fait l'objet d'une enquête, je ne peux en aucun cas me prononcer sur le bien-fondé des problèmes que vous soulevez ni sur la situation actuelle sur le chemin de service forestier de Morice Ouest ou ses environs. Toutefois, dans le cadre de votre demande que la Commission ouvre une enquête d'intérêt public sur cette affaire, je vous expliquerai ce que je comprends des préoccupations que vous soulevez, ainsi que les similarités qu'il y a avec d'autres questions examinées par la Commission dans des affaires précédentes.
Vous soulevez des préoccupations au sujet du point de contrôle et de la zone d'exclusion de la GRC qui, selon vous, sont trop vastes et constituent un [traduction] « exercice incohérent et arbitraire du pouvoir discrétionnaire de la GRC ». Vous exprimez aussi votre conviction que les actes de la GRC ont criminalisé et entravé les déplacements des Wet'suwet'en sur leur propre territoire, ainsi que ceux de leurs invités, des médias et des conseillers juridiques. Les actes de la GRC ont aussi limité la capacité des gens d'apporter de la nourriture et des fournitures médicales au-delà du point de contrôle, ce qui pourrait créer des conditions non sécuritaires.
Dans vos pièces de correspondance, vous faites également état de votre crainte que les actes de la GRC :
- restreignent de façon importante les libertés individuelles;
- soient disproportionnés par rapport à l'objectif déclaré de la GRC de maintenir la sécurité publique;
- contreviennent à la loi Wet'suwet'en (Anuk‘nu'at'en) et à la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »);
- soient [traduction] « perçus par les chefs héréditaires Wet'suwet'en comme un exercice du pouvoir ciblé, punitif et colonial », compte tenu du contexte des relations entre le ministère public et les Wet'suwet'en [traduction] à la lumière de l'utilisation de la force létale évoquée par la GRC en 2019 ».
Vous affirmez que cette question est de grand intérêt pour le public.
Nous sommes également d'avis que les questions soulevées dans votre correspondance présentent un grand intérêt pour le public. C'est pourquoi, par le passé, la Commission a mené une enquête approfondie sur bon nombre de ces mêmes questions, dans le cadre de la Plainte déposée par le président et enquête d'intérêt public sur les interventions de la GRC lors des manifestations contre le gaz de schiste qui ont eu lieu dans le comté de Kent (Nouveau-Brunswick) (« le rapport sur le comté de Kent »), concernant les activités policières de la GRC lors des manifestations contre le gaz de schiste au Nouveau-Brunswick. Dans ce rapport intérimaire de 116 pages, la Commission a formulé 37 conclusions et 12 recommandations sur divers sujets liés aux activités policières entourant les manifestations, particulièrement en ce qui concerne les manifestations dirigées par des Autochtones.
Conformément à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (la « Loi sur la GRC »), la Commission a envoyé son rapport à la GRC en mars 2019 et attend la réponse de la commissaire de la GRC. Une fois cette réponse reçue et examinée, la Commission présentera ses conclusions et recommandations finales. Les rapports intérimaire et final seront ensuite mis à la disposition du public, de même que la réponse de la GRC. La Commission a également produit des rapports intérimaires sur 21 plaintes individuelles liées aux manifestations qui ont eu lieu dans le comté de Kent et attend des réponses de la GRC.
À la lumière de ce rapport précédent et après mûre réflexion, j'ai décidé de ne pas lancer d'enquête d'intérêt public sur les questions que vous soulevez dans votre correspondance pour le moment. Ce n'est pas parce que je minimise l'importance de ces questions. Au contraire, j'ai déterminé qu'il n'était pas dans l'intérêt public d'entamer un tel processus à l'heure actuelle parce que la Commission a déjà fourni à la GRC des orientations précises sur les questions spécifiques que vous soulevez sur la situation actuelle en Colombie-Britannique, et ce, par l'entremise des conclusions et des recommandations provisoires figurant dans le rapport sur le comté de Kent et les 21 rapports individuels liés à ces événements. Ce ne serait donc pas dans l'intérêt public de retarder la résolution des questions que les personnes concernées évoquent en l'espèce en mettant en branle un vaste processus d'intérêt public pour examiner les principes plus généraux applicables, alors que les orientations déjà fournies par la Commission dans l'affaire du comté de Kent peuvent s'appliquer aux allégations soulevées dans la présente.
Comme le rapport sur le comté de Kent n'a pas encore été rendu public, il me paraît important de vous informer, vous et le public, des questions examinées dans le rapport ainsi que des conclusions et des recommandations qu'il renferme, car celles-ci sont directement liées aux éléments dont vous faites état dans votre correspondance. En vous présentant un sommaire de l'analyse préalable réalisée, nous espérons vous démontrer que la Commission a déjà fait un examen approfondi à cet égard et a dégagé des orientations qu'elle a fournies à la GRC. Il sera ensuite possible d'appliquer ces orientations à l'enquête et au règlement de plainte du public dans la présente affaire.
Sommaire des conclusions et des recommandations formulées précédemment par la Commission
Les questions examinées dans le rapport de la Commission sur le comté de Kent comprenaient, entre autres :
- le recours aux arrestations;
- le recours aux pouvoirs de détention et de fouille;
- le recours à la force;
- la pertinence des communications avec le public;
- la planification, la gestion et l'exécution des arrestations au camp des manifestants;
- le traitement des objets spirituels ou l'ingérence dans les pratiques spirituelles des peuples autochtones impliqués dans les manifestations;
- le rôle de la GRC dans la surveillance des manifestations des peuples autochtones concernant les droits fonciers des Autochtones, et la question de savoir si les peuples autochtones ont reçu un traitement différent des autres manifestants.
La Commission a formulé de nombreuses conclusions et recommandations liées à ces questions. Par exemple, au sujet des arrestations effectuées lors des manifestations contre le gaz de schiste, elle a conclu que, de manière générale et à quelques exceptions près, les membres de la GRC avaient des motifs raisonnables d'arrêter des personnes pour diverses infractions, et que la force utilisée était nécessaire et proportionnelle dans les circonstances. La Commission a également conclu que dans la plupart des cas, les membres de la GRC ont suivi les procédures post-arrestation et de détention de manière raisonnable et conforme à la politique.
La Commission a conclu qu'en surveillant les manifestations, les membres de la GRC ont montré qu'ils maîtrisaient et appliquaient « l'approche mesurée » et qu'ils avaient souvent fait preuve d'une grande tolérance dans l'accomplissement de leur devoir, à savoir maintenir la paix et assurer la sécurité publique, tout en respectant le droit des personnes de manifester. Les équipes de commandement et de négociation en situation de crise de la GRC ont déployé des efforts considérables pour réunir les parties prenantes afin de parvenir à régler le conflit. La Commission a également conclu qu'en règle générale, les membres de la GRC n'avaient pas de parti pris et ne traitaient pas les manifestants autochtones différemment des autres lors des arrestations. Bien qu'elle ait formulé plusieurs conclusions et recommandations concernant le besoin de formation et d'élaboration de politiques portant sur les questions culturelles des Autochtones et la manipulation des objets sacrés, elle a jugé que les membres de la GRC ne s'étaient pas interposés, de façon délibérée ou non, dans des cérémonies autochtones et n'avaient pas manipulé d'objets sacrés inutilement.
Je souligne que les conclusions et les recommandations de la Commission doivent être prises dans le contexte général du rapport intérimaire et du rapport final à venir. Dans la présente, il ne s'agit que d'un aperçu général.
En ce qui concerne les questions que vous soulevez, la Commission a analysé les questions des points de contrôle, des fouilles physiques et des zones tampons ou de détournement du trafic.
Points de contrôle
Dans votre lettre, vous avez indiqué que les membres de la GRC obligeaient les conducteurs et les passagers à donner leur nom et à présenter une pièce d'identité pour pouvoir traverser le point de contrôle (à l'entrée et à la sortie). Les membres de la GRC ont consigné ces renseignements, et certaines personnes n'ont pas eu droit de passage, même si elles avaient fourni des pièces d'identité. Vous avez soulevé des préoccupations au sujet de la légalité de ces « vérifications de l'identité ».
Dans le rapport sur le comté de Kent, la Commission a conclu qu'il n'existait pas de disposition juridique permettant de soumettre les passagers des véhicules à des vérifications de l'identité aux points de contrôle. Elle a examiné la jurisprudence pertinente et conclu qu'il n'était pas possible d'effectuer ces types de « fouilles » sans autorisation judiciaire ou consentement préalable donné en connaissance de cause par les personnes visées.
La Commission s'est également dite préoccupée par la collecte de renseignements sur les « feuilles de contrôle » remplies par les membres de la GRC aux points de contrôle. Elle a conclu que les membres de la GRC ne disposaient pas des pouvoirs juridiques nécessaires pour effectuer des vérifications à des points de contrôle dans le but de recueillir des informations par le biais d'une « enquête générale » des occupants d'un véhicule.
La Commission a souligné que dans cette affaire, les points de contrôle ne respectaient pas les restrictions établies par les tribunaux relativement à l'établissement de barrages routiers (p. ex., prévention de la conduite avec facultés affaiblies, catastrophes naturelles, accidents de la route ou enquêtes urgentes sur un crime grave en cours, enlèvement d'enfants ou évasion de détenus).
Après avoir examiné la situation et les principes applicables, la Commission a conclu que de craindre pour la sécurité publique du fait de la possible présence non confirmée d'armes sur les lieux des manifestations n'était pas une raison suffisante pour justifier la tenue d'une enquête criminelle d'urgence nécessitant un barrage routier. Les arrêts aléatoires ont été jugés incompatibles avec les droits conférés par la Charte aux occupants d'un véhicule.
Fouilles physiques
Selon une déclaration de Molly Wickham, porte-parole du clan Gidimt'en de la Nation Wet'suwet'en, incluse dans votre correspondance, un membre de la GRC lui a demandé ce qu'elle apportait au-delà du point de contrôle et [traduction] « il a vérifié le siège arrière en regardant par les vitres à l'aide d'une lampe de poche ».
Dans une autre déclaration, David Byron Christopher Wood, infirmier autorisé présent à titre « d'observateur légal », a décrit un incident distinct au cours duquel un membre de la GRC était allé derrière le véhicule et avait braqué une lumière sur la vitre arrière pour voir ce que les occupants transportaient.
Dans l'affaire du comté de Kent, la Commission a conclu que les fouilles de routine des véhicules et des personnes entrant sur le terrain de camping des manifestants effectuées par des membres de la GRC n'étaient pas autorisées par la loi. Elle a souligné que de telles fouilles ne pouvaient être effectuées à moins d'avoir des mesures législatives conformes à la Charte en place, une autorisation judiciaire ou des circonstances exceptionnelles telles qu'une fouille accessoire à une arrestation ou des « fouilles de sécurité » dans le cadre d'une détention aux fins d'enquête, ou d'avoir obtenu un consentement éclairé.
Bien qu'il y ait eu des raisons de s'inquiéter de la possibilité que des armes à feu et d'autres armes soient apportées sur le terrain de camping des manifestants, les fouilles physiques effectuées par la GRC n'étaient justifiées ni par une situation d'urgence ni par une violation imminente de la paix.
La Commission a conclu que la pratique visant à fouiller les personnes qui entraient sur le site de camping était, dans les circonstances, incompatible avec les droits garantis par la Charte.
Pour éviter que de telles situations ne se reproduisent, la Commission a recommandé que les membres de la GRC qui participent aux opérations de maintien de l'ordre public revoient les lois et les politiques relatives aux fouilles et aux saisies, y compris l'obligation d'obtenir un mandat et les motifs juridiques qui permettent d'invoquer une exception pour effectuer une fouille sans mandat.
Zone d'exclusion et détournement de la circulation
Dans votre lettre, vous décrivez à l'aide d'exemples divers la situation vécue par plusieurs personnes n'ayant pas eu l'autorisation de passer le point de contrôle de la GRC. Les raisons données par les membres de la GRC pour l'établissement du point de contrôle lui-même et le refus d'entrée signifié à certaines personnes étaient apparemment incohérentes d'un membre à l'autre et d'un cas à l'autre. Certains membres de la GRC auraient déclaré que seuls les chefs héréditaires préapprouvés, les journalistes accrédités et les avocats autorisés à pratiquer en Colombie-Britannique seraient autorisés à entrer ou que seuls les véhicules munis de chaînes pour pneus et de radios bidirectionnelles auraient accès au site.
La restriction des déplacements des Wet'suwet'en sur leurs terres semblait particulièrement vous préoccuper; vous l'avez qualifiée de [traduction] « violation grave du droit et de l'administration des Wet'suwet'en, et des droits et titres des Wet'suwet'en protégés par la Constitution ». Vous vous êtes également dit inquiet que certains membres des médias, ainsi que des avocats et des observateurs légaux, se soient vu refuser l'accès au point de contrôle.
Vous avez dit que les restrictions sur le déplacement de [traduction] « certaines catégories de personnes » n'avaient rien à voir avec la justification de la GRC, c'est-à-dire d'assurer la sécurité publique, et qu'aucune injonction des tribunaux ne faisait mention du déplacement ou de la résidence de personnes dans les divers sites ou camps sur le territoire des Wet'suwet'en. Vous avez dit que, peu importe la façon dont la GRC appelle les choses (c.-à-d. un point de contrôle et non pas une zone d'exclusion), elle a dans les faits mis en œuvre une zone d'exclusion inutile qui n'est pas autorisée par la loi.
Dans l'affaire du comté de Kent, la Commission a reçu plusieurs plaintes concernant le détournement apparemment inutile de la circulation des lieux de manifestation.
Étant donné l'absence de détails précis dans les allégations faites dans l'affaire du comté de Kent, il n'y avait pas suffisamment d'informations pour conclure que les fermetures de route et le détournement de la circulation étaient déraisonnables dans ce cas précis. Néanmoins, la Commission a procédé à un examen approfondi des principes juridiques applicables afin de déterminer si des « zones tampons » pourraient être établies et dans quelles circonstances. Elle a énoncé les facteurs à prendre en considération pour évaluer le caractère raisonnable de telles mesures, notamment la taille de la zone, qui a été exclu et pourquoi, et la durée de l'exclusion.
La Commission a examiné les principes juridiques applicables, notamment la jurisprudence concernant les obstacles liés à des situations particulières, comme les dignitaires en visite ayant besoin de protection ou les fouilles effectuées avant d'entrer sur un site de manifestation. Selon la jurisprudence, la police a le pouvoir de créer des zones tampons pour des raisons précises et bien définies. Toutefois, il ne s'agit pas d'un pouvoir général; il faut plutôt tenir compte des circonstances sur le plan temporel, géographique et logistique.
La Commission a également procédé à un examen approfondi d'une allégation spécifique concernant un manifestant qui s'est vu empêcher de retourner sur un site de manifestation après qu'un petit groupe de manifestants a commencé à se livrer à des activités constituant une infraction criminelle. Un rapport distinct a été publié au sujet de cette plainte, et les principes applicables ont également été examinés dans le rapport sur le comté de Kent.
La Commission a conclu que la décision de restreindre l'accès du plaignant au site de protestation pour prévenir le crime et assurer la sécurité du public n'était pas déraisonnable dans les circonstances. Toutefois, elle a fait remarquer qu'une telle entrave à la liberté de circulation des personnes et à leur droit de manifester pacifiquement ne serait justifiée que dans des circonstances précises et limitées.
La Commission a souligné que ce sont les circonstances particulières entourant l'affaire du plaignant qui ont mené à la conclusion que la conduite de la police n'était pas déraisonnable dans ce cas. Plus particulièrement, les manifestants bloquaient la route et entravaient le travail des employés de SWN Resources (il s'agissait d'une infraction de méfait et d'une conduite qui était expressément interdite par l'injonction du tribunal), et la police les avaient autorisés à le faire pendant une longue période. L'infraction criminelle était en train de se produire au moment où le plaignant s'est vu refuser l'accès au site. La Commission a déclaré que, si ce n'avait été de ces circonstances, la restriction de la capacité du plaignant de réintégrer le lieu de la manifestation aurait pu être jugée déraisonnable. Elle a souligné qu'il existait des façons d'atténuer le risque que les manifestants commettent une infraction de méfait autres que d'empêcher les nouveaux arrivants d'accéder au site de la manifestation.
La Commission a examiné les facteurs à prendre en considération pour évaluer si la restriction de l'accès à un site de manifestation pourrait être justifiée dans un cas particulier, notamment le degré d'atteinte aux libertés de la personne, l'importance de l'objectif poursuivi par la police et l'équilibre de ces intérêts concurrents dans les circonstances.
Dans ce cas, la Commission a souligné que les libertés en jeu, notamment la participation à une manifestation pacifique, étaient à la fois des libertés civiles fondamentales en common law et des libertés constitutionnelles fondamentales. Par ailleurs, la GRC cherchait à prévenir un préjudice précis et identifiable, alors qu'une infraction était en cours. La période pendant laquelle le plaignant n'a pas pu accéder au site de la manifestation s'est avérée limitée et directement liée au préjudice particulier que les membres de la GRC cherchaient à régler. Dans ces circonstances, la Commission devait déterminer si une atteinte aux droits individuels était nécessaire pour que les agents de la paix puissent s'acquitter de leurs fonctions. De plus, elle a souligné que la sécurité du public était également un facteur dont il fallait tenir compte dans la décision de refuser l'accès à un site à des personnes comme le plaignant et ses enfants.
La Commission a conclu que la décision difficile prise par les membres de la GRC sur le terrain n'était pas déraisonnable et que les actions des membres étaient permises dans cette situation particulière. Toutefois, elle a également souligné que les membres de la GRC doivent être conscients des limites de leurs pouvoirs lorsqu'ils surveillent une manifestation publique, en particulier pour ce qui est de la limitation de la capacité des manifestants de se réunir et de s'exprimer de façon légale.
La Commission a notamment souligné que d'autres cas de blocage de l'accès du public aux routes, en particulier lorsque ces actions peuvent avoir directement ou indirectement entravé inutilement la capacité des médias à rendre compte des manifestations, peuvent avoir été déraisonnables. Elle a également insisté sur le fait que, lors de l'établissement de zones tampons, la police doit absolument respecter les paramètres énoncés par les tribunaux dans la jurisprudence pertinente et examinés en détail dans le rapport sur le comté de Kent. La Commission a déclaré que tout ce qui dépasse ces limites est inadmissible dans une société libre et démocratique.
La Commission a précisé que la GRC ne peut prendre la décision de restreindre l'accès aux voies publiques ou à d'autres sites publics que si elle a des motifs précis et objectivement raisonnables de le faire, et elle doit le faire de manière à interférer le moins possible avec les droits de la personne. Par exemple, la GRC peut limiter le plus possible la taille d'une zone tampon et réduire au maximum la durée de l'exclusion.
Autres questions pertinentes
Le rapport sur le comté de Kent aborde d'autres questions liées aux préoccupations soulevées dans votre lettre. Par exemple, la Commission a conclu que certaines arrestations avaient été faites en raison d'une interprétation apparemment erronée des conditions de l'injonction du 22 novembre 2013. Elle a donc recommandé que la GRC fournisse aux membres chargés du maintien de l'ordre public et des manifestations publiques des renseignements détaillés, des interprétations exactes des conditions de toute injonction ou des dispositions juridiques uniques qu'ils sont censés appliquer.
La Commission a également discuté du recours aux membres de l'équipe d'intervention d'urgence de la GRC dans un rôle de « force dominante pouvant être mortelle » pendant l'opération tactique. Elle a formulé des conclusions et des recommandations provisoires concernant la formation des membres de la GRC sur les questions culturelles autochtones et la sensibilité dont ils doivent faire preuve par rapport aux cérémonies autochtones et aux objets sacrés.
Prochaines étapes
Les conclusions et les recommandations de la Commission sont de nature corrective et visent à améliorer les services de police et à tenir la GRC responsable de ses activités et de la conduite de ses membres. La Commission examine les activités de la GRC et ne peut lui ordonner de prendre ou de s'abstenir de prendre certaines mesures pendant les opérations en cours. De plus, comme il est indiqué au paragraphe 45.74(1) de la Loi sur la GRC, il est possible de suspendre une enquête d'intérêt public si le fait de la poursuivre compromettrait une procédure en matière pénale en cours, ou y nuirait sérieusement.
Tel qu'il a été mentionné plus haut, la Commission prend au sérieux les points que vous avez soulevés. Compte tenu de la gravité de ces questions, elle a déjà effectué une analyse exhaustive de ces questions et d'autres questions étroitement liées dans le cadre de son enquête d'intérêt public sur le comté de Kent.
Je crois comprendre que la GRC examine actuellement les conclusions et les recommandations provisoires de la Commission concernant l'affaire du comté de Kent et qu'elle fournira une réponse expliquant les mesures qu'elle entend prendre en conséquence, conformément à la Loi sur la GRC. J'espère que la GRC pourra se servir des conseils exhaustifs fournis par la Commission dans l'affaire du comté de Kent pour faire enquête sur les questions que vous avez soulevées et les régler.
Pour cette raison, si vous acceptez cette façon de faire, la Commission pourrait traiter votre demande comme une plainte du public qui ferait d'abord l'objet d'une enquête de la GRC. Pour ce faire, la Commission exige une confirmation écrite (autorisation d'un tiers) des personnes dont les déclarations ont été incluses dans votre correspondance, si elles souhaitent que leurs observations soient traitées dans le cadre de la plainte du public. La Commission communiquerait directement avec vous pour obtenir ces approbations ou elle pourrait, s'il y a lieu, communiquer avec les personnes concernées pour obtenir directement leur confirmation.
Une fois l'enquête de la GRC terminée, si vous n'êtes pas satisfaite du traitement de votre plainte, la Commission pourrait, à votre demande, procéder à un examen indépendant du dossier. J'espère que la GRC pourra appliquer les conseils exhaustifs fournis par la Commission dans l'affaire du comté de Kent aux questions que vous soulevez concernant la situation actuelle et qu'elle accélérera son enquête sur ces allégations.
Je dois souligner que rien de ce que j'ai dit dans cette lettre au sujet de l'importance des questions que vous soulevez et de leur similitude avec les questions du comté de Kent ne doit être considéré comme étant des commentaires concernant le bien-fondé de la plainte présentée dans votre lettre. Les faits individuels de chaque allégation doivent faire l'objet d'une enquête et d'un examen à la lumière des lois et des politiques applicables, et la GRC doit rendre une décision sur chaque allégation. Si vous n'êtes pas satisfaite du règlement des allégations, vous pouvez demander à la Commission d'examiner la décision de la GRC, après quoi la Commission examinera les faits et tirera ses propres conclusions.
Il convient également de noter que la Commission est consciente que, depuis les événements examinés dans le rapport sur le comté de Kent, les politiques, les procédures et la formation de la GRC pourraient bien avoir changé. En examinant votre plainte, la GRC devra déterminer si ces changements se conformaient aux conseils donnés par la Commission, et si d'autres changements sont nécessaires. De même, les grands principes énoncés dans le rapport du comté de Kent devront être appliqués aux faits précis de cette affaire afin de tirer des conclusions sur les questions particulières soulevées ici.
Conclusion
Pour les raisons susmentionnées, je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt public d'entreprendre une enquête d'intérêt public sur cette question pour le moment, compte tenu des directives que la Commission a déjà données à la GRC sur ces questions importantes.
Il convient de souligner qu'en vertu de la Loi sur la GRC, je peux, à titre de présidente de la Commission, décider à tout moment de déposer une plainte ou lancer une enquête d'intérêt public. Par conséquent, il demeure possible que je décide de mener une enquête d'intérêt public sur des questions liées à la situation actuelle, si à tout moment l'évolution des circonstances le justifie dans l'intérêt public.
Je vous remercie d'avoir porté ces questions importantes à l'attention de la Commission. Nous attendrons de savoir si vous souhaitez déposer une plainte du public avant de communiquer avec vous pour obtenir les documents supplémentaires nécessaires.
Je vous prie d'agréer mes salutations distinguées.
La présidente,
Michelaine Lahaie
c.c. : West Coast Environmental Law
Pivot Legal Society
Brenda Lucki, commissaire de la GRC
Jennifer Strachan, sous-commissaire de la GRC
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