Exposé prononcé devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale

Ottawa - 2012-10-17

Prononcé par Ian McPhail, président intérimaire

La version prononcée fait foi (version 7.0)

Monsieur le Président, membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à me présenter devant vous aujourd'hui. Je suis accompagné de M. Richard Evans, directeur principal des Opérations de la CPP et de Mme Lesley McCoy, conseillère juridique de la CPP.

Nous avons tous les trois travaillé en étroite collaboration à l'examen du projet de loi C-42.

Mon exposé sera bref.

Les travaux des commissions d'enquête Marin et McDonald, dans les années 1970 et 1980, ont jeté les bases du modèle actuel d'examen civil de la GRC, établi en 1988.

Depuis, une série de rapports parlementaires, de groupes de travail composés d'experts et d'enquêtes publiques ont tenté d'améliorer le modèle initial en exigeant un examen civil plus serré et efficace de la GRC.

La GRC est une grande organisation, diverse et complexe, en ce qui concerne son mandat et sa compétence.

Ses activités sont intégrées à celles d'autres organismes d'application de la loi, ce qui ajoute à cette complexité, et sa présence presque partout au pays et à l'étranger est unique, dans les milieux de l'application de la loi.

Tous ces facteurs accroissent la visibilité de l'organisation et des interactions de ses membres avec le public, ce qui l'expose toujours plus aux critiques de la population.

C'est dans ce contexte que le commissaire Paulson a signalé les défis sérieux auxquels la GRC fait face.

Il a laissé entendre que l'organisation est sur le point de perdre la confiance du public, laquelle lui est nécessaire pour faire son travail efficacement.

Aujourd'hui, on estime généralement qu'il faut un mécanisme d'examen civil solide, crédible et indépendant pour maintenir la confiance du public et la consolider à l'égard de toute organisation policière.

C'est la raison pour laquelle la GRC et le public ont besoin d'un régime d'examen ferme doté des pouvoirs et des ressources nécessaires pour faire enquête de façon indépendante, évaluer les faits et présenter des conclusions crédibles quand le public exprime des préoccupations au sujet de la façon dont la GRC s'acquitte de ses responsabilités.

Le régime d'examen doit pouvoir donner lieu à des recommandations constructives et correctives qui portent sur les éléments suivants :

  • les préoccupations liées à la conduite des membres de la GRC dans l'exécution de leurs fonctions;  
  • les lacunes en matière de politiques, de procédures et de formation qui risquent de contribuer à des problèmes systémiques.

Je crois que le projet de loi C-42 répond en grande partie à ces exigences.

Le projet de loi prévoit de nouveaux pouvoirs qui aideront la nouvelle Commission civile d'examen et de traitement des plaintes (CCETP) à réaliser un examen correctif approfondi.

Au premier coup d'œil, la façon dont ces pouvoirs sont présentés dans la législation peut sembler complexe.

J'estime que cette complexité est essentiellement le reflet nécessaire du paysage juridique actuel et qu'elle correspond dans bien des cas aux procédures adoptées par la commission pour compenser les lacunes ou les éléments ambigus que l'on trouve dans la législation existante.

Les nouveaux pouvoirs qui sont prévus dans le projet de loi C-42 touchent cinq grands aspects.

Premièrement, le projet de loi énonce clairement le droit de la CCETP d'accéder à l'information que détient la GRC et de déterminer quels sont les renseignements pertinents à une enquête ou à un examen.

Même si, depuis quelque temps, la GRC coopère de plus en plus avec la Commission sur ce plan, il n'en a pas toujours été ainsi.

La définition claire que donne le projet de loi C-42 du droit d'accès de la CCETP à l'information que détient la GRC dissipera toute ambiguïté, en plus d'éliminer une source de conflit possible entre les deux organisations.

En cas de différend, le projet de loi prévoit un mécanisme de règlement en guise de solution de rechange à un processus judiciaire, long et coûteux.

Deuxièmement, le projet de loi donne à la CCETP le pouvoir d'examiner, de sa propre initiative, des activités précises de la GRC.

Ce pouvoir permettra à la nouvelle commission de cerner les problèmes et de suggérer des façons d'améliorer les politiques et les procédures avant que le public ne dépose de plainte ou que surviennent des situations d'urgence pouvant ébranler la confiance du public en la GRC.

Troisièmement, la CCETP pourra assigner des témoins à comparaître et les contraindre à déposer oralement des déclarations sous serment et examiner des dossiers, sans devoir prendre la mesure extraordinaire de convoquer une audience publique.

Quatrièmement, le projet de loi C-42 permet à la CCETP de travailler de concert avec les provinces qui utilisent à contrat les services de police de la GRC.

La nouvelle commission sera en mesure de communiquer de l'information et des rapports aux ministres et à ses homologues provinciaux au besoin.

Elle aura aussi le pouvoir de mener des enquêtes, des examens ou des audiences conjointement avec d'autres organismes d'examen de l'application de la loi.

Je pense que le projet de loi C-42 répond dans une grande mesure à ces exigences.

Enfin, le projet de loi permet à la nouvelle commission d'exercer un meilleur contrôle sur le processus de traitement des plaintes.

Par exemple, en vertu de la législation actuelle, il n'y a pas de délai prescrit pour le dépôt d'une plainte.

Le projet de loi C-42 impose un délai de un an, mais une prolongation du délai est possible pour les plaintes et les examens, dans les cas où cela est raisonnable.

Ces améliorations permettent effectivement de remédier à bon nombre des faiblesses du régime d'examen actuel, mais j'ai quelques observations à faire au comité.

Ma première préoccupation, qui est personnelle, je l'admets, est liée à l'immunité de la présidence de la commission.

Le projet de loi C-42 accorde une certaine immunité aux membres de la CCETP, dans l'exercice de leurs pouvoirs et de leurs fonctions.

Cependant, cette immunité ne s'applique pas à la présidence de la CCETP.

Je crois que ce serait facile à régler. Je serais heureux — tout comme mes successeurs, j'en suis sûr —, si je ne risquais pas la prison chaque jour où je viens au bureau!

Le deuxième enjeu que j'aimerais soulever est lié aux dispositions du projet de loi qui donnent au commissaire de la GRC ou à son délégué le pouvoir de refuser d'enquêter sur une plainte qui, selon le président de la CCETP, devrait faire l'objet d'une enquête d'intérêt public.

En vertu de l'actuelle Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, la GRC n'a pas cette capacité : une plainte déposée par le président doit faire l'objet d'une enquête.

La raison pour laquelle cette limite est imposée est bien évidente. N'importe quel processus d'examen civil indépendant perdra sa crédibilité si l'organisation examinée est en mesure de déterminer si l'enquête sera menée ou non.

Je crois qu'une simple modification réglerait facilement le problème.

Ma troisième préoccupation découle du fait que le projet de loi exige de la CCETP qu'elle assure la protection des renseignements protégés qu'elle obtient de la GRC, sans toutefois exiger de la GRC qu'elle précise quels renseignements sont protégés.

La nature confidentielle des renseignements n'est pas toujours évidente à première vue, d'autant plus que la définition de renseignements protégés que donne le projet de loi n'est pas exhaustive.

La Commission reconnaît l'importance de protéger ces renseignements.

Cependant, pour que ces mesures soient convenablement appliquées, il faut que la GRC soit tenue d'informer la Commission lorsqu'elle lui transmet des renseignements protégés.

Enfin, on reconnaît généralement le principe selon lequel l'examen civil, pour être efficace, doit être opportun.

La Commission a adopté ce principe et s'impose des délais stricts pour toutes les étapes du processus de traitement des plaintes. Elle dépose chaque année un rapport public sur son propre rendement concernant ces délais.

Je suis content de voir que le principe des normes de service pour la CCETP est enchâssé dans le projet de loi C-42.

Je crois qu'il serait bon d'adopter des normes de service pour la GRC aussi.

Mis à part ces observations, je suis d'avis que le projet de loi C-42 codifie, de bien des façons, diverses pratiques adoptées par la GRC et la Commission au cours des dernières années.

Je dirais que ces pratiques démontrent l'appui croissant que donne la GRC à l'examen externe et le fait qu'elle reconnaît que nous travaillons tous en vue du même objectif : une GRC plus responsable et qui inspire davantage confiance.

Cette reconnaissance a certainement contribué à l'efficacité du travail de la Commission depuis que j'en suis le président par intérim, et je vous assure que nous n'avons pas manqué de travail.

En plus de répondre au nombre toujours plus grand de demandes du public concernant la conduite des membres de la GRC, la Commission a réagi à un certain nombre d'incidents très médiatisés, comme la mort des détenus Raymond Silverfox, John Simon et Clay Wiley, ainsi que les actes de la GRC dans le contexte des sommets du G8 et du G20.

La Commission a aussi réalisé un examen complet des services de police de la GRC au Yukon, et nous avons continué d'analyser l'utilisation que fait la GRC des armes à impulsions et de présenter un rapport annuel sur ce sujet.

La Commission mène actuellement une enquête sur la façon dont la GRC a traité des allégations de harcèlement en milieu de travail. Dans le cadre de cette enquête, nous avons examiné environ un millier de dossiers de la GRC et 70 présentations publiques à ce sujet.

Nous nous penchons sur la façon dont la GRC répond aux plaintes de harcèlement en milieu de travail et sur la mesure dans laquelle ses politiques lui permettent de traiter ces plaintes.

Nous comptons terminer notre rapport vers la fin de l'année civile.

Je suis très fier de tout cela.

Il me tarde de voir la CCETP poursuivre ce travail et en faire encore plus, grâce à ces pouvoirs accrus et à la régularisation de son financement.

Comme vous le savez, depuis plusieurs années, la CPP compte sur un financement provisoire qu'il faut renouveler chaque année pour qu'elle s'acquitte de son mandat.

Dans de telles circonstances, il est particulièrement difficile pour la Commission de maintenir son orientation stratégique tout en s'assurant de réagir dans toute la mesure requise aux nouveaux enjeux importants.

J'estime, toutefois, que grâce aux pouvoirs accrus prévus dans le projet de loi C-42, conjugués à un financement stable et légèrement plus élevé, la nouvelle CCETP s'appuiera sur des assises plus solides et pourra en faire encore plus pour la GRC et les Canadiens.

Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.

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