Réponse du commissaire

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Le 30 novembre 2017

Monsieur Guy Bujold
Vice-président intérimaire et président par intérim
Commission civile d'examen et de traitement des plaintes
relatives à la GRC
C.P. 1722, succursale B
Ottawa (Ontario)  K1P 0B3

Monsieur,

J'accuse réception du rapport intérimaire de la Commission sur la plainte déposée par le président concernant le décès de M. Victor Duarte dans un accident d'automobile survenu à Langley, en Colombie-Britannique (dossier no PC-2009-2863).

J'ai examiné l'affaire en cause, y compris les conclusions et les recommandations présentées dans le rapport intérimaire de la Commission.

Je suis d'accord avec la conclusion no 1, selon laquelle les membres de la GRC en cause dans l'incident du 29 octobre 2012 ne se sont pas conformés à la politique énoncée dans le Manuel des opérations de la Division « E », qui exige des membres qu'ils s'assurent que des mesures de sécurité sont prises.

Je suis également d'accord avec la conclusion no 2, selon laquelle le caporal Patrick Davies n'a pas supervisé adéquatement les opérations au point de contrôle.

Par contre, je suis en désaccord avec la conclusion no 3, selon laquelle le gendarme Robert Johnston et le gendarme Derek Cheng ont entrepris une poursuite qui n'était pas conforme à la politique.

À l'instar de mon délégué dans cette affaire, le surintendant D. R. Cooke, ainsi que du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) de la Colombie-Britannique, j'estime que les membres ne se sont pas engagés dans une poursuite. Cette conclusion se fonde sur le fait que la politique de la GRC (Manuel des opérations, chapitre 5.4, « Conduite de véhicules prioritaires [poursuites] ») et le Emergency Vehicle Driving Regulation de la Colombie-Britanniquedéfinissent tous deux le terme « poursuite » comme la « conduite d'un véhicule prioritaire afin d'appréhender une personne qui refuse de s'arrêter sur l'ordre d'un agent de la paix et qui tente d'éviter l'arrestation ». Cette définition commune suppose que deux conditions doivent être satisfaites pour qu'une situation constitue effectivement une poursuite : (1) le suspect refuse de s'arrêter sur l'ordre d'un agent de la paix; et (2) le suspect tente d'éviter l'arrestation. Tant le BEI que le surintendant Cooke ont interprété les faits entourant l'incident de manière à conclure qu'il n'avait pas été clairement ordonné au conducteur suspect de s'arrêter, ce qui ne répond donc pas au premier critère susmentionné.

Je reconnais que la Commission en est arrivée à une conclusion différente à la lumière de l'interprétation de divers aspects de l'incident. En tout respect cependant, je suis en désaccord avec les interprétations de la Commission pour les raisons décrites ci-dessous.

Au paragraphe 55 du rapport intérimaire, la Commission fournit plusieurs exemples de formes que peut prendre un ordre d'arrêter, sans toutefois indiquer comment ces formes auraient pu s'appliquer à l'incident en question ni déterminer si un ordre clair d'arrêter a été donné ou non au moment de l'incident.

Aux paragraphes 57 à 61 du rapport intérimaire, la Commission cite les déclarations faites par les membres en cause afin de démontrer qu'ils ont perçu que le conducteur suspect tentait de prendre la fuite. Cette perception des membres est sujette à interprétation, et même s'ils ont eu l'impression que le suspect tentait de quitter les lieux, cela ne change rien au fait que, conformément à la politique de la GRC et au Règlement de la Colombie-Britannique, une poursuite peut être engagée lorsqu'un autre critère est également satisfait, à savoir qu'un ordre d'arrêter est donné, auquel le conducteur désobéit (la Commission a reconnu ces deux critères distincts au paragraphe 53 du rapport intérimaire). Or, la Commission n'a fourni aucune indication permettant de déterminer si un ordre d'arrêter a été clairement donné ou non au conducteur suspect.

Au paragraphe 60 du rapport intérimaire, la Commission déduit, à partir du fait que deux membres - les gendarmes Cheng et Johnston - dans deux voitures distinctes ont pris le suspect en chasse, que ces membres ont reconnu que la situation pouvait constituer une éventuelle poursuite. Dans sa déclaration, le gendarme Cheng a affirmé qu'il avait rejoint le gendarme Johnston pour lui prêter main-forte dans une éventuelle poursuite à pied, au cas où le suspect aurait abandonné son véhicule, ou pour un contrôle routier effectué par le gendarme Johnston. Le gendarme Cheng a soutenu qu'il ne voulait pas se lancer dans une poursuite, mais plutôt venir en aide au gendarme Johnston dans l'éventualité où le suspect devait être intercepté.

Qui plus est, au paragraphe 61 du rapport intérimaire, la Commission s'appuie sur le rapport de police du caporal Davies, ainsi que sur les mesures documentées qu'il a prises pour repérer le conducteur suspect (p. ex., solliciter l'hélicoptère de la police, envoyer un membre à la résidence du propriétaire du véhicule, diffuser un avis de signalement dans le secteur avoisinant) pour conclure que le caporal Davies savait que le suspect était en train de prendre la fuite. Loin d'être répréhensibles, ces mesures prises par le caporal Davies n'indiquent toutefois pas que ce dernier a reconnu que la situation constituait une poursuite telle que définie dans la politique et le Règlement. Ces mesures n'étaient en fait que des étapes visant à retrouver le conducteur du véhicule.

Au paragraphe 62 du rapport intérimaire, la Commission fait état des intentions du conducteur suspect telles qu'il les a décrites dans sa déclaration. Je reviendrai sous peu sur la question de la déclaration du conducteur suspect.

Au paragraphe 63 du rapport intérimaire, la Commission mentionne que l'enregistrement vidéo de la caméra à bord du véhicule de police montre le véhicule du suspect qui s'éloigne à très grande vitesse. Encore une fois, il s'agit là d'un fait indéniable. Ce qui est moins catégorique toutefois, c'est qu'un ordre d'arrêter a été donné et enfreint, ce qui représente le critère à respecter pour engager une poursuite conformément à la politique de la GRC et au Règlement de la Colombie-Britannique.

Au paragraphe 64 du rapport intérimaire, la Commission fait référence au fait que des accusations criminelles ont été portées contre le conducteur suspect et que celui-ci a été déclaré coupable d'avoir fui la police en vertu du paragraphe 249.1(1) du Code criminel (remarque : le suspect a en fait été accusé et reconnu coupable de fuite de la police causant la mort aux termes du paragraphe 249.1(3) du Code criminel). La Commission se fonde sur le fait que la GRC a demandé et obtenu de la Couronne que le suspect fasse l'objet d'accusations qui comprennent un aspect implicite de poursuite pour conclure que la GRC a reconnu qu'une poursuite avait eu lieu lors de l'incident. En toute déférence, je ne suis pas d'accord avec ce raisonnement. En droit criminel, la définition du terme « poursuite » diffère de celle qui lui est donnée dans des contextes administratifs tels que les politiques de la GRC ou les règlements provinciaux sur la conduite automobile. Aux termes de l'article 249.1 du Code criminel, les tribunaux ont, de façon générale, accepté la définition suivante du terme « poursuite » : « action de suivre dans l'intention de rejoindre », le verbe « rejoindre » signifiant « rattraper ». Voilà la définition sur laquelle la Couronne se serait appuyée au moment d'approuver les accusations. Fort différente de celle que l'on trouve dans la politique de la GRC et le Règlement de la Colombie-Britannique, cette définition ne devrait pas être appliquée dans le cadre d'une enquête sur une plainte du public soumise en vertu de la partie VII de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, où c'est le comportement des membres par rapport à une norme attendue qu'on passe au microscope. La Commission a d'ailleurs elle-même reconnu l'importance de distinguer les fins de la partie VII de la Loi des instances criminelles, au paragraphe 56 du rapport intérimaire :

« Il est essentiel de reconnaître que le but de la politique sur les poursuites est de circonscrire les situations dans lesquelles un membre est autorisé à poursuivre un véhicule, et non de définir des éléments de l'infraction de fuite de la police prévue au Code criminel. Par conséquent, la politique doit être lue conformément à cet objectif. »

Fait important, même si le BEI mène actuellement une enquête criminelle concernant les membres en cause, je considère comme toujours pertinente l'interprétation de l'incident faite par le Bureau, qui tente de déterminer si le comportement des membres a enfreint la norme de conduite acceptée dans une mesure telle qu'il en constituait de la négligence criminelle ou de la conduite dangereuse, la politique de la GRC et les règlements provinciaux étant l'un des nombreux éléments constitutifs de cette norme acceptée.

Aux paragraphes 65 à 67 du rapport intérimaire, la Commission s'appuie sur divers éléments pour affirmer que les membres savaient que le conducteur suspect prenait la fuite. Même si on admettait cette affirmation, elle ne tient nullement compte de la conclusion selon laquelle un ordre d'arrêter n'a pas été clairement donné au suspect, cet ordre d'arrêter étant l'un des éléments constitutifs d'une poursuite telle que définie dans la politique de la GRC et le Règlement de la Colombie-Britannique. Aux paragraphes 66 et 67, la CCETP renvoie au raisonnement du surintendant Cooke, selon lequel il était acceptable que les membres tentent de s'approcher du conducteur en fuite afin de lui intimer clairement l'ordre d'arrêter, puisque cet ordre n'avait pas été donné au moment du contact initial. Je trouve raisonnable la justification fournie par le surintendant Cooke, des motifs similaires ayant aussi été évoqués dans le rapport du BEI, qui a conclu que :

[Traduction]
« Dans le cas présent, nous concluons que les agents avaient des motifs raisonnables de croire initialement que le conducteur avait peut-être mal compris leur ordre de se ranger sur le côté de la route. C'est pourquoi la décision initiale visant à tenter de “s'approcher” du véhicule contrevenant en activant les dispositifs d'urgence était objectivement raisonnable. » (Rapport du BEI, page 5.)

La Commission a présumé que cela irait à l'encontre de la politique, au motif qu'il n'était pas acceptable que les membres tentent de s'approcher du véhicule puisque la situation n'en était plus une d'approche, mais plutôt de poursuite telle que définie dans la politique. Encore une fois, il faut rappeler que la politique exige d'abord qu'un ordre d'arrêter soit donné (ce qui ne s'est pas produit dans le cas présent) et subséquemment enfreint pour que la situation puisse constituer une poursuite, exigence que la Commission a manifestement reconnue au paragraphe 67 du rapport intérimaire :

« Selon la politique actuelle, une fois qu'un conducteur a refusé d'obéir à un policier qui lui fait signe de s'arrêter et tente d'éviter l'arrestation, la politique sur les poursuites, et non pas celle relative à l'“approche d'un véhicule”, doit immédiatement s'appliquer. »

Au paragraphe 82 du rapport intérimaire, la Commission a aussi reconnu manifestement que l'ordre d'arrêter n'avait pas été clairement communiqué.

Au paragraphe 68 du rapport intérimaire, la Commission a déterminé que l'infraction de ressort provincial de conduite sous le coup d'une interdiction de conduire n'est pas une infraction pour laquelle on peut se lancer dans une poursuite et que, par conséquent, les membres ne pouvaient pas engager une poursuite (argument également présenté aux paragraphes 51 et 52). Bien que cela soit exact, une interdiction de conduire peut également être imposée en vertu de l'article 259 du Code criminel, la conduite pendant une telle interdiction devenant ainsi une infraction criminelle (paragraphes 259(4) et 259(5)), en plus de constituer une infraction de ressort provincial (partie 2 de la British Columbia Motor Vehicle Act).Il convient par ailleurs de rappeler que la conduite sous le coup d'une interdiction de conduire de ressort provincial imposée à la suite d'une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies représente aussi une infraction criminelle (sous-alinéa 259(5)b)(i) du Code criminel), et qu'il n'est pas interdit de s'engager dans une poursuite aux termes de la politique de la GRC dans le cas de telles interdictions de conduire. Selon les preuves au dossier, notamment une sortie papier du système de reconnaissance automatisée des plaques d'immatriculation (SRAPI) et la déclaration du gendarme Gaenor Cox, le SRAPI n'a fourni aucune indication relative à l'origine de l'interdiction de conduire de ressort provincial (mauvais dossier de conduite, ce qui constituerait une infraction provinciale n'autorisant pas le déclenchement d'une poursuite, ou facultés affaiblies, ce qui peut représenter un élément de l'infraction criminelle de conduite sous le coup d'une interdiction de conduire conformément au paragraphe 259(4) et au sous-alinéa 259(5)b)(i) du Code criminel). Étant donné la vitesse à laquelle l'incident s'est produit, les membres n'ont vraisemblablement pas eu le temps de consulter les bases de données pour déterminer l'origine de l'interdiction de conduire. Par conséquent, il est de prime abord possible que la poursuite - s'il y en eut effectivement une - ait résulté d'une infraction criminelle.

Au paragraphe 70 du rapport intérimaire, la Commission se fonde sur les enregistrements radio pour alléguer que les membres connaissaient l'identité du conducteur suspect et savaient donc qu'il n'était pas urgent de l'arrêter.

Ces enregistrements radio ont été passés en revue, mais aucune référence à la confirmation de l'identité du suspect n'a été trouvée. Au mieux, les enregistrements indiquent que les membres disposaient d'une description physique sommaire du conducteur suspect. Le SRAPI avait fourni des renseignements sur le propriétaire immatriculé du véhicule, mais cela ne signifiait pas nécessairement que ce propriétaire immatriculé était également le conducteur du véhicule.

Au paragraphe 72 du rapport intérimaire, la Commission fait référence à la déclaration du conducteur suspect, qui a expliqué que la vue des gyrophares de la police l'a « poussé à continuer de conduire de façon imprudente afin de prendre la fuite ». En tout respect, j'estime qu'il convient de faire preuve de prudence au moment d'évoquer la déclaration du suspect, dans laquelle plusieurs incohérences ont été relevées.

  • Le conducteur suspect a déclaré à plusieurs reprises que le véhicule de police se trouvait tout juste derrière lui, tandis que l'enregistrement vidéo de la caméra à bord de ce véhicule montre que la camionnette du suspect est si éloignée qu'elle en est à peine visible; en fait, la camionnette est invisible pendant la majeure partie de l'enregistrement.
  • Le conducteur suspect a déclaré qu'il conduit rarement à haute vitesse, mais l'extrait certifié de son dossier de conduite de Colombie-Britannique fait état de trois condamnations pour excès de vitesse.
  • Le suspect a aussi déclaré que le véhicule de police qui le poursuivait était une voiture blanche identifiée de type Crown Victoria, alors que le véhicule de police qui se trouvait le plus près du suspect était un VUS gris banalisé.
  • Le conducteur suspect a déclaré qu'il portait sa ceinture de sécurité, comme il le fait toujours, mais son dossier de conduite certifié fait état de cinq condamnations pour avoir omis de porter la ceinture de sécurité. Qui plus est, l'inspection de son véhicule qui a été effectuée après la collision par les Services intégrés d'analyse et de reconstitution des collisions (SIARC) a permis de déterminer que la ceinture de sécurité du conducteur n'était pas bouclée.
  • Le conducteur suspect a déclaré que deux ou trois véhicules qui roulaient devant lui ont également effectué un virage sur ordre des policiers, alors que l'enregistrement vidéo montre que les véhicules qui devançaient le suspect ont été autorisés à passer le point de contrôle et n'ont pas effectué de virage.

Ne portant pas nécessairement à croire que le conducteur avait l'intention de tromper, ces incohérences peuvent assurément résulter de troubles de la mémoire consécutifs à la commotion cérébrale causée par la collision. Elles appellent toutefois à la prudence au moment d'évoquer les preuves fournies par le conducteur suspect.

En guise de conclusion au paragraphe 72 du rapport intérimaire, la Commission affirme que la conduite dangereuse d'un automobiliste tentant d'échapper à la police représente « précisément [l]e genre de réaction d'un conducteur en fuite que la politique sur les poursuites vise à prévenir ». En toute déférence, j'estime que la politique sur les poursuites n'a pas été conçue pour prévenir les fuites et les poursuites, mais plutôt pour circonscrire les situations dans lesquelles une poursuite peut ou non être engagée. La CCETP semble pourtant avoir reconnu cet objectif au paragraphe 56 du rapport intérimaire.

Je suis en désaccord avec la conclusion no 4, à savoir que le caporal Davies n'a pas donné la directive aux gendarmes Johnston et Cheng de mettre fin à leur poursuite, conformément à mon constat selon lequel les gendarmes Johnston et Cheng ne se sont pas engagés dans une poursuite.

Jeuis d'accord avec la conclusion no 5, selon laquelle les politiques nationales de la GRC sur les points de contrôle sont inadéquates.

J'appuie la recommandation no 1, qui préconise que l'on modifie la politique nationale de la GRC pour donner des directives précises sur la disposition d'un point de contrôle afin de minimiser le risque de poursuites, notamment en utilisant un véhicule empêchant la fuite et des véhicules de police clairement identifiés, lorsqu'ils sont disponibles. J'ordonnerai donc que la politique soit modifiée en conséquence.

J'appuie également la recommandation no 2, à savoir que la GRC offre à tous les membres réguliers qui participent aux activités à des points de contrôle de la formation additionnelle sur la façon de planifier un point de contrôle afin de minimiser le risque de poursuite et de collision, et que cette formation devrait aussi mettre l'accent sur d'autres méthodes d'application de la loi. J'ordonnerai donc qu'on envisage la possibilité d'offrir de la formation supplémentaire.

Je suis partiellement d'accord avec la conclusion no 6, selon laquelle les politiques nationales de la GRC sur les poursuites dans un véhicule de police sont inadéquates.

Je n'appuie pas la recommandation no 3, à savoir que la politique nationale de la GRC soit modifiée pour supprimer la notion d'« approche d'un véhicule ».

 J'estime que la notion d'« approche d'un véhicule » est nécessaire dans les situations de contrôles routiers ordinaires, car les membres doivent se positionner de manière à être vus d'un contrevenant et à pouvoir procéder au contrôle routier. La manœuvre d'approche visant à faire en sorte qu'un véhicule se range sur le côté en vue d'un contrôle routier est une mesure qui doit être appliquée de manière sécuritaire et rigoureuse et qui doit faire l'objet d'un certain contrôle stratégique de la part de la GRC. Fait à noter, le Emergency Vehicle Driving Regulation de la Colombie-Britannique inclut également la notion d'« approche d'un véhicule ».

De même, je n'appuie pas la recommandation no 4, qui préconise que la définition de « poursuite » dans la politique nationale de la GRC comprenne le concept qu'une poursuite commence quand le conducteur d'un véhicule visé prend une mesure d'évitement pour établir une distance entre lui-même et les policiers, que les dispositifs d'urgence soient activés ou non sur le véhicule ou les véhicules de police impliqués dans une tentative d'interception.

J'estime en effet que la recommandation proposée est redondante, la politique actuelle s'appuyant déjà sur une approche à deux volets similaire, soit 1) une tentative d'arrestation (« s'arrêter sur l'ordre d'un agent de la paix ») et 2) une mesure d'évitement (« tenter d'éviter l'arrestation »), peu importe que les dispositifs d'urgence aient été déclenchés ou non.

J'appuie la recommandation no 5, à savoir que la politique nationale de la GRC exige des membres qu'ils cessent immédiatement toute tentative d'intercepter un véhicule une fois que la situation correspond à la définition d'une poursuite, à moins que celle-ci puisse se poursuivre conformément aux critères énoncés dans la politique (et qui sont proposés à la recommandation no 8). J'ordonnerai que des modifications soient apportées à la politique de façon que cette exigence soit clairement indiquée.

Je n'appuie pas la recommandation no 6, c'est-à-dire que le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents (MIGI) soit modifié pour inclure les poursuites en véhicule dans la catégorie « force meurtrière ».

Je suis d'avis que les véhicules de police ne devraient pas être considérés comme une option approuvée en matière de « recours à une force meurtrière ». La principale fonction d'un véhicule de police est de transporter les agents qui doivent se rendre sur les lieux d'un appel de service ou en revenir, ainsi que de transporter des clients dans le cadre de l'exercice des fonctions de policier. Il n'a pas été conçu pour servir d'outil d'intervention en réaction au comportement d'un individu. Un véhicule de police ne devrait pas être considéré comme une option acceptable en matière de « recours à une force meurtrière », même s'il peut, comme n'importe quel autre objet, tenir lieu  d'arme improvisée dans une situation donnée si le policier, après avoir évalué les risques, détermine que son utilisation est raisonnable et nécessaire pour neutraliser la menace.

Il est raisonnable de supposer que si un agent de police utilise son véhicule dans le cadre d'une poursuite, l'évaluation des risques grimpe d'un niveau conformément au processus d'évaluation des risques. Dans le contexte d'une poursuite automobile, un agent prend en chasse le véhicule d'un individu dans le but de procéder à son arrestation tout en évaluant la gravité de l'infraction par rapport aux impératifs de sécurité du public et de l'agent lui-même. L'accent ne devrait pas être mis sur l'utilisation du véhicule en tant qu'arme ou option acceptable de recours à la force. Cela ne signifie toutefois pas qu'il serait interdit à un agent de police, à la lumière d'une évaluation continue des risques et compte tenu de la totalité des circonstances, de se servir de son véhicule comme d'un outil de recours à une force meurtrière s'il peut expliquer les motifs pour lesquels il a jugé qu'une telle réaction était raisonnable et nécessaire.

Cependant, la formation et la politique opérationnelle pertinente ne devraient pas mettre l'accent sur cet aspect, ce qui aurait pour effet de détourner l'attention de la fonction et de l'intention premières d'une poursuite automobile, compte tenu de la préoccupation primordiale pour la sécurité du public et des policiers. Je reconnais que la politique « Conduite de véhicules prioritaires (poursuites) » fait référence au MIGI, mais je souligne qu'il s'agit là d'un modèle qu'un agent de police peut utiliser pour évaluer les risques de façon continue en se fondant sur une analyse des facteurs situationnels, du comportement du suspect, des perceptions de l'agent et des impératifs tactiques.

Dans le contexte d'une poursuite, l'agent s'appuie sur cette évaluation des risques pour déterminer s'il doit entreprendre, continuer ou abandonner une poursuite et non utiliser son véhicule comme un outil d'intervention. Par exemple, un agent de police intervenant dans une situation où on croit qu'un suspect se déplace pour aller commettre un meurtre se servirait du MIGI comme d'un guide dans le cadre de son évaluation des risques afin de déterminer s'il doit entreprendre une poursuite étant donné la menace posée par le suspect et le risque pour le public.

Je n'appuie pas la recommandation no 7, à savoir que la formation de recyclage sur le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents comprenne une formation sur les poursuites en véhicule.

Comme je l'ai mentionné relativement à la recommandation no 6, je n'appuie pas l'inclusion des poursuites automobiles dans le MIGI. J'ordonnerai toutefois qu'on envisage la possibilité d'établir un processus récurrent de renouvellement de la certification pour la conduite de véhicules prioritaires, y compris lors de poursuites.

J'appuie la recommandation no 8, qui préconise que la politique nationale de la GRC soit modifiée pour interdire clairement les poursuites en véhicule à moins que le membre ait des motifs raisonnables de croire que l'occupant du véhicule a commis ou s'apprête à commettre un acte criminel violent grave contre une autre personne, ou que le risque auquel fait face le public si l'individu n'est pas immédiatement intercepté est plus important que le risque que courent le public, les policiers et le suspect s'il y a poursuite en véhicule.

La politique actuelle établit une liste d'infractions pour lesquelles un véhicule ne doit pas faire l'objet d'une poursuite. J'ordonnerai que la politique soit modifiée de manière à préciser les infractions pour lesquelles il peut être justifié qu'un membre engage une poursuite plutôt que de présenter une longue liste d'infractions pour lesquelles il est interdit de déclencher une poursuite, comme c'est le cas actuellement.

J'appuie la recommandation no 9, à savoir que la GRC mène des recherches sur les nouvelles technologies telles que les dispositifs de repérage par GPS, les véhicules aériens sans pilote et les antidémarreurs électroniques pour élaborer des solutions de rechange efficaces et sûres aux poursuites en véhicule.

Bien qu'elle se soit penchée sur les technologies proposées par la Commission dans le cadre de cette recommandation, lesquelles présentaient des lacunes qui en ont empêché la mise en œuvre, la GRC demeure au fait des nouvelles technologies policières et les étudie de façon constante.

Je n'appuie pas la recommandation no 10, soit que la GRC modifie la politique nationale afin qu'il soit obligatoire de remplir le formulaire Comportement du sujet et intervention de l'agent (CSIA) après chaque poursuite en véhicule, même si celle-ci a été abandonnée.

Le formulaire CSIA constitue un processus de présentation de rapport essentiel pour un policier, car il lui permet de justifier l'option d'intervention qu'il a appliquée en réaction à la nécessité de gérer le comportement d'une personne. Or, le déclenchement d'une poursuite n'est pas une option d'intervention, mais plutôt une technique policière.

J'ordonnerai toutefois que le formulaire de rapport de poursuite 2088 soit modifié de manière à inclure les facteurs situationnels communs au rapport CSIA, tels que l'environnement, le nombre d'individus, la connaissance des individus, le temps et la distance et les indices de menace.

Enfin, j'appuie la recommandation no 11, c'est-à-dire que la GRC publie un rapport annuel contenant des statistiques détaillées tirées des données recensées sur les poursuites, dont le nombre de poursuites effectuées, le résultat de ces poursuites, le nombre de collisions, de blessures et de décès attribuables aux poursuites et les décisions judiciaires définitives. J'ordonnerai qu'on envisage la possibilité d'établir un tel rapport annuel.

En terminant, je suis impatient de recevoir votre rapport final sur la présente affaire.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.

Signature
Stephen White
Commissaire adjoint
Dirigeant principal p. i. des ressources humaines

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