Rapport intérimaire du président – Enquête d'intérêt public concernant la mort du détenu Robert Thurston Knipstrom

Format PDF 248 Ko

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada Paragraphe 45.46(3)

Le 25 novembre 2009

No de dossier : PC 2007 2427

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Table des matières

Résumé

Introduction

La mort d'une personne à la suite d'une intervention policière soulève souvent des questions provenant du public au sujet du degré de force employée, de la formation des agents, de la pertinence de la police enquêtant sur la police et du niveau attendu de transparence de la part des autorités. À titre de plus grand corps de police du Canada et de principal fournisseur de services de police de la Colombie-Britannique, la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) doit démontrer que, face à un tel incident, elle est en mesure de mener une enquête transparente et efficace portant sur ces préoccupations. La confiance du public en la GRC et sa légitimité à agir avec l'appui nécessaire du public sont en jeu.

Consciente des préoccupations exprimées relativement au recours à la force par les membres de la GRC, la Commission des plaintes du public contre la GRC (la Commission) exerce, le cas échéant, ses pouvoirs au nom du public afin d'examiner en profondeur les faits qui suscitent la préoccupation du public, ainsi que de déterminer si l'enquête de la GRC sur les événements en question était appropriée. Le présent rapport examine la réponse de la GRC à un appel de demande d'aide le 19 novembre 2007 au sujet d'une altercation avec Robert Thurston Knipstrom et de la mort de celui-ci qui s'ensuivit. J'ai examiné en détail les faits en l'espèce dans le but de déterminer :

  1. si les membres en cause dans les événements, du premier contact avec M. Knipstrom jusqu'à ce que le personnel des services médicaux d'urgence le prenne en charge, ont agi conformément à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences obligatoires;
  2. si la GRC a mené une enquête adéquate sur l'incident.

Pour les raisons énoncées ci-après, j'ai conclu que les membres en question ont agi raisonnablement et que, dans l'ensemble, l'enquête a été menée comme il se doit. J'ai cependant relevé plusieurs préoccupations touchant l'enquête qui ont été indiquées dans de nombreux autres rapports de la Commission et auxquelles la GRC doit donner suite immédiatement.

Examen des faits par la Commission

Le 19 novembre 2007, peu avant 15 h, M. Knipstrom aurait été impliqué dans un délit de fuite sur Yale Road, près d'Airport Road, à Chilliwack, en Colombie-Britannique. M. Knipstrom a immédiatement quitté les lieux et s'est dirigé vers un centre de location de matériel afin de retourner une déchiqueteuse à bois qu'il avait louée. Lorsqu'il est arrivé au comptoir, le téléphone a sonné. Il s'agissait d'un témoin du délit de fuite, qui s'informait à M. Walsh, propriétaire du magasin, au sujet du conducteur de la camionnette stationnée à l'extérieur du magasin de location. L'appelante a mentionné à M. Walsh qu'elle allait téléphoner à la GRC au sujet de la conduite erratique du conducteur et de son implication dans le délit de fuite. Pendant que M. Walsh écoutait au téléphone, M. Knipstrom aurait dit : [traduction] « C'est un mensonge », donnant à penser qu'il avait surpris la conversation.

M. Knipstrom a payé sa facture et a téléphoné à son père pour qu'il vienne le chercher en prétendant que sa camionnette ne voulait pas démarrer. Pendant qu'il attendait, il a commencé à se comporter de façon bizarre, y compris monter et descendre l'escalier menant au deuxième étage où travaillait du personnel féminin, en mentionnant qu'il s'y sentirait plus en sécurité. M. Walsh, propriétaire du magasin, l'a empêché de monter et il a ensuite demandé à M. Knipstrom de quitter les lieux. Le comportement de M. Knipstrom a persisté, et il ne voulait pas partir de sorte que M. Walsh a demandé au gérant du magasin, Bradley McCrea, de communiquer avec la GRC pour demander de l'aide.

Les gendarmes Chad Mufford et Annie Labbe ont été dépêchés sur les lieux et sont arrivés au magasin approximativement 15 minutes après l'appel initial. À leur arrivée, M. Knipstrom était assis au bas de l'escalier et M. Walsh était debout, quelques marches plus haut derrière lui. M. Walsh et la gendarme Labbe se sont éloignés de l'escalier pour discuter de la situation, tandis que le gendarme Mufford a tenté d'engager la conversation avec M. Knipstrom. Brusquement, M. Knipstrom s'est levé et est passé devant le gendarme Mufford. M. Knipstrom a refusé d'obéir au gendarme Mufford qui lui a demandé de s'arrêter et il a adopté la position d'un boxeur avec les poings serrés. S'en est suivi une lutte violente lorsque le gendarme Mufford a tenté de maîtriser physiquement M. Knipstrom, qui poussait le gendarme Mufford, lui donnait des coups de poing et se jetait sur lui. L'agent a eu recours à diverses techniques de main et à des armes intermédiaires et à impact, y compris l'aérosol capsique, une arme à impulsionsNote de bas de page 1 (AI) et son bâton. La gendarme Labbe a également utilisé son aérosol capsique et son AI pendant l'altercation. Toutes les tentatives et les techniques employées n'ont eu que peu d'effet sur M. Knipstrom, qui a continué à lutter et à poursuivre le gendarme Mufford dans le magasin. Ultérieurement, des renforts sont arrivés, et ils ont pu plaquer M. Knipstrom au sol. Il a fallu un certain nombre de membres pour le maîtriser et le menotter.

Les premiers intervenants et les services médicaux d'urgence (SMU) ont été dépêchés sur les lieux, et M. Knipstrom a été transporté à l'hôpital de Chilliwack, où il a subi un arrêt cardiaque peu après son arrivée. Les efforts de réanimation du personnel de l'hôpital ont été fructueux, mais M. Knipstrom n'a jamais repris conscience. Il a par la suite été transféré à l'hôpital Surrey Memorial, où il est mort le 24 novembre 2007.

Principales questions traitées dans le présent rapport

1. Recours à la force et soins médicaux

Aux termes de l'article 25 du Code criminel, les policiers sont autorisés à employer la force nécessaire dans l'exercice de leurs fonctions. Toutefois, le policier doit avoir des motifs raisonnables d'agir ainsi. D'après l'article 27, le policier est fondé à employer la force raisonnablement nécessaire pour empêcher la perpétration d'une infraction pour laquelle la personne qui la commet peut être arrêtée sans mandat ou qui serait de nature à causer des blessures immédiates et graves à la personne ou des dégâts immédiats et graves aux biens de toute personne ou pour empêcher l'accomplissement d'une telle infraction. Il importe de souligner que l'on ne s'attend pas à ce que le policier mesure avec exactitude la force employée.

Avant d'avoir recours à la force, il incombe à l'agent de la paix d'effectuer une évaluation du risque, jumelée à la prise en compte des facteurs conjoncturels qui sont propres à chaque incident. Les facteurs conjoncturels comprennent les conditions météorologiques, la taille du sujet par rapport à celle du membre, la présence d'armes, le nombre de sujets et de policiers, ainsi qu'une quantité d'autres facteurs particuliers qui sont associés à chaque incident. Les membres de la GRC ont en outre reçu une formation pour être en mesure d'avoir recours à un niveau de force d'un degré plus élevé que le niveau de résistance que présente la personne avec qui ils ont affaire.

D'après les déclarations des gendarmes Mufford et Labbe, ces derniers étaient conscients des facteurs conjoncturels suivants : un certain nombre d'articles dans le magasin de location auraient pu servir d'arme et des personnes se trouvaient dans le magasin. M. Knipstrom est devenu violent presque immédiatement. M. Knipstrom ne voulait pas obtempérer aux ordres du gendarme Mufford; il a continué d'attaquer et il est demeuré debout après qu'on lui a ordonné de s'arrêter et de s'asseoir ou de rester allongé. M. Knipstrom a montré une force et une endurance inhabituelles et semblait insensible à la douleur. Les techniques de recours à la force utilisées par les membres ont eu peu d'effet sur lui.

Il y avait également des facteurs conjoncturels dont les membres n'étaient pas conscients. M. Knipstrom venait tout juste d'être impliqué dans un accident mineur de la route. Il avait des antécédents de consommation abusive de drogues illicites et, d'après les conclusions du pathologiste, M. Knipstrom était sous l'emprise d'une dose potentiellement mortelle de drogues illicites lorsqu'il est entré dans le centre de location de matériel. Les comptes rendus de la famille confirment que son comportement changeait énormément lorsqu'il était sous l'emprise de la drogue, qu'il devenait souvent « paranoïaque » et « délirant ». Les membres ne savaient pas non plus que M. Knipstrom avait été confronté par la police plus tôt cette année-là et que l'AI avait été utilisée à de multiples reprises contre lui. À ce moment-là, il avait été arrêté et conduit à l'hôpital. Les dossiers d'hospitalisation indiquent qu'il était atteint de psychose et de délire aigus dus aux drogues.

Interaction initiale

Lorsque les gendarmes Mufford et Labbe sont entrés en contact avec M. Knipstrom, ils enquêtaient sur une plainte au sujet d'un homme qui troublait la paix et qui refusait de quitter le magasin. Au moment où ils sont entrés dans le magasin, il est vite apparu que M. Knipstrom était le sujet de la plainte. Les gendarmes Labbe et Mufford ont amorcé leur enquête en tentant de parler à M. Walsh et à M. Knipstrom, séparément, et ils ont manifestement agi dans le cadre de leurs fonctions en procédant ainsi. Ils enquêtaient sur les troubles, mais ils devaient recueillir plus de renseignements afin d'évaluer la situation et de prendre les mesures qui s'imposaient.

Plutôt que de répondre à une question posée par le gendarme Mufford, M. Knipstrom s'est levé brusquement et a heurté le gendarme Mufford. En se fondant sur tous les renseignements dont il disposait à ce moment-là, le gendarme Mufford avait des motifs raisonnables de soupçonner que M. Knipstrom troublait la paix, en contravention de l'article 175 du Code criminel, et il avait le devoir de donner suite à l'affaire. C'est pourquoi le gendarme Mufford a ordonné à M. Knipstrom de s'arrêter. À mon avis, il s'agissait de l'exercice justifiable du pouvoir policier dans les circonstances. De plus, en raison de l'évolution de la situation et du fait que M. Knipstrom a résisté et qu'il a physiquement agressé le gendarme Mufford, M. Knipstrom pouvait être arrêté pour voies de fait contre un agent de la paix.

Conclusion : Il était légitime pour les membres d'interagir avec M. Knipstrom, et ils en avaient l'obligation en raison de leurs fonctions.

Utilisation de l'aérosol capsique et du bâton

Après que M. Knipstrom s'est jeté pour la première fois sur le gendarme Mufford, le policier a tenté en vain de plaquer M. Knipstrom au sol. Toutefois, M. Knipstrom a continué de crier, de donner des coups de poing et d'agripper le policier. À ce moment-là, le gendarme Mufford a envoyé un jet de gaz poivré au visage de M. Knipstrom, mais sans effet dissuasif. La gendarme Labbe a ensuite fait la même chose, sans qu'il y ait d'effet non plus. Le gendarme Mufford a alors sorti et allongé son bâton ASP et s'en est servi pour bloquer les coups de poing de M. Knipstrom. Le gendarme Mufford a déclaré que des coups ont atteint, par inadvertance, la tête et le visage de M. Knipstrom, mais qu'il voulait atteindre ses bras et ses épaules. J'estime que cette explication est raisonnable, étant donné que la tête de M. Knipstrom était appuyée contre le thorax du gendarme Mufford à ce moment-là. Toutefois, là également, il n'y a pas eu d'effet dissuasif.

Les deux témoins civils présents pendant la suite d'événements confirment que les membres étaient en position défensive et que M. Knipstrom a continué de s'agiter, peu importe les mesures qui étaient prises. Compte tenu du comportement combatif de M. Knipstrom, j'estime qu'il n'était pas déraisonnable que les membres utilisent l'aérosol capsique et un bâton de la façon dont ils l'ont fait et qu'ils ont agi conformément à la politique de la GRC sur le recours à la force.

Conclusion : Il n'était pas déraisonnable que les membres utilisent l'aérosol capsique et un bâton de la façon dont ils l'ont fait, et ils ont agi conformément à la politique de la GRC sur le recours à la force.

Utilisation de l'arme à impulsions (AI)

Actuellement, la GRC classifie l'AI comme un dispositif intermédiaire. À la date de l'incident, les armes de cette catégorie pouvaient être utilisées contre les personnes manifestant un comportement résistant ou combatif. Comme il est indiqué ci-dessus, M. Knipstrom est devenu combatif lorsque le gendarme Mufford lui a dit de s'arrêter et de s'asseoir par terre. De plus, on a utilisé d'autres options de recours à la force avant d'avoir recours à l'AI, qui ont semblé n'avoir aucun effet. À ce moment-là, le gendarme Mufford a décidé d'utiliser son AI. Il a lancé les sondes dans le dos de M. Knipstrom. Elles ne semblent pas avoir eu d'effet, peut-être parce que les sondes n'ont pas pénétré dans son manteau épais.

La gendarme Labbe a déclaré qu'elle croyait que l'AI était le meilleur outil disponible pour maîtriser M. Knipstrom. Elle l'a utilisée la première fois après que le gendarme Mufford a utilisé la sienne sans effet et que M. Knipstrom l'a frappée à la partie supérieure du thorax. Elle l'a utilisée en mode sonde et elle a cru que cela avait eu un effet, car M. Knipstrom semblait moins combatif. Il a commencé à se retourner, a tenté d'enlever les électrodes et de se remettre debout. La gendarme Labbe a averti M. Knipstrom de demeurer au sol sinon elle allait utiliser le TaserMD contre lui. Il a continué d'essayer d'enlever les électrodes, et elle a utilisé l'AI une deuxième fois. Elle indique avoir été surprise de constater qu'il n'y avait pas eu d'effet et elle a cru que c'était probablement parce que le contact avec les sondes ne se faisait plus. Elle a donc changé les cartouches. Pendant ce temps, M. Knipstrom s'est dirigé vers la sortie en lui tournant le dos. Elle a lancé les sondes à l'aide de la nouvelle cartouche, mais elle a éteint l'AI, car les renforts sont entrés dans le magasin.

Au moment où sont arrivés le gendarme Kardos et d'autres policiers, les gendarmes Mufford et Labbe disaient à M. Knipstrom de s'allonger sur le sol. M. Knipstrom a continué de hurler et de crier de façon incohérente. Il s'est levé et s'est dirigé vers le gendarme Kardos. Le gendarme Kardos lui a ordonné de s'arrêter. M. Knipstrom a levé les poings partiellement serrés près de son thorax. Le gendarme Kardos a dégainé son AI, l'a pointée en direction de M. Knipstrom et lui a dit de s'arrêter. Il n'a pas réagi aux ordres ni n'a changé son comportement. Le gendarme Kardos a utilisé son AI en mode sonde en visant le centre du thorax de M. Knipstrom. Il semble que ce dernier n'a pas été touché. Il a utilisé de nouveau l'AI, qui a semblé n'avoir aucun effet. M. Knipstrom a par la suite été plaqué au sol par un autre agent.

D'après les comptes rendus des membres, M. Knipstrom aurait reçu six décharges de l'AI en tout : une décharge envoyée par le gendarme Mufford, trois par la gendarme Labbe et deux par le gendarme Kardos. Les trois membres indiquent que l'AI a semblé avoir peu d'effet sur M. Knipstrom. D'après les déclarations de plusieurs des membres et des témoins civils, ils ont entendu les décharges de l'AI. Voilà qui appuie la thèse des membres selon laquelle les AI fonctionnaient mal, soit parce que le manteau de M. Knipstrom ne permettait pas au courant de passer, soit parce que l'AI proprement dite était défectueuse.

Les AI émettent un son qu'on appelle souvent « cliquetis ». Dans le cadre de la formation, les membres de la GRC apprennent que le son indique que l'arme ne fonctionne pas ou que les effets sont limités. Par exemple, lorsqu'une électrode pénètre un vêtement, selon la position de la personne et le mouvement des vêtements, il se crée une bulle d'air qui nuit à la capacité de l'énergie électrique de compléter le circuit et de provoquer la perturbation neuromusculaire. Les effets peuvent être intermittents, car le vêtement bouge. Le cliquetis résulte de l'arc électrique, c'est-à-dire l'électricité qui traverse la bulle d'air. L'agent peut évaluer les effets sur la personne à la fois par le son émis par le dispositif (ou l'absence de son) et par l'observation visuelle de la personne.

En me fondant sur ce qui précède, j'estime que les membres ont raisonnablement conclu que M. Knipstrom ne ressentait pas pleinement les effets des décharges de l'AI, si tant est qu'il les ait ressenties à l'occasion. J'estime également qu'il était raisonnable que la gendarme Labbe utilise de nouveau son AI et qu'elle tente d'utiliser une deuxième cartouche lorsque la deuxième décharge n'a pas semblé régler le fait que l'AI avait un effet limité.

Une autre question a été soulevée quant à l'écart entre le nombre de fois où les gendarmes Mufford et Labbe déclarent avoir utilisé leur AI et le nombre de fois indiqué dans les rapports des données téléchargées. Les rapports indiquent trois activations de l'AI du gendarme Mufford et cinq dans le cas de la gendarme Labbe. Il est impossible de déterminer avec certitude la raison des écarts. Toutefois, l'appel du gendarme Mufford, à 15 h 35 min 35 s, afin d'obtenir des renforts indique que l'on a administré à M. Knipstrom une décharge électrique au pistolet Taser à deux reprises, ce qui étaye sa déclaration selon laquelle il croyait avoir utilisé son AI une fois et avoir entendu la gendarme Labbe utiliser ensuite son AI. L'analyse du recours à la force par la GRC donne à penser que les utilisations supplémentaires peuvent être attribuables à la réaction du nerf sympathique. Par exemple, le gendarme Mufford a continué de tenir l'AI dans sa main pendant qu'il luttait et frappait M. Knipstrom, et son doigt serait demeuré sur la gâchette. Comme l'AI ne semblait pas avoir d'effet sur M. Knipstrom, les membres n'ont probablement pas remarqué les activations non voulues, le cas échéant.

Lorsque les membres ont décidé d'utiliser leur AI, il leur incombait de l'utiliser le moins de fois possible pour maîtriser M. Knipstrom. Dans ces circonstances extraordinaires, étant donné la force et l'endurance manifestées par M. Knipstrom et le fait que son manteau semblait nuire aux effets de l'AI, j'estime que le nombre d'utilisations était raisonnable. Je constate que, tandis que la politique de la GRC en vigueur à la date de l'incident déconseillait d'utiliser l'AI de façon répétitive, à moins que les circonstances ne dictent le contraire, j'estime que les membres ont raisonnablement conclu que les circonstances dictaient le contraire dans le cas qui nous occupe.

Conclusions

  • Il était raisonnable que les membres utilisent l'AI lorsque d'autres options de recours à la force (techniques de contrôle à mains fermées, aérosol capsique, bâton) semblaient n'avoir aucun effet sur M. Knipstrom.
  • L'utilisation de l'AI par le gendarme Mufford était raisonnable dans les circonstances.
  • La décision de la gendarme Labbe d'utiliser son AI après que le gendarme Mufford a utilisé son AI était raisonnable dans les circonstances.
  • Les utilisations de l'AI par le gendarme Kardos étaient raisonnables dans les circonstances.
  • Il était raisonnable que les membres concluent que M. Knipstrom ne ressentait pas pleinement les décharges électriques de l'AI, si tant est qu'il les ait ressenties à l'occasion.
  • La décision de la gendarme Labbe d'utiliser à nouveau son AI et de tenter d'utiliser une deuxième cartouche lorsque l'envoi d'autres décharges électriques semblait avoir peu d'effet était raisonnable dans les circonstances.
Conclusion relative aux options de recours à la force

Il est important de reconnaître la nature très dynamique de l'incident qui s'est déroulé en six minutes et qui exigeait des mesures décisives. Il faut également se rappeler que la concentration de MDMA (méthylènedioxyméthamphétamine, aussi appelée « ecstasy ») et de MDA (méthylènedioxyamphétamine, un métabolite de MDMA) dans le sang de M. Knipstrom révèle qu'il était fortement intoxiqué. Compte tenu de tous les renseignements disponibles et du comportement de M. Knipstrom, je conclus que les gendarmes Mufford, Labbe et Kardos ont employé les options de recours à la force conformément aux politiques de la GRC et aux lois.

Conclusion : Les gendarmes Mufford, Labbe et Kardos ont employé les options de recours à la force conformément aux politiques de la GRC et aux dispositions législatives.

Contrainte à la suite de l'arrestation

À la date de l'incident, la politique de la GRC prescrivait de retirer M. Knipstrom de la position ventrale lorsque cela devenait sécuritaire de le faire, soit dès qu'il a été maîtrisé. Après son arrestation, M. Knipstrom a été maintenu en position ventrale, soit face contre terre sur le ventre, jusqu'à l'arrivée du personnel médical. Il a par la suite été maintenu dans cette position jusqu'à ce qu'il subisse un arrêt cardiaque. Les SMU et les membres sur les lieux ont tenté de retirer M. Knipstrom de la position couchée, mais comme il était très résistant et très agité, ils ont dû le laisser dans cette position pour éviter d'autres blessures. Dans la mesure où les membres en question ont pris la décision de maintenir M. Knipstrom en position ventrale, j'estime qu'il était raisonnable pour eux d'agir ainsi, car ils croyaient, avec raison, que M. Knipstrom risquait de subir davantage de blessures s'ils agissaient autrement.

Conclusion : Dans la mesure où ce sont les membres en question qui ont décidé de maintenir M. Knipstrom en position ventrale après son arrestation, il était raisonnable pour eux de le faire dans les circonstances.

Obtention de soins médicaux

L'AI a été utilisée à de multiples reprises contre M. Knipstrom, et il a été manifestement blessé. Les membres avaient donc l'obligation d'obtenir des soins médicaux pour lui dès que possible. L'examen des mesures prises par les membres après l'utilisation de l'AI confirme que l'on a demandé des soins médicaux pour M. Knipstrom pendant l'altercation et à plusieurs reprises par la suite. Les intervenants médicaux confirment que les membres ont communiqué comme il se doit les options de recours à la force utilisées contre M. Knipstrom.

Conclusion : Les membres ont obtenu comme il se doit des soins médicaux pour M. Knipstrom.

Conclusion relative à la pertinence des mesures prises par les membres

En conclusion, j'estime que, en ce qui concerne M. Knipstrom, les mesures prises par les membres visés relativement aux soins à fournir à une personne blessée ou à qui l'on a administré une décharge de l'AI pendant qu'elle était placée sous garde l'ont été conformément à la politique de la GRC en vigueur à la date de l'incident.

Conclusion : Les membres de la GRC qui sont intervenus au cours des événements mettant en cause M. Knipstrom le 19 novembre 2007, du premier contact jusqu'à ce que le personnel des SMU le prenne en charge, ont agi conformément à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences obligatoires en ce qui concerne l'arrestation et le traitement de personnes détenues.

2. Conformité de l'enquête de la GRC

L'incident a fait l'objet d'une enquête par une équipe intégrée d'enquêteurs de la GRC, le Groupe des crimes graves (GCG) de la Division « E », le Groupe intégré des enquêtes sur les homicides (IHIT) et le Service de police d'Abbotsford.

Au moment d'évaluer la conformité d'une enquête criminelle, il importe de tenir compte des mesures prises pendant l'enquête. L'enquête convenable sur un incident grave exige, entre autres, qu'un membre suive toutes les pistes fournies promptement et efficacement, interroge toutes les sources et les suspects possibles promptement et efficacement, et demande tous les tests et rapports judiciaires pertinents pour vérifier la preuve matérielle. Un membre doit en outre consulter deux ou trois experts possédant des connaissances spécialisées, suivre la politique connexe de la GRC et les autres textes connexes de technique policière au besoin et assurer la bonne gestion de cas des dossiers en veillant à ce que des notes dûment écrites étayent les mesures prises pendant l'enquête ainsi que toute poursuite intentée ultérieurement.

Immédiatement après le départ de l'ambulance avec M. Knipstrom, la zone du magasin a été isolée, et les employés ont été tenus à l'écart des lieux. L'accès a été limité uniquement aux spécialistes judiciaires, au personnel d'enquête et au personnel de surveillance. Leur identité ainsi que leur heure d'arrivée et de départ ont été notées. D'après les éléments de preuve, je suis convaincu que les lieux ont été sécurisés comme il se doit après l'incident.

La Section des enquêtes générales à Chilliwack s'est chargée des étapes initiales de l'enquête, notamment sécuriser les lieux, identifier les témoins immédiats, recueillir leurs déclarations et saisir les éléments de preuve. Les membres de la Section de l'identité judiciaire étaient également présents sur les lieux. Lorsque l'état de santé de M. Knipstrom s'est aggravé, une équipe d'enquête « indépendante » a été appelée, conformément à la politique de la GRC dans les cas de blessures graves ou de mort.

Conclusions

  • Les lieux ont été sécurisés comme il se doit.
  • Le personnel approprié a été dépêché sur les lieux au moment opportun.
  • Une équipe d'enquête « indépendante » a été constituée rapidement, conformément à la politique de la GRC.
Gestion des cas graves

Selon le modèle de gestion des cas graves, les rôles du triangle de commandement ont été assignés aux membres du Groupe des cas graves de la Division « E ». Le sergent d'état-major Randy Hundt a assumé le rôle de chef d'équipe et a nommé le sergent Matthew Toews inspecteur principal et la caporale Karina Desrosiers, coordonnatrice des dossiers. La caporale Jennifer McDonald a par la suite assumé le rôle de coordonnatrice des dossiers. Ils étaient tous des membres qualifiés possédant une expérience des enquêtes sur les crimes graves.

Tous les membres de l'équipe d'enquête ont rempli un questionnaire d'impartialité élaboré par la GRC, visant à garantir la plus grande objectivité possible de la part des membres en cause dans un tel cas. Par le passé, les membres avaient déjà eu affaire à des agents du Détachement de Chilliwack pendant la formation ou les enquêtes, mais ces liens ne semblaient pas importants au point de présenter un risque de conflit d'intérêts, et aucun membre de l'équipe d'enquête ne connaissait les gendarmes Mufford, Labbe ou Kardos.

Conclusion : L'enquête a été gérée conformément aux principes de gestion des cas graves.

Témoins

On a recueilli les déclarations des témoins civils sur les lieux immédiatement après l'incident. Entre le 19 et le 22 novembre, les enquêteurs ont mené plus de 60 entrevues auprès des témoins (membres de la police et civils) et ont recueilli la preuve matérielle. On a parcouru le voisinage dans le but de localiser d'autres témoins ainsi que l'élément de preuve de vidéosurveillance pouvant jeter davantage de lumière sur les événements ayant provoqué l'altercation.

Conclusion : Tous les témoins pertinents ont été interrogés.

Déclarations des membres

Les membres de la GRC sont tenus de fournir un « compte rendu » de leurs activités quand ils en reçoivent l'ordre. Ce compte rendu est appelé « obligation de rendre compte ». Les citoyens ne sont soumis à aucune exigence de cette nature dans le cours normal des enquêtes policières.

Immédiatement après l'incident, le sergent Manj a demandé au gendarme MacIntosh de retourner au détachement avec les gendarmes Mufford et Labbe afin de recueillir leurs déclarations. Il a obtenu une déclaration enregistrée sur bande audio de la gendarme Labbe. Le gendarme Mufford a fourni sa déclaration sous forme d'un rapport réglementaire écrit le jour même et il a fourni un autre rapport le 21 décembre 2007. Rien n'indique que le gendarme MacIntosh a demandé une déclaration enregistrée à ce
moment-là. Après leurs rapports initiaux, les gendarmes Mufford et Labbe ont décidé de ne fournir que des déclarations écrites par l'entremise de leur conseiller juridique, comme ils étaient en droit de le faire. Dans le dossier, on a indiqué que les enquêteurs ont tenté d'organiser des entrevues personnelles avec les gendarmes Mufford et Labbe, ce qui a été refusé. Toutefois, les enquêteurs ont soumis d'autres questions aux membres, auxquelles ils ont répondu par écrit.

Même s'il aurait été préférable que l'on puisse disposer d'une entrevue ou déclaration enregistrée du gendarme Mufford et d'une autre déclaration enregistrée des deux membres concernant les questions de suivi (ce qui aurait probablement fourni davantage de renseignements précis et des éclaircissements de leur part), j'estime que les enquêteurs ont déployé des efforts raisonnables en vue de les obtenir et que les membres avaient le droit de refuser ces demandes.

On a obtenu des déclarations écrites et audio des autres membres qui étaient présents sur les lieux pendant l'incident.

Conclusion : Les enquêteurs ont déployé des efforts raisonnables au moment d'interroger et de recueillir la déclaration des membres en cause.

Rôle joué par le représentant des relations fonctionnelles

Les incidents de cette nature soulèvent toujours la question de la pertinence de la participation du représentant des relations fonctionnelles (RRF). Les déclarations fournies en raison de l'obligation de rendre compte se rapportant à des incidents graves sont parfois recueillies après une réunion entre le RRF et le membre en cause. Cette pratique peut parfois donner lieu à la remise en question de la crédibilité des déclarations données.

Le caporal Baier, qui se trouvait sur les lieux de l'incident après que M. Knipstrom a été plaqué au sol et maîtrisé, s'est réuni avec les gendarmes Mufford et Labbe dans le cadre de son rôle de RRF. Il souligne qu'il n'a pas discuté de l'incident avec eux, mais qu'il s'est informé de leur bien-être et leur a demandé s'ils avaient besoin de quoi que ce soit. Il a également informé les membres des attentes à l'égard de leur obligation de rendre compte.

Selon les principes de l'enquête, on doit séparer les témoins immédiatement afin de les soustraire à toute occasion éventuelle qu'ils pourraient avoir d'harmoniser leur témoignage ou d'échafauder une version des événements. Les rencontres comme celles avec le caporal Baier me préoccupent en raison du potentiel d'influence ou d'ingérence inappropriée dans le cadre d'une enquête. Je constate que la déclaration de la gendarme Labbe a été recueillie avant qu'elle rencontre le RRF. Toutefois, le premier rapport préparé par le gendarme Mufford indique une heure qui suit la rencontre avec le RRF. Je suis préoccupé par le fait que la réunion a pu influencer la déclaration du gendarme Mufford et par le fait que les gendarmes Labbe et Mufford se trouvaient dans la même pièce avant que le gendarme Mufford ne remplisse sa déclaration. Une autre préoccupation tient au fait que le caporal Baier a été témoin d'une partie des événements qui ont eu lieu, bien qu'il s'agisse des événements ayant eu lieu après la maîtrise initiale de M. Knipstrom.

L'enquêteur doit pouvoir mener l'entrevue auprès du membre en cause sans que le RRF ait d'abord pu discuter des faits de la situation avec le membre. J'estime qu'un RRF n'aurait pas dû être autorisé à rencontrer seul les membres avant que les déclarations fournies en raison de l'obligation de rendre compte n'aient été recueillies.

S'il convient d'expliquer l'obligation d'un membre de fournir la déclaration, il serait plus approprié de l'expliquer en présence de l'enquêteur. Toutefois, la question de la déclaration par obligation de rendre compte a déjà été soulevée, et j'ai recommandé la nécessité d'évaluer la pertinence de la participation du RRF. Dans ma décision concernant l'affaire Ian BushNote de bas de page 2, j'ai recommandé que la GRC élabore une politique où elle préciserait l'exigence même, le moment auquel y satisfaire et l'usage qui sera fait de la déclaration par obligation de rendre compte que doivent produire les membres de la GRC. Voici ce que le commissaire Elliott de la GRC a répondu le 2 novembre 2007 :

Je souscris à cette recommandation et je demanderai au directeur des services de police communautaires, contractuels et autochtones de veiller à ce que cela soit fait en temps utile

À ce jour, la Commission n'a pas obtenu la confirmation de la mise en œuvre de cette recommandation.

Conclusion : Un RRF n'aurait pas dû être autorisé à rencontrer seul le gendarme Mufford avant qu'il ne présente sa déclaration par obligation de rendre compte, ni le gendarme Mufford ou la gendarme Labbe avant l'arrivée de l'équipe d'enquête.

Recommandations

  • Si le protocole relatif à la présence du RRF doit être maintenu, la GRC doit officialiser le rôle du RRF en fournissant une orientation et une politique claires visant à garantir que le RRF connaît les limites de sa participation et les protocoles exigés relativement à une telle présence.
  • Je réitère ma recommandation formulée dans la décision relative à l'affaire Ian Bush (novembre 2007) et dans la décision relative à l'affaire St. Arnaud (mars 2009) : « Que la GRC élabore une politique où elle précisera l'exigence même, le moment auquel y satisfaire et l'usage qui sera fait de la déclaration par obligation de rendre compte que doivent produire les membres de la GRC. »
Pertinence des chargés d'entrevue assignés

Comme on l'a indiqué ci-dessus, les agents sur les lieux ont amorcé l'enquête immédiatement après l'incident, soit approximativement deux heures avant que les enquêteurs du Groupe des crimes graves ne soient assignés à l'affaire. Dans la décision relative à l'affaire Ian Bush, j'ai recommandé que la GRC élabore une politique, tenant compte du besoin d'assurer une impartialité réelle et perçue, d'orientation des membres de la GRC se trouvant sur place dans le cas d'affaires entraînant une enquête sur la conduite policière. Le commissaire était d'accord avec cette recommandation.

L'affaire s'est compliquée du fait qu'il n'a pas été déterminé que l'enquête allait être menée par une équipe d'enquête spéciale avant que M. Knipstrom subisse un arrêt cardiaque. Toutefois, on aurait dû, à tout le moins, prendre des mesures pour éviter le manque réel ou perçu d'impartialité.

a) Rang des chargés d'entrevue

J'ai récemment commenté le caractère inadéquat du fait que l'entrevue soit menée auprès d'un membre impliqué dans un incident par un membre du même rang ou d'un rang inférieurNote de bas de page 3. Cette différence de rang présente le risque potentiel que l'enquêteur soit victime d'intimidation de la part du membre en cause si celui-ci est d'un rang supérieur. Il est aussi possible que l'enquêteur soit supervisé ultérieurement par le membre en cause; et l'enquêteur de rang inférieur pourrait alors être tenté d'accorder un traitement préférentiel au membre en cause d'un rang supérieur pour gagner sa faveur en vue de considérations futures. Il faut tenir compte de cette possibilité de conflit d'intérêts. Toutefois, lorsqu'une enquête est menée selon le modèle de gestion des cas graves, il faut que le chef d'équipe soit de rang supérieur à celui du membre en cause. Je constate que, dès la création de l'Équipe de gestion des cas graves (EGCG), le chef d'équipe était d'un rang supérieur approprié.

Toutefois, avant la formation de l'EGCG, bon nombre des membres visés ont été interrogés. Malheureusement, un certain nombre de ces entrevues ont été menées par un autre membre du même rang ou d'un rang inférieur. Par exemple, la gendarme Labbe a été interrogée par le gendarme MacIntosh. Le gendarme MacIntosh a également été nommé pour interroger le sergent Preto. Ce genre de technique d'entrevue n'a pas eu d'incidence négative sur les résultats, mais il y avait risque de conflit d'intérêts (réel ou apparent).

Conclusion : Il est inapproprié que les membres en cause soient interrogés par des membres du même rang ou d'un rang inférieur dans les affaires où le modèle de gestion des cas graves n'est pas utilisé.

Recommandation : Que toutes les entrevues menées auprès des membres impliqués dans des incidents graves soient menées par des membres d'un rang supérieur dans les affaires où le modèle de gestion des cas graves n'est pas utilisé.

b) Nombre de chargés d'entrevue

Dans le rapport intitulé La police enquêtant sur la police, je soulignais également qu'il est tout particulièrement préoccupant qu'un seul enquêteur soit responsable de l'enquête sur un membre. Il vaut mieux qu'une équipe de deux membres interroge toutes les personnes visées (particulièrement le membre en cause). Avant la constitution de l'équipe intégrée d'enquête, la gendarme Labbe a été interrogée par un seul membre qui, comme il a été précédemment mentionné, était du même rang qu'elle. Idéalement, deux membres seront présents pour mener ces entrevues. Je remarque qu'il y avait généralement deux membres pendant les entrevues auprès des témoins dès que l'équipe intégrée d'enquête a été mise en place.

Recommandation : Que tous les interrogatoires des témoins dans le cas des incidents graves soient menés par une équipe composée de deux membres.

c) Lien entre le chargé d'entrevue et l'incident

La politique de la GRC précise qu'un membre ne peut faire enquête sur une plainte s'il peut se trouver en situation de conflit d'intérêtsNote de bas de page 4. D'après l'article 37 de la Loi sur la GRC, il incombe à chaque membre d'éviter tout conflit d'intérêts réel, apparent ou possible. Je note qu'on a demandé au gendarme Kardos d'interroger les deux principaux témoins civils immédiatement après l'incident; toutefois, étant donné qu'il a été impliqué dans le recours à la force contre M. Knipstrom, j'estime qu'il était inapproprié que le gendarme Kardos mène ces entrevues. M. Knipstrom n'avait pas commencé à avoir des problèmes de santé au moment des interrogatoires, mais l'incident était suffisamment grave et les autres membres disponibles étaient suffisamment nombreux pour qu'il soit plus approprié qu'un autre membre n'étant pas intervenu au cours de l'incident ait mené ces entrevues. Le gendarme Kardos était en conflit d'intérêts lorsqu'il a interrogé les témoins de l'incident.

Conclusion : Il était inapproprié que le gendarme Kardos soit nommé pour interroger les deux principaux témoins civils, car il a été impliqué dans l'incident et il se trouvait en situation de conflit d'intérêts.

d) Résumé

Idéalement, aucune entrevue n'aurait dû être menée avant la constitution et l'arrivée de l'EGCG. Toutefois, comme la décision de faire venir l'équipe intégrée n'a été prise qu'après que M. Knipstrom a subi un arrêt cardiaque, les chargés d'entrevue auraient dû être des personnes n'ayant pas participé à l'intervention dans le cadre de l'incident et qui étaient idéalement de rang supérieur aux membres visés. De plus, il est préférable qu'une équipe composée de deux membres interroge les personnes impliquées (particulièrement les membres en cause).

Essais d'AI

Le sergent d'état-major Steven Wade au détachement de la GRC de Langley a préparé un rapport sur les données téléchargées de l'AI, daté du 24 novembre 2007, en fonction des données téléchargées des trois AI utilisées au cours de l'incident. Les détails du rapport sont mentionnés dans l'analyse du recours à la force.

La décision d'envoyer les AI utilisées au cours de l'incident pour des essais indépendants visant à établir leur fonctionnement n'a été prise qu'un an après l'incident. À la date de l'incident, la politique de la GRC était plutôt floue. De plus, la décision d'envoyer ou non l'AI en vue d'essais était laissée à la discrétion de l'enquêteur. Or, on procédait en novembre 2008 à des modifications de la politique, et les enquêteurs ont reçu la directive de retirer les AI et de les soumettre à des essais. Plusieurs mois plus tard, la nouvelle politique est entrée en vigueur et elle précise clairement que tous les AI doivent être envoyées en vue de subir des essais indépendants lorsqu'un incident entraîne la mort ou des blessures nécessitant des soins médicaux qui sont directement attribuables à l'utilisation d'une AI.

Conclusion : La politique de la GRC relative aux essais d'AI en vigueur à la date de l'incident était inadéquate. Toutefois, je suis convaincu du fait que la modification de la politique de la GRC a clarifié les cas où des essais devraient être effectués lorsqu'un incident entraînant la mort est attribuable à l'utilisation d'une AI.

Théorie d'enquête et examen des antécédents de M. Knipstrom

En tentant de comprendre ce qui a provoqué le comportement agressif de M. Knipstrom, les enquêteurs ont examiné ses démêlés antérieurs avec la police et ont interrogé ses amis et les membres de sa parenté. La pratique n'est pas rare dans le cadre d'une enquête visant à expliquer une agression apparemment non provoquée d'une personne contre un policier précédée par un comportement bizarre. À mon avis, les enquêteurs ont respecté les limites appropriées concernant la collecte et l'utilisation de tels renseignements.

La GRC a également étudié un groupe de symptômes manifestés par M. Knipstrom (appelé « délire excité » par la politique de la GRC à l'époque) qui ont peut-être influé sur l'incident, et ce, dès le début. L'enquête s'est attardée sur cette théorie. Toutefois, le dossier d'enquête indique que le sergent Toews a semblé reconnaître que le fait de confirmer si M. Knipstrom présentait un délire excité ajouterait aux éléments de preuve existants, mais que le fait de catégoriser le comportement de M. Knipstrom n'aurait pas d'incidence au moment de déterminer si les mesures prises par les membres qui sont intervenus étaient appropriées. J'estime que les enquêteurs ne se sont pas penchés comme il se doit sur le diagnostic de délire excité pour expliquer la mort de M. Knipstrom.

Conclusion : La mesure dans laquelle les enquêteurs ont examiné les antécédents de M. Knipstrom et se sont servis de ces renseignements était raisonnable et appropriée dans les circonstances.

Conclusion : La mesure dans laquelle les enquêteurs ont examiné le rôle du délire excité dans la mort de M. Knipstrom était raisonnable dans les circonstances.

Communication avec le coroner avant la mort de M. Knipstrom

Il est dans l'intérêt du public que les morts subites ou inexpliquées fassent l'objet d'une enquête, et dans le cas de la mort d'une personne détenue, une enquête du coroner est obligatoire dans la province de la Colombie-Britannique. Les policiers sont tenus de déclarer les faits et les circonstances entourant la mort d'une personne pendant qu'elle était sous leur garde ou à la suite, directement ou indirectement, de l'intervention d'un agent de police qui a agi dans le cadre de ses fonctions. En l'espèce, la GRC a décidé de signaler l'incident au coroner avant la mort de M. Knipstrom.

L'enquêteur principal, le sergent Toews, a communiqué à plusieurs reprises avec le bureau du coroner avant la mort de M. Knipstrom. Il a abordé les répercussions du délire excité dans l'affaire. Advenant la mort de M. Knipstrom, il s'est informé de la possibilité de conserver le cerveau du sujet pour examen des indicateurs de délire excité, et a évoqué la question d'éventuels examens post-mortem, y compris l'éventuel examen du cerveau par un spécialiste américain du délire excité.

L'opinion de la police est très importante dans le cadre des travaux du coroner, mais il y a toujours le risque que ces communications soient perçues comme une tentative indue d'influencer les conclusions du coroner. Toutefois, à mon avis, les mesures prises par le sergent Toews n'ont pas nui à l'indépendance du bureau du coroner au moment de déterminer les examens à effectuer et elles n'étaient pas déraisonnables dans les circonstances.

Conclusion : Les communications de la GRC avec le bureau du coroner avant la mort de M. Knipstrom n'étaient pas déraisonnables ni inappropriées dans les circonstances.

Examen par un agent indépendant

On s'est également penché sur les circonstances entourant la mort de M. Knipstrom, dans le cadre de l'examen par un agent indépendant. L'examen par un agent indépendant est un examen administratif interne. Au cours d'un examen initial, il a déterminé que l'enquête a été menée de façon minutieuse, professionnelle et impartiale. Toutefois, un examen final était prévu après l'enquête du coroner, et si je comprends bien, il est en cours.

Examen par un autre organisme

Dans de nombreux cas de la mort de personnes détenues, on demande à un autre service de police d'effectuer un examen externe indépendant des circonstances de la mort et de déterminer si la GRC a effectué une enquête approfondie, professionnelle et impartiale. Or, cela n'a pas été le cas dans cette affaire, et le dossier n'indique pas pourquoi il n'y a pas eu d'examen externe. Je ne tire pas de conclusion ou ne formule pas de recommandations quant au fait que la GRC aurait dû ou non prévoir un tel examen, car j'ai récemment mentionné dans mon rapport intitulé La police enquêtant sur la police que la Commission est d'avis que de telles enquêtes doivent être menées par un organisme externe dans un premier tempsNote de bas de page 5.

Pas d'examen par l'avocat de la Couronne

En Colombie-Britannique, la Couronne doit approuver les accusations qui seront portées. En fonction des renseignements révélés par l'enquête, la GRC peut soumettre un rapport à l'avocat de la Couronne avant de déterminer s'il y a lieu de porter des accusations contre un membre. D'après la politique, les membres de la GRC doivent le faire si des éléments de preuve étayent une poursuite. Dans la présente affaire, les enquêteurs ont décidé de ne pas soumettre de rapport au procureur de la Couronne. J'estime cependant qu'il n'y avait pas d'élément de preuve étayant une poursuite et qu'il était raisonnable de ne pas envoyer de rapport au procureur de la Couronne.

Conclusion : Il n'y avait pas d'élément de preuve étayant une poursuite, et il était raisonnable que la GRC ne soumette pas de rapport à l'avocat de la Couronne pour examen.

Rapidité de l'enquête

Un autre sujet de préoccupation concernant l'enquête est le temps qu'il a fallu pour la mener à terme. Dans mon rapport La police enquêtant sur la police, j'établis une définition de base de ce que constitue une intervention « rapide » de l'équipe d'enquête. Les principales caractéristiques de la rapidité adéquate des enquêtes sur les membres sont que l'enquête sur le membre a été effectuée dans un délai de six mois (ou moins) et qu'elle ne devrait pas dépasser un an.

Les principaux aspects de l'enquête ont été bouclés dans les six mois suivant l'incident. La preuve matérielle dans le cadre de l'enquête a été recueillie en moins de 24 heures. Les rapports de spécialistes ont été soumis dans les délais généralement reconnus pour ces types d'analyse. À la fin du mois d'avril 2008, le seul rapport de spécialiste en suspens était le rapport du pathologiste, qui ne relevait pas de la GRC et qui a été reçu le 3 septembre 2008. La famille de M. Knipstrom a été informée au sujet de l'enquête le 14 octobre 2008 : on avait conclu que l'enquête avait écarté tout comportement criminel de la part des membres en cause. Une « gestion interne » du dossier d'enquête a été effectuée après cette date mais, essentiellement, l'enquête était close. Je suis convaincu qu'il n'y a pas eu de retard déraisonnable dans l'enquête et qu'elle a été menée à terme rapidement.

Toutefois, je constate qu'on a tardé à informer les trois membres principalement visés par l'enquête : les gendarmes Mufford, Labbe et Kardos. Leur séance d'information a eu lieu le 10 décembre 2008, soit près de deux mois après la séance d'information à l'intention de la famille de M. Knipstrom. Le dossier ne contient aucune explication quant au retard, même s'il était indiqué que le chef d'équipe, le sergent d'état-major Hundt, a informé au moins un membre (le gendarme Mufford), quelques mois auparavant, qu'il était innocenté de tout acte répréhensible. On ne sait pas si les autres membres ont reçu le même message. J'aimerais souligner l'importance d'informer non pas seulement la famille, mais les membres en cause des résultats de l'enquête dès que possible afin qu'ils puissent connaître le résultat (bon ou mauvais) et aller de l'avant. Il est particulièrement crucial de le faire lorsqu'une enquête remet en question la pertinence de la conduite d'un membre qui a, directement ou indirectement, causé des blessures graves ou la mort.

Je constate également que le rapport final, bien que rédigé plusieurs mois auparavant, n'a pas été achevé avant le 11 mars 2009. Je comprends qu'on avait déjà conclu qu'il n'y avait pas eu faute criminelle et que, lorsque aucun rapport n'est soumis à l'avocat de la Couronne, il est possible qu'on accorde généralement une priorité moins élevée au rapport final. Toutefois, il importe que le rapport final soit achevé rapidement afin, à tout le moins, de garantir au public que l'affaire a été traitée en priorité et que l'équipe d'enquête a fait preuve de diligence. Le retard à fournir le rapport final d'enquête, qui signifie officiellement la conclusion de l'enquête, peut miner la crédibilité de l'enquête et du rapport.

Conclusion : Il n'y a pas eu de retard injustifié dans l'enquête de la GRC sur la mort de M. Knipstrom, et l'enquête a été menée à terme rapidement.

Conclusion

Tout incident au cours duquel une personne meurt à la suite d'une altercation avec la police soulève un certain nombre de préoccupations chez le public, particulièrement lorsque l'enquête sur un tel incident est effectuée par le même service de police que celui des policiers visés. L'altercation avec M. Knipstrom, sa mort et l'enquête ultérieure menée par la GRC illustre un tel cas. Dans le présent rapport, je me suis efforcé de présenter une évaluation juste et objective de l'incident et de l'enquête. Même si j'ai conclu que les membres visés ont agi raisonnablement et que l'enquête a été adéquatement menée, dans l'ensemble, l'enquête a soulevé plusieurs préoccupations mentionnées dans de nombreux autres rapports de la Commission. Je conseille fortement à la GRC de prendre des mesures rapides afin que ces questions soient enfin prises en compte si on veut rétablir et maintenir la confiance du public à l'égard de l'intégrité des enquêtes menées par la GRC.

Résumé des conclusions et des recommandations

  • Conclusion : Je conclus que les gendarmes Mufford, Labbe et Kardos avaient suivi la formation agréée courante de la GRC sur les options de recours à la force accessibles aux membres dans l'exécution de leurs fonctions.
  • Conclusion : Il était légitime pour les membres d'interagir avec M. Knipstrom, et ils en avaient l'obligation en raison de leurs fonctions.
  • Conclusion : Il n'était pas déraisonnable que les membres utilisent l'aérosol capsique et un bâton de la façon dont ils l'ont fait, et ils ont agi conformément à la politique de la GRC sur le recours à la force.
  • Conclusion : Il était raisonnable que les membres utilisent l'AI lorsque d'autres options de recours à la force (techniques de contrôle à mains fermées, aérosol capsique, bâton) semblaient n'avoir aucun effet sur M. Knipstrom.
  • Conclusion : L'utilisation de l'AI par le gendarme Mufford était raisonnable dans les circonstances.
  • Conclusion : La décision de la gendarme Labbe d'utiliser son AI après que le gendarme Mufford a utilisé son AI était raisonnable dans les circonstances.
  • Conclusion : Les utilisations de l'AI par le gendarme Kardos étaient raisonnables dans les circonstances.
  • Conclusion : Il était raisonnable que les membres concluent que M. Knipstrom ne ressentait pas pleinement les décharges électriques de l'AI, si tant est qu'il les ait ressenties à l'occasion.
  • Conclusion : La décision de la gendarme Labbe d'utiliser à nouveau son AI et de tenter d'utiliser une deuxième cartouche lorsque l'envoi d'autres décharges électriques semblait avoir peu d'effet était raisonnable dans les circonstances.
  • Conclusion : Les gendarmes Mufford, Labbe et Kardos ont employé les options de recours à la force conformément aux politiques de la GRC et aux lois.
  • Conclusion : Dans la mesure où ce sont les membres en question qui ont décidé de maintenir M. Knipstrom en position ventrale après son arrestation, il était raisonnable pour eux de le faire dans les circonstances.
  • Conclusion : Les membres ont obtenu comme il se doit des soins médicaux pour M. Knipstrom.
  • Conclusion : Les membres de la GRC qui sont intervenus au cours des événements mettant en cause M. Knipstrom le 19 novembre 2007, du premier contact jusqu'à ce que le personnel des services médicaux d'urgence le prenne en charge, ont agi conformément à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences obligatoires en ce qui concerne l'arrestation et le traitement de personnes détenues.
  • Conclusion : Les lieux ont été sécurisés comme il se doit.
  • Conclusion : Le personnel approprié a été dépêché sur les lieux au moment opportun.
  • Conclusion : Une équipe d'enquête « indépendante » a été constituée rapidement, conformément à la politique de la GRC.
  • Conclusion : L'enquête a été gérée conformément aux principes de gestion des cas graves.
  • Conclusion : Tous les témoins pertinents ont été interrogés.
  • Conclusion : Les enquêteurs ont déployé des efforts raisonnables au moment d'interroger et de recueillir la déclaration des membres en cause.
  • Conclusion : Un RRF n'aurait pas dû être autorisé à rencontrer seul le gendarme Mufford avant qu'il ne présente sa déclaration par obligation de rendre compte, ni le gendarme Mufford ou la gendarme Labbe avant l'arrivée de l'équipe d'enquête.
  • Recommandation : Si le protocole relatif à la présence du RRF doit être maintenu, la GRC doit officialiser le rôle du RRF en fournissant une orientation et une politique claires visant à garantir que le RRF connaît les limites de sa participation et les protocoles exigés relativement à une telle présence.
  • Recommandation : Je réitère ma recommandation formulée dans la décision relative à l'affaire Ian Bush (novembre 2007) et dans la décision relative à l'affaire St. Arnaud (mars 2009) : « [q]ue la GRC élabore une politique où elle précisera l'exigence même, le moment auquel y satisfaire et l'usage qui sera fait de la déclaration par obligation de rendre compte que doivent produire les membres de la GRC. »
  • Conclusion : Il est inapproprié que les membres en cause soient interrogés par des membres du même rang ou d'un rang inférieur dans les affaires où le modèle de gestion des cas graves n'est pas utilisé.
  • Recommandation : Que toutes les entrevues menées auprès des membres impliqués dans des incidents graves soient menées par des membres d'un rang supérieur dans les affaires où le modèle de gestion des cas graves n'est pas utilisé.
  • Recommandation : Que tous les interrogatoires des témoins dans le cas des incidents graves soient menés par une équipe composée de deux membres.
  • Conclusion : Il était inapproprié que le gendarme Kardos soit nommé pour interroger les deux principaux témoins civils, car il a été impliqué dans l'incident et il se trouvait en situation de conflit d'intérêts.
  • Conclusion : La politique de la GRC relative aux essais d'AI en vigueur à la date de l'incident était inadéquate. Toutefois, je suis convaincu du fait que la modification de la politique de la GRC a clarifié les cas où des essais devraient être effectués lorsqu'un incident entraînant la mort est attribuable à l'utilisation d'une AI.
  • Conclusion : La mesure dans laquelle les enquêteurs ont examiné les antécédents de M. Knipstrom et se sont servis de ces renseignements était raisonnable et appropriée dans les circonstances.
  • Conclusion : La mesure dans laquelle les enquêteurs ont examiné le rôle du délire excité dans la mort de M. Knipstrom était raisonnable dans les circonstances.
  • Conclusion : Les communications de la GRC avec le bureau du coroner avant la mort de M. Knipstrom n'étaient pas déraisonnables ni inappropriées dans les circonstances.
  • Conclusion : Il n'y avait pas d'élément de preuve étayant une poursuite, et il était raisonnable que la GRC ne soumette pas de rapport à l'avocat de la Couronne pour examen.
  • Conclusion : Il n'y a pas eu de retard injustifié dans l'enquête de la GRC sur la mort de M. Knipstrom, et l'enquête a été menée à terme rapidement.

Introduction

La mort d'une personne à la suite d'une intervention policière soulève souvent des questions provenant du public au sujet du degré de force employée, de la formation des agents, de la pertinence de la police enquêtant sur la police et du niveau attendu de transparence de la part des autorités. À titre de plus grand corps de police du Canada et de principal fournisseur de services de police de la Colombie-Britannique, la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) doit démontrer que, face à un tel incident, elle est en mesure de mener une enquête transparente et efficace portant sur ces préoccupations. La GRC doit démontrer que ses membres suivent le plus haut niveau de formation et que l'enquête est menée avec impartialité et professionnalisme. La confiance du public en la GRC et sa légitimité à agir avec l'appui nécessaire du public sont en jeu.

Consciente des préoccupations exprimées relativement au recours à la force par les membres de la GRC, la Commission des plaintes du public contre la GRC (la Commission) exerce, le cas échéant, ses pouvoirs au nom du public afin d'examiner en profondeur les faits qui suscitent la préoccupation du public ainsi que de déterminer si l'enquête de la GRC sur les événements en question était appropriée. Le présent rapport examine les circonstances de l'arrestation de M. Robert Thurston Knipstrom le 19 novembre 2007 et sa mort qui s'ensuivit.

Le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents (MIGI), le modèle de gestion des cas graves et d'autres politiques et procédures de la GRC seront les principes qui serviront de cadre à l'examen de l'intervention, ainsi que les normes réglementaires et légales pertinentes. Dans le rapport, on s'intéressera particulièrement aux événements ayant mené à l'altercation avec M. Knipstrom, le degré de force employé pour le maîtriser, les actes des membres de la GRC impliqués dans l'altercation et l'arrestation, ainsi que l'enquête ultérieure, sa pertinence et sa rapidité de même que les politiques et procédures de la GRC qui sous-tendent l'intervention en cause.

Le 15 janvier 2009, j'ai également déposé une plainte au sujet de la conduite des membres non identifiés de la GRC qui étaient présents ou qui sont intervenus au cours des incidents où des personnes détenues par la GRC sont mortes après l'utilisation d'une arme à impulsions (AI), lesquels incidents sont survenus n'importe où au Canada entre le 1er janvier 2001 et le 1er janvier 2009. Le présent rapport traite également de l'arrestation de M. Knipstrom et de la mort de ce dernier qui s'ensuivit.

AperçuNote de bas de page 6

Le 19 novembre 2007, peu après 15 h, un homme conduisant une camionnette à laquelle était attachée une remorque a été impliqué dans un délit de fuite sur Yale Road, près d'Airport Road, à Chilliwack, en Colombie-Britannique. Trois personnes ont été témoins de l'accident mineur. Le conducteur de la camionnette, identifié plus tard comme étant Robert Thurston Knipstrom, est reparti sans s'identifier auprès des occupants de l'autre véhicule.

M. Knipstrom a poursuivi jusqu'à l'Eze Rent-it Centre, situé sur Airport Road, en face du bureau de la police communautaire de la GRC, à Chilliwack, afin de retourner une déchiqueteuse à bois qu'il avait louée. Dans le magasin, on pense que M. Knipstrom a surpris une conversation téléphonique entre le propriétaire du magasin, Russel Walsh, et l'un des témoins du délit de fuite, qui a informé M. Walsh de l'accident après avoir suivi la camionnette jusqu'à son magasin. Pendant que M. Walsh écoutait au téléphone, M. Knipstrom aurait dit : [traduction] « C'est un mensonge. ».

M. Knipstrom a payé sa facture et a téléphoné à son père pour qu'il vienne le chercher en prétendant que sa camionnette ne voulait pas démarrer. Pendant qu'il attendait, il a commencé à se comporter de façon bizarre, y compris monter et descendre l'escalier menant au deuxième étage où travaillait du personnel féminin en mentionnant qu'il s'y sentirait plus en sécurité. M. Walsh a empêché M. Knipstrom de monter et il lui a ensuite demandé de quitter les lieux. M. Knipstrom n'est pas parti, et son comportement a persisté. Par conséquent, M. Walsh a demandé au gérant du magasin, Bradley McCrea, de téléphoner à la GRC pour obtenir de l'aide.

Les gendarmes Chad Mufford et Annie Labbe ont été dépêchés sur les lieux et sont arrivés au magasin approximativement 15 minutes après l'appel initial. À leur arrivée, M. Knipstrom était assis au bas de l'escalier, et M. Walsh était debout, quelques marches plus haut derrière lui. M. Walsh et la gendarme Labbe se sont éloignés de l'escalier pour discuter de la situation, tandis que le gendarme Mufford a tenté d'engager la conversation avec M. Knipstrom. Brusquement, M. Knipstrom s'est levé, a bousculé le gendarme Mufford et il est passé devant lui. M. Knipstrom a refusé d'obéir au gendarme Mufford qui lui a demandé de s'arrêter et il a adopté la position d'un boxeur avec les poings serrés. S'en est suivi une lutte violente lorsque le gendarme Mufford a tenté de maîtriser physiquement M. Knipstrom, qui poussait le gendarme Mufford, lui donnait des coups de poing et se jetait sur lui. L'agent a recouru à diverses techniques de main et à des armes intermédiaires et à impact, y compris l'aérosol capsique, une arme à impulsionsNote de bas de page 7 (AI) et son bâton. La gendarme Labbe a également utilisé son aérosol capsique et son AI pendant l'altercation. Toutes les tentatives et les techniques employées n'ont eu que peu d'effet sur M. Knipstrom, qui a continué à lutter et à poursuivre le gendarme Mufford dans le magasin.

Les gendarmes Mufford et Labbe ont tous deux demandé des renforts à plusieurs reprises, car la situation devenait de plus en plus difficile. Les premiers renforts à arriver ont été les gendarmes John Kardos, Joe Bellia et Tara Mason, le caporal Bruce Abbott et le sergent Suki Manj. Au moment où ils sont arrivés, M. Knipstrom ne tenait pas compte des ordres des agents qui lui intimaient de ne pas se lever. Il s'est dirigé vers les autres agents, et le gendarme Kardos a utilisé son AI, ce qui n'a guère eu d'effet. Le gendarme Mason a alors pu plaquer M. Knipstrom au sol, et plusieurs membres l'ont aidé à le menotter.

Les premiers intervenants et les services médicaux d'urgence (SMU) ont été dépêchés sur les lieux, et M. Knipstrom a été transporté à l'hôpital de Chilliwack, où il a subi un arrêt cardiaque peu après son arrivée. Les efforts de réanimation du personnel de l'hôpital ont été fructueux, mais M. Knipstrom n'a jamais repris conscience. Il a par la suite été transféré à l'hôpital Surrey Memorial, où il est mort le 24 novembre 2007.

Plainte déposée par le président et enquête d'intérêt public

Le 20 novembre 2007, en tant que président de la Commission des plaintes du public contre la GRC, j'ai déposé une plainte en vertu du paragraphe 45.37(1) de la Loi sur la GRCNote de bas de page 8. Dans cette plainte, je me demandais si les membres de la GRC qui sont intervenus dans le cadre de l'incident du 19 novembre 2007, soit du premier contact avec M. Knipstrom jusqu'à ce que le personnel des services médicaux d'urgence le prenne en charge, ont agi conformément à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences obligatoires appropriées en ce qui concerne l'arrestation et le traitement de personnes détenues, y compris toutes lignes directrices de la GRC ayant trait à l'arrestation et au traitement des personnes et si ces politiques, ces procédures et ces lignes directrices sont adéquates.

De plus, je me demandais si les membres de la GRC qui ont participé à l'enquête criminelle portant sur la mort de M. Knipstrom ont agi conformément à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences obligatoires appropriées pour ce type d'enquêtes et si ces politiques, ces procédures et ces lignes directrices sont adéquates et, enfin, si l'enquête en question a été menée de façon adéquate et en temps opportun.

Le 30 janvier 2009, j'ai informé le commissaire de la GRCNote de bas de page 9 que j'avais conclu qu'il était souhaitable, dans l'intérêt public, que la Commission mène une enquête au sujet de la plainte en vertu du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC.

Aux termes du paragraphe 45.43(3) de la Loi sur la GRC, je suis tenu d'établir un rapport écrit énonçant mes conclusions et mes recommandations concernant la plainte. Le présent rapport constitue mon enquête sur les questions soulevées dans ma plainte ainsi que les conclusions et recommandations connexes. Le résumé de mes conclusions et recommandations se trouve à l'annexe E.

Plainte de la BCCLA

Le 27 novembre 2007, l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique (BCCLA) a présenté une plainte à la Commission au sujet du traitement de M. KnipstromNote de bas de page 10. Voici la teneur de la plainte :

[Traduction]
La BCCLA est préoccupée par le fait que les membres de la GRC n'ont pas respecté les normes professionnelles appropriées en se déchargeant de leur devoir de diligence à l'égard de M. Knipstrom. Dans ce cas, une enquête transparente et indépendante est justifiée dans l'intérêt public.

S'il est déterminé que la GRC a agi dans le respect des lignes directrices des politiques et de la norme de conduite en vigueur, nous vous demandons d'entreprendre un examen visant à établir la pertinence de ces politiques.

Le 18 février 2008, la GRC a envoyé une lettre à la BCCLA indiquant qu'elle mettait fin à l'enquête sur la plainte aux termes des alinéas 45.36(5)a) et c) de la Loi sur la GRC. Le motif invoqué était que l'on voulait [traduction] « éviter de multiplier les procédures » en mentionnant l'enquête criminelle et l'enquête du coroner. Le 11 avril 2008, la BCCLA a demandé un examen de cette décision.

Dans des cas semblables, je n'ai pas accepté le raisonnement fourni par la GRC pour justifier sa décision de ne pas faire enquête sur la plainte du publicNote de bas de page 11. Le désir d'éviter de multiplier les procédures n'est pas un motif valable aux termes du paragraphe 45.36(5). Par ailleurs, le fait qu'une enquête criminelle soit en cours ne signifie pas que d'autres enquêtes, comme une enquête sur les plaintes du public ou une enquête du coroner, ne sont pas nécessaires ou raisonnablement praticables. Les différents types d'enquête ont différents objectifs et font appel à des règles de procédure et à des règles de preuve différentes. En fait, dans les affaires graves comme celle dont il est question, c'est une pratique normale de mener plusieurs types d'enquête. Le commissaire de la GRC a souscrit à mes conclusions et recommandations dans les cas mentionnés.

Cela dit, l'objet de la présente enquête d'intérêt public transcende la plainte de la BCCLA. En outre, la plainte originale de la BCCLA mentionnait que l'Association estimait qu'une enquête indépendante était justifiée en raison de l'intérêt du public plutôt que ce soit la GRC qui entreprenne une enquête sur une plainte du public. À ce titre, la Commission traitera le présent rapport comme une réponse en bonne et due forme à la plainte et à la demande d'examen de la BCCLA.

Projet pilote d'observateur indépendant

En mars 2007, la Commission et la GRC en Colombie-Britannique (Division « E ») ont mis en œuvre le projet pilote d'observateur indépendant. Depuis septembre 2008, il s'agit officiellement du Programme d'observateur indépendant.

Dans le cadre du Programme, le personnel de la Commission doit étudier et évaluer l'impartialité (non pas l'exactitude) des enquêtes de la GRC qui inclut l'examen de la conduite de membres de la GRC en cause dans le cadre d'incidents graves qui retiennent l'attention du public, comme la mort de personnes détenues. Le Programme est mis en œuvre de concert avec le Bureau de normes et pratiques d'enquête (BNPE) de la GRC en Colombie-Britannique, afin de répondre aux préoccupations du public quant à l'impartialité des enquêtes de la GRC sur la conduite de ses propres membres.

Le 19 novembre 2007, le jour de l'arrestation de M. Knipstrom, la GRC a informé la Commission de l'incident. La Commission a nommé un observateur indépendant qui a rencontré les enquêteurs et examiné le processus d'enquête pour en évaluer l'impartialité. Plus précisément, le rôle de l'observateur indépendant était :

  • d'effectuer une évaluation initiale de l'impartialité de l'équipe intégrée de la GRC regroupant des enquêteurs provenant du Groupe des crimes graves de la Division « E », du Groupe intégré des enquêtes sur les homicides (IHIT) du service de police d'Abbotsford et du Groupe intégré des crimes graves de l'île de Vancouver chargés d'enquêter sur cet incident;
  • de surveiller les progrès afin de cerner et de résoudre tout problème futur lié à l'impartialité de l'enquête.

L'observateur indépendant a évalué l'impartialité de l'équipe d'enquête et n'a cerné aucun problème. D'autres détails sur le programme pilote d'observateur indépendant et le rôle de l'observateur indépendant pendant l'enquête se trouvent à l'annexe G du présent rapport.

Examen des faits liés aux événements par la Commission

Il importe de mentionner que la Commission des plaintes du public contre la GRC est un organisme fédéral distinct et indépendant de la GRC. Quand elle mène une enquête d'intérêt public, la Commission n'agit pas en qualité d'avocat, que ce soit pour le plaignant ou pour la GRC. En ma qualité de président de la Commission, mon rôle consiste à tirer des conclusions à la lumière d'un examen objectif des éléments de preuve et, lorsque je le juge approprié, de formuler des recommandations qui portent sur les mesures que la GRC peut prendre pour améliorer ou corriger la conduite de ses membres. La Commission n'a pas pour rôle de tirer des conclusions quant à la responsabilité criminelle ou civile.

Mes conclusions, exposées en détail ci-dessous, sont fondées sur un examen attentif des nombreux documents d'enquête, du rapport d'enquête criminelle de la GRC ainsi que des lois applicables et de la politique de la GRC.

Un coroner a tenu une enquête sur la mort de M. Knipstrom à Burnaby, en
Colombie-Britannique, du 16 au 19 novembre 2009. L'objectif d'une enquête du coroner est de vérifier comment, quand, où et par quel moyen une personne est morte. En outre, malgré le fait que le mandat d'une telle enquête soit plutôt limité, j'ai considéré que les preuves entendues constituaient une part importante du processus de recherche des faits relatifs à la mort de M. Knipstrom. C'est pour cette raison qu'un représentant de la Commission était présent durant tous les témoignages présentés durant l'enquête.

Soulignons que la Division « E » de la GRC a pleinement coopéré avec la Commission pendant le processus d'enquête d'intérêt public concernant une plainte déposée par le président. De plus, la GRC a accordé un accès sans restrictions à tous les documents contenus dans le dossier d'enquête original de même qu'à tous les documents faisant partie de l'enquête d'intérêt public.

PREMIÈRE QUESTION : L'ARRESTATION – Déterminer si les membres de la GRC ont agi conformément à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences obligatoires appropriées en ce qui concerne l'arrestation et le traitement de Robert Thurston Knipstrom, et si ces politiques, ces procédures et ces lignes directrices sont adéquates.

Contexte

M. Knipstrom vivait à Chilliwack, en Colombie-Britannique, une ville d'environ 80 000 habitants située à une centaine de kilomètres à l'est de la ville de Vancouver. M. Knipstrom était émondeur travaillant à son compte et vendait des boissons énergisantes. À la date de l'incident, M. Knipstrom était âgé de 36 ans, mesurait 5 pi et 6 po et il était en bonne forme physique. Il était ceinture brune en arts martiaux et s'entraînait régulièrement à un gymnase local.

Selon sa famille et ses amis, il consommait régulièrement de la drogue et de l'alcool. Ils ont déclaré que, lorsqu'il n'était pas sous l'emprise de la drogue ou de l'alcool, il était une personne formidable. Toutefois, après qu'il avait consommé de telles substances, son comportement changeait radicalement. M. Knipstrom a été associé à 29 dossiers de police au cours de la période s'échelonnant de 1993 à 2007, et on sait qu'il manifestait un comportement agressif et bizarre. Au cours d'un affrontement avec la police, le 17 mars 2007, M. Knipstrom a été arrêté en vertu de la Mental Health Act à la suite d'une altercation physique avec la police au cours de laquelle on a eu recours à l'AI, au bâton de défense et à d'autres moyens de force physique.

À la date de l'incident, le gendarme Chad Mufford travaillait comme membre de la GRC au détachement de la GRC de Chilliwack situé sur Airport Road à Chilliwack, en
Colombie-Britannique. Il a terminé la formation de six mois pour devenir cadet, à l'École de la GRC (« Division Dépôt), 19 mois et demi plus tôt. Le gendarme Mufford n'avait jamais rencontré M. Knipstrom avant le 19 novembre 2007 . Le gendarme Mufford a obtenu l'accréditation en maniement de l'AI le 18 février 2007 ; son accréditation venant à échéance le 18 février 2010 . Le gendarme Mufford avait également obtenu, le 6 février 2006 , l'accréditation relative aux options de recours à la force concernant l'utilisation du bâton de défense, la technique d'étranglement par la région carotidienne et le recours à l'aérosol capsique, son accréditation venant à échéance le 6 février 2009.

La gendarme Annie Labbe travaillait également comme membre de la GRC au détachement de la GRC de Chilliwack. Elle a terminé sa formation pour devenir cadet, à la Division Dépôt, 25 mois avant l'incident. La gendarme Labbe n'avait jamais non plus rencontré M. Knipstrom avant le 19 novembre 2007. La gendarme Labbe avait obtenu l'accréditation en maniement de l'AI le 21 janvier 2007, l'accréditation venant à échéance le 21 janvier 2010. La gendarme Labbe avait également obtenu, le 3 octobre 2005, l'accréditation relative aux options de recours à la force, notamment l'utilisation du bâton de défense, la technique d'étranglement par la région carotidienne et le recours à l'aérosol capsique, son accréditation venant à échéance le 3 octobre 2008.

Le gendarme John Kardos travaillait comme policier aux services généraux au détachement de la GRC de Chilliwack. Le gendarme Kardos n'avait jamais non plus rencontré M. Knipstrom avant le 19 novembre 2007. Le gendarme Kardos avait obtenu l'accréditation en maniement de l'AI le 18 février 2007, l'accréditation venant à échéance le 18 février 2010. Le gendarme Kardos avait également obtenu, le 19 décembre 2005, l'accréditation relative aux options de recours à la force, notamment en ce qui a trait à l'utilisation du bâton de défense, à la technique d'étranglement par la région carotidienne et à l'utilisation de l'aérosol capsique, son accréditation venant à échéance le 19 décembre 2008.

Conclusion : Je conclus que les gendarmes Mufford, Labbe et Kardos avaient l'attestation à jour de la formation agréée de la GRC sur les options de recours à la force dont les membres disposent dans l'exécution de leurs fonctions.

Les événements du 19 novembre 2007

Le compte rendu des événements suivant provient des déclarations des témoins obtenues au cours de l'enquête initiale de la police. Je présente ces faits soit parce qu'ils sont incontestés, soit parce qu'en raison des preuves à leur appui, je les accepte comme étant une version fiable de ce qui s'est produit.

Je remarque que, même si plus de 50 témoins ont été interrogés dans le cadre de l'enquête criminelle, il y a quatre témoins principaux de l'altercation physique entre M. Knipstrom et les membres, soit les membres eux-mêmes (les gendarmes Mufford et Labbe), M. Walsh (le propriétaire du magasin) et M. McCrea (le gérant du magasin). Les autres témoins sur les lieux étaient dans le magasin proprement dit ou à l'extérieur du commerce pendant les événements. Cela ne signifie nullement que leur apport à l'enquête n'était pas important, mais on confère généralement davantage de crédibilité aux comptes rendus des témoins directs. Je note également que M. McCrea a fourni un témoignage limité, car il a été au téléphone et s'est occupé des clients pendant la majeure partie de l'altercation et il n'a été témoin que de certains faits.

Le témoignage de ces quatre témoins est raisonnablement uniforme quant à l'interaction entre les agents et M. Knipstrom et, à ce titre, je me suis largement fondé sur leurs témoignages. Les différences dans leurs comptes rendus peuvent en grande partie être imputées aux différents angles et points d'observation de chacun et à la difficulté de se rappeler des détails infimes dans une situation suscitant un stress élevé.

a) Le délit de fuite

Le 19 novembre 2007, peu avant 15 h, M. et Mme A conduisaient en direction nord sur Yale Road, à proximité d'Airport Road, à Chilliwack, en Colombie-Britannique. Ils ont observé un véhicule conduit de façon dangereuse derrière eux. Le conducteur changeait de voie et forçait les autres conducteurs à sortir de la voie qu'il empruntait, passant près de frapper latéralement plusieurs véhicules. Rendus à Airport Road, M. et Mme A ont immobilisé leur véhicule dans la voie en bordure, derrière plusieurs voitures avant le feu rouge. Le véhicule a tenté de se glisser derrière eux, il n'y avait pas de place et, lorsque le conducteur a tenté de s'insérer dans la voie plus éloignée de la bordure, le pare-choc avant du côté passager du véhicule a heurté le pare-choc arrière du côté du conducteur de la voiture des A. À ce moment-là, le feu est passé au vert, et les voitures devant eux ont commencé à avancer. Le conducteur du véhicule suspect s'est placé devant M. et Mme A et a tourné sur Airport Road.

M. et Mme A ont déclaré que, lorsque le conducteur du véhicule suspect s'est placé devant eux, il les a regardés directement et a levé les mains dans les airs. Il a poursuivi sa route et il n'a fait aucune tentative pour s'immobiliser. Selon leur description, il s'agissait d'un véhicule de couleur pâle, une vieille camionnette avec une remorque d'utilité générale à l'arrière, qui transportait ce que l'on a identifié ultérieurement comme étant une déchiqueteuse à bois.

M. et Mme A ont signalé l'incident à une receveuse de plaintes au détachement situé sur Airport Road. Ils ont fourni le numéro de la plaque d'immatriculation de la camionnette suspecte et ont décrit le chauffeur comme étant un homme de race blanche avec les cheveux courts. Il sera identifié plus tard comme étant M. Knipstrom.

Entretemps, Mme B, une autre conductrice ayant été témoin de l'accident, a suivi le véhicule suspect sur Airport Road jusqu'à l'Eze Rent-it Centre. Elle a par la suite téléphoné à la GRC à partir de son lieu de travail, non loin du magasin de location, pour l'informer de l'emplacement du suspect. Elle a également téléphoné au propriétaire du magasin, M. Walsh, pour l'informer qu'un conducteur ayant commis un délit de fuite se trouvait dans son magasin, et qu'il s'agissait d'un employé ou d'un client.

b) Les événements survenus à l'Eze Rent-it Centre avant l'intervention policière

M. Knipstrom est entré dans l'Eze Rent-it CentreNote de bas de page 12 avec son chien peu après 15 h. Il est entré par la porte d'entrée et s'est rendu au comptoir de service, où se trouvait M. Walsh. Au moment où il est arrivé au comptoir, le téléphone a sonné. C'était Mme B qui s'informait au sujet du conducteur de la camionnette garée à l'extérieur du magasin de location et qui expliquait à M. Walsh qu'elle allait téléphoner à la GRC au sujet de la conduite dangereuse du conducteur et de son implication dans un accident survenu plus tôt sur Yale Road. Pendant que M. Walsh écoutait au téléphone, M. Knipstrom aurait dit : [traduction] « C'est un mensonge », ce qui supposait qu'il avait surpris la conversation.

M. Walsh a raccroché et a pris le document que M. Knipstrom lui tendait. Il a sorti le contrat de location. M. Knipstrom a indiqué qu'il voulait payer la location comptant et que la déchiqueteuse à bois fonctionnait très bien. M. Walsh a effectué le remboursement sur la carte de crédit utilisée pour louer le matériel, qui était au nom du père de M. Knipstrom. M. Knipstrom n'a pas mentionné le délit de fuite.

M. Knipstrom a demandé la permission d'utiliser le téléphone. Il a téléphoné à son père pour lui dire qu'il avait retourné la déchiqueteuse à bois et que tout était correct. Après avoir raccroché, il a demandé d'utiliser le téléphone à nouveau et il a rappelé son père. Il lui a dit que sa camionnette ne voulait pas démarrer et il lui a demandé de venir le chercher au magasin de location. Après cet appel téléphonique, M. Knipstrom a payé sa facture comptant et a mentionné à M. Walsh qu'il avait un problème avec la camionnette et qu'il attendait que son père vienne le chercher. M. Walsh a indiqué dans sa déclaration qu'il était confronté à un double problème : la camionnette de M. Knipstrom était garée au milieu de la cour et bloquait l'accès et il pensait que la GRC chercherait le véhicule. La cour n'étant pas visible du chemin, il était inquiet du fait que la GRC ne le verrait pas. Il a demandé à l'un de ses employés, Brian Woods, un mécanicien, de jeter un coup d'œil à la camionnette et de voir s'il pouvait la faire démarrer afin de la déplacer.

D'après sa déclaration, M. Woods a demandé les clés à M. Knipstrom, qui les lui a remises. M. Woods s'est rendu à la camionnette et l'a fait démarrer simplement en tournant la clé dans le contact. Il a laissé tourner le moteur et est revenu dans le magasin pour dire à M. Knipstrom que sa camionnette fonctionnait bien et qu'il pouvait la déplacer. M. Knipstrom est sorti et a déplacé la camionnette, avec une certaine difficulté.

M. Woods avait déjà rencontré M. Knipstrom au centre de location, car il avait loué le même équipement à quelques reprises auparavant. Ce jour-là, il a décrit M. Knipstrom comme étant nerveux et tendu; M. Knipstrom lui a mentionné qu'il était impliqué dans un accident, mais qu'il ne pouvait pas se rappeler les détails. M. McCrea, le gérant du magasin, a indiqué que M. Knipstrom avait les yeux très grands, qu'il avait l'air bizarre, plutôt perturbé.

Après avoir déplacé sa camionnette, M. Knipstrom est revenu dans le centre de location et a mentionné à M. Walsh qu'il attendrait son père là. M. Walsh s'est dirigé vers l'escalier pour se rendre aux bureaux situés au deuxième étage du magasin. Au moment où il s'apprêtait à monter l'escalier, M. Knipstrom a commencé à le suivre. Arrivé en haut de l'escalier, M. Walsh s'est immobilisé et lui a précisé que cette section était réservée aux employés. Il lui a dit qu'il devait attendre son père en bas. M. Knipstrom est descendu jusqu'au tiers de l'escalier environ puis s'est assis sur les marches. M. Walsh pouvait voir que les deux employées travaillant dans le bureau au deuxième étage se sentaient mal à l'aise face au comportement de M. Knipstrom. Il a alors enlevé ses lunettes, ses stylos et tout objet pointu de sa poche. À l'enquête du coroner, M. Walsh a expliqué qu'il avait agi ainsi parce qu'il ne savait pas ce qui allait arriver. Il a aussi demandé à son personnel de partir en empruntant l'escalier de service. Ensuite, il est descendu jusqu'à la marche où était assis M. Knipstrom. Il a remarqué que M. Knipstrom [traduction] « était fébrile, agité et très instable ». Il lui a de nouveau demandé d'aller en bas pour attendre son père.

M. Walsh a dit à M. Knipstrom qu'il mettait les femmes mal à l'aise en haut et que, s'il descendait, tout irait bien. M. Walsh a ajouté que, s'il insistait pour rester dans l'escalier, il serait obligé de faire un appel téléphonique. M. Knipstrom a répondu : [traduction] « Je me sens vraiment très à l'aise ici. Je veux juste attendre ici. » Il a demandé à qui il téléphonerait, et M. Walsh lui a répondu à la police. Après, M. Walsh lui a répété d'aller en bas; M. Knipstrom n'a pas réagi. À ce moment-là, M. Walsh a demandé à M. McCrea, le gérant du magasin, de téléphoner à la police. Sur l'enregistrement de l'appel 911, M. McCrea décrit la situation dans les termes suivants :

[Traduction]
Pouvez-vous envoyer un agent ici s'il-vous-plaît. Il y a un monsieur qui refuse de partir et il ne cesse de monter et de descendre l'escalier. Nos employées sont plutôt effrayées maintenant.

De 10 à 15 minutes plus tard, la GRC a rappelé pour demander si la personne était toujours là. M. McCrea a répondu par l'affirmative et a demandé la présence d'un policier, car ils [traduction] « essayaient d'exploiter une entreprise ». Pendant ce temps, M. Knipstrom s'inquiétait des nouveaux clients entrant dans le magasin, et il a demandé à M. Walsh s'il les connaissait et ce qu'ils transportaient. M. Walsh a qualifié les préoccupations de M. Knipstrom de très paranoïaques. Selon M. Walsh, M. Knipstrom semblait comme [traduction] « un animal en cage acculé dans un coin ». À un moment donné, M. Knipstrom est descendu pour aller chercher son chien. M. Walsh a profité de l'occasion pour empêcher physiquement M. Knipstrom de retourner en haut. Il a dû placer sa main sur le thorax et l'épaule de M. Knipstrom pour le repousser, car ce dernier essayait toujours de passer à côté de lui. Après ces tentatives ratées, M. Knipstrom a demandé s'il pouvait s'asseoir, et M. Walsh a répondu [traduction] « oui ». M. Walsh a reculé de quelques marches afin que M. Knipstrom ne se sente pas coincé du fait qu'il se trouvait si près de lui. Selon M. Walsh et les registres des heures de répartition, la GRC s'est présentée quelques minutes après le deuxième appel.

c) Les actes des premiers membres sur les lieux avant l'altercation physique

Après confirmation de la situation persistante à l'Eze Rent-it Centre et faute d'une voiture libre à dépêcher sur les lieux, la répartitrice Sandra Clemons a communiqué avec le caporal Finnen, chef d'équipe en service au Détachement de Chilliwack, pour demander s'il avait des membres disponibles pour répondre à l'appel. Le caporal Finnen a demandé aux gendarmes Mufford et Labbe, qui se trouvaient dans la salle des services généraux du détachement, de se rendre au magasin de location.

À 15 h 32 m 8 s, deux minutes après le rappel du service de répartition de la GRC au centre de location, on entend le gendarme Mufford en ondes qui s'informe de la nature et de la provenance de l'appel. On a dit au gendarme Mufford qu'un homme montait et descendait l'escalier en refusant de partir du magasin. Après avoir obtenu ces renseignements du service de répartition, les gendarmes Mufford et Labbe ont traversé la rue pour se rendre à l'Eze Rent-it Centre.

À leur arrivée au magasin, les deux membres ont vu deux hommes dans l'escalier menant au deuxième étage. Un était debout (identifié plus tard comme étant M. Walsh), et l'autre, assis sur une marche (identifié plus tard comme étant M. Knipstrom). Les agents ont également constaté la présence d'un gros chien en bas de l'escalier. La gendarme Labbe a remarqué quelque chose d'inhabituel dans les yeux de M. Knipstrom et le fait qu'ils étaient très grands. Le gendarme Mufford a noté que M. Walsh avait [traduction] « un regard inquiet, troublé ». La gendarme Labbe s'est informée au sujet du propriétaire du chien; M. Knipstrom a indiqué que c'était son chien et il l'a appelé. Le gendarme Mufford a demandé ce qui se passait et s'il y avait un problème, mais il a indiqué que M. Knipstrom l'a regardé d'un air fatigué et ennuyé et qu'il a dit quelque chose rapidement, qu'il n'a pas pu comprendre. M. Walsh a indiqué que M. Knipstrom a dit quelque chose au sujet d'ennuis mécaniques qu'il avait et qu'il attendait son père.

À ce moment-là, M. Walsh a indiqué aux membres qu'il voulait leur parler en privé de sorte que la gendarme Labbe l'a suivi jusqu'à une distance de 10 à 15 pieds de M. Knipstrom, et elle s'est placée afin de pouvoir parler avec M. Walsh tout en gardant un œil sur l'escalier. Entre-temps, le gendarme Mufford a tenté d'engager la conversation avec M. Knipstrom en lui demandant ce qui était arrivé. D'après son rapport réglementaire, le gendarme Mufford a employé un ton calme et détendu. Toutefois, M. Knipstrom s'est brusquement levé et est passé près du gendarme Mufford en heurtant son bras gauche.

d) L'interaction, l'escalade de la situation et l'altercation physique avec M. Knipstrom

Pendant que M. Knipstrom passait près de lui, le gendarme Mufford lui a ordonné de s'asseoir. M. Knipstrom s'est immobilisé près des allées de produits, environ 1,5 mètre plus loin. Le gendarme Mufford lui a dit d'une voix forte, à plusieurs reprises, de s'asseoir par terre. M. Knipstrom n'a pas obéi. Il lui a plutôt fait face avec les poings serrés, en adoptant une posture et un regard agressifs. Le gendarme Mufford s'est assuré de l'accessibilité aux outils sur son ceinturon, car il estimait que M. Knipstrom risquait d'être combatif et de devenir imprévisible.

D'après les déclarations des gendarmes Mufford et Labbe, de M. Walsh et de M. McCrea, M. Knipstrom a commencé à crier : [traduction] « N'utilisez pas le Taser contre moi, n'utilisez pas le Taser contre moi! » Toutefois, aucun des membres n'avait dégainé son AI ni mentionné l'AI. Les deux membres ont pensé que M. Knipstrom s'adressait à eux individuellement de sorte que, pour désamorcer la situation, ils ont réagi en montrant qu'ils n'avaient pas l'intention d'utiliser une AI contre lui. La gendarme Labbe a levé les mains pour montrer à M. Knipstrom qu'elle avait les mains vides et elle a déclaré : [traduction] « Nous n'utiliserons pas le Taser contre vous, mais vous devez écouter ce que nous disons. » Le gendarme Mufford a de nouveau demandé à M. Knipstrom de s'asseoir par terre. D'après ses déclarations et les comptes rendus des témoins, il a répété cet ordre plusieurs fois d'une voix autoritaire et forte.

M. Walsh et M. McCrea confirment les déclarations des membres selon lesquelles M. Knipstrom a adopté une position de boxeur avec les deux poings devant son visage. Ils confirment également, qu'à ce moment-là, les deux membres n'avaient rien dans les mains et que rien n'indiquait qu'ils avaient l'intention d'utiliser l'AI.

Dans sa déclaration, le gendarme Mufford a indiqué que, à ce moment-là, il avait des motifs raisonnables et probables de croire que M. Knipstrom troublait la paix, qu'il représentait une menace et que sa présence constituait une intrusion sur les lieux; il était également préoccupé pour la sécurité des personnes dans le magasin. Le gendarme Mufford a tenté de saisir le poignet de M. Knipstrom, mais ce dernier s'est retranché derrière le comptoir. Le gendarme Mufford s'inquiétait du fait que M. Knipstrom dissimulait peut-être une arme. Il a de nouveau demandé à M. Knipstrom de s'asseoir par terre. Le gendarme Mufford a déclaré qu'il voulait inciter M. Knipstrom à s'asseoir afin de pouvoir le calmer et déterminer ensuite s'il allait l'arrêter ou l'escorter à l'extérieur du magasin. Le gendarme Mufford a appelé la première fois pour obtenir des renforts à peu près à ce moment-là.

N'obtenant aucune réaction à ses ordres, le gendarme Mufford s'est approché lentement de M. Knipstrom et a tenté d'agripper son bras droit, mais il ne pouvait pas le bouger. Il a alors tenté d'agripper ses poignets. Le gendarme Mufford a déclaré que M. Knipstrom l'a poussé avec une force imprévue et qu'il s'est jeté sur la partie supérieure de son corps et sa tête. La gendarme Labbe, M. Walsh et M. McCrea confirment que M. Knipstrom s'est jeté sur le gendarme Mufford. Le gendarme Mufford l'a repoussé en tentant de le déséquilibrer, mais M. Knipstrom était étonnamment et extrêmement solide; il n'a pas bougé. Le gendarme Mufford a recouru aux techniques de contrôle à mains fermées et a frappé M. Knipstrom dans le dos, au moment où M. Knipstrom avait appuyé sa tête sur la partie inférieure du thorax du gendarme Mufford. M. Knipstrom agitait les bras pour atteindre la tête du gendarme Mufford. Le gendarme Mufford a tenté de le plaquer au sol, mais sans y parvenir.

M. Knipstrom a continué de hurler, de frapper et d'agripper le gendarme Mufford. Le gendarme Mufford a reculé et a projeté une dose de son aérosol capsique au visage de M. Knipstrom. La manœuvre n'a eu aucun effet, et M. Knipstrom a continué de l'attaquer. La gendarme Labbe a indiqué qu'elle a ensuite projeté une dose concentrée d'aérosol capsique vers le visage de M. Knipstrom, mais là aussi, l'aérosol n'a eu aucun effet. Le gendarme Mufford a déclaré avoir établi que M. Knipstrom était un adversaire déterminé et fort, qui voulait causer des lésions corporelles. Il a dégainé son bâton ASP et l'a allongé en s'en servant pour bloquer les coups de poing et les élans de M. Knipstrom. Il a tenté de frapper les bras et les épaules de M. Knipstrom pendant qu'il essayait de reculer; toutefois, M. Knipstrom continuait d'avancer vers lui. M. Walsh a confirmé que le gendarme Mufford reculait toujours en essayant de maîtriser la situation, mais M. Knipstrom fonçait continuellement sur lui et [traduction] « criait comme un fou ».

L'ordre de la suite des événements peut ne pas être exact, car il y a des divergences dans les différents comptes rendus; toutefois, je suis convaincu du fait que les différences dans la séquence des événements sont légères et n'influent pas sur ma conclusion quant au caractère approprié des mesures qui ont été prises.

Le gendarme Mufford a retiré son AI de son ceinturon. M. Knipstrom s'agrippait à lui de sorte que le gendarme Mufford l'a forcé à se pencher en le tirant vers lui, ce qui lui a permis d'avoir le dessus, et il a lancé les électrodes dans le dos de M. KnipstromNote de bas de page 13. L'AI n'a eu aucun effet sur M. Knipstrom; le gendarme Mufford a pensé que l'électrode n'avait probablement pas pénétré l'épais manteau de velours côtelé de M. Knipstrom.

Les gendarmes Labbe et Mufford ont indiqué que, lorsqu'il est passé à côté de la gendarme Labbe, M. Knipstrom l'a frappée à la partie supérieure du thorax en faisant tomber le microphone de l'émetteur radio de son épaule. Le gendarme Mufford est arrivé et a donné des coups de bâton sur les bras, les épaules et le dos de M. Knipstrom en tentant de défendre sa collègue et de maîtriser M. Knipstrom. La gendarme Labbe a cherché à récupérer son microphone et a demandé des renforts.

La gendarme Labbe a alors dégainé son AI et l'a utilisée en mode sonde. Une électrode s'est fixée au bas du dos de M. Knipstrom, l'autre a pénétré son manteau. Le gendarme Mufford a tenté de maintenir M. Knipstrom sur le sol. La gendarme Labbe a déclaré que l'AI a semblé avoir eu un certain effet, car M. Knipstrom semblait moins se démener. M. Knipstrom a tenté d'enlever l'électrode et il s'est relevé pour se retrouver sur les mains et les genoux. La gendarme Labbe a déclaré qu'elle l'a averti de rester au sol et que, s'il n'obéissait pas, elle utiliserait de nouveau l'AI. Il a continué d'essayer d'enlever les électrodes dans son dos. La gendarme Labbe a de nouveau utilisé l'AI, mais il n'a produit aucun effet; elle a cru que l'une des électrodes n'était peut-être plus en contact. Elle a changé la cartouche lorsque M. Knipstrom s'est relevé et s'est dirigé vers la porte. Elle a déployé l'AI de nouveau en lançant les électrodes au bas de son manteau. Elle a déclaré avoir éteint l'AI immédiatement, car les renforts étaient arrivés et elle n'a pas entendu les bruits électriques.

Pendant la lutte, l'AI du gendarme Mufford est tombée par terre. M. Knipstrom a tenté de s'en emparer, mais le gendarme Mufford a pu la récupérer le premier. Le gendarme Mufford a de nouveau appelé en vue d'obtenir des renforts et les SMU, car M. Knipstrom avait été frappé à la tête et au visage avec le bâton du gendarme Mufford en plus d'avoir subi plusieurs décharges de l'AI. À ce moment-là, M. Knipstrom était au sol, et les gendarmes Mufford et Labbe lui criaient de ne pas bouger.

e) Les appels en vue d'obtenir des renforts

Les gendarmes Mufford et Labbe sont arrivés au centre de location vers 15 h 32. Les transcriptions des communications montrent que le gendarme Mufford a demandé des renforts pour la première fois à 15 h 34 m 8 s. À 15 h 34 m 55 s, la gendarme Labbe a été entendue en ondes pendant qu'elle ordonnait à M. Knipstrom de se coucher par terre. À 15 h 35 m 35 s, les gendarmes Mufford et Labbe ont été entendus en ondes en train de demander des renforts. Le gendarme Mufford a indiqué qu'ils avaient demandé les SMU. À 15 h 36 m 37 s, le service de répartition de la GRC a appelé le service d'ambulance de la Colombie-Britannique. en demandant un code 3 et en indiquant qu'une AI avait été utilisée contre l'homme. À 15 h 36 m 53 s, la gendarme Labbe a de nouveau été entendue en ondes pendant qu'elle mentionnait un code 3.

f)  L'arrivée des renforts de police et la maîtrise de M. Knipstrom

Les renforts sont arrivés vers 15 h 36. Parmi les premiers à arriver sur les lieux, se trouvaient les gendarmes John Kardos, Joe Bellia et Tara Mason, le caporal Bruce Abbott et le sergent Suki Manj. Ils ont vu les gendarmes Mufford et Labbe debout, à côté de M. Knipstrom, qui était agenouillé sur le sol. M. Knipstrom avait du sang sur la tête et il criait. La gendarme Labbe avait dégainé son AI.

D'après les déclarations du gendarme Kardos, plusieurs agents criaient après M. Knipstrom afin qu'il se couche par terre. M. Knipstrom a continué de hurler et de crier de façon incohérente. Il s'est relevé et s'est dirigé vers le gendarme Kardos. Le gendarme Kardos lui a ordonné de s'arrêter. M. Knipstrom avait les mains près du thorax, les poings partiellement serrés. Le gendarme Kardos a dégainé son AI, l'a pointée vers M. Knipstrom et lui a dit de s'arrêter. Il n'a pas réagi aux ordres ni changé son comportement de quelque façon que ce soit et il a continué de marcher vers le gendarme Kardos. Celui-ci a utilisé son AI en mode sonde au centre du thorax de M. Knipstrom. Il n'a pas semblé touché. Il a déchargé de nouveau l'AI, et encore une fois, l'arme n'a semblé avoir aucun effet. Le gendarme Kardos a pensé que l'AI ne fonctionnait peut-être pas bien et il a décidé de la placer dans l'étui. Avec les autres membres, il a de nouveau crié à M. Knipstrom de s'arrêter, en vain.

Les déclarations des autres membres qui étaient présents confirment en gros le compte rendu du gendarme Kardos. Après avoir utilisé son AI, le caporal Abbott a pu agripper M. Knipstrom au thorax et le plaquer au sol. Il y est parvenu sans causer d'autre blessure apparente à M. Knipstrom. Le bras du caporal Abbott a ressenti les effets de l'AI, car son bras est venu en contact avec les câbles. Il a fallu plusieurs minutes et de nombreux membres pour menotter M. Knipstrom lorsqu'il était au sol. Comme l'a ordonné le sergent Manj, le gendarme Bellia a informé M. Knipstrom de son arrestation en vertu de la Mental Health Act de la Colombie-BritanniqueNote de bas de page 14.

À 15 h 38 m 15 s, le caporal Baier a signalé au service de répartition qu'il y avait suffisamment de membres sur les lieux. Il a également demandé la confirmation de l'arrivée des SMU pour répondre à un code 3. Le service de répartition de la GRC a confirmé que les SMU étaient en route et a transmis une question posée par les SMU concernant la respiration du sujet. Le caporal Baier a confirmé que M. Knipstrom respirait. Entre 15 h 35 et 15 h 47, les membres se sont informés à de nombreuses reprises au sujet des SMU.

Au cours de la lutte avec M. Knipstrom, le gendarme Mufford a subi les blessures suivantes :

  • entorse au ligament latéral interne du genou droit;
  • entorse au pouce de la main gauche;
  • entorse à l'épaule droite;
  • coupure au poignet gauche;
  • ecchymose de quatre centimètres à l'avant-bras droit.

Aucun autre membre n'a subi de blessure au cours de l'incident.

g) Les intervenants médicaux

Le service d'ambulance (SMU) était occupé ce jour-là et a mis du temps à arriver, de sorte que les membres du service d'incendie de Chilliwack ont été dépêchés sur les lieux. Le capitaine Jim Clarke et les pompiers Andy Brown et Jeff Cookson sont arrivés vers 15 h 40, plus ou moins quatre minutes et demie après le début de l'enregistrement vidéo de l'arrestation. À ce moment-là, M. Knipstrom était maintenu au sol, sur le ventre, près de la porte d'entrée. Un membre tenait sa tête, deux membres tenaient l'un et l'autre de ses bras, et un membre tenait ses jambes. La vidéo confirme qu'aucun membre n'exerçait une pression avec son poids sur le thorax ou le dos de M. Knipstrom. Il était menotté et saignait à la tête. Il était conscient et criait, mais il était silencieux la majeure partie du temps. Si quelqu'un essayait de le toucher, il bougeait, faisait beaucoup de bruit et criait de façon incohérente.

Les pompiers ont déclaré que M. Knipstrom ne semblait pas avoir les voies respiratoires obstruées, et sa respiration était profonde et bruyante, laissant supposer qu'il s'était battu. Il ne voulait pas accepter un masque à oxygène de leur part et il a continué à se tordre et à crier. Ils ont essayé de le calmer. Le capitaine Clarke a indiqué que, à un moment donné, M. Knipstrom a hurlé : [traduction] « C'est une bombe! ». Le père de M. Knipstrom s'est présenté sur les lieux, s'est identifié et a essayé de le calmer. Un des pompiers a parlé au père de M. Knipstrom afin de savoir si M. Knipstrom avait des allergies et s'il prenait des médicaments. Ils se sont rappelé que les membres de la GRC leur avait dit que l'AI avait été utilisée à deux reprises contre M. Knipstrom et qu'il avait été frappé avec un bâton ASP. Peu après, les membres des SMU sont arrivés, et le capitaine Clarke a transmis l'information aux ambulanciers paramédicaux. M. Knipstrom a été placé sur une civière en position ventrale et emmené par les SMU. La gendarme Cynthia Kershaw est montée à bord de l'ambulance avec les ambulanciers paramédicaux et le pompier Andy Brown.

h) Les actes des SMU et le transport vers l'hôpital

Vers 15 h 52, les ambulanciers médicaux Andrea Seymour et Rick Simon sont arrivés sur les lieux. Un agent de la GRC a dit à M. Simon que l'aérosol capsique avait été utilisé contre M. Knipstrom, que l'AI avait été utilisée à deux ou trois reprises contre lui et qu'il avait été frappé avec un bâton ASP. M. Knipstrom hurlait, criait, donnait des coups de pied et attaquait. Il était très agité. M. Simon a déclaré qu'il avait constaté un pouls radial régulier, fort, et il a déterminé que M. Knipstrom n'avait pas de problèmes aux voies respiratoires puisqu'il criait. L'enregistrement vidéo montre clairement les efforts déployés par les ambulanciers paramédicaux et plusieurs membres de la GRC pour le retourner sur le dos. M. Knipstrom s'est vivement débattu au cours de cette intervention. Dans sa déclaration, Mme Seymour a souligné que M. Knipstrom était extrêmement fort et qu'elle ne savait pas d'où lui venait cette force. M. Simon a déclaré qu'il pensait qu'ils lui causeraient d'autres blessures en luttant avec lui et en essayant de le retourner sur le dos. Ils ont décidé qu'il était préférable de simplement le transporter à l'hôpital. Par conséquent, ils ont placé la civière à côté de M. Knipstrom, l'ont soulevé, placé en position ventrale sur la civière (dans la même position que celle où il se trouvait sur le sol) et l'ont transporté dans l'ambulance.

M. Simon a déclaré qu'il a tenté de placer un sphygmo-oxymètre sur le doigt de M. Knipstrom, mais que celui-ci avait les poings serrés et ne pouvait pas déplier les doigts. Il a demandé à M. Knipstrom s'il avait de la difficulté à respirer. M. Knipstrom a répondu [traduction] « oui ». Il a demandé à sa collègue d'en informer l'hôpital, et ils sont partis en code 3Note de bas de page 15. En route, Mme Seymour a téléphoné à l'hôpital général de Chilliwack pour signaler qu'ils étaient en route avec un patient à qui la police avait administré une décharge électrique au moyen d'un pistolet Taser. Les membres du personnel de l'hôpital ont déclaré qu'ils étaient très occupés et que c'étaient tous les renseignements dont ils avaient besoin pour l'instant.

i) La présence à l'hôpital et l'arrêt cardiaque

D'après les dossiers de l'hôpital général de Chilliwack, M. Knipstrom a été admis vers 16 h 15. Le résumé d'admission indique qu'il a été aspergé de gaz poivré, qu'on lui a administré une décharge électrique au moyen d'un pistolet Taser à trois reprises et qu'il a été frappé à la tête avec un bâton de police. Il avait de multiples lacérations à la tête avec perte de sang sur les lieux. Le résumé indique également qu'il a été impliqué dans une altercation avec la police.

Comme il était très agité et bruyant, les employés de l'hôpital ont dû le placer dans une salle de traitement pour réduire au minimum le dérangement causé aux autres personnes. Il a été maintenu dans la même position ventrale que celle dans laquelle il était depuis son arrestation, car il était difficile à maîtriser. Le gendarme Kershaw a indiqué que, lorsqu'ils transféreraient M. Knipstrom dans un lit d'hôpital, ils allaient le changer de position. Toutefois, M. Knipstrom a continué à crier et à se montrer non coopératif, et les ambulanciers paramédicaux ont proposé d'attendre puisque le médecin serait bientôt là et qu'il pourrait administrer un sédatif à M. Knipstrom. Les gendarmes Kershaw et Skelton ont attendu avec M. Knipstrom et les ambulanciers paramédicaux. Le caporal Finnen est arrivé peu après.

Dans la salle de traitement, le gendarme Kershaw a remarqué que M. Knipstrom ne respirait pas, mais il sentait son pouls. D'après les dossiers de l'hôpital, il a subi un arrêt cardiaque vers 16 h 25. M. Simon a alerté le personnel de l'hôpital, et le médecin de la salle d'urgence a amorcé le protocole relatif à un arrêt cardiaque. Le Dr Hamilton a indiqué que, lorsqu'il est arrivé, le personnel des SMU avait commencé la réanimation cardiorespiratoire (RCR). M. Knipstrom a alors été confié aux soins du personnel de l'hôpital. Le rythme cardiaque et la respiration de M. Knipstrom se sont rétablis après 28 minutes environ.

Dans les jours qui ont suivi, l'état de M. Knipstrom a continué de se détériorer au point d'entraîner une insuffisance rénale, et il a été décidé de le transférer à l'hôpital Surrey Memorial pour une dialyse, le 21 novembre 2007.

Au moment du transfert, le médecin traitant, le Dr Richard Feige, a constaté que le pronostic de M. Knipstrom était médiocre. Il a remarqué que le patient présentait un certain nombre de problèmes liés à son arrêt cardiaque prolongé. Le Dr Feige a également indiqué que l'arrêt cardiaque est survenu longtemps après la décharge de l'AI qui lui a été infligée et qu'il n'y avait probablement aucun lien entre les deux. D'autres médecins qu'on a consultés ont souscrit aux faibles possibilités de rétablissement. L'état de M. Knipstrom n'a pas cessé de se détériorer, et il est mort le 24 novembre à 0 h 26.

j)  L'autopsie de M. Knipstrom

L'autopsie de M. Knipstrom a été effectuée le 27 novembre 2007 par le Dr D. Straathof, à l'hôpital Royal Columbian. Les enquêteurs de la GRC ci-après étaient présents : le sergent Matt Toews (enquêteur principal), le caporal Darren Kakuno (coordonnateur des pièces à conviction), le caporal Mike Vander Schaaf (identité judiciaire) et le caporal Gregg Gillis (spécialiste du recours à la force).

Le 3 septembre 2008, les enquêteurs de la GRC ont reçu le rapport du Dr Straathof, daté du 11 juillet 2008. Voici ce qu'il y indique :

[traduction]

[D]'après les renseignements disponibles, y compris les antécédents cliniques et les conclusions de l'examen post-mortem, notamment l'analyse toxicologique, la mort est attribuée à l'encéphalopathie anoxique [dégénérescence des fonctions cérébrales causées par un manque d'oxygène à la suite d'un arrêt cardiaque prolongé] et à la rhabdomyolyse [dégradation des tissus musculaires] causée par une intoxication aiguë à la MDMANote de bas de page 16 avec contrainte physique. Le concours ou le rôle précis de la contrainte physique comme facteur contributif de la mort demeurent indéterminés.

L'examen post-mortem a confirmé les dommages au cerveau, qui étaient attribuables au manque d'oxygène pendant l'arrêt cardiaque prolongé. On a observé des blessures résultant de coups violents en voie de cicatrisation à la tête, y compris quatre lacérations du cuir chevelu, mais aucune fracture du crâne ni traumatismes cérébraux. L'examen du corps n'a révélé aucune preuve physique claire restante de l'utilisation de l'AI. L'examen des deux perforations sur la partie supérieure du dos n'a révélé qu'une inflammation aspécifique. Le rapport concluait que [traduction] « étant donné l'intervalle prolongé entre l'utilisation du Taser et l'arrêt cardiaque, la décharge de l'AI n'est pas considérée comme la cause de l'arrêt cardiaque ».

Peu après l'admission à l'hôpital, l'analyse toxicologique de l'urine a révélé la consommation d'opiacés, d'amphétamines, de cocaïne et de cannabis. Une analyse toxicologique a également été effectuée sur un échantillon de sang prélevé quelques heures plus tard. Cette analyse a révélé la présence d'une concentration élevée de MDMA; la concentration mesurée était très élevée et dans les limites considérées comme mortelles dans la littérature médicale. Elle révélait également la présence de MDANote de bas de page 17. La MDMA et la MDA sont des substances classées comme des « amphétamines », un groupe de drogues possédant des propriétés stimulantes pouvant également provoquer des hallucinations ou d'autres effets neurologiques ou psychologiques. La cocaïne, la benzoylécgonine ou l'alcool éthylique n'ont pas été décelés dans cet échantillon, ce qui dénote que M. Knipstrom n'était pas sous l'emprise de la cocaïne ou de l'alcool éthylique au moment de son arrêt cardiaque. Toutefois, le rapport de toxicologie mentionnait que les échantillons révélaient une consommation éloignée de cocaïne et de cannabis.

Analyse — Conformité avec les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences obligatoires

Lorsqu'ils ont à répondre à des appels du public, les membres de la GRC sont assujettis aux dispositions relatives aux fonctions prévues dans la Loi sur la GRC, particulièrement à l'alinéa 18a), qui est rédigé comme suit :

18. Sous réserve des ordres du commissaire, les membres qui ont qualité d'agent de la paix sont tenus :

  • a) de remplir toutes les fonctions des agents de la paix en ce qui concerne le maintien de la paix, la prévention du crime et des infractions aux lois fédérales et à celles en vigueur dans la province où ils peuvent être employés, ainsi que l'arrestation des criminels, des contrevenants et des autres personnes pouvant être légalement mises sous garde;

[...].

Dans l'exécution de leurs fonctions, les agents de la paix sont autorisés, en vertu du Code criminel, à employer la force nécessaire pour cette finNote de bas de page 18. Toutefois, l'agent doit s'appuyer sur des motifs raisonnables. Les agents de la paix sont également fondés à employer la force raisonnablement nécessaire pour empêcher la perpétration d'une infraction pour laquelle la personne qui la commet peut être arrêtée sans mandat ou qui serait de nature à causer des blessures immédiates et graves à la personne ou des dégâts immédiats et graves aux biens de toute personne ou pour empêcher l'accomplissement d'une telle infractionNote de bas de page 19.

Au moment de déterminer si la force employée par l'agent était nécessaire, il convient d'examiner les circonstances dans ce cas précis. Les tribunaux ont été clairs : on ne peut pas s'attendre à ce que l'agent mesure avec exactitude la force employéeNote de bas de page 20.

Intervention de la police et recours à la force

Lorsque les gendarmes Mufford et Labbe sont entrés en contact avec M. Knipstrom, ils enquêtaient sur une plainte au sujet d'un homme qui troublait la paix et refusait de quitter l'Eze Rent-it Centre. Lorsqu'ils sont entrés dans le magasin, leur attention a été attirée vers l'escalier. M. Walsh avait l'air inquiet. Quand on lui a demandé ce qui se passait, M. Walsh a indiqué qu'il souhaitait parler à un agent en privé, à l'écart de M. Knipstrom. La gendarme Labbe a tenté de répondre à sa demande en suivant M. Walsh, loin de l'escalier. Les membres ont constaté que M. Knipstrom était l'objet de la plainte. Les gendarmes Labbe et Mufford ont amorcé leur enquête en tentant de parler à M. Walsh et à M. Knipstrom, séparément.

Les gendarmes Mufford et Labbe ont manifestement agi dans le cadre de leurs fonctions lorsqu'ils ont commencé à communiquer avec M. Knipstrom. Ils enquêtaient sur des troubles, mais ils devaient recueillir plus de renseignements afin d'évaluer la situation et d'adopter une ligne de conduite appropriée.

Plutôt que de répondre à une question posée par le gendarme Mufford, M. Knipstrom s'est levé brusquement et est passé près du gendarme Mufford en le heurtant à l'épaule. En se fondant sur tous les renseignements dont disposait le gendarme Mufford à ce moment-là, il avait des motifs raisonnables de soupçonner que M. Knipstrom troublait la paix, en contravention de l'article 175 du Code criminel, etil avait le devoir de donner suite à l'affaire. Les policiers peuvent détenir une personne aux fins d'enquête « s'ils ont des motifs raisonnables de soupçonner, à la lumière de toutes les circonstances, que cette personne est impliquée dans un crime donné et qu'il est raisonnablement nécessaire de la détenirNote de bas de page 21 ». À cette fin, le gendarme Mufford a ordonné à M. Knipstrom de s'arrêter. À mon avis, il s'agissait de l'exercice justifiable du pouvoir policier dans les circonstances. De plus, en raison de l'évolution de la situation et du fait que M. Knipstrom a résisté et a physiquement agressé le gendarme Mufford, M. Knipstrom pouvait être arrêté pour voies de fait contre un agent de la paixNote de bas de page 22. La situation s'est dégradée si rapidement que le gendarme Mufford n'a pas eu l'occasion de dire à M. Knipstrom qu'il était arrêté.

Conclusion : Il était légitime pour les membres d'interagir avec M. Knipstrom, et ils en avaient l'obligation en raison de leurs fonctions.

La GRC a adopté le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents (MIGI)Note de bas de page 23, qui permet d'assurer la formation et la supervision des membres afin de garantir la conformité avec les principes énoncés dans le Code criminel concernant le recours à la force. Selon le MIGI, le recours à la force est progressif : il commence par une demande verbale de se conformer et se poursuit avec le recours accru à la force pour obliger la personne à se conformer jusqu'au recours à la force meurtrière. Le modèle en vigueur à la date de l'incident était fondé sur sept principes :

  • 1) L'objectif premier de toute intervention est la sécurité du public.
  • 2) La sécurité du policier est essentielle à la sécurité du public.
  • 3) Le modèle d'intervention doit toujours être appliqué dans le contexte d'une évaluation minutieuse des risques.
  • 4) L'évaluation des risques doit toujours tenir compte de l'ampleur des dommages, des blessures et de la perte de vie.
  • 5) L'évaluation des risques est un processus continu et la gestion des risques doit évoluer à mesure que les situations changent.
  • 6) La meilleure stratégie consiste à choisir l'intervention minimale permettant de gérer les risques.
  • 7) La meilleure intervention est celle qui cause le moins de torts ou de dommages.

Il incombe au membre d'évaluer le risque en déterminant d'abord dans quelle catégorie de comportement (coopératif, non coopératif, résistant, combatif et comportement susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves) s'inscrit la personne ou la situationNote de bas de page 24. Il doit également prendre en compte les facteurs conjoncturels qui sont propres à chaque incident. Les facteurs conjoncturels comprennent les conditions météorologiques, la taille du sujet par rapport à celle du membre, la présence d'armes, le nombre de sujets et de policiers, ainsi qu'une quantité d'autres facteurs particuliers qui sont propres à chaque incident.

Facteurs conjoncturels

D'après les déclarations des gendarmes Mufford et Labbe, ces derniers étaient conscients des facteurs conjoncturels suivants : un certain nombre d'articles dans le magasin de location auraient pu servir d'arme, et un certain nombre de personnes se trouvaient dans le magasin. M. Knipstrom est devenu violent presque immédiatement. M. Knipstrom ne voulait pas obtempérer aux ordres du gendarme Mufford; il a continué d'attaquer et il est demeuré debout après qu'on lui a ordonné de s'arrêter et de s'asseoir ou de rester allongé. M. Knipstrom était plus petit que le gendarme Mufford, mais il était trapu, montrait une force et une endurance inhabituelles et semblait insensible à la douleur. Les techniques de recours à la force utilisées par les membres ont eu peu d'effet sur lui.

Il y avait également des facteurs conjoncturels dont les membres n'étaient pas conscients. M. Knipstrom venait tout juste d'être impliqué dans un accident mineur de la route. Il avait des antécédents de consommation abusive de drogues illicites et, d'après les conclusions du pathologiste, M. Knipstrom était sous l'emprise d'une dose potentiellement mortelle de drogues illicites lorsqu'il est entré dans l'Eze Rent-it Centre. Les comptes rendus de la famille confirment que son comportement changeait radicalement lorsqu'il était sous l'emprise de la drogue, qu'il devenait souvent « paranoïaque » et « délirant ».

Les membres ne savaient pas non plus que M. Knipstrom avait été confronté par la police plus tôt cette année-là et que l'AI avait été utilisée à de multiples reprises contre lui. Il avait alors été arrêté et conduit à l'hôpital. Les dossiers d'hospitalisation indiquent qu'il était atteint de psychose et de délire aigus dus aux drogues. Cet incident peut expliquer la déclaration apparemment spontanée de M. Knipstrom [traduction] « n'utilisez pas le Taser contre moi » lorsque les membres l'ont confronté la première fois à l'Eze Rent-it Centre.

Recours à la force

Le MIGI prévoit diverses options d'intervention correspondant au comportement du sujet déterminé par le membre, de concert avec l'évaluation des facteurs conjoncturels. Les facteurs d'intervention comprennent la présence de l'officier, l'intervention verbale, le contrôle à mains nues, les dispositifs intermédiaires, les armes à impact, la force mortelle et le repositionnement tactique. Comme l'illustre le diagramme, compte tenu de la nature dynamique de ces incidents, le MIGI n'est pas une structure linéaire où une réponse mène nécessairement à une autre. En fait, le MIGI est conçu pour la formation des membres de la GRC, qui doivent évaluer constamment le risque et le potentiel de dommage et opter pour l'intervention appropriée.

Les interventions verbales et le positionnement tactique ont lieu peu importe le niveau de risque afin d'aider le membre à maîtriser la situation, à désamorcer tout affrontement et à garantir la sécurité maximale de toutes les parties en cause. Cette méthode est conforme aux principes sur lesquels repose le MIGI, qui soulignent l'importance de la sécurité du public et du membre et qui prévoient que la meilleure stratégie est celle nécessitant le plus faible niveau d'intervention pour la gestion d'un risque. Par conséquent, la meilleure intervention est celle qui cause le moins de dommages.

Pendant la gestion d'un incident, un membre devrait être attentif aux indices de menace comme la tension corporelle, le ton de la voix et l'expression faciale, afin d'être en mesure de réagir correctement. Les indices de menace permettent de savoir si l'individu est susceptible de résister plus ou moins violemment selon les comportements de résistance décrits dans les catégories de résistance qui justifieraient le recours à l'une des options d'intervention.

La gendarme Labbe a d'abord remarqué que M. Knipstrom ouvrait très grand les yeux et qu'il les fixait intensément lorsqu'ils sont arrivés. Elle avait l'impression qu'il avait peur de quelque chose. Le gendarme Mufford a constaté que M. Knipstrom avait [traduction] « l'air troublé, inquiet ». À un moment donné, la gendarme Labbe a pensé que ses muscles faciaux tressautaient. Le propriétaire du magasin et des employés ont formulé les mêmes observations.

M. McCrea et M. Walsh ont tous deux confirmé la déclaration du gendarme Mufford : M. Knipstrom est devenu rapidement agressif. Il avait les poings serrés. Le gendarme Mufford a déclaré que, à ce moment-là, il avait des motifs raisonnables et probables de croire que M. Knipstrom troublait la paix, il était préoccupé par la santé mentale de M. Knipstrom, il envisageait son arrestation en vertu de la Mental Health Act et il craignait pour la sécurité des personnes dans le magasin. Comme M. Knipstrom ne s'était pas conformé à ses ordres de s'arrêter et de s'asseoir par terre et qu'il avait l'air d'être prêt à se battre, le gendarme Mufford s'est approché de lui et a tenté de l'agripper par le poignet. M. Knipstrom s'est retranché derrière le comptoir. Lorsque M. Knipstrom a continué de ne pas tenir compte de ses ordres, le gendarme Mufford a déclaré qu'il s'est approché de lui encore une fois et qu'il a tenté de l'agripper, mais que M. Knipstrom l'a poussé [traduction] « avec une force imprévue » et qu'il s'est jeté sur lui. Ce qui a été confirmé par M. McCrea et M. Walsh.

Dès le début de leur interaction, M. Knipstrom était non coopératif en refusant de se conformer aux ordres lancés par le gendarme Mufford. M. Knipstrom a adopté une position de combat non provoqué, et le gendarme Mufford a constaté que M. Knipstrom était prêt à se battre contre lui. Lorsque le gendarme Mufford a réagi en employant le contrôle à mains nues et qu'il a tenté d'agripper le bras de M. Knipstrom, ce dernier l'a repoussé et s'est jeté sur lui. Pendant l'altercation, il est évident que M. Knipstrom a constamment fait fi des ordres de s'arrêter et que son comportement a rapidement changé, passant du comportement non coopératif au comportement combatif.

a) Utilisation de l'aérosol capsique et du bâton

Lorsque M. Knipstrom s'est jeté sur lui, le gendarme Mufford a tenté de le repousser, mais il n'a pas bougé. Le gendarme Mufford a donné un coup de poing dans le dos de M. Knipstrom, car ce dernier lui donnait des coups de poing à la tête. Le gendarme Mufford a tenté en vain de plaquer M. Knipstrom au sol. Toutefois, M. Knipstrom a continué de crier, de donner des coups de poing et d'agripper le policier. À ce moment-là, le gendarme Mufford a envoyé un jet de son vaporisateur d'aérosol capsique au visage de M. Knipstrom, mais sans effet dissuasif. La gendarme Labbe a ensuite envoyé un jet concentré de vaporisateur d'aérosol capsique vers le visage de M. Knipstrom, sans qu'il y ait d'effet non plus. Le gendarme Mufford a par la suite sorti et allongé son bâton ASP et s'en est servi pour bloquer les coups de poing de M. Knipstrom. Le gendarme Mufford a déclaré que des coups ont atteint, par inadvertance, la tête et le visage de M. Knipstrom, mais qu'il voulait atteindre ses bras et ses épaules. J'estime que cette explication est raisonnable, étant donné que la tête de M. Knipstrom était contre le thorax du gendarme Mufford à ce moment-là. Toutefois, là également, il n'y a pas eu d'effet dissuasif.

Pendant cette suite d'événements, M. McCrea et M. Walsh confirment que les membres étaient en position défensive et que M. Knipstrom a continué de s'agiter, peu importe les mesures qui étaient prises. Compte tenu du comportement combatif de M. Knipstrom, j'estime qu'il n'était pas déraisonnable que les membres utilisent l'aérosol capsique et un bâton de la façon dont ils l'ont fait et qu'ils ont agi conformément à la politique de la GRC sur le recours à la force.

Conclusion : Il n'était pas déraisonnable que les membres utilisent l'aérosol capsique et un bâton de la façon dont ils l'ont fait, et ils ont agi conformément à la politique de la GRC sur le recours à la force.

b) Utilisation de l'arme à impulsions (AI)Note de bas de page 25

Actuellement, la GRC classifie l'AI comme un dispositif intermédiaire. À la date de l'incident, les armes de cette catégorie pouvaient être utilisées contre les personnes manifestant un comportement résistant ou plus menaçant, comme le comportement combatif. Comme il est indiqué ci-dessus, M. Knipstrom est devenu combatif lorsque le gendarme Mufford lui a dit de s'arrêter et de s'asseoir par terre. De plus, on a utilisé d'autres options de recours à la force avant d'utiliser l'AI, qui ont semblé n'avoir aucun effet. Par conséquent, j'estime qu'il était raisonnable que les membres utilisent l'AI à ce moment-là.

Conclusion : Il était raisonnable que les membres utilisent l'AI lorsque d'autres options de recours à la force (techniques de contrôle à mains fermées, aérosol capsique, bâton) semblaient n'avoir aucun effet sur M. Knipstrom.

Après avoir utilisé l'aérosol capsique et un bâton pour se défendre contre les coups de poing de M. Knipstrom et ses avancées et compte tenu de leur effet minimal, le gendarme Mufford a décidé d'utiliser son AI. Il a tiré M. Knipstrom vers lui en le forçant à se baisser de sorte qu'il l'agrippait par le dos et il a lancé les électrodes dans le dos de M. Knipstrom. Il a déclaré que les électrodes n'ont eu aucun effet, peut-être parce que les électrodes n'ont pas pénétré son épais manteau. J'estime que cette utilisation est raisonnable dans les circonstances.

Conclusion : L'utilisation de l'AI par le gendarme Mufford était raisonnable dans les circonstances.

La gendarme Labbe a déclaré qu'elle croyait que l'AI était le meilleur outil disponible pour maîtriser M. Knipstrom. Elle l'a utilisée la première fois après que le gendarme Mufford a utilisé la sienne sans effet et que M. Knipstrom l'a frappée à la partie supérieure du thorax. Témoignant à l'enquête du coroner, elle a expliqué que M. Knipstrom était au sol lorsqu'elle a utilisé l'AI la première fois. Toutefois, elle a ajouté que, vu la force qu'il manifestait et sa résistance face aux techniques de contrainte par la douleur, elle a pensé qu'ils ne pourraient pas le maîtriser suffisamment pour le menotter à ce moment-là. Par conséquent, elle a pensé que l'inhibition musculaire provoquée par l'AI constituait la meilleure option. Tandis que l'on s'attendrait normalement à ce qu'un agent tente de menotter une personne dès qu'elle se trouve au sol, j'estime que cette explication est raisonnable compte tenu du comportement de M. Knipstrom.

La gendarme Labbe a utilisé l'AI en mode sonde et elle a cru que cela avait eu un effet, car M. Knipstrom semblait moins combatif. Elle a déclaré qu'il a commencé à se retourner, a tenté d'enlever les électrodes et de se remettre debout. Le gendarme Mufford a déclaré qu'il n'a pas vu l'AI être utilisée, mais qu'il l'a entendue. La gendarme Labbe a averti M. Knipstrom de demeurer au sol sinon elle allait utiliser le TaserMD contre lui. Il a continué d'essayer d'enlever les électrodes, et elle a utilisé l'AI une deuxième fois. Elle indique avoir été surprise de constater qu'il n'y avait pas eu d'effet et elle a cru que c'était probablement parce que les électrodes n'étaient plus en contact. Elle a donc changé les cartouches. Pendant ce temps, M. Knipstrom s'est dirigé vers la sortie en lui tournant le dos. Elle a lancé les électrodes à partir de la nouvelle cartouche, mais elle a éteint l'AI, car les renforts sont entrés dans le magasin. Elle a déclaré ne pas avoir entendu le bruit de la décharge électrique de l'AI à ce moment-là.

Conclusion : La décision de la gendarme Labbe d'utiliser son AI après que le gendarme Mufford a utilisé son AI était raisonnable dans les circonstances.

Au moment où sont arrivés le gendarme Kardos et d'autres policiers, les gendarmes Mufford et Labbe disaient à M. Knipstrom de s'allonger sur le sol. M. Knipstrom a continué de hurler et de crier de façon incohérente. Il s'est levé et s'est dirigé vers le gendarme Kardos. Le gendarme Kardos lui a ordonné de s'arrêter. M. Knipstrom a levé les poings partiellement serrés près de son thorax. Le gendarme Kardos a dégainé son AI, l'a pointée en direction de M. Knipstrom et lui a dit de s'arrêter. Il n'a pas réagi aux ordres ni n'a changé son comportement et il a continué de marcher vers le gendarme Kardos. Le membre a utilisé son AI en mode sonde en visant le centre du thorax de M. Knipstrom. Il n'a pas été touché en apparence. Le gendarme Kardos a utilisé de nouveau l'AI, qui, encore une fois, a semblé n'avoir aucun effet. Le gendarme Kardos a pensé que l'AI ne fonctionnait peut-être pas bien et il a décidé de le rengainer. Le gendarme Mufford a ajouté avoir [traduction] « entendu » une AI avoir été utilisée.

Conclusion : Les utilisations de l'AI par le gendarme Kardos étaient raisonnables dans les circonstances.

D'après ces comptes rendus, M. Knipstrom aurait reçu une décharge de l'AI à six reprises au total (une décharge envoyée par le gendarme Mufford, trois par la gendarme Labbe et deux par le gendarme Kardos). Les trois membres indiquent que l'AI a semblé avoir peu d'effet sur M. Knipstrom. D'après les déclarations de plusieurs témoins, notamment les témoins civils, ils ont entendu l'AI être utilisée. Voilà qui appuie la thèse des membres selon laquelle les AI fonctionnaient mal, soit parce que le manteau de M. Knipstrom ne permettait pas au courant de passer, soit parce que l'AI proprement dite était défectueuse.

Le caporal Gregg Gillis, un coordonnateur régional du recours à la force pour le compte de la GRC, a expliqué en détail à l'enquête Braidwood le bruit que l'on entend parfois lorsqu'une AI est utiliséeNote de bas de page 26. En résumé, il a expliqué que, lorsqu'une électrode pénètre un vêtement, par exemple, selon la position de la personne et le mouvement des vêtements, il se crée une bulle d'air qui nuit à la capacité de l'énergie électrique de compléter le circuit et de provoquer la perturbation neuromusculaire. Les effets peuvent être intermittents, car le vêtement bouge. Les membres de la GRC apprennent qu'un bruit souvent décrit comme un cliquetis indique que c'est bel et bien ce qui se produit, c.-à-d. l'ouverture et la fermeture du circuit ou la production d'un arc (soit le courant électrique qui traverse la bulle d'air). Le cliquetis indique que l'arme ne fonctionne pas ou que les effets sont limités. L'agent peut évaluer les effets sur la personne à la fois par le son émis par le dispositif (ou l'absence de son) et par l'observation visuelle de la personne.

En me fondant sur ce qui précède, j'estime que les membres ont raisonnablement conclu que M. Knipstrom ne ressentait pas pleinement les effets des décharges de l'AI, si tant est qu'il les ait ressenties à l'occasion. J'estime également qu'il était raisonnable que la gendarme Labbe utilise de nouveau son AI et qu'elle tente d'utiliser une deuxième cartouche lorsque la deuxième décharge n'a pas semblé régler le fait que l'AI avait un effet limité.

Conclusion : Il était raisonnable que les membres concluent que M. Knipstrom ne ressentait pas pleinement les décharges électriques de l'AI, si tant est qu'il les ait ressenties à l'occasion.

Conclusion : La décision de la gendarme Labbe d'utiliser à nouveau son AI et de tenter d'utiliser une deuxième cartouche lorsque l'envoi d'autres décharges électriques semblait avoir peu d'effet était raisonnable dans les circonstances.

Une autre question est soulevée quant à l'écart entre le nombre de fois où les gendarmes Mufford et Labbe déclarent avoir utilisé leur AI et le nombre de fois indiqué dans les rapports des données téléchargées. (La déclaration du gendarme Kardos concernant les utilisations de son AI et le rapport sur les données téléchargées concordent.) À la suite de la mort de M. Knipstrom, les données de l'AI ont été téléchargées le 24 novembre 2007Note de bas de page 27. Le rapport sur les données téléchargées indiquait la mise en fonction de l'AI des gendarmes Mufford et Labbe ci-après :

Gendarme Mufford

  • Activation de sept secondes se terminant le 19 novembre 2007 à 15 h 32 m 35 sNote de bas de page 28.
  • Activation de cinq secondes se terminant le 19 novembre 2007 à 15 h 32 m 41 s.
  • Activation de cinq secondes se terminant le 19 novembre 2007 à 15 h 32 m 49 s.

Gendarme Labbe

  • Activation de cinq secondes se terminant le 19 novembre 2007 à 15 h 33 m 39 s.
  • Activation de cinq secondes se terminant le 19 novembre 2007 15 h 33 m 48 s.
  • Activation de cinq secondes se terminant le 19 novembre 2007 15 h 33 m 57 s.
  • Activation de deux secondes se terminant le 19 novembre 2007 15 h 35 m 15 s.
  • Activation de cinq secondes se terminant le 19 novembre 2007 15 h 35 m 27 s.

Dans les données téléchargées, je constate que rien n'indique que les unités ont été utilisées simultanément.

Il est impossible de déterminer avec certitude la raison des écarts. L'appel du gendarme Mufford à 15 h 35 min 35 s afin d'obtenir des renforts indique que l'on a administré à M. Knipstrom une décharge électrique au pistolet Taser à deux reprises, ce qui étaye sa déclaration selon laquelle il a utilisé son AI une fois et il a entendu la gendarme Labbe utiliser ensuite son AI. Même si l'heure indiquée dans les registres des appels de la GRC semble être plus tard que celle des horloges des AI, cet écart est probablement attribuable au fait que les deux systèmes ne sont pas synchronisés. L'analyse du recours à la force par la GRC donne à penser que les utilisations supplémentaires peuvent être attribuables à la réaction du nerf sympathique. Par exemple, le gendarme Mufford a continué de tenir l'AI dans sa main pendant qu'il frappait M. Knipstrom. Le rapport mentionne ceci : [traduction] « son doigt serait resté sur la gâchette, et la réaction du nerf sympathique aurait fait en sorte qu'il continue d'appuyer sur la gâchette jusqu'à ce qu'il laisse tomber l'AI. La fréquence cardiaque élevée du gendarme Mufford aurait nui à sa capacité de maintenir la pensée cognitive et d'utiliser sa motricité fine ». Une réaction semblable pourrait également expliquer les deux activations supplémentaires de l'AI de la gendarme Labbe. Comme l'AI ne semblait pas avoir d'effet sur M. Knipstrom, probablement en raison d'un problème avec les électrodes, les membres n'ont probablement pas remarqué les activations non voulues, le cas échéant.

Lorsque les membres ont décidé d'utiliser leur AI, il leur incombait de l'utiliser le moins de fois possible pour maîtriser M. Knipstrom. Dans ces circonstances extraordinaires, étant donné la force et l'endurance manifestées par M. Knipstrom et le fait que son manteau semblait nuire aux effets de l'AI, j'estime que le nombre d'utilisations était raisonnable. Je constate que, tandis que la politique de la GRC en vigueur à la date de l'incident déconseillait d'utiliser l'AI de façon répétitive, « à moins que les circonstances ne dictent le contraireNote de bas de page 29 », j'estime que les membres ont raisonnablement conclu que les circonstances dictaient le contraire dans le cas qui nous occupe.

Je note que l'essai des AI qui ont été utilisées pendant l'incident a révélé qu'une des armes, celle utilisée par la gendarme Labbe, fonctionnait au-delà du seuil de tolérance concernant le paramètre de fonctionnement de la « phase principale de charge électrique nette ». La phase principale de charge électrique nette est la décharge transmise à la personne pendant la phase principale. Toutefois, le rapport n'indique pas la relation de causalité que cela aurait pu avoir. À l'enquête du coroner, l'enquêteur principal de la GRC a déclaré que, selon lui, l'effet attribuable à l'irrégularité aurait été négligeable, mais qu'il n'est pas en mesure de le confirmer scientifiquement.

Conclusion relative aux options de recours à la force

Dans le contexte du recours à la force, les agents de la GRC apprennent qu'ils doivent s'assurer que la personne avait l'aptitude, l'intention et le moyen d'agir ou de mettre sa menace à exécution. Autrement dit :

A. La personne suspecte a-t-elle, ou dans une mesure raisonnable, semble-t-elle avoir l'aptitude physique (capacité) et la mobilité nécessaire pour vous blesser ou vous tuer ou blesser ou tuer d'autres personnes?

I. Les paroles ou les actes de la personne suspecte vous portent-ils à croire qu'elle a l'intention de vous blesser ou de vous tuer ou de blesser ou de tuer d'autres personnes?

M. La personne suspecte a-t-elle un moyen, une méthode ou un instrument (arme) lui permettant de mettre à exécution la menace connue ou perçue?

D'après les conclusions que j'ai tirées ci-dessus, les membres étaient raisonnablement convaincus du fait que M. Knipstrom avait l'aptitude physique de les blesser ou de les tuer ou de blesser ou de tuer d'autres personnes, qu'il avait l'intention de le faire (à tout le moins aux yeux des membres) et qu'il avait le moyen de le faire.

Comme le montre le relevé des communications, ces événements sont survenus en moins de six minutes, entre 15 h 32 et 15 h 38. Il est important de reconnaître la nature très dynamique de l'incident qui s'est déroulé en six minutes et qui exigeait des mesures décisives. Il faut également se rappeler que la concentration de MDMA et de MDA dans le sang de M. Knipstrom révèle qu'il était fortement intoxiqué.

Compte tenu de tous les renseignements disponibles et du comportement de M. Knipstrom, j'estime que les gendarmes Mufford et Labbe avaient une crainte raisonnable de menace de lésions corporelles graves pour eux ou d'autres personnes, ce qui les a amenés à employer les options de recours à la force conformément aux politiques de la GRC et aux lois.

Conclusion : Les gendarmes Mufford, Labbe et Kardos ont employé les options de recours à la force conformément aux politiques de la GRC et aux lois.

Commentaires relatifs aux perceptions des témoins civils

Les déclarations des témoins oculaires, M. Walsh et M. McCrea. ont confirmé à maintes reprises que le gendarme Mufford était sur la défensive dès le début de l'altercation et que M. Knipstrom était l'agresseur. Quand on leur a demandé s'ils avaient l'impression que les agents avaient employé une force excessive à l'égard de M. Knipstrom, M. Walsh a déclaré :

[Traduction]

Non, pas du tout. Pas du tout. Vous savez, lorsqu'on vous dit à plusieurs reprises de vous coucher par terre avant que personne vous ait touché, pas du tout, qu'on vous dit au moins trois (3), quatre (4), cinq (5) fois, avant que quiconque ne pose la main sur vous, de vous asseoir ou de vous coucher par terre ou de vous agenouiller, et que vous foncez sur cet agent, et que cet agent vous asperge de gaz poivré et vous dit encore de vous coucher par terre et que vous n'obéissez pas. Et que, vous avez reculé — cet agent avait reculé de quinze (15) à dix-huit (18) pieds.

Selon moi, lorsque vous vous trouvez à dix-huit (18) ou quinze (15) pieds et qu'il a agi ainsi, vous, vous devez vous défendre, et il y avait deux (2) civils sur les lieux, moi-même et mon gérant. Vous devez faire ce que vous devez faire. Et, euh, euh, il essayait de maîtriser le monsieur. Il essayait de maîtriser la situation. Il n'essayait pas de frapper le monsieur. Alors, je, euh, je n'ai personnellement aucun problème avec la force qu'il a employée contre la personne. Elle était plus que justifiée pendant l'événement.

En réponse à la même question, M. McCrea a déclaré ceci :

[Traduction]

Non. Non, je pense que la police a fait ce qu'elle devait faire et, lorsqu'il est arrivé, lorsque le policier est arrivé, les gestes de M. Knipstrom n'étaient pas justifiés, selon moi, il plaçait ses mains devant son visage comme s'il allait se faire frapper et, je veux dire, à ce moment-là, les agents n'avaient même pas dégainé une arme, ils lui demandaient seulement de se calmer. Puis, à partir de ce moment-là, il est devenu de plus en plus violent, en fait, excessivement violent.

Ces déclarations doivent être jugées objectives et factuelles, car elles ont été faites par des témoins directs des événements qui n'avaient pas d'autre intérêt dans l'affaire. Elles doivent être considérées comme des interprétations raisonnables des événements qui sont survenus. Elles décrivent le comportement de M. Knipstrom avant l'intervention policière en le qualifiant d'anormal, de paranoïaque et d'instable. Dans les deux cas, les déclarations concordent quant à l'attitude calme du gendarme Mufford lorsqu'il s'est trouvé pour la première fois en face à face de M. Knipstrom puis à son recours progressif à la force pour se défendre pendant que M. Knipstrom l'attaquait.

Je reconnais que, parmi les autres témoins des événements, se trouvaient plusieurs employés du magasin qui ont entendu ou vu en partie l'altercation depuis l'atelier. Plusieurs d'entre eux étaient d'avis que la police a peut-être employé une force exagérée et qu'il aurait peut-être été possible de maîtriser M. Knipstrom par un autre moyen. Je note que le fait de s'asseoir sur M. Knipstrom était une autre méthode suggérée par deux de ces personnes. Je remarque également que, au cours de leur déposition à l'enquête du coroner, ces témoins n'ont rien laissé entendre du genre. De fait, un témoin a précisé que M. Knipstrom attaquait l'agent et que l'agent se défendait.

De plus, il y avait un client assis dans sa voiture devant le magasin au moment de l'incident. Même s'il avait une vue limitée parce qu'il se trouvait dans son véhicule à l'extérieur du magasin, il s'est dit préoccupé par le fait que l'intervention policière a peut-être provoqué l'altercation, étant donné qu'il ne s'était rien passé dans le magasin quand il s'y trouvait. L'enquête a révélé que ces témoins n'étaient pas bien placés pour voir ou entendre la majeure partie de l'altercation ou la façon dont elle a éclaté. Cette constatation, alliée à la fragilité des capacités d'observation de l'être humain, particulièrement lorsque sa perception peut être affectée par des attentes potentiellement irréalistes quant à ce qui devrait se passer sans savoir tout ce qui se passait réellement, m'amène à conclure qu'on ne peut pas se fier à leurs perceptions des événements qui se sont déroulés.

Actions de la gendarme Labbe

Au cours de l'enquête, plusieurs témoins ont soulevé des questions quant au niveau d'intervention de la gendarme Labbe, tandis que le gendarme Mufford était physiquement aux prises avec M. Knipstrom. M. Walsh et M. McCrea ont tous deux commenté ce qu'ils ont perçu comme un manque de soutien de la gendarme Labbe, en raison de son incapacité d'intervenir physiquement auprès de M. Knipstrom pendant l'altercation alors qu'il semblait dominer le gendarme Mufford. Comme il est expliqué en détail ci-dessus, on a établi que la gendarme Labbe a utilisé son aérosol capsique et son AI contre M. Knipstrom pendant l'altercation. Il n'y a cependant aucun élément de preuve établissant qu'elle est intervenue physiquement auprès de M. Knipstrom à un moment quelconque pendant la lutte.

La GRC s'est penchée sur la question de l'inaction perçue de la part de la gendarme Labbe et a déterminé qu'une enquête en vertu du code de déontologie n'était pas justifiée. Je constate que les enquêteurs de la GRC n'ont pas soumis la question à la gendarme Labbe ou au gendarme Mufford dans leurs questions de suivi. À tout le moins, il aurait été préférable de régler la question en demandant à la gendarme Labbe de répondre à l'allégation. Cela dit, toutefois, aucun élément de preuve n'établit que le résultat aurait été différent si la gendarme Labbe était intervenue physiquement auprès de M. Knipstrom. Même si, plus tard, il est devenu évident que l'AI ne fonctionnait pas bien pour diverses raisons et ne produisait pas l'effet souhaité, j'estime qu'il n'était pas déraisonnable que la gendarme Labbe agisse selon sa croyance que l'AI était le meilleur outil pour maîtriser M. Knipstrom, plutôt que d'intervenir physiquement auprès de lui.

Contrainte après arrestation

La politique de la GRC a orienté les membres quant à leur choix de méthode pour maîtriser M. Knipstrom. La politique de la GRC en vigueur à l'époque recommandait que si l'on soupçonne qu'une personne est en proie au « délire excité »Note de bas de page 30, lorsque l'AI est utilisée contre elle, il faut retirer la personne de la position ventrale dès qu'elle a été maîtrisée et il est sécuritaire de le faireNote de bas de page 31. Les membres ont constaté que M. Knipstrom manifestait des symptômes correspondant au délire agité, notamment un comportement bizarre et violent, de l'agressivité, ne pas réagir à la présence ou à l'intervention verbale d'un policier, paroles inintelligibles ou cris d'animaux, force inhabituelle et insensibilité à la douleur. Après son arrestation, M. Knipstrom a été maintenu en position ventrale, soit face contre terre sur le ventre jusqu'à l'arrivée du personnel médical. Il a par la suite été maintenu dans cette position jusqu'à ce qu'il subisse un arrêt cardiaque.

Les SMU et les membres sur les lieux ont tenté de retirer M. Knipstrom de la position ventrale, mais comme il était très résistant et très agité, ils ont dû le laisser dans cette position pour éviter d'autres blessures. Les membres du personnel des SMU pensaient qu'ils causeraient d'autres blessures à M. Knipstrom en luttant avec lui et en essayant de le retourner sur le dos. Mme Seymour a souligné [traduction] « qu'il n'y avait aucun moyen de le déplacer ». Dans la mesure où la décision de le laisser en position ventrale au moment de quitter les lieux de l'altercation était celle des SMU et du personnel médical, la Commission n'a pas compétence de commenter. Toutefois, dans la mesure où les membres en question ont pris la décision de maintenir M. Knipstrom en position ventrale, j'estime qu'il était raisonnable pour eux d'agir ainsi, car ils croyaient, avec raison, que M. Knipstrom risquait de subir davantage de blessures s'ils agissaient autrement.

Conclusion : Dans la mesure où ce sont les membres en question qui ont décidé de maintenir M. Knipstrom en position ventrale après son arrestation, il était raisonnable pour eux de le faire dans les circonstances.

Obtention de soins médicaux

La politique de la GRC a également orienté les membres relativement à l'obtention de soins médicaux pour M. Knipstrom. Même si elle n'exige pas que des soins médicaux soient fournis chaque fois que l'AI est utilisée, la politique de la GRC à l'époque exigeait que, si l'on soupçonnait qu'une personne est en proie au délire lorsque l'AI est utilisée contre elle, la personne doit recevoir des soins médicaux dès que possible. De plus, la politique prescrivait que les observations relatives aux symptômes associés au délire excité soient transmises dans les plus brefs délais au personnel des services de santéNote de bas de page 32. Comme je l'ai mentionné dans mon rapport intitulé Utilisation de l'arme à impulsions (AI) à la GRC Note de bas de page 33, compte tenu du nombre apparemment disproportionné de personnes ayant des problèmes de consommation de drogues ou d'alcool auprès de qui la police doit intervenir et qui sont statistiquement plus susceptibles de mourir sous garde, la politique sur l'utilisation de l'AI de la GRC devraient exiger que le membre demande une intervention médicale lorsque l'AI a été utilisée à l'endroit d'un sujet, et ce, dans toutes les circonstances.

M. Knipstrom était manifestement blessé, car il avait du sang à la tête et au visage. De plus, les membres ont constaté que M. Knipstrom manifestait des symptômes correspondant au délire agité. À ce titre, les membres avaient l'obligation d'obtenir des soins médicaux pour lui dès que possible. L'examen des mesures prises par les membres après l'utilisation de l'AI confirme qu'on a demandé des soins médicaux pour M. Knipstrom pendant l'altercation et à plusieurs reprises par la suite. Les membres présents sur les lieux se sont informés à au moins cinq reprises concernant les SMU entre 15 h 35 et 15 h 47 le jour de l'incident. Les intervenants médicaux confirment que les membres ont mentionné que l'AI avait été utilisée à de multiples reprises contre M. Knipstrom, qu'on l'avait aspergé d'aérosol capsique et qu'il avait été frappé à la tête avec le bâton ASP. M. Knipstrom a également continué de manifester des symptômes de délire agité au moment de sa prise en charge par les intervenants médicaux.

Conclusion : Les membres ont obtenu comme il se doit des soins médicaux pour M. Knipstrom.

Conclusion

En conclusion, j'estime que, en ce qui concerne M. Knipstrom, les mesures prises par les membres en cause relativement aux soins à fournir à une personne blessée ou à qui l'on a administré une décharge de l'AI pendant qu'elle était placée sous garde l'ont été conformément à la politique de la GRC en vigueur à la date de l'incident.

À la lumière de l'ensemble des faits, des lois et politiques examinés ci-dessus, je conclus que les membres de la GRC en cause dans les événements du 19 novembre 2007, du premier contact jusqu'à la prise en charge par le personnel des services médicaux d'urgence, ont agi conformément à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences obligatoires en ce qui concerne l'arrestation et le traitement de personnes détenues.

Conclusion : Les membres de la GRC qui sont intervenus au cours des événements mettant en cause M. Knipstrom le 19 novembre 2007, du premier contact jusqu'à ce que le personnel des services médicaux d'urgence le prenne en charge, ont agi conformément à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences obligatoires en ce qui concerne l'arrestation et le traitement de personnes détenues.

Conformité des politiques, des procédures et des lignes directrices de la GRC

Aucune préoccupation particulière n'a été soulevée concernant la politique de la GRC en ce qui a trait à l'arrestation et au traitement de M. Knipstrom le 19 novembre 2007. Cela dit, j'ai formulé diverses recommandations quant à la politique de la GRC sur les AI, comme je l'ai indiqué dans le rapport de la CPP intitulé Utilisation de l'arme à impulsions (AI) à la GRC (2001-2007)Note de bas de page 34 (rendu public le 12 juin 2008). Je note également que, depuis, la GRC a modifié sa politique, même si, comme je l'ai souligné dans mes rapports, d'autres changements s'imposent.

DEUXIÈME QUESTION : L'ENQUÊTE — Déterminer si les membres de la GRC qui ont participé à l'enquête criminelle portant sur la mort de M. Knipstrom ont agi conformément à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences obligatoires appropriées pour ce type d'enquêtes, si ces politiques, ces procédures et ces lignes directrices sont adéquates et, enfin, si l'enquête en question a été menée de façon adéquate et en temps opportun.

Analyse – Conformité de l'enquête

Au moment d'évaluer la conformité d'une enquête criminelle, il est important de tenir compte des mesures prises durant l'enquête. Selon les politiques de la GRC, les membres doivent « sous réserve des ressources disponibles, des priorités établies et du pouvoir discrétionnaire approprié, mener une enquête sur une infraction au Code criminel »Note de bas de page 35. Les membres de la GRC doivent suivre toutes les pistes et faire appel à des ressources additionnelles au besoin. Il y a évidemment des limites à la portée d'une enquête, et cela dépend de la nature de l'infraction. Dans le cadre d'une enquête convenable sur un crime, voici ce que doit faire notamment un membre :

  • a) suivre toutes les pistes fournies promptement et efficacement;
  • b) interroger toutes les sources et les suspects possibles promptement et efficacement;
  • c) demander tous les tests et rapports judiciaires pertinents pour vérifier la preuve matérielle et consulter les autres spécialistes possédant des connaissances spécialisées;
  • d) suivre la politique connexe de la GRC et le renvoi à d'autres textes connexes de technique policière au besoin;
  • e) assurer la bonne gestion de cas des dossiers en veillant à ce que des notes dûment écrites étayent les mesures prises pendant l'enquête ainsi que toute poursuite intentée ultérieurement.

Le principal objectif d'une enquête criminelle est de recueillir suffisamment de renseignements pour être en mesure d'avoir des motifs raisonnables de croire que certaines personnes ont commis une infraction.

Étapes initiales de l'enquête

Immédiatement après le départ de l'ambulance avec M. Knipstrom, le gendarme Bellia a isolé la zone du magasin en donnant la directive aux employés de demeurer dans l'atelier, à l'écart des lieux. Trois membres de la GRC ont été affectés à la sécurité des lieux pendant l'enquête sur place. Comme l'indiquent les notes du gendarme Abrahamson, l'accès aux lieux a été limité uniquement aux spécialistes judiciaires, au personnel d'enquête et au personnel de surveillance. Leur identité ainsi que leur heure d'arrivée et de départ ont été notées. D'après les éléments de preuve, je suis convaincu du fait que les lieux ont été sécurisés comme il se doit après l'incident.

Conclusion : Les lieux ont été sécurisés comme il se doit.

La Section des enquêtes générales à Chilliwack s'est chargée des étapes initiales de l'enquête, notamment sécuriser les lieux, identifier les témoins immédiats, recueillir leurs déclarations et saisir les éléments de preuve. À la demande du sergent Manj, on a communiqué avec la Section de l'identité judiciaire du district régional de l'Upper Fraser Valley, et le caporal Mike Vander Schaaf est arrivé sur les lieux à 16 h 5. Le caporal Vander Schaaf a commencé son enquête en recueillant les éléments de preuve et en prenant des photographies. Le caporal Dean Kraus de la Section de l'identité judiciaire a enregistré les événements sur bande vidéo.

Le sergent d'état-major Gerry Falk est arrivé sur les lieux vers 15 h 45. À ce moment-là, les membres maintenaient M. Knipstrom au sol. Il est retourné au détachement à 16 h. Vers 16 h 30, on l'a informé que M. Knipstrom ne respirait plus, et il a dit au sergent Dixon de téléphoner au Groupe intégré des enquêtes sur les homicides (IHIT)Note de bas de page 36 afin qu'il se rende sur les lieux advenant la mort de M. Knipstrom. Cela a été fait conformément à la politique de la GRC exigeant la tenue d'une enquête « indépendante » immédiate lorsqu'une personne arrêtée ou sous la garde de la GRC est grièvement blessée ou meurt.

Vers 16 h 41, le sergent Dixon a demandé au service de répartition de téléphoner à l'IHIT. Toutefois, il a par la suite été déterminé qu'il serait inapproprié de faire appel à l'IHIT local en raison des préoccupations liées à l'impartialité. Par conséquent, on a affecté le Groupe des crimes graves de la Division « E » afin qu'il prenne le relai de l'enquête vers 17 h 55. On a regroupé une équipe intégrée d'enquêteurs provenant du Groupe des crimes graves de la Division « E », de l'IHIT de Surrey, du service de police d'Abbotsford et du Groupe intégré des crimes graves de l'île de VancouverNote de bas de page 37. La Section de l'identité judiciaire a été autorisée à poursuivre son examen des lieux. À ce moment-là, seules des photographies avaient été prises.

L'équipe intégrée d'enquête est arrivée à Chilliwack vers 21 h. Après une séance d'information au détachement, l'équipe est arrivée sur les lieux. Vers 1 h 50, le caporal Vander Schaaf a tenu une séance d'information avec l'équipe d'enquête. Le propriétaire du magasin a pu reprendre le contrôle des lieux vers 1 h 20 le 20 novembre 2007.

Conclusion : Le personnel approprié a été dépêché sur les lieux au moment opportun.

Conclusion : Une équipe d'enquête « indépendante » a été constituée rapidement, conformément à la politique de la GRC.

Gestion des cas graves

Le modèle de gestion des cas graves est « une méthode de gestion des cas graves qui comprend la reddition des comptes, des buts et des objectifs clairs, une planification, une affectation de ressources et des mécanismes de contrôle en vue de faciliter l'orientation, le rythme et le déroulement de l'enquêteNote de bas de page 38 ». La gestion des cas graves est dirigée par l'Équipe de gestion des cas graves (EGCG), laquelle fonctionne selon le « triangle de commandement », qui comprend le chef d'équipe, l'enquêteur principal et le coordonnateur des dossiers. Le chef d'équipe détient la plus haute autorité et responsabilité au service de l'EGCG, ainsi qu'en ce qui a trait à ses ressources (humaines et matérielles) et à son mandat. L'enquêteur principal supervise tout le processus d'enquête. Le coordonnateur des dossiers est responsable du contrôle, de la supervision, de l'organisation et de la divulgation de la documentation des dossiers.

Les rôles du triangle de commandement ont été assignés aux membres du Groupe des cas graves de la Division « E ». Le sergent d'état-major Randy Hundt a assumé le rôle de chef d'équipe et a nommé le sergent Matthew Toews, inspecteur principal et la caporale Karina Desrosiers, coordonnatrice des dossiers. La caporale Jennifer McDonald a par la suite assumé le rôle de coordonnatrice des dossiers. Ils étaient tous des membres qualifiés possédant une expérience des enquêtes sur les crimes graves.

Tous les membres de l'équipe d'enquête ont rempli un questionnaire d'impartialité élaboré par la GRC, visant à garantir la plus grande objectivité possible de la part des membres qui interviennent dans un tel casNote de bas de page 39. La procédure vise à faire en sorte que tous les liens passés ou présents que les enquêteurs peuvent avoir avec les membres en cause dans l'incident à l'étude soient divulgués. Le chef d'équipe examine tous les questionnaires afin de déterminer si un enquêteur devrait être exclu de l'équipe au motif d'une apparence de conflit d'intérêts de sa part.

Les membres avaient déjà eu affaire à des agents du détachement de Chilliwack, que ce soit pendant la formation ou les enquêtes, mais ces liens ne semblaient pas importants au point de présenter un risque de conflit d'intérêts, et aucun membre de l'équipe d'enquête ne connaissait les gendarmes Mufford, Labbe ou Kardos.

Il ressort de mon examen que l'enquête a été gérée conformément aux principes de gestion des cas graves. La méthode d'enquête garantit une approche fondée sur des éléments de preuve qui renforcent l'objectivité et l'efficacité de la structure de commandement.

Conclusion : L'enquête a été gérée conformément aux principes de gestion des cas graves.

Témoins

On a recueilli les déclarations des témoins civils sur les lieux immédiatement après l'incident. Un certain nombre de ces déclarations ont commencé avant que M. Knipstrom subisse un arrêt cardiaque. Entre le 19 et le 22 novembre, les enquêteurs ont mené plus de 60 entrevues auprès de témoins, membres de la police ou de la collectivité et ont recueilli la preuve matérielle. On a parcouru le voisinage dans le but de localiser d'autres témoins ainsi que la bande de vidéosurveillance (élément de preuve) pouvant jeter davantage de lumière sur les événements ayant provoqué l'altercation. Rien n'indique que les enquêteurs n'ont pas réussi à localiser ou à interroger les témoins pertinents en temps opportun.

Conclusion : Tous les témoins pertinents ont été interrogés.

Déclarations des membres

Dans le cadre de leurs fonctions, les policiers sont tenus de consigner les données relatives à leur participation à des événements qui se produisent dans le contexte de leur emploi et de fournir cette documentation à leur employeur. Ces documents doivent également être communiqués, par application d'une loi, à l'avocat de la défense ou conformément aux instructions des tribunaux en ce qui a trait aux processus judiciaires.

Comme je l'ai noté dans l'affaire Ian BushNote de bas de page 40 :

En règle générale, au Canada, les gens n'ont aucune obligation juridique de faire des déclarations à la police. Celle-ci peut demander à une personne de faire une déclaration dans le cadre d'une enquête mais, en l'absence d'obligation imposée par la loi ou par la common law, elle n'a aucun moyen d'obliger un répondant à acquiescer à sa demande. Si la police a des motifs raisonnables d'arrêter une personne et de la détenir, les policiers peuvent tenter d'interroger cette personne dans des circonstances où sa liberté lui a été retirée, mais il n'existe toujours aucune obligation, pour cette personne, de collaborer avec la police.

Les membres de la GRC sont tenus de fournir un Acompte rendu de leurs activités quand ils en reçoivent l'ordre. Ce compte rendu est appelé « obligation de rendre compte ». Le pouvoir d'obliger les membres de la GRC à faire une déclaration par obligation de rendre compte vient de ce que les membres de la GRC sont tenus d'obéir aux ordres légitimes d'autres membres de la GRC qui les dépassent en grade ou qui détiennent des pouvoirs auxquels ils sont assujettis. Les particuliers ne sont soumis à aucune exigence de cette nature dans le cours normal des enquêtes policières.

Au vu de la nature imposée des déclarations faites par obligation de rendre compte, de telles déclarations ne sont vraisemblablement pas volontaires et, par conséquent, ne sont pas recevables dans le cadre de procédures pénales. Il apparaît clairement que l'obligation de rendre compte est surtout considérée comme un processus administratif. On peut l'invoquer, par exemple, dans le cadre de procédures découlant du code de déontologie. Bien que l'obligation de rendre compte ne soit pas expressément considérée comme une partie du processus d'enquête pénale, ce type de déclaration peut produire des renseignements généraux servant de piste à une enquête pénale.

Immédiatement après l'incident, le sergent Manj a demandé au gendarme MacIntosh de retourner au détachement avec les gendarmes Mufford et Labbe afin de recueillir leurs déclarations. Il a déclaré qu'il n'a pas été question de l'incident à ce moment-là, que de leur bien-être. Il a pris des photographies des vêtements du gendarme Mufford et les a saisis et il a obtenu une déclaration enregistrée de la gendarme Labbe. Le gendarme Mufford a fourni sa déclaration sous forme d'un rapport réglementaire écrit le jour même (qui indique 20 h 16); il a également fourni un rapport révisé le 21 décembre 2007. Rien n'indique que le gendarme MacIntosh a demandé une déclaration enregistrée à ce
moment-là (ce qui aurait permis de poser des questions) ou pourquoi le gendarme Mufford a plutôt décidé de produire sa déclaration par écrit. Après leurs rapports initiaux, les gendarmes Mufford et Labbe ont décidé de ne fournir que des déclarations écrites par l'entremise de leur conseiller juridique, comme ils étaient en droit de le faire. Le dossier indique que les enquêteurs ont tenté d'organiser des entrevues personnelles avec les gendarmes Mufford et Labbe, ce qui a été refusé. Toutefois, les enquêteurs ont soumis d'autres questions aux membres, auxquelles ils ont répondu par écrit.

Même s'il aurait été préférable que l'on puisse disposer d'une entrevue ou d'une déclaration enregistrée du gendarme Mufford et d'une autre déclaration enregistrée des deux membres concernant les questions de suivi (ce qui aurait probablement fourni davantage de renseignements précis et des éclaircissements de leur part), j'estime que les enquêteurs ont déployé des efforts raisonnables en vue de les obtenir et que les membres avaient le droit de refuser ces demandes.

On a obtenu des déclarations écrites et audio de tous les autres membres qui étaient sur les lieux pendant l'incident, peu importe l'importance de leur intervention.

Conclusion : Les enquêteurs ont déployé des efforts raisonnables au moment d'interroger et de recueillir les déclarations des membres en cause.

Pertinence du rôle joué par le représentant des relations fonctionnelles

Les incidents de cette nature soulèvent toujours la question de la pertinence de la participation du représentant des relations fonctionnelles (RRF). Les déclarations par obligation de rendre compte se rapportant à des incidents graves sont parfois recueillies après une réunion entre le RRF et le membre en cause. Cette pratique peut parfois remettre en question la crédibilité des déclarations données.

Le caporal Baier, qui se trouvait sur les lieux de l'incident après que M. Knipstrom a été plaqué au sol et maîtrisé, s'est réuni avec les gendarmes Mufford et Labbe en vertu de son rôle de RRF. Voici ce qu'il souligne dans ses déclarations au sujet de ce qui s'est passé le jour de l'incident :

[Traduction]

[...] en ma qualité de membre subalterne de l'état-major, représentant des relations fonctionnelles pour la région de Chilliwack, euh, j'ai parlé, euh, au gendarme MUFFORD et à la gendarme LABBE. Il n'a pas été question de l'incident. Toute la conversation a porté sur leur bien-être. Euh, qui les attendait à la maison ce soir-là? Comment rentreraient-ils à la maison? [...] Le surintendant BRINE, euh, a indiqué que, euh, il était mal à l'aise avec le fait que je puisse être un témoin éventuel et que je me trouvais dans la pièce en train de parler à des membres qui ont été directement impliqués dans le recours à la force. On a brièvement discuté du rôle du représentant des relations fonctionnelles ainsi que de l'obligation de rendre compte des membres, puis on est retourné dans la pièce pour informer les membres que, euh, on a revu l'obligation de rendre compte et quelles étaient les attentes à leur égard.

Les notes du surintendant Brine confirment que, vers 17 h 25, il a eu une discussion avec le caporal Baier afin de préciser qu'il ne discutait pas de l'incident avec les membres. Le caporal Baier a indiqué avoir rencontré les membres impliqués parce qu'il était préoccupé par leur bien-être psychologique. Il a également précisé qu'il n'a été question d'aucun détail de l'incident lorsqu'il a discuté avec les membres en cause le soir de l'incident.

Selon les principes de l'enquête, on doit séparer les témoins immédiatement afin de les soustraire à toute occasion d'harmoniser leurs témoignages ou d'échafauder une version des événements. Les rencontres comme celles avec le caporal Baier me préoccupent en raison du potentiel d'influence ou d'ingérence inappropriée dans le cadre d'une enquête. Je constate que la déclaration de la gendarme Labbe a été recueillie avant qu'elle rencontre le RRF. Toutefois, le premier rapport préparé par le gendarme Mufford indique qu'il l'a été à une heure postérieure à sa rencontre avec le RRF. Je suis préoccupé par le fait que la réunion a pu influencer la déclaration du gendarme Mufford et par le fait que les gendarmes Labbe et Mufford se trouvaient dans la même pièce avant que le gendarme Mufford ne remplisse sa déclaration. Une autre préoccupation tient au fait que le caporal Baier a été témoin d'une partie des événements qui ont eu lieu, bien qu'il s'agisse des événements ayant eu lieu après la maîtrise initiale de M. Knipstrom.

La présence du RRF et sa discussion avec les membres en cause avant qu'ils aient fourni de déclaration relative aux incidents graves risquerait de donner lieu à des renseignements filtrés fournis à l'enquêteur. L'autre danger est le potentiel d'apparence d'ingérence, ou au pire, d'ingérence réelle, dans le cadre d'une enquête en cours. Pour reprendre un vieil adage, il ne suffit pas d'effectuer une enquête impartiale, il doit être évident qu'une enquête impartiale a été effectuée. Cela s'avère particulièrement lorsque la police enquête sur la police. L'enquêteur est en mesure de mener l'entrevue auprès du membre en cause sans que le RRF ait d'abord pu discuter des faits de la situation avec le membre. J'estime qu'un RRF n'aurait pas dû être autorisé à avoir une rencontre individuelle avec les membres avant que les déclarations par obligation de rendre compte n'aient été recueillies.

Les lignes directrices de la GRC tiennent compte de l'obligation de rendre compte. Les lignes directrices de la Division « E » de la GRC concernant les enquêtes internes indiquent ce qui suitNote de bas de page 41 :

Tous les membres doivent rendre compte à la GRC des gestes posés dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions. Ce devoir comporte également une obligation de fournir des renseignements pertinents sur demande.

Cette obligation de rendre compte ne doit pas être confondue avec les déclarations volontaires faites à un enquêteur. L'obligation de rendre compte englobe simplement la préparation normale de documents, notamment le formulaire 1624, ou le fait de répondre à des questions de base liées à un incident et posées par un superviseur ou un autre membre dans le cadre d'une enquête. La demande de déclaration volontaire présentée à un membre au cours d'une enquête en vertu de la partie IV devrait être distincte de la demande présentée par enquêteur en vue d'obtenir des renseignements conformément à l'obligation de rendre compte ou au droit de savoir de la GRC. La déclaration volontaire peut englober des questions plus précises de l'enquêteur concernant l'incident allégué.

Toutefois, cette explication des droits et obligations des membres en cause est destinée aux enquêteurs, non pas aux membres en cause. Les exigences de l'obligation de rendre compte doivent être claires pour tous les membres de la GRC, ce qui n'est actuellement pas le cas.

S'il convient d'expliquer l'obligation d'un membre de fournir la déclaration, il serait plus approprié de l'expliquer en présence de l'enquêteur. Toutefois, la question de l'obligation de rendre compte a déjà été soulevée, et j'ai recommandé qu'on examine la pertinence de la participation du RRF dans ce contexte. Dans ma décision relative à l'affaire Ian BushNote de bas de page 42, voici ma recommandation et la réponse du 2 novembre 2007 du commissaire de la GRC :

« Recommandation

Que la GRC élabore une politique où elle précisera l'exigence même, le moment auquel y satisfaire et l'usage qui sera fait de la déclaration par obligation de rendre compte que doivent produire les membres de la GRC. »

Le commissaire Elliott a répondu :

Je souscris à cette recommandation et je demanderai au directeur des Services de police communautaires, contractuels et autochtones de veiller à ce que cela soit fait en temps utile.

On n'a toujours pas confirmé à la Commission que cette recommandation a été mise en œuvre.

Conclusion : Un RRF n'aurait pas dû être autorisé à avoir une rencontre individuelle avec le gendarme Mufford avant qu'il ne présente sa déclaration par obligation de rendre compte, ni le gendarme Mufford ou la gendarme Labbe avant l'arrivée de l'équipe d'enquête.

Recommandations

  1. Si le protocole relatif à la présence du RRF doit être maintenu, la GRC doit officialiser le rôle du RRF en fournissant une orientation et des politiques claires visant à garantir que le RRF connaît les limites de sa participation et les protocoles exigés relativement à une telle présence.
  2. Je réitère ma recommandation formulée dans la décision relative à l'affaire Ian Bush (novembre 2007) et dans la décision relative à l'affaire St. Arnaud (mars 2009) : « [q]ue la GRC élabore une politique où elle précisera l'exigence même, le moment auquel y satisfaire et l'usage qui sera fait de la déclaration par obligation de rendre compte que doivent produire les membres de la GRC. »

Pertinence des chargés d'entrevue assignés

Comme on l'a indiqué ci-dessus, les agents sur les lieux ont amorcé l'enquête immédiatement après l'incident, soit approximativement deux heures avant que les enquêteurs du Groupe des crimes graves ne soient assignés à l'affaire. Voilà qui soulève la question du rôle des membres de la GRC se trouvant sur place dans le cas d'affaires entraînant une enquête sur la conduite policière. Dans la décision relative à l'affaire Ian Bush, j'ai recommandé que la GRC élabore une politique, tenant compte du besoin d'assurer une impartialité réelle et perçue, d'orientation des membres de la GRC se trouvant sur place dans le cas d'affaires entraînant une enquête sur la conduite policière. Le commissaire était d'accord avec cette recommandation. Je souligne cependant que mon rapport final dans cette affaire a été diffusé après l'incident concernant M. Knipstrom.

L'affaire s'est compliquée du fait qu'il n'a pas été déterminé que l'enquête serait menée par une équipe d'enquête spéciale avant que M. Knipstrom subisse un arrêt cardiaque. Toutefois, on aurait dû, à tout le moins, prendre des mesures pour éviter le manque réel ou perçu d'impartialité, dès le début.

a) Rang du chargé d'entrevue

J'ai récemment commenté le caractère inadéquat du fait que l'entrevue menée auprès d'un membre impliqué dans un incident par un membre du même rang ou d'un rang inférieurNote de bas de page 43. Cette différence de rang présente le risque potentiel que l'enquêteur soit victime d'intimidation de la part du membre en cause si celui-ci est d'un rang supérieur. Il est aussi possible que l'enquêteur soit supervisé ultérieurement par le membre en cause; et l'enquêteur de rang inférieur pourrait alors être tenté d'accorder un traitement préférentiel au membre en cause d'un rang supérieur pour gagner sa faveur en vue de considérations futures. Il faut tenir compte de cette possibilité de conflit d'intérêts. Toutefois, lorsqu'une enquête est menée selon le modèle de gestion des cas graves, il faut que le chef d'équipe soit de rang supérieur à celui du membre en cause. Je constate que, dès la création de l'Équipe de gestion des cas graves (EGCG), le chef d'équipe était d'un rang supérieur approprié.

Toutefois, avant la formation de l'EGCG, bon nombre des membres visés ont été interrogés. Malheureusement, un certain nombre de ces entrevues ont été menées par un autre membre du même rang ou d'un rang inférieur. Par exemple, la gendarme Labbe a été interrogée par le gendarme MacIntosh. Le gendarme MacIntosh a également été nommé pour interroger le sergent Preto. Ce genre de technique d'entrevue n'a pas eu d'incidence négative sur les résultats, mais il y avait risque de conflit d'intérêts (réel ou apparent). Lorsque le modèle de gestion des cas graves n'est pas utilisé, les entrevues doivent être menées par un membre qui est d'au moins un rang supérieur au membre visé.

Conclusion : Il est inapproprié que les membres en cause soient interrogés par des membres du même rang ou d'un rang inférieur dans les affaires où le modèle de gestion des cas graves n'est pas utilisé.

Recommandation : Que toutes les entrevues menées auprès des membres impliqués dans des incidents graves soient menées par des membres d'un rang supérieur dans les affaires où le modèle de gestion des cas graves n'est pas utilisé.

b) Nombre de chargés d'entrevue

Dans le rapport intitulé La police enquêtant sur la police, je soulignais également qu'il est tout particulièrement préoccupant qu'un seul enquêteur soit responsable de l'enquête sur un membre. Il vaut mieux qu'une équipe de deux membres interroge toutes les personnes visées (particulièrement le membre en cause). Avant la constitution de l'équipe intégrée d'enquête, la gendarme Labbe a été interrogée par un seul membre qui, comme il a été précédemment mentionné, était du même rang qu'elle. Idéalement, deux membres seront présents pour mener ces entrevues. Je remarque qu'il y avait généralement deux membres pendant les entrevues auprès des témoins dès que l'équipe intégrée d'enquête a été mise en place.

Recommandation : Que tous les interrogatoires des témoins dans le cas des incidents graves soient menés par une équipe composée de deux membres.

c) Lien entre le chargé d'entrevue et l'incident

Je note qu'on a demandé au gendarme Kardos d'interroger les deux principaux témoins civils immédiatement après l'incident; toutefois, étant donné qu'il a été impliqué dans le recours à la force contre M. Knipstrom, j'estime qu'il était inapproprié que le gendarme Kardos mène ces entrevues. M. Knipstrom n'avait pas commencé à avoir des problèmes de santé au moment des interrogatoires, mais l'incident était suffisamment grave et les autres membres disponibles étaient suffisamment nombreux pour qu'il soit plus approprié qu'un autre membre n'étant pas intervenu au cours de l'incident ait mené ces entrevues. Le gendarme Kardos était en conflit d'intérêts lorsqu'il a interrogé les témoins de l'incident.

La politique de la GRC précise qu'un membre ne peut faire enquête sur une plainte s'il peut se trouver en situation de conflit d'intérêtsNote de bas de page 44. D'après l'article 37 de la Loi sur la GRC, il incombe à chaque membre d'éviter tout conflit d'intérêts réel, apparent ou possible. Même si l'expression « conflit d'intérêts » n'est pas définie, il devrait être clair que tout membre impliqué dans l'incident ou qui connaît les membres visés par l'enquête serait en conflit d'intérêts s'il participait à l'enquête. Le gendarme Kardos était en conflit d'intérêts lorsqu'il a interrogé les témoins de l'incident.

Conclusion : Il était inapproprié que le gendarme Kardos soit nommé pour interroger les deux principaux témoins civils, car il a été impliqué dans l'incident et il se trouvait en situation de conflit d'intérêts.

d) Résumé

Idéalement, aucune entrevue n'aurait dû être menée avant la constitution et l'arrivée de l'EGCG. Toutefois, comme la décision de faire venir l'équipe intégrée n'a été prise qu'après que M. Knipstrom a subi un arrêt cardiaque, les chargés d'entrevue auraient dû être des personnes n'ayant pas participé à l'intervention dans le cadre de l'incident et qui étaient idéalement de rang supérieur aux membres visés. De plus, il est préférable qu'une équipe composée de deux membres interroge les personnes impliquées (particulièrement les membres en cause).

Essais d'AI

Le sergent d'état-major Steven Wade du détachement de la GRC de Langley a préparé un rapport sur les données téléchargées de l'AI, daté du 24 novembre 2007, en fonction des données téléchargées des trois AI utilisées au cours de l'incident. Les détails du rapport sont mentionnés dans l'analyse du recours à la force.

Je constate que la décision d'envoyer les AI utilisées au cours de l'incident pour des essais indépendants visant à établir leur fonctionnement n'a été prise qu'un an après l'incident. Ces essais portent sur les paramètres de fonctionnement comme la tension, l'intensité et la durée des impulsions. À la date de l'incident, la politique de la GRC prévoyait des essais d'une AI dans les cas suivants :

  1. une personne a été grièvement blessée ou est morte par suite du recours à une force meurtrière, l'AI ayant été inefficace ou ayant mal fonctionné;
  2. les blessures graves ou la mort d'un membre sont directement ou indirectement attribuables au mauvais fonctionnement d'une AI;
  3. tout incident où il est dans l'intérêt public ou dans l'intérêt du membre de déterminer l'état de fonctionnement d'une AINote de bas de page 45.

À l'évidence, la première et la deuxième situations ne s'appliquent pas dans le cas qui nous occupe, car il n'y a pas eu recours à la force mortelle, et aucun membre n'a été grièvement blessé. On peut soutenir que la troisième situation s'applique, mais elle suppose que l'on fasse preuve de discernement. À mon avis, il aurait été préférable d'envoyer immédiatement les AI afin que l'on procède à des essais indépendants. Toutefois, la politique de la GRC à l'époque était lacunaire et ne donnait pas beaucoup d'indications utiles aux enquêteurs. Un exemple des lacunes de la politique est l'absence de définition du « mauvais fonctionnement » et le fait qu'il serait difficile pour un membre de déterminer si les blessures ou la mort sont attribuables à l'absence de test sur l'effet relatif au mauvais fonctionnement. De plus, le fait qu'il soit « indirectement attribuable » au mauvais fonctionnement suppose-t-il que cela se produit chaque fois qu'une AI est utilisée dans ces cas? En dernier lieu, aucune indication n'est fournie quant aux types de situation qui susciteraient généralement l'intérêt public.

Or, la politique subissait des modifications en novembre 2008, et les enquêteurs ont reçu la directive de retirer les AI et de les soumettre à des essais. Plusieurs mois plus tard, la nouvelle politique est entrée en vigueur et elle précise clairement que tous les AI doivent être envoyées en vue de subir des essais indépendants lorsqu'un incident entraîne la mort ou des blessures nécessitant des soins médicaux qui sont directement attribuables à l'utilisation d'une AI. À présent, les essais sont systématiquement exigés lorsque des personnes détenues meurent et qu'on a eu recours à une AI.

Conclusion : La politique de la GRC relative aux essais d'AI en vigueur à la date de l'incident était inadéquate. Toutefois, je suis convaincu du fait que la modification de la politique de la GRC a clarifié les cas où des essais devraient être effectués lorsqu'un incident entraînant la mort d'une personne sous garde est attribuable à l'utilisation d'une AI.

Théorie d'enquête et examen des antécédents de M. Knipstrom

En tentant de comprendre ce qui a provoqué le comportement agressif de M. Knipstrom, les enquêteurs ont examiné ses démêlés antérieurs avec la police et ont interrogé ses amis et ses proches. La pratique n'est pas rare dans le cadre d'une enquête visant à expliquer une agression apparemment non provoquée d'une personne contre un policier précédée par un comportement bizarre. Les enquêteurs ont pu brosser le portrait de sa santé mentale ainsi que de sa consommation de drogues et d'alcool. Je souligne que la démarche ne vise pas à rejeter sur M. Knipstrom la responsabilité des conséquences de l'altercation, pas plus qu'elle ne devrait sembler le faire. Selon moi, les enquêteurs ont respecté les limites appropriées concernant la collecte et l'utilisation de tels renseignements visant à expliquer le comportement de M. Knipstrom ce jour-là.

Comme il est indiqué ci-dessus, un certain nombre de membres qui sont intervenus dans le cadre de l'incident étaient d'avis que M. Knipstrom manifestait des symptômes correspondant au délire excité. Par conséquent, les enquêteurs ont examiné le rôle possible du délire excité dans l'incident, et ce, dès le début. (Je souligne que, depuis, la GRC a supprimé tout renvoi au délire excité dans ses politiques). La GRC a fait part au bureau du coroner de sa théorie, selon laquelle le délire excité a pu jouer un rôle important dans l'incident, a fourni des renseignements sur les nouveaux examens ou les examens spécialisés permettant de déterminer si une mort est reliée au délire excité et a fourni les noms de plusieurs Américains possédant une expérience dans le domaine.

Le dossier d'enquête indique que le sergent Toews a semblé reconnaître que le fait de confirmer si M. Knipstrom présentait un délire excité ajouterait aux éléments de preuve existants, mais que le fait de [traduction] « catégoriser le comportement de M. Knipstrom n'aurait pas d'incidence au moment de déterminer si les mesures prises par les membres intervenants étaient appropriées ». J'estime que les enquêteurs ne se sont pas penchés comme il se doit sur le diagnostic de délire excité pour expliquer la mort de M. Knipstrom.

Conclusion : La mesure dans laquelle les enquêteurs ont examiné les antécédents de M. Knipstrom et se sont servis de ces renseignements était raisonnable et appropriée dans les circonstances.

Conclusion : La mesure dans laquelle les enquêteurs ont examiné le rôle du délire excité dans la mort de M. Knipstrom était raisonnable dans les circonstances.

Communication avec le coroner avant la mort de M. Knipstrom

Il est dans l'intérêt du public que les morts subites ou inexpliquées fassent l'objet d'une enquête, et dans le cas de la mort d'une personne détenue, une enquête du coroner est obligatoire dans la province de la Colombie-BritanniqueNote de bas de page 46. Il incombe au coroner de déterminer l'identité de la personne et de vérifier les faits entourant la mort, c.-à-d. comment, quand et où la personne est morte, ainsi que la cause de la mort. Le processus vise à déterminer les faits qui ont causé la mort, non pas à imputer la faute à quelqu'un. Les policiers sont parfois tenus d'offrir un soutien, en préparant des rapports ou en menant des enquêtes. Les policiers ont également l'obligation d'enquêter si on soupçonne qu'une infraction criminelle est peut-être liée à la mort ou qu'elle en est la cause.

Les policiers sont tenus de déclarer les faits et les circonstances entourant la mort d'une personne pendant qu'elle était sous leur garde ou à la suite, directement ou indirectement, de l'intervention d'un agent de police qui a agi dans le cadre de ses fonctionsNote de bas de page 47. Par conséquent, la GRC avait l'obligation de rendre compte au coroner des faits et des circonstances de l'incident concernant M. Knipstrom à la suite de sa mort. En l'espèce, la GRC a décidé de signaler l'incident au coroner avant la mort de M. Knipstrom.

Le 20 novembre 2007, après avoir appris que l'état de M. Knipstrom s'était aggravé, l'enquêteur principal, le sergent Toews, a communiqué avec le bureau du coroner pour informer les responsables du fait que M. Knipstrom risquait de ne pas passer la nuit. Le bureau du coroner a précisé qu'il n'était pas nécessaire de l'aviser qu'une personne pouvait mourir. Le sergent Toews a poursuivi en abordant les conséquences du délire excité dans le cas qui nous occupe et il s'est informé de la possibilité de conserver le cerveau du sujet pour examen des indicateurs de délire excité. Le coroner Dekkers a répondu qu'il étudierait la raison scientifique qui sous-tend la demande et qu'il déterminerait le meilleur plan d'action à ce moment-là. Le 23 novembre, le sergent Toews a parlé au coroner Doug Richmond et a discuté des examens post-mortem possibles si M. Knipstrom mourait, y compris la possibilité de l'examen du cerveau par un spécialiste américain du délire excité. Il a pris les dispositions afin de transmettre à M. Richmond la documentation sur la question aux fins d'examen.

L'opinion de la police est très importante dans le cadre des travaux du coroner, mais il y a toujours le risque que ces communications soient perçues comme une tentative indue d'influencer les conclusions du coroner. Toutefois, à mon avis, les mesures prises par le sergent Toews n'ont pas nui à l'indépendance du bureau du coroner au moment de déterminer les examens à effectuer, et elles n'étaient pas déraisonnables dans les circonstances.

Conclusion : Les communications de la GRC avec le bureau du coroner avant la mort de M. Knipstrom n'étaient pas déraisonnables ni inappropriées dans les circonstances.

Examen par un agent indépendant

On s'est également penché sur les circonstances entourant la mort de M. Knipstrom dans le cadre de l'examen par un agent indépendant. L'examen par un agent indépendant est un examen administratif interne. Dans mon rapport, La police enquêtant sur la police, j'ai recommandé que des examens administratifs soient effectués dans tous les cas de blessures graves, d'agression sexuelle ou de mort. L'examinateur est chargé de mener une enquête sur l'appréciation des faits visant à garantir :

  • que l'enquête est menée de façon approfondie, professionnelle et impartiale;
  • que la formation, les compétences en matière de sécurité des policiers, les procédures, les tactiques et les politiques approuvées sont appropriées et ont été respectées;
  • que les renseignements appropriés ont été fournis aux organismes comme l'avocat de la Couronne ou le service du coroner;
  • que la conduite des membres est conforme à la Loi sur la GRC et au Règlement de la GRC.

Au cours d'un examen initial, on a déterminé que l'enquête a été menée de façon minutieuse, professionnelle et impartiale. Toutefois, un examen final était prévu après l'enquête du coroner et, si je comprends bien, il est en cours.

Examen par un autre organisme

Dans les cas antérieurs de la mort de personnes détenues, on a demandé à un autre service de police d'effectuer un examen externe indépendant des circonstances de la mort et de déterminer si la GRC a effectué une enquête approfondie, professionnelle et impartialeNote de bas de page 48. Or, cela n'a pas été le cas dans cette affaire, et le dossier n'indique pas pourquoi il n'y a pas eu d'examen externe. Je ne tire pas de conclusion ou ne formule pas de recommandations quant au fait que la GRC aurait dû ou non prévoir un tel examen, car j'ai récemment mentionné dans mon rapport intitulé La police enquêtant sur la police que la Commission est d'avis que de telles enquêtes doivent être menées par un organisme externe dans un premier tempsNote de bas de page 49.

Pas d'examen par l'avocat de la Couronne

En Colombie-Britannique, la police exige l'approbation de l'avocat de la Couronne avant de porter des accusations. L'avocat de la Couronne a notamment pour rôle d'approuver et de mener toutes les poursuites pour infraction dans la provinceNote de bas de page 50. Au moment de déterminer s'il y a lieu d'approuver qu'une accusation fasse l'objet de poursuites, on invoque la norme relative à la forte probabilité d'une condamnation. Il y a forte probabilité de condamnation lorsque le procureur est convaincu de [traduction] « présenter au tribunal un dossier bien étayé se fondant sur une preuve substantielle »Note de bas de page 51.

Je constate que, par le passé, la GRC transmettait parfois un rapport à l'avocat de la Couronne sans formuler de recommandation relativement aux accusations, dans l'idée que l'avocat de la Couronne puisse rendre une décision impartiale. Toutefois, je comprends que les avocats de la Couronne en Colombie-Britannique n'acceptent plus une telle pratique et qu'ils ne tiendront pas compte des rapports qui ne tiennent pas une recommandation concernant le dépôt ou non d'accusations.

En fonction des renseignements révélés par l'enquête, la GRC peut soumettre un rapport à l'avocat de la Couronne. Les directives nationales en matière d'enquête de la GRC prévoient ceci : « Lorsqu'on a des preuves à l'appui d'une poursuite, consulter le procureur de la Couronne »Note de bas de page 52. Dans le cas qui nous occupe, les enquêteurs ont décidé de ne pas soumettre de rapport au procureur de la Couronne. J'estime cependant qu'il n'y avait pas d'élément de preuve étayant une poursuite et qu'il était raisonnable de ne pas envoyer de rapport au procureur de la Couronne, étant donné la norme élevée relativement à l'approbation des accusations.

Conclusion : Il n'y avait pas d'élément de preuve étayant une poursuite, et il était raisonnable que la GRC ne soumette pas de rapport à l'avocat de la Couronne aux fins d'examen.

Rapidité de l'enquête

Un autre sujet de préoccupation concernant l'enquête est le temps qu'il a fallu pour la mener à terme. Dans mon rapport La police enquêtant sur la police, j'établis une définition de base de ce que constitue une intervention « rapide » de l'équipe d'enquête. Les principales caractéristiques de la rapidité adéquate des enquêtes sur les membres comprennent les suivantes :

  1. l'enquête sur un membre est effectuée dans un délai de six mois (ou moins);
  2. dans la mesure du possible, l'enquête ne devrait pas dépasser un anNote de bas de page 53.
  3. l'affectation immédiate du personnel nécessaire lorsqu'une intervention rapide est requise.

Les principaux aspects de l'enquête ont été bouclés dans les six mois suivant l'incident. La preuve matérielle de l'enquête a été recueillie en moins de 24 heures. Les rapports de spécialistes ont été soumis dans les délais généralement reconnus pour ces types d'analyse. À la fin du mois d'avril 2008, le seul rapport de spécialiste en suspens était le rapport du pathologiste, qui ne relevait pas de la GRC et qui a été reçu le 3 septembre 2008. La famille de M. Knipstrom a été informée au sujet de l'enquête le 14 octobre 2008 : on avait conclu que l'enquête avait écarté tout comportement criminel de la part des membres en cause. Une « gestion interne » du dossier d'enquête a été effectuée après cette date mais, essentiellement, l'enquête était close. Je suis convaincu qu'il n'y a pas eu de retard déraisonnable dans l'enquête et qu'elle a été menée à terme rapidement.

Toutefois, je constate qu'on a tardé à informer les trois membres principalement visés par l'enquête : les gendarmes Mufford, Labbe et Kardos. Leur séance d'information a eu lieu le 10 décembre 2008, soit près de deux mois après la séance d'information à l'intention de la famille de M. Knipstrom. Le dossier ne contient aucune explication quant au retard, même s'il était indiqué que le chef d'équipe, le sergent d'état-major Hundt, a informé au moins un membre (le gendarme Mufford), quelques mois auparavant, qu'il était innocenté de tout acte répréhensible. On ne sait pas si les autres membres ont reçu le même message. J'aimerais souligner l'importance d'informer non pas seulement la famille, mais les membres en cause des résultats de l'enquête dès que possible afin qu'ils puissent connaître le résultat (bon ou mauvais) et aller de l'avant. Il est particulièrement crucial de le faire lorsqu'une enquête remet en question la pertinence de la conduite d'un membre qui a, directement ou indirectement, causé des blessures graves ou la mort.

Je constate également que le rapport final, bien que rédigé plusieurs mois auparavant, n'a pas été achevé avant le 11 mars 2009. Je comprends qu'on avait déjà conclu qu'il n'y avait pas eu faute criminelle et que, lorsque aucun rapport n'est soumis à l'avocat de la Couronne, il est possible qu'on accorde généralement une priorité moins élevée au rapport final. Toutefois, il importe que le rapport final soit achevé rapidement afin, à tout le moins, de garantir au public que l'affaire a été traitée en priorité et que l'équipe d'enquête a fait preuve de diligence. Le retard à fournir le rapport final d'enquête, qui signifie officiellement la conclusion de l'enquête, peut miner la crédibilité de l'enquête et du rapport.

Conclusion : Il n'y a pas eu de retard injustifié dans l'enquête de la GRC sur la mort de M. Knipstrom, et l'enquête a été menée à terme rapidement.

Conclusion

Il est difficile, à la fois pour la police et le public, d'examiner de façon critique les interactions violentes entre la police et un membre du public. Peu importe les conclusions de l'enquête, la présente affaire (et d'autres cas semblables) illustrent le problème croissant que représente le comportement dû aux drogues pour les policiers de première ligne au pays. Les gendarmes Mufford et Labbe comptaient des années de service limitées en tant que membres de la GRC à la date de l'incident mais, selon moi, leur niveau d'expérience et leur formation n'ont pas influé sur les événements ayant mené à la mort de M. Knipstrom. Quoi qu'il en soit, compte tenu de la concentration de drogues dans son organisme au moment de l'incident, nous ne saurons jamais si M. Knipstrom aurait vécu s'il n'y avait pas eu interaction avec la police ce jour-là.

Conformément au paragraphe 45.43(3) de la Loi sur la GRC, je dépose respectueusement mon rapport final sur une enquête d'intérêt public et j'estime par conséquent que la Commission a rempli son mandat.

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Paul E. Kennedy
Président

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