Rapport final du président après l'avis du commissaire : Mort par balle de Christopher Klim à Vernon (C.-B.) le 27 décembre 2007

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada
Paragraphe 45.46(3)

No de dossier : PC-2008-0171

La plainte

Le 27 décembre 2007, M. Christopher Klim, atteint d'une maladie mentale, a été tué par balle par des membres de la GRC de Vernon, en Colombie-Britannique. M. Klim devait être arrêté et ramené à l'hôpital aux fins de traitement psychiatrique aux termes d'un mandat de santé mentale. Croyant à tort que M. Klim se faisait du mal et risquait d'en mourir, les membres de la GRC ont forcé la porte de son appartement et sont entrés, arme à feu à la main, dans le but d'appréhender M. Klim. Celui-ci n'agissait pas de façon rationnelle et a foncé sur les membres de la GRC avec deux couteaux dans les mains. On a utilisé une arme à impulsions (AI)Note de bas de page 1 pour maîtriser M. Klim, mais l'une des électrodes ne l'a pas atteint. M. Klim s'est dirigé vers les membres de la GRC et a été atteint par balle.

Le 21 janvier 2008, le président de la Commission des plaintes du public contre la GRC (Commission) de l'époque a déposé une plainte et a lancé une enquête d'intérêt public à l'égard de la conduite des membres de la GRC en cause dans la mort par balle de M. Klim, aux termes du paragraphe 45.37(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC). La plainte avait pour objet l'évaluation de la conduite des membres en cause dans l'incident du 27 décembre 2007 ainsi que des situations d'ordre général où des membres de la GRC interviennent auprès de personnes vivant une situation d'urgence en santé mentale pour déterminer notamment si :

  1. les membres de la GRC en cause dans l'incident du 27 décembre 2007, soit du premier contact avec M. Klim jusqu'à sa mort, ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences obligatoires appropriées en ce qui concerne l'arrestation et le traitement de personnes détenues en vertu de la Mental Health Act (loi provinciale sur la santé mentale)Note de bas de page 2.
  2. les membres de la GRC en cause dans l'incident du 27 décembre 2007, soit du premier contact avec M. Klim jusqu'à sa mort, ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences obligatoires appropriées en ce qui concerne le recours à la force;
  3. la politique nationale de la GRC et celles de ses divisions et de ses détachements, de même que les procédures et les lignes directrices de la GRC se rapportant aux personnes en état de crise psychologique pouvant être arrêtées en vertu de la Mental Health Act sont adéquates;
  4. les membres de la GRC qui ont participé à l'enquête criminelle portant sur les activités des membres en cause dans l'incident du 27 décembre 2007 ont agi conformément aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences obligatoires appropriées pour ce type d'enquête et si ces politiques, ces procédures et ces lignes directrices sont adéquates, et, enfin, si l'enquête en question a été menée de façon adéquate et en temps opportun.

Le rapport final de la GRC

Conformément à la Loi sur la GRC, la GRC a enquêté sur la plainte. En mai 2010, la GRC a présenté son rapport final sur cette affaire.

L'examen et le rapport intérimaire de la Commission

Le 14 juillet 2001, la Commission a terminé son rapport intérimaire, dans lequel elle énonce 23 conclusions et formule 5 recommandations. Dans l'ensemble, la Commission a déterminé que, même si l'appréhension initiale de M. Klim aux termes d'un mandat de santé mentale était appropriée, aucune mesure n'a été prise à cet égard au cours des huit jours qui ont suivi. Après avoir décidé d'appréhender M. Klim, les membres en cause n'ont pas adéquatement évalué le risque que présentait M. Klim, et le plan de l'arrestation ne comprenait pas les précisions et les directives appropriées. De plus, la Commission a conclu que l'entrée tactique dans l'appartement de M. Klim était excessive et inappropriée dans les circonstances, mais qu'une fois dans l'action, l'utilisation de l'arme à impulsions par les membres et par la suite de la force mortelle était raisonnable et conforme à la loi et aux politiques de la GRC applicables. La Commission a également déterminé que, même si la GRC avait pris des mesures positives pour aborder la question de l'interaction avec des personnes atteintes d'une maladie mentale, la formation générale de la GRC à l'époque n'était pas suffisante pour fournir aux membres les outils nécessaires pour interagir à un degré acceptable avec les personnes atteintes d'une maladie mentale.

En ce qui concerne l'enquête subséquente de la GRC sur l'incident, la Commission a jugé qu'elle était insuffisante sur différents aspects, mais qu'elle avait adéquatement conclu que la mort par balle de M. Klim était légitime dans les circonstances. La Commission a également déterminé que l'examen par un agent indépendant de la GRC, qui n'a révélé aucune lacune sur le plan de l'enquête, était médiocre et manquait de rigueur.

La Commission a recommandé que certains membres en cause reçoivent une formation appropriée sur l'évaluation du risque et la planification et la gestion des interventions critiques; que la GRC élabore une formation exhaustive sur l'interaction avec des personnes atteintes d'une maladie mentale; que la GRC modifie sa politique sur la conservation des documents au besoin; que la GRC simplifie son processus de nomination des experts sur le recours à la force et qu'elle en assure la transparence; et que les membres responsables passent en revue toutes les lacunes relevées sur le plan de l'enquête.

L'avis du commissaire

Conformément au paragraphe 45.46(2) de la Loi sur la GRC, le commissaire doit fournir un avis écrit de toute autre mesure qui a été prise ou qui sera prise à la lumière des conclusions et des recommandations formulées dans le rapport intérimaire.

Le 26 février 2013, la Commission a reçu l'avis écrit du commissaire, dans lequel le commissaire souscrit à 19 des conclusions de la Commission. Toutefois, il ne souscrit pas aux conclusions concernant les efforts déployés à l'appréhension de M. Klim. Bien que la Commission ait constaté qu'il n'y avait pas assez d'information pour estimer que des mesures significatives ont été prises, le commissaire est plutôt d'avis que l'omission de prendre des mesures significatives en vue d'appréhender M. Klim était abusive.

De plus, le commissaire a rejeté la conclusion que les membres avaient négligé d'appliquer des techniques de désamorçage efficaces dans leur effort pour appréhender M. Klim. Il a fait remarquer que les circonstances avaient empêché les tentatives de désamorçage. Bien que la Commission réitère sa conclusion, elle tient compte du fait que le commissaire prend acte de la conclusion concernant l'entrée dans l'appartement et l'omission de prendre des mesures significatives pour régler la question.

Le commissaire était aussi en désaccord avec les conclusions et les recommandations de la Commission sur la formation à l'égard des personnes atteintes d'une maladie mentale et les interactions des membres avec les représentants des relations fonctionnelles (RRF) après un incident grave. Il estime que ces questions ont été adéquatement abordées par des initiatives en matière de politique et de formation qui sont entrées en vigueur après l'incident. La Commission continuera de surveiller l'efficacité de ces initiatives; elle réitère ses conclusions et ses recommandations.

Finalement, le commissaire n'était pas d'accord avec la recommandation de la Commission que la GRC se conforme au besoin de veiller à ce que l'on conserve les documents au dossier. Le commissaire a fait remarquer que certaines entrées au dossier ne sont pas des notes prises au moment des événements, mais plutôt des résumés de l'état du dossier. Même si cela peut être le cas, des modifications subséquentes aux résumés sans en conserver l'enregistrement initial fait encourir le risque de conserver un dossier incomplet. Comme le commissaire l'a fait remarquer, la politique concernant la prise de note au moment des événements, si elle est appliquée de manière uniforme, devrait suffire pour régler ce genre de situations. Toutefois, la Commission réitère sa recommandation dans le but de créer une incitation à dénicher les cas où des notes ne sont pas prises au moment des événements.

Les conclusions et les recommandations de la Commission

À la lumière de ce qui précède, je réitère les conclusions et les recommandations de la Commission.

Conclusions

Conclusion no 1 : La GRC est initialement intervenue à la suite du mandat de santé mentale contre M. Klim de façon appropriée et rapide.

Conclusion no 2 : La GRC n'a pas pris de mesures significatives en vue d'appréhender M. Klim du 19 au 27 décembre 2007.

Conclusion no 3 : Il n'y a pas assez d'information pour déterminer si l'omission de prendre des mesures significatives en vue d'appréhender M. Klim du 19 au 27 décembre 2007 était abusive.

Conclusion no 4 : L'évaluation du risque de la GRC était fondée sur des données inexactes et exagérées en ce qui concerne l'interaction antérieure de M. Klim avec la police.

Conclusion no 5 : L'information disponible n'appuyait pas la conclusion selon laquelle M. Klim était en train de s'automutiler de façon mortelle ou grave, et l'évaluation du risque fondée sur cette conclusion était erronée.

Conclusion no 6 : Le plan pour appréhender M. Klim ne comprenait pas les précisions et les directives appropriées.

Conclusion no 7 : Le gendarme Anderson et l'inspecteur McVarnock auraient dû remarquer qu'il manquait des directives précises dans le plan pour appréhender M. Klim.

Conclusion no 8 : L'entrée tactique dans l'appartement de M. Klim était excessive et inappropriée dans les circonstances.

Conclusion no 9 : La GRC aurait dû songer à appeler les services médicaux d'urgence pour qu'ils envoient quelqu'un à l'appartement de M. Klim.

Conclusion no 11 : L'utilisation de l'AI par le gendarme Curtis était raisonnable et conforme à la politique de la GRC.

Conclusion no 12 : L'inspecteur McVarnock, qui n'était pas en uniforme, est à tort demeuré près de M. Klim lorsqu'il se dirigeait vers les membres de la GRC armé de couteaux. Cette mesure a compromis sa sécurité et a nui à la capacité des autres membres de la GRC de contrôler la situation.

Conclusion no 13 : Il était raisonnable pour les gendarmes Veller et Forslund de croire que leur vie était en péril et, par conséquent, leur recours à une force mortelle était raisonnable et conforme à la loi et à la politique de la GRC pertinentes.

Conclusion no 14 : La GRC a récemment pris de nombreuses mesures positives relativement aux interventions auprès des personnes atteintes d'une maladie mentale, mais la formation générale actuelle de la GRC ne suffit pas à fournir aux membres les outils nécessaires pour interagir avec les personnes atteintes d'une maladie mentale à un degré acceptable dans la société d'aujourd'hui.

Conclusion no 15 : Il était inapproprié pour le gendarme Curtis de demeurer sur les lieux pour en assurer la sécurité.

Conclusion no 16 : L'inspecteur  McVarnock aurait dû renvoyer le gendarme Curtis des lieux dès que possible, car ce dernier était impliqué dans les circonstances à l'origine du décès de M. Klim.

Conclusion no 17 : Il était inapproprié que les membres de la GRC en cause dans la mort de M. Klim se soient retrouvés seuls entre eux avant leur entrevue par les enquêteurs.

Conclusion no 18 : Il était inapproprié que les membres de la GRC en cause dans la mort de M. Klim aient rencontré seuls le RRF avant de rendre des comptes sur leurs actes.

Conclusion no 19 : La GRC a nommé un expert sur le recours à la force ayant des liens étroits, réels ou perçus, avec le détachement de la GRC à Vernon.

Conclusion no 20 : L'enquête de la GRC sur la mort de M. Klim était lacunaire sur bien des plans, mais permettait de conclure que les coups de feu tirés en direction de M. Klim étaient légitimes dans les circonstances.

Conclusion no 21 : L'examen par un agent indépendant de la GRC, qui n'a relevé aucune lacune sur le plan de l'enquête, était médiocre et manquait de rigueur.

Conclusion no 22 : L'enquête de la GRC sur la mort de M. Klim a été menée en temps opportun.

Conclusion no 23 : La GRC n'a pas accordé un degré de priorité appropriée à l'enquête relative à la plainte déposée par le président.

Recommandations

Recommandations no 1 : Que le gendarme Anderson et l'inspecteur McVarnock reçoivent une formation appropriée sur l'évaluation du risque et la planification et la gestion des interventions critiques.

Recommandations no 2 : La GRC devrait élaborer une formation exhaustive sur l'interaction avec des personnes atteintes d'une maladie mentale, et cette formation devrait être assortie d'une formation d'appoint continue.

Recommandations no 3 : La GRC devrait se pencher sur sa politique relative à la documentation et la modifier au besoin pour veiller à ce que l'on conserve les originaux dans des cas graves.

Recommandations no 4 : Je répète la recommandation du rapport de la CPP concernant la mort par balle de Kevin St. Arnaud impliquant la police selon laquelle « [l]a GRC devrait simplifier son processus de nomination des experts sur le recours à la force et en assurer la transparence en établissant un protocole pour les nominations ».

Recommandations no 5 : L'officier responsable des enquêtes criminelles de la Division « E » devrait passer en revue toutes les lacunes relevées sur le plan de l'enquête avec l'équipe d'enquête axée sur la gestion des cas graves et la sergente d'état-major Allemekinders.

Je dépose mon rapport final conformément au paragraphe 45.46(3) de la Loi sur la GRC. Par conséquent, la Commission a rempli son mandat dans le cadre de la présente affaire.

Le président intérimaire,
Ian McPhail, c.r.

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