ARCHIVÉ - Rapport intérimaire produit à la suite d'une enquête d'intérêt public au sujet d'une plainte déposée par le président concernant l'utilisation d'une arme à impulsions à Inuvik (Territoires du Nord-Ouest)

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Loi sur la GRC Paragraphe 45.43(3)

23 septembre 2009

Traduction
No de dossier : PC-2008-3149

Table des matières

Contexte

Le 13 mars 2007, la gendarme Noella Cockney du détachement de la GRC d'Inuvik, situé dans les Territoires du Nord-Ouest, s'est présentée au Centre pour les jeunes délinquants Arctic Tern (le « Centre ») à la suite d'un appel à l'aide du personnel du Centre pour maîtriser une détenue, XNote de bas de page 1. À son arrivée au Centre, la gendarme Cockney a été dirigée vers une classe où des agentes du Centre avaient eu recours à la force pour mettre X au sol. Lorsque la gendarme Cockney est entrée dans la pièce, cinq agentes du Centre étaient présentes, dont trois avaient la maîtrise physique de X. X était couchée sur le ventre et elle avait les mains menottées derrière le dos. Avant l'arrivée de la gendarme Cockney, les agentes du Centre avaient demandé à X de se diriger vers l'aire d'isolement, mais elle a refusé de coopérer. X a lancé des jurons aux agentes et à la gendarme Cockney et leur a dit qu'elle refusait d'y aller.

La gendarme Cockney a averti X à au moins trois reprises que, si elle refusait d'obéir aux ordres et de se diriger vers l'aire d'isolement, elle emploierait une arme à impulsions (AINote de bas de page 2 qui lui enverrait une décharge électrique de 50 000 voltsNote de bas de page 3. X a répété qu'elle refusait de coopérer, a continué de lancer des jurons à l'intention de la gendarme Cockney et l'a défiée d'utiliser l'AI. Enfin, la gendarme Cockney a activé l'AI pour un cycle complet de cinq secondes. X a crié « OK, OK, OK » et, à la fin du cycle, a coopéré et s'est laissée diriger vers l'aire d'isolement.

Le 5 avril 2007, la mère de X a envoyé une lettre à la gestionnaire du Centre pour se plaindre du traitement que les agentes et le membre de la GRC avaient infligé à X. Elle a demandé pourquoi la gendarme Cockney avait employé une AI pour intervenir auprès de sa fille alors que celle-ci était menottée et maîtrisée et pourquoi elle est entrée dans le Centre munie de son arme à feu. Une copie de la lettre a été envoyée à la GRC. On a donc organisé une rencontre entre le caporal Jim Strowbridge et la mère de X le 23 avril 2007. Le caporal Strowbridge cherchait alors à obtenir de plus amples renseignements au sujet de la plainte de la mère de X et à lui faire signer le formulaire de plainte. Elle a refusé de le faire avant d'avoir l'occasion de parler avec la gendarme Cockney.

Le caporal Strowbridge a transmis la plainte au sergent d'état-major Sid Gray, commandant du détachement d'Inuvik à l'époque, pour qu'il effectue un suivi. Le sergent d'état-major Gray a demandé à la gendarme Cockney de rencontrer la mère de X. Au moins une rencontre a été prévue, mais elle n'a jamais eu lieu, car la mère de X n'a pas pu y assister.

En août 2007, la question a été soulevée de nouveau lorsque le ministre de la Justice du territoire a déposé une demande auprès de la GRC pour connaître l'état de toute enquête relative au recours à la force par la gendarme Cockney. On a déterminé qu'aucune enquête n'avait été entreprise, et le sergent d'état-major John MilnerNote de bas de page 4, le sous-officier consultatif du district, a été chargé d'examiner l'affaire. En décembre 2007, le sergent d'état-major Milner a préparé un examen de l'incident à l'appui du recours à l'AI par la gendarme Cockney, selon lequel son entrée dans l'établissement munie de tout son équipement d'intervention, dont son arme à feu, était prudente. Le sergent d'état-major Milner a tenté de rencontrer la mère de X pour lui expliquer ses conclusions, mais celle-ci a refusé, à la lumière des conseils de son avocat. L'enquête criminelle n'a été déclenchée qu'après l'échec de cette tentative de régler l'affaireNote de bas de page 5.

En février 2008, le gendarme Kevin Charles a été chargé d'entreprendre une enquête obligatoire (« criminelle ») sur l'incident et, après avoir interviewé les différents témoins, a préparé un rapport d'enquête qui a été soumis à l'avocat-conseil de la Couronne. En mai 2008, l'avocat-conseil de la Couronne s'est dit d'avis qu'il n'existait pas de probabilité raisonnable de condamnation à la lumière de la preuve examinée et a recommandé de ne pas déposer d'accusations contre la gendarme Cockney.

Enfin, en décembre 2008, le sergent d'état-major Milner a écrit à la mère de X pour l'informer que l'avocat-conseil de la Couronne avait recommandé de ne pas déposer d'accusations et que la gendarme Cockney était tenue, aux termes de la politique de la GRC, de porter son équipement d'intervention sur elle en tout temps et qu'elle avait donc agi de façon appropriée en le faisant. Un calendrier des événements, qui commence par l'incident du 13 mars 2007, figure à l'annexe A.

Plainte déposée par le président et enquête d'intérêt public

Le 28 novembre 2008, en ma qualité de président de la Commission, j'ai déposé une plainte, qui figure à l'annexe B, et amorcé une enquête d'intérêt public en application des paragraphes 45.37(1) et 45.43(1) respectivement de la Loi sur la GRCNote de bas de page 6. J'ai ainsi soulevé quatre questions : premièrement, les membres de la GRC en cause dans l'incident ont-ils agi conformément aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences obligatoires appropriées? Deuxièmement, les politiques, les procédures et les lignes directrices en place sont-elles adéquates? Troisièmement, les membres qui ont participé à l'enquête sur cet incident l'ont-ils fait sans qu'il y ait de conflits d'intérêts, réels ou perçus, et ont-ils réagi de manière appropriée et en temps opportun? Enfin, les politiques en vigueur concernant les enquêtes sont-elles adéquates pour que les enquêtes menées par des membres de la GRC à l'endroit d'autres membres soient justes, efficaces, complètes et impartiales?

Le présent rapport reflète mon examen de l'enquête d'intérêt public, menée sur l'ordre de la Commission par un ancien enquêteur principal non affilié à la GRC (l'« enquêteur de la Commission »), sur les questions que j'ai soulevées dans ma plainte et comprend les conclusions et les recommandations qui en découlent, conformément au paragraphe 45.43(3) de la Loi sur la GRC. Un résumé de mes conclusions et de mes recommandations figure à l'annexe C. On devrait noter dès le début que mon examen est limité à la conduite des membres nommés, tels qu'ils sont définis dans la partie VII de la Loi sur la GRC, et que mes conclusions ne prévoient pas de responsabilités ni au civil ni au criminel. En outre, mes conclusions sont fondées sur la norme de preuve qui correspond à la prépondérance des probabilités.

L'examen des faits liés aux événements par la Commission

Il est important de noter que la Commission des plaintes du public contre la GRC est un organisme du gouvernement fédéral distinct et indépendant de la GRC. En ma qualité de président de la Commission, mon rôle est de tirer des conclusions à la lumière d'un examen objectif des faits et, lorsque je le juge approprié, de formuler des recommandations qui portent sur les mesures que la GRC peut prendre pour améliorer ou corriger la conduite de ses membres.

Mes conclusions, exposées en détail ci-dessous, sont fondées sur un examen minutieux des documents suivants : le dossier opérationnel de la GRC, l'enquête criminelle sur les actes de la gendarme Cockney, le rapport de l'enquête d'intérêt public de la Commission et les lois et les politiques de la GRC applicables.

Première question : Les membres de la GRC en cause dans l'incident de mars 2007 à Inuvik (Territoires du Nord-Ouest), au cours duquel une adolescente aurait été maîtrisée à l'aide d'une AI, ont-ils agi conformément aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences obligatoires appropriées?

Principaux participants à l'examen

Le 13 mars 2007, date de l'incident faisant l'objet de l'examen, X était détenue au Centre situé à Inuvik. Il s'agit d'un centre de détention et de surveillance des jeunes délinquantes. Selon les membres du personnel du Centre en cause dans l'incident, X est une jeune fille grande et costaude âgée de 15 ans et son poids se situe entre 200 lb et près de 300 lb. La gendarme Cockney a inscrit dans le formulaire sur son utilisation de l'AI ce jour-là, le rapport sur l'utilisation d'une AI, que X pesait 100 kilogrammes (225 lb).

Les membres de la GRC avaient déjà été appelés à aider le personnel du Centre à maîtriser X. Les documents pertinents font état d'un certain nombre d'appels précédant l'incident, qui ont été résumés ainsi :

  • À deux reprises, on a signalé que X a attaqué des membres du personnel;
  • À deux reprises, X était agitée et, le personnel ne pouvant pas la contrôler, elle a été incarcérée dans une cellule de la GRC;
  • À deux reprises, X s'est automutilée.

À la suite d'une altercation entre X et les membres du personnel du Centre, le 13 mars 2007, la coordonnatrice des programmes du CentreNote de bas de page 7, Darlene Koe, a appelé la GRC pour obtenir de l'aide.

La gendarme Cockney a répondu à l'appel et s'est présentée au Centre. Elle possédait alors près de 11 ans d'expérience en tant que membre de la GRC. Au moment où elle a été interrogée par l'enquêteur de la Commission, le 21 janvier 2009, la gendarme Cockney a déclaré que X mesurait 5pi 3po et pesait 150 lb. À la date de l'incident, la gendarme Cockney s'est présentée au Centre en uniforme et munie de l'équipement réglementaire, dont son arme à feu, ainsi que de l'équipement facultatif, dont l'AI.

Le sergent d'état-major Milner était chef d'équipe du groupe tactique d'intervention, instructeur dans le domaine du recours à la force, instructeur de tir – formation de base et instructeur-formateur accrédité en AI. C'est lui qui a formé la gendarme Cockney sur l'utilisation d'une AI en 2003. Il a également examiné la conduite de la gendarme Cockney dans le cadre de l'enquête criminelle et de l'enquête relative à la plainte du public déposée par la mère de X et a rédigé le rapport final du commissaire sur la question. Le sergent d'état-major Milner a aussi été chargé d'examiner tous les cas de recours à l'AI à Inuvik. Au cours de son examen de l'incident, le sergent d'état-major Milner a agi en sa qualité d'expert en matière d'AI et de sous-officier consultatif du district Nord de la Division « G »Note de bas de page 8.

Interactions avec les membres du personnel du Centre le 13 mars 2007

Dans le cadre de ses activités quotidiennes au Centre, X a interrompu ses travaux scolaires pour aller en pause vers midi. Elle a quitté l'aire des classes et s'est rendue à l'aire sécurisée du Centre, où elle a effectué ses tâches. Après le dîner, elle a rencontré sa mère et une agente du Centre, Beatrice Donovan, qui l'ont toutes deux encouragée à prendre les antidépresseurs qui lui avaient été prescrits. X est devenue agitée et a refusé de prendre ses médicaments. Elle s'est levée soudainement, a quitté la salle d'entrevue et s'est dirigée vers sa classe.

Vers 13 h, X est entrée dans la classe où une enseignante donnait un cours à trois autres jeunes détenues. Elle s'est assise à l'un des bureaux, a mis des écouteurs et a commencé à écouter de la musique et à frapper sur son bureau. L'enseignante a demandé à X de sortir de la classe, mais celle-ci a refusé.

Mme Donovan, qui avait suivi X jusque dans la classe, a demandé plusieurs fois à X de se diriger vers l'aire d'isolementNote de bas de page 9. Toutefois, X a refusé d'obéir. On a demandé aux autres étudiantes de sortir de la classe; elles sont rapidement parties en compagnie de leur enseignante. Peu de temps après, Mme Donovan a quitté la classe pour quelques instants et a informé Mme Koe, qui se trouvait au poste de contrôleNote de bas de page 10, qu'on avait besoin d'un renfort de la GRC parce que X ne voulait pas obéir. Au moins une des agentes du Centre, soit Mme Diane Soucy ou Mme Kim Trudel, est restée dans la classe. Mme Koe a appelé Margaret Hope et Michelle Richards, agentes du Centre qui étaient dans une autre unité en train de suivre une formation, pour aider Mme Donovan. Mme Koe a déclaré que ces personnes avaient été sélectionnées parce qu'elles avaient suivi la formation nécessaire et avaient l'expérience requise pour désamorcer des situations explosives; elles avaient notamment suivi une formation sur le recours à la force. À leur arrivée, Mme Koe les a brièvement informées de l'incident qui avait cours dans la classe et qui mettait en cause X.

Lorsque Mme Hope et Mme Richards sont entrées dans la classe, Mme Hope a tenté d'entamer une conversation avec X. Elle a pu constater que X était mécontente, car des membres du personnel voulaient qu'elle prenne ses médicaments, mais elle n'a pas réussi à la calmer.

À ce moment-là, cinq agentes du Centre au total étaient mobilisées. Mme Hope a dit qu'elle s'est aperçue que l'agitation de X augmentait avec la présence des agentes du Centre et qu'elle a demandé à Mme Donovan de sortir de la classe pour discuter avec elle quelques instants. Une fois à l'extérieur de la classe, elle aurait proposé à Mme Donovan d'immobiliser X immédiatement parce qu'elle craignait que quelqu'un se fasse mal ou que X se blesse.

Au poste de contrôle, Mme Koe a vu X renverser un bureau à l'aide de la caméra vidéo. Elle a aussi remarqué que X avait accès au bureau de l'enseignante, qui contenait des ciseaux et des objets pointus. Ce détail revêtait une importance particulière, parce que X avait des antécédents d'automutilation. À ce moment-là, Mme Donovan demandé du renfort. Mme Koe a téléphoné à la GRC pour obtenir de l'aide [traduction] « parce qu'une jeune est incontrôlable et qu'elle ne veut pas coopérer ».

Lorsqu'elles sont retournées dans la classe, Mme Donovan et Mme Richards se sont placées de chaque côté de X, et Mme Hope s'est dirigée vers elle, et s'est placée à environ deux mètres de X. Cette dernière a ensuite informé X qu'elles devaient l'escorter à l'aire d'isolement. X a refusé et a défié les membres du personnel en leur demandant ce qu'elles allaient faire. Mme Donovan a placé sa main sur l'épaule de X et cette dernière a tenté de la frapper. Mme Hope a saisi le bras droit de X, et les agentes du Centre l'ont immobilisée au sol.

Mme Donovan a demandé des menottes, ce que lui a apporté l'une des agentes du Centre. Mme Hope a menotté X derrière le dos avec l'aide de Mme SoucyNote de bas de page 11. Peu après, la gendarme Cockney est entrée dans la pièce.

Participation de la gendarme Cockney

La gendarme Cockney a répondu à l'appel à l'aide, et Mme Koe l'a admise dans l'immeuble. La gendarme Cockney a déclaré que pendant qu'elle se dirigeait vers le Centre, elle savait déjà que X était à l'origine de l'appel et qu'elle connaissait X depuis de nombreuses années. Mme Koe a déclaré que la gendarme Cockney avait son AI en main lorsqu'elle est entrée dans l'immeuble et qu'elle s'est dirigée tout droit vers la classe lorsqu'on la lui a indiquée. Lorsqu'elle est entrée dans la classe, X était couchée sur le ventre et avait les mains menottées dans le dos, et les membres du personnel du Centre lui demandaient de se lever. Mme Hope a déclaré avoir remarqué que la gendarme Cockney est entrée dans la classe avec son AI à la main. Chaque bras de X était retenu par un membre du personnel, et une agente du Centre était à cheval sur ses jambes. La gendarme Cockney n'a pas vu d'emblée que X était menottée; un membre du personnel l'en a informée.

Tout le monde, y compris la gendarme Cockney, s'entend pour dire que cette dernière a demandé à plusieurs reprises à X de coopérer. X refusait toujours d'obéir et, selon les dires de certains, continuait de se débattre. Elle lançait des jurons tout au long de l'incident et mettait la gendarme Cockney au défi de passer à l'acte. Enfin, la gendarme Cockney a activé l'AI en mode à effet paralysantNote de bas de page 12 et l'a appliquée sur le dos de X pendant cinq secondes. X a alors crié « OK » un certain nombre de fois et a par la suite obéi aux directives. Elle a été escortée à l'aire d'isolement par Mme Donovan et Mme Hope, en compagnie de la gendarme Cockney.

Analyse

Qualifications de la gendarme Cockney

L'enquête sur la conduite de la gendarme Cockney a révélé qu'elle a été accréditée pour utiliser une AI le 12 février 2003. La politique de la GRC est ainsi libellée :

1.2 Seuls les membres qualifiés et les instructeurs accrédités qui ont réussi le Cours national sur l'utilisation de l'arme à impulsions ou le cours Armes à impulsions - instructeur peuvent utiliser ce dispositif.

1.3 Les membres déclarés aptes à utiliser l'AI doivent renouveler leur accréditation tous les ansNote de bas de page 13[c'est nous qui soulignons].

Puisque l'incident a eu lieu plus de quatre ans après l'accréditation initiale de la gendarme Cockney, on s'attend à ce qu'elle ait renouvelé son accréditation avant la date de l'incident. La Commission a demandé une confirmation du renouvellement de l'accréditation, et la GRC a répondu que la gendarme Cockney n'avait pas renouvelé son accréditation avant l'incident en cause. Par conséquent, je conclus que la gendarme Cockney n'était pas qualifiée pour utiliser une AI aux termes de la politique de la GRC.

Je ne trouve aucun élément de preuve selon lequel la GRC aurait mis en place des protocoles pour s'assurer que seuls les membres accrédités peuvent disposer d'une AI. Il faudrait mettre en place des mécanismes adéquats qui empêcheront les membres non qualifiés d'avoir accès aux AI.

Conclusion : La gendarme Cockney n'était pas qualifiée pour utiliser une AI et elle a contrevenu à la politique de la GRC en ayant recours à l'AI au cours de l'incident en cause.

Recommandation : Le coordonnateur national du recours à la force devrait examiner l'utilisation de l'AI à la Division « G », pour s'assurer que cette dernière est conforme à la politique qui limite l'utilisation de l'AI aux membres accrédités, et rédiger un rapport à cet égard à l'intention de la Commission et du ministre.

Recommandation : La GRC devrait prendre toutes les mesures raisonnables pour limiter l'accès aux AI aux formateurs et aux utilisateurs qualifiés et aux personnes en formation supervisées.

J'ai déjà constaté que l'utilisation de l'AI était proscrite, puisque la gendarme Cockney ne possédait pas l'accréditation nécessaire, mais je trancherai aussi la question de savoir si un membre accrédité en bonne et due forme aurait agi de façon appropriée en utilisant l'AI dans les mêmes circonstances.

Lignes directrices de la GRC sur l'utilisation de l'AI

Les lignes directrices de la GRC sur l'utilisation de l'AI comprennent des politiques précises liées à l'AINote de bas de page 14 et le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents (MIGI)Note de bas de page 15. En quelques mots, le MIGI est un modèle régissant le recours à la force. Dès leurs débuts en tant que cadets, les membres sont exposés au MIGI. Le modèle est conçu pour aider les membres à déterminer les interventions appropriées en tenant compte d'une gamme de facteurs qui peuvent s'avérer pertinents dans le cadre des différentes interactions quotidiennes entre la police et le public. Une illustration du MIGI en vigueur au moment de l'incident figure à l'annexe E.

L'élément clé du MIGI est le modèle de résolution de problèmes CAPRANote de bas de page 16. Le modèle CAPRA exige de la part des membres qu'ils envisagent tous les facteurs pertinents à la situationNote de bas de page 17 au moment de déterminer quelles mesures prendre, y compris le recours à la force et, le cas échéant, le niveau de force à utiliser compte tenu des circonstances. Le gendarme s'appuie sur ces facteurs pour effectuer les évaluations préconisées par le MIGI. Les membres doivent évaluer le risque que présente un sujet pour ensuite déterminer le niveau d'intervention approprié, qui peut comprendre le recours à la force.

Pour déterminer les mesures à prendre, les membres doivent évaluer le comportement du sujet. Le MIGI comprend une liste de comportements observables chez le sujet, de « coopératif » jusqu'à « menace de mort ou de blessures graves », en passant par « non coopératif », « résistant » et « combatif ». Les membres doivent aussi tenir compte du degré de risque que le sujet représente.

En général, lorsqu'un membre a évalué le comportement du sujet et le risque qu'il présente, il doit choisir la mesure appropriée. Les options d'intervention rapide comprennent les suivantes : présence de l'agent, intervention verbale et contrôle physique. À mesure que la menace augmente, le membre peut passer à un niveau de force physique supérieure; au recours à des armes intermédiaires (aérosol capsiqueNote de bas de page 18 ou arme à impulsions), à des armes à impact (bâton) et, enfin, à une force mortelle.

Les principes du MIGI, qui mettent l'accent sur la sécurité du public et du membre, définissent la meilleure stratégie qui consiste à utiliser le niveau d'intervention le moins élevé possible pour gérer le risque. De cette façon, la meilleure intervention est celle qui cause le moins de dommagesNote de bas de page 19.

Au moment de l'incident, les armes à impulsions étaient classifiées comme étant des dispositifs intermédiairesNote de bas de page 20. Des armes de cette catégorie pouvaient être utilisées contre des sujets qui démontraient un comportement résistant ou menaçant (p. ex., se montrer combatif).

Rapports écrits de la gendarme Cockney

i) Notes inscrites dans le carnet

Le MIGI prévoit clairement la nécessité d'une justification complète des gestes du membre qui a recours à la force et prévoit 29 questions permettant de cerner les aspects dont on pourrait tenir compte lorsqu'on rapporte de tels incidentsNote de bas de page 21.

L'article 25 du Code criminelNote de bas de page 22 offre la protection contre la responsabilité à un agent de la paix qui, dans le cadre de l'application de la loi, se voit dans l'obligation d'utiliser de la force. Mais l'agent doit pouvoir justifier non seulement le fait d'avoir utilisé de la force, mais aussi le degré de force utilisée. La perspective de responsabilité civile exige du membre de tenir compte des notions de négligence et de précaution. L'agent de la paix doit conserver un dossier détaillé de toutes les circonstances entourant l'incident, afin de documenter sa justification de l'utilisation de la force et sa précaution.

[...]

Il est crucial d'inscrire le plus de détails possible, le plus tôt possible après l'emploi de l'utilisation de la force, concernant la force utilisée de fait et les indicateurs de violence possible ou réelle. Ceci expliquerait l'inquiétude de l'agent de la paix et justifierait le recours à la force et le niveau de force utilisé. C'est le compromis afin de bénéficier de la protection fournie par l'article 25 du Code criminel [c'est nous qui soulignons].

La politique de la GRCNote de bas de page 23 en vigueur à l'époque traite aussi directement de l'importance de consigner des notes appropriées :

2.1. Le calepin du membre constitue un outil d'enquête fondamental. Il est essentiel que le calepin soit bien rempli, complet et exact afin qu'il aide à l'enquête, corrobore la preuve et rehausse la crédibilité du témoignage du membre devant les tribunaux. Des notes bien consignées peuvent également s'avérer très utiles pour corroborer de l'information plusieurs années après l'enquête.

2.2. On peut utiliser ses notes pour se rafraîchir la mémoire lors du procès si les notes ont été prises au moment de l'incident ou à peu près à ce moment-là.

2.3. Si on remplit des fonctions opérationnelles, utiliser et tenir un calepin à jour. Consigner la date de toute assistance opérationnelle dans son calepin.

La gendarme Cockney n'a pas pris de notes dans son calepin au sujet de l'incident en question. Ainsi, dans ce cas, on est privé des avantages découlant de la prise de notes complètes et détaillées dans le calepin.

ii) Constat – Imprimé le 7 décembre 2007

La gendarme Cockney a manqué de prendre des notes dans son calepin, mais elle a bien préparé des rapports écrits électroniques de l'incident, qui témoignent de son souvenir de l'incident et de sa justification à la date qui se rapproche le plus de l'incidentNote de bas de page 24. Dans son constat, qui n'est pas daté mais qui a été imprimé le 7 décembre 2007 et qui se trouvait parmi les documents liés à la plainte du public déposée par la mère de X, la gendarme Cockney a résumé son interaction avec X en ces termes :

[Traduction]

Le membre s'est présenté à l'établissement et [X] ne voulait pas coopérer ni obéir aux ordres. Elle a informé [X] que, si elle n'écoutait pas, elle recevrait une décharge de Taser, qui générerait 50 000 volts d'électricité dans son corps. [X] a déclaré qu'elle s'en fichait. Le membre a répété la mise en garde applicable au Taser à deux autres reprises, et elle a répondu qu'elle s'en fichait. Le membre a utilisé son Taser sur [X], qui a alors coopéré avec les employés du centre pour jeunes et le membre. Elle a informé [X] que, si elle s'agitait encore, la GRC serait obligée de revenir, et que ce n'est pas souhaitable [c'est nous qui soulignons].

Cette description sommaire ne fournit pas assez de détails pour caractériser le comportement de X ni définir l'existence d'indices de menace ni comprendre le raisonnement de la gendarme Cockney lorsqu'elle a déterminé que l'utilisation de l'AI s'imposait. En fait, le récit donne à penser que la gendarme Cockney s'attachait surtout au fait que X refusait d'obéir aux consignes et non à la perception d'un risque que X présentait pour elle-même ou pour quelqu'un d'autre.

iii) Constat – Imprimé le 28 novembre 2008

Les documents présentés par la GRC comprennent une deuxième copie du rapport de la gendarme Cockney, qui n'est pas datée mais qui a été imprimée le 28 novembre 2008Note de bas de page 25 et qui est jointe au rapport d'enquête de février 2008 du gendarme Charles. L'importance que revêt cette copie tient aux modifications considérables par rapport à la première version. Comparativement au constat original examiné ci-dessus, la deuxième version contient des détails supplémentaires importants dispersés dans le paragraphe cité à la section précédente. Ces détails se rattachent en grande partie au comportement de X, mais ne font pas état du fait que X était menottée pendant ses interactions avec la gendarme Cockney :

[Traduction]

Les employées de l'établissement l'avaient couchée sur le ventre et lui tenaient les bras et les jambes. [X] se débattait et tentait de se lever ou de s'éloigner des employées. [...] [X] s'est agitée davantage et lançait des jurons et se débattait de plus belle pour échapper à l'emprise des employées [...] et a continué de se débattre et de lancer des jurons aux personnes dans la pièce [...] lançait des jurons et se débattait pour échapper à leur emprise. Le membre a montré le Taser à [X] et l'a mise en garde encore une fois à propos du dispositif. [X] a lancé des jurons à l'endroit du membre et tentait toujours d'échapper à l'emprise des employées. Le membre a informé les employées qu'elle allait envoyer une décharge électrique à X [...] [Après le recours à l'AI] X a coopéré avec les membres du personnel de l'établissement pour jeunes et le membre.

Ce passage constitue la seule documentation écrite qui dépeint ainsi le comportement de X. Aucune note au dossier n'explique pourquoi le rapport a été modifiéNote de bas de page 26. Lorsqu'on a demandé au sergent d'état-major Milner s'il savait pourquoi le document avait été modifié, il a déclaré que, après avoir examiné le constat original en décembre 2007, il a parlé à la gendarme Cockney et lui a dit que le rapport n'était pas assez détaillé et qu'elle devait mieux définir ses actes. C'est donc à la suite de cette conversation que la gendarme Cockney aurait apporté les modification au constatNote de bas de page 27.

Compte tenu du fait que :

  • 1) les changements ont été apportés presque neuf mois après la date de l'incident et de la préparation du rapport original;
  • 2) les changements devaient refléter le MIGI;
  • 3) dans la version modifiée, on omet d'indiquer que X était menottée;
  • 4) aucune note ne fait état des conversations entre le sergent d'état-major Milner et la gendarme Cockney à l'origine des modifications;
  • 5) aucune information n'a été consignée pour faire foi de la modification du constat;

je conclus que le rapport n'est pas digne de foi et je ne lui accorde aucun poids dans mes délibérations.

iv) Rapport sur l'utilisation d'une AI – Non daté

Au moment de l'incident, la politique liée aux rapports sur l'usage d'une AI était ainsi libellée :

5. 1. Chaque fois qu'on utilise l'AI, noter dans le dossier d'enquête ainsi que dans son calepin, l'heure, la date et le lieu, si l'arme était en mode paralysant ou en mode sonde, les circonstances et si la mise en garde applicable à l'AI a été lancée.

5. 2. Remplir [le formulaire sur l'utilisation d'une AI] dans un délai de quinze jours chaque fois qu'on utilise l'AI.

5. 3. Consigner dans le dossier d'enquête toute blessure ou tous troubles médicaux causés ou qui auraient été causés par l'AI.

5. 4. Chaque fois qu'on utilise l'AI, en informer son superviseur.

5. 5. Suivre les directives divisionnaires sur la présentation de rapports.

En plus du constat, la gendarme Cockney a produit un rapport sur l'utilisation d'une AI, qui est un formulaire conçu pour générer le type de détails que doit fournir un membre lorsqu'il justifie ses gestes après avoir eu recours à une AI. L'appel était la conséquence d'un cas de voies de fait dans un contexte non familial. Le résumé de l'incident est identique à la description qui figure dans le constat, à l'exception d'une phrase qui a été étoffée comme suit : [traduction] « Le membre a répété la mise en garde applicable au Taser à deux autres reprises, et elle a répondu qu'elle s'en fichait et a continué de présenter une résistance aux employées d'Arctic Tern [c'est nous qui soulignons]. » Cette déclaration brève et générale constitue la seule note écrite qu'a prise la gendarme Cockney, à l'exception du constat révisé auquel je n'accorde aucun poids, qui qualifie le comportement de X comme allant au-delà de « non coopératif ». Ce document a été préparé durant la soirée du 13 mars 2007 et n'a jamais été modifié.

Les réponses aux deux questions que pose le rapport sur l'utilisation d'une AI étaient pertinentes à l'évaluation des actes de la gendarme Cockney. À la question « La menace ou l'emploi de l'AI a-t-il permis d'éviter des blessures au sujet ou au policier? », la gendarme Cockney a répondu par l'affirmative. Toutefois, elle n'a pas donné d'explications à l'exception du résumé de l'incident dont il est question ci-dessus. En outre, la gendarme Cockney a aussi répondu par l'affirmative à la question suivante : « La menace ou l'emploi de l'AI a-t-il permis d'éviter d'utiliser une force meurtrière? » Encore une fois, aucun passage n'appuie cette position, qui contredit tous les autres éléments de preuve, dont ceux tirés de la déclaration subséquente de la gendarme Cockney à l'intention de l'enquêteur de la Commission.

La réponse de la gendarme Cockney s'apparente à la façon dont bon nombre de membres remplissent ces rapports. La Commission a analysé l'emploi des AI à la GRC au cours de l'année civile 2008Note de bas de page 28. L'analyse a révélé que, des 1 106 fois où on a eu recours à une AI en 2008, on a déclaré que cette méthode a permis d'éviter d'utiliser une force mortelle dans plus de la moitié des cas, soit presque 600 fois. Dans la majorité des cas, ces affirmations ne concordaient pas avec le récit du membre et témoignaient d'un problème systémique dans l'établissement de rapports à la GRCNote de bas de page 29.

v) Résumé du rapport écrit de la gendarme Cockney

À la lumière de mon examen du dossier opérationnel, je conclus que les éléments consignés par la gendarme Cockney au sujet de l'incident sont inappropriés. Elle a notamment manqué :

  • 1) de prendre des notes adéquates dans son calepin;
  • 2) de préciser les événements conformément à la politique de la GRC en matière d'AI;
  • 3) de décrire les événements et ses actes et de les justifier de façon adéquate afin de permettre l'examen de sa conduite;
  • 4) d'inscrire le nom de son superviseur dans le rapport sur l'utilisation d'une AINote de bas de page 30.

Par conséquent, après avoir examiné les documents rédigés par la gendarme Cockney à la suite de l'incident, le comportement de X peut seulement être décrit comme étant provocant et non coopératif. En outre, ni le constat ni le rapport sur l'utilisation d'une AI ne faisaient état du fait que, à l'arrivée de la gendarme Cockney, X était couchée sur le ventre et avait les mains menottées derrière le dos, que trois agentes du Centre avaient immobilisé ses bras et ses jambes et que deux autres agente se trouvaient à proximité.

Dès leurs débuts en tant que cadets, les membres de la GRC apprennent l'importance de justifier leurs actes. Cette justification est importante pour préciser tous les aspects des actes policiers, mais elle l'est d'autant plus dans des situations où un membre a eu recours à la force à l'endroit d'un sujet. Le paragraphe 25(1) du Code criminel du CanadaNote de bas de page 31(le « Code ») est ainsi libellé :

25. (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l'application ou l'exécution de la loi :

  • a) soit à titre de particulier;
  • b) soit à titre d'agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  • c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
  • d) soit en raison de ses fonctions,

est, s'il agit en s'appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu'il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Ultimement, les actes des membres sont toujours évalués en fonction de cette norme.

Le rapport écrit préparé par un membre est parfois la seule description des événements entourant l'incident lorsque l'affaire fait l'objet d'un examen ultérieur. C'est exactement le cas ici. La méthode d'évaluation du caractère adéquat de la justification du membre consiste à déterminer s'il existe assez de détails pour permettre une évaluation objective de ses actes en fonction de la norme énoncée ci-dessus. Dans les circonstances de l'affaire en cause, l'explication qu'a fournie la gendarme Cockney pour justifier ses actes n'était ni adéquate ni conforme aux exigences de la politique et, encore plus important, elle ne respectait pas le cadre énoncé au paragraphe 25(1).

Conclusion : La gendarme Cockney a négligé de prendre des notes adéquates dans son calepin comme l'exige la politique de la GRC.

Conclusion : La gendarme Cockney n'a pas consigné assez de détails dans le constat ni dans les rapports sur l'utilisation d'une AI pour justifier son recours à la force.

Conclusion : Les versions électroniques du constat et du rapport sur l'utilisation d'une AI disponibles au moment de l'incident n'indiquaient pas le moment où les documents avaient été créés ni modifiés ni la personne qui l'avait fait.

Recommandation : La GRC devrait fournir à la gendarme  Cockney des lignes directrices opérationnelles au sujet des exigences relatives à la prise de notes adéquate et aux bonnes techniques d'établissement de rapports.

Recommandation : Pendant six mois, ou une plus longue période le cas échéant, la GRC devrait surveiller le rendement de la gendarme Cockney en ce qui a trait à la préparation de rapports écrits et à la prise de notes.

Recommandation : La GRC devrait s'assurer que tous les formulaires, qu'ils soient remplis à la main ou par voie électronique, contiennent les dates et les heures de la création du document et des modifications qui y sont apportées ainsi que l'identité de la personne qui a rempli ou modifié les formulaires.

Rapports d'incident du personnel du Centre

Dans le cadre de leurs fonctions, Mme Donovan, Mme Hope, Mme Soucy et Mme Richards ont préparé des rapports d'incident qui résument les événements de la journée. Ces rapports ont été préparés à différents moments, de quelques heures à quelques jours après l'incident, et ont été examinés dans le cadre de notre enquête. Dans chaque rapport, la description des événements qui ont eu lieu après l'arrivée de la gendarme Cockney est semblable. Tout d'abord, les comptes rendus des agentes du Centre sont unanimes : X a été menottée juste avant l'arrivée de la gendarme Cockney. Il est important de noter qu'aucune des agentes du Centre ne signale d'actes d'agression ou de résistance de la part de X à partir du moment où on l'a menottée. Elles confirment toutes le fait que la gendarme Cockney a demandé à X de coopérer et l'a avertie qu'elle utiliserait l'AI si elle refusait de le faire. Mme Donovan, la première a avoir préparé son rapport, à 16 h 49 le jour de l'incident, a signalé ce qui suit :

[Traduction]

Une fois qu'on a menottée X, l'agente de la GRC, NOELLA COCKNEY, est entrée dans la classe pour aider à gérer la situation. J'ai dit à [X] qu'elle allait au dortoir et que nous l'aiderions à se relever. Elle a refusé de coopérer et a déclaré qu'elle ne marcherait pas jusque là. NOELLA a alors dit à [X] qu'elle emploierait le pistolet Taser si elle ne coopérait pas et ne marchait pas jusqu'au dortoir. [X]  a déclaré qu'elle s'en fichait, et NOELLA lui a demandé de nouveau si elle était prête à coopérer. [X] a à nouveau refusé de coopérer. NOELLA a déclaré qu'elle allait utiliser le pistolet Taser et a fait signe à MARGARET et à moi-même de lâcher [X]. NOELLA a appliqué le pistolet Taser dans le milieu du dos de [X] et l'a activé pendant cinq secondes, selon ses dires. [X] a alors affirmé qu'elle coopérerait et se déplacerait après avoir reçu une décharge du Taser [c'est nous qui soulignons].

Toutes les déclarations donnent à penser que la gendarme Cockney a finalement eu recours à l'AI dans le but de forcer X à accéder à la demande de se rendre à l'aire d'isolement. Dans la même veine, les rapports expliquent que l'activation de l'AI a eu pour effet non pas de mettre un terme à une lutte ou à une résistance physique chez X, mais plutôt de l'amener à coopérer et à se diriger vers la cellule d'isolement. La ressemblance de ces rapports avec celui de la gendarme Cockney est frappante, surtout du fait qu'ils ne mentionnent aucun risque ni aucune menace que X aurait présenté après avoir été menottée.

La politique de la GRC ne prévoit pas que l'utilisation d'une AI est seulement justifiée dans le cas où il y a une menace, mais ce facteur demeure pertinent lorsqu'il s'agit de trancher la question plus importante de savoir si les actes du membre sont justifiés aux termes du paragraphe 25(1)du Code. En particulier, lorsqu'il s'agit de déterminer si le degré de force employée était justifié.

Déclarations des employées du Centre recueillies par l'enquêteur de la GRC

Dans le cadre de l'enquête criminelle, des déclarations des employées du Centre ont été recueillies en février 2008, soit presque un an après l'incident. Bon nombre des déclarations faisaient allusion au fait que le passage du temps avait une incidence sur les souvenirs des témoins mais, en majeure partie, j'estime qu'elles sont cohérentes avec les commentaires contenus dans les rapports d'incident produits plus tôt.

La déclaration qui présentait une différence importante de la version des faits contenue dans les rapports d'incident était celle de Mme Donovan, qui a relaté les événements en ces termes :

[Traduction]

Nous avions effectivement réussi à coucher [X], elle refusait de bouger, refusait de coopérer et luttait toujours lorsque Noella est entrée et qu'elle a demandé si [X] allait coopérer. Elle a refusé, elle nous lançait des jurons à la ronde, ainsi qu'à Noella, et refusait tout simplement, elle refusait de bouger, elle refusait. Nous lui avons donné le choix de marcher par elle-même ou d'être forcée de le faire par nous, et elle refusait. Ensuite, Noella lui a dit que, euh, si elle ne coopérait pas, si elle n'obéissait pas, elle activerait le Taser, et [X] a répété qu'elle s'en fichait et a continué à se débattre, alors Noella a tout simplement... nous l'avions effectivement menottée et tout ça, mais elle ne... elle continuait de se débattre. Elle donnait des coups de pied et tentait d'échapper à notre emprise et de se retourner sur le dos, et c'est alors que Noella a appliqué le Taser sur elle [c'est nous qui soulignons].

Sa déclaration confirmait celles des autres dans la mesure où elle faisait allusion à la volonté de la gendarme Cockney de convaincre X de marcher jusqu'à l'aire d'isolement, mais elle témoignait aussi d'un comportement beaucoup plus agressif chez X qu'elle ou tout autre membre du personnel l'avaient noté dans leur rapport. De plus, contrairement aux commentaires inscrits dans son rapport d'incident, elle s'est rappelé que la gendarme Cockney avait activé l'AI à deux reprises parce que X continuait de se débattre, ce qui est contraire à tous les autres comptes rendus.

Mme TrudelNote de bas de page 32 s'est rappelée que, après avoir été menottée, X a refusé de quitter la classe et était trop lourde à transporter, donc [traduction] « de toute évidence, il fallait qu'elle y aille de son plein gré ». Lorsqu'elle a été interrogée directement sur le fait que X ait présenté une résistance physique, Mme Trudel a répondu : [traduction] « Elle se débattait pour se libérer, essayait d'enlever les menottes et ce genre de choses. Tout cela est bien dommage, a-t-elle ajouté, mais c'était aussi nécessaire. »

Mme Richards se rappelle que, lorsque X a été immobilisée au sol, elle a commencé à se débattre, mais qu'il y avait assez d'agentes du Centre pour la maîtriser. Après l'arrivée de la gendarme Corkney, elle s'est rappelé que [traduction] « tout le monde était là dans la pièce et lui disait de se lever et de marcher, je me souviens que c'est cela que, vous savez, nous essayions d'atteindre comme résultat. C'est une fille imposante [...] au départ, tout le monde lui disait de se lever [...] elle refusait ». Mme Richards est sortie de la classe avant que l'AI soit activée. Lorsqu'elle a décrit le comportement que présentait X après avoir été menottée, elle a mentionné que X [traduction] « montrait encore de l'entêtement ».

Mme Hope a déclaré que la gendarme Cockney est arrivée quelques secondes après qu'on a mis les menottes à X et qu'elle avait son AI à la main. Lorsque l'enquêteur de la GRC, le gendarme Charles, l'a questionnée, Mme Hope a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

KC : Alors, comment [X] se comportait-elle à ce moment-là, lorsqu'elle a été menottée?

MH : Eh bien, elle ne pouvait pas bouger. Vous savez, elle était sur son, son, sur son ventre. Elle était menottée les mains derrière le dos alors elle... nous avions, nous l'avions, c'est comme si elle ne pouvait pas, elle n'aurait pas pu faire mal, c'est comme, elle aurait probablement pu donner des coups de pied, mais, c'est comme, elle, ce n'est pas arrivé, parce que la gendarme Cockney était déjà là.

KC : D'accord, vous et les autres employées, la teniez-vous toujours au sol à ce moment-là? Lorsqu'elle avait les menottes?

MH : Bien, ouais, moi oui. Ouais, je, j'étais encore là. Ouais, j'étais toujours agenouillée au sol en train de tenir les menottes et...

KC : Que faisait [X]? Était-elle toujours, était-elle toujours en train de se débattre physiquement ou s'était-elle calmée?

MH : Non, elle ne se débattait pas. Elle, je veux dire, elle ne pouvait rien faire.

KC : A-t-elle tenté de se lever ou de se retourner?

MH : Euh, n...

KC : Tourner? Donnait-elle des coups de pied ou quelque chose comme ça?

MH : Non.

KC : Est-ce que quelqu'un lui tenait les pieds?

MH : Euh, Diane. Diane était assise, assise sur elle, comme assise sur ses jambes plus haut, ses cuisses, elle était assise sur ses cuisses.

KC : Était-elle maîtrisée? Elle n'allait donc nulle part, alors.

MH : Euh, n...

KC : Alors...

MH : Elle était maîtrisée [c'est nous qui soulignons].

Déclarations du personnel du Centre recueillies par l'enquêteur de la Commission

L'enquêteur de la Commission a réussi à interviewer certains des témoins du Centre en janvier 2009. Tous ces témoins ont revu leurs déclarations passées recueillies par le gendarme Charles avant de fournir leur nouvelle déclaration. Des résumés de leur version des événements sont inclus ci-dessous.

Le souvenir qu'avait Mme Donovan des événements dépeignait encore une fois le comportement de X comme des plus agressifs. Elle a déclaré que, une fois menottée, X a tenté de rouler, de se retourner, pour donner des coups de pied aux agentes du Centre. Elle a expliqué que X donnait des coups de pied et a presque réussi à projeter Mme Soucy, qui lui tenait les piedsNote de bas de page 33. Elle a noté que X se frappait la tête contre le sol et tentait de marteler ses bras, ses épaules et ses jambes au sol. Elle a signalé que, à cette étape, elles essayaient de l'empêcher de se faire mal. Comme dans sa déclaration initiale, elle a affirmé que la gendarme Cockney a activé l'AI une deuxième fois, parce que X continuait de se débattre après la première décharge.

On a demandé précisément à Mme Trudel si elle estimait que X présentait une menace une fois menottée, et elle a répondu que non. Elle a expliqué que, une fois X menottée, l'objectif était de [traduction] « l'amener au dortoir ». D'après elle, bien que les agentes du Centre aient peut-être été capables de traîner X sur 30 ou 40 pieds dans le couloir, celle-ci aurait pu les blesser ou endommager le Centre dans le processus.

Mme Richards a déclaré être sortie de la classe tout de suite après l'arrivée de la gendarme Cockney. Elle s'est souvenue que X continuait de les défier après avoir été menottée, mais qu'elle ne constituait pas une menace. Toutefois, elle a aussi fait valoir que, si on relevait X, elle aurait pu présenter une menace en donnant des coups de pied.

Mme Hope a déclaré que, après qu'on lui a mis des menottes, X ne pouvait plus bouger et n'a pas tenté de se retourner. Lorsqu'on lui a demandé si les cinq agentes du Centre auraient pu traîner X à la cellule d'isolement, Mme Hope a répondu : [traduction] « Si nous en avions eu la possibilité, c'est probablement ce que nous aurions fait. » Elle a aussi signalé que, selon elle, ce n'était qu'une affaire de deux, trois, quatre ou même cinq minutes avant que X soit assez mal à l'aise physiquement pour coopérer et que l'on aurait rien perdu à attendre 10 ou 15 minutes. Elle se souvient que X lançait des jurons et refusait de coopérer, mais qu'elle ne donnait pas de coups de pied. Elle a déclaré qu'elle ne jugeait pas que X aurait présenté une menace si on l'avait traînée jusqu'à l'aire d'isolement et a précisé qu'elle entendait par comportement « non coopératif » son refus de marcher jusqu'à l'aire d'isolement.

Je remarque qu'aucune des déclarations ne mentionne la possibilité d'utiliser un dispositif de contention pour les jambes, alors que le Centre en était doté. De plus, toutes s'entendaient pour dire que X avait obéi à l'ordre après l'emploi de l'AI et a marché jusqu'à l'aire d'isolement sans poser d'autres problèmes.

Déclaration de X à l'enquêteur de la Commission

Les documents fournis par la GRC ne contiennent aucune indication témoignant d'une quelconque tentative d'obtenir une déclaration de X. Toutefois, elle a consenti à être interviewée par l'enquêteur de la Commission en janvier 2009. X a relaté sa dispute avec les agentes du Centre le 13 mars 2007 et a spontanément avoué qu'elle était en colère contre les membres du personnel cette journée-là et avait renversé des bureaux dans la classe. Elle s'est souvenue d'avoir été amenée au sol et menottée. Elle s'est également souvenue de l'arrivée de la gendarme Cockney pendant qu'elle était maintenue au sol et du fait que celle-ci lui a demandé de se calmer, ce à quoi X a répondu qu'il n'en était pas question. Lorsqu'on l'a interrogée au sujet de ses actes après l'arrivée de la gendarme Cockney et de ce qu'elle faisait pour qu'on lui demande de se calmer, X a répliqué qu'elle lançait peut-être des jurons, mais qu'elle ne faisait rien d'autre.

Déclaration de la gendarme Cockney à l'enquêteur de la Commission

La gendarme Cockney a refusé de fournir une déclaration dans le cadre de l'enquête criminelle. Toutefois, elle a volontairement fourni une déclaration à l'enquêteur de la Commission, bien que son avocat et son représentant des relations fonctionnelles lui auraient conseillé de ne pas le faireNote de bas de page 34. Avant de présenter sa déclaration, la gendarme Cockney a eu l'occasion d'examiner la réponse de l'avocat-conseil de la Couronne qui exposait les raisons pour lesquelles il ne recommandait pas le dépôt d'accusations.

La gendarme Cockney a signalé à l'enquêteur de la Commission qu'elle avait été informée du fait que X était en cause dans l'incident, et ce, avant son arrivée au Centre et qu'elle connaissait X depuis qu'elle avait été mutée à Inuvik, vers 2000. Elle a déclaré que, à son arrivée dans la classe, elle a vu un certain nombre de personnes se tenant debout autour de X et qu'au moins quelques-unes d'entre elles la maîtrisaient au sol. Elle a mentionné qu'elle avait un peu de difficulté à se souvenir des événements vu le temps qui s'était écoulé. C'est compréhensible, puisqu'elle a fourni la déclaration environ 22 mois après l'incident et qu'elle a négligé de prendre des notes au moment de l'incident, ce qui l'aurait aidée à se souvenir des événements.

Elle a reconnu avoir remarqué, à un moment donné, que X portait des menottes. Elle se souvient d'avoir parlé à X en ces termes :

[Traduction]

Je lui ai dit, vous savez, de coopérer avec les employées et tout cela, et c'est alors qu'elle a commencé à lancer des jurons et tout ça et alors... Je lui ai dit : « Écoute, si tu n'as pas l'intention de coopérer et tout ça, alors je vais utiliser le Taser... tu vas recevoir une décharge électrique de 50 000 volts.

Par la suite, la gendarme Cockney a indiqué que son but était d'amener X dans l'aire d'isolement. Il semble qu'elle n'ait envisagé que deux options. La première solution consistait à escorter X à la cellule pendant qu'elle était encore agressive et qu'elle risquait de résister avec son corps et ses jambes. La deuxième solution consistait à obtenir sa pleine coopération en lui faisant subir le stimulus douloureux de l'AI qui, lorsqu'on y a recours, vise l'élimination de toute résistance.

Il existait toutefois d'autres options. Comme l'ont noté deux agentes du Centre, X était dans une position très inconfortable au sol et, selon Mme Hope, aurait probablement coopéré après un moment. Même Mme Donovan, qui a décrit le comportement de X comme étant particulièrement agressif, était du même avisNote de bas de page 35. De plus, il y avait des dispositifs de contention pour les jambes au Centre, qui auraient pu dissiper les craintes que X utilise ses jambes, mais la gendarme Cockney n'a jamais demandé au personnel du Centre si on disposait de ce matériel. Mme Richards a déclaré que, si la gendarme Cockney n'était pas arrivée lorsqu'elle l'a fait, les agentes du Centre auraient pu installer X sur la chaise de l'enseignante jusqu'à ce qu'elle se calme. On a aussi suggéré que X aurait pu être transportée ou traînée dans sa cellule. Toutes ces options étaient encore viables après l'arrivée de la gendarme Cockney, l'AI en main.

La gendarme Cockney a aussi déclaré que ses souvenirs étaient embrouillés parce que tout s'était déroulé si vite. La Commission convient de la nature dynamique de ce genre d'événements, mais la vitesse à laquelle les événements se sont succédé semble être la conséquence directe des décisions de la gendarme Cockney. Même lorsqu'elle a eu l'occasion de préciser son évaluation de la menace dans sa déclaration à l'enquêteur de la Commission, la gendarme Cockney est demeurée quelque peu vague quant aux détails du comportement de X qui justifiaient l'utilisation de l'AI. Sa description de la menace que présentait X comprenait une remarque quant à la taille de cette dernière et au fait qu'elle n'avait pas été maîtrisée. [Traduction] « Je ne l'aurais jamais laissé se relever sans l'avoir tout à fait maîtrisée. Parce que si elle faisait quelque chose, tout ce qu'elle avait à faire, c'est de me donner une petite poussée, et alors... J'aurais pu me retrouver sur le derrière aussi. C'était... Je voulais la maîtriser avant qu'elle se lève. »

Conclusion

La similitude la plus éloquente entre les déclarations dont je dispose tient au lien qu'ont établi tous les témoins entre l'avertissement relatif à l'AI donné par la gendarme Cockney et le consentement de X à marcher jusqu'à l'aire d'isolement, sans qu'il ne soit question de l'empêcher de lutter, de se débattre ou de donner des coups de pied. Ni les rapports d'incident rédigés par les surveillantes ni le constat original de la gendarme Cockney n'indiquent que le comportement de X après avoir été menottée présentait une menace ou justifiait l'utilisation de l'AI.

Les déclarations subséquentes de certaines des agentes du Centre dépeignaient X comme étant plus agressive que ce qui était mentionné dans tous les rapports écrits, mais trois des quatre agentes du Centre interviewées dans le cadre de l'enquête de la Commission ont clairement affirmé que X ne présentait aucune menace et avait été maîtrisée. Après avoir pris en considération tous les renseignements dont je dispose, je conclus que X était verbalement provocante et présentait une résistance minimale. X se débattait peut-être pour se libérer de ses menottes, mais la preuve n'établit pas qu'elle donnait des coups de pied; elle indique plutôt que X était maîtrisée par les agentes du Centre lorsque la gendarme Cockney est entrée dans la pièce. J'estime que, lorsque la gendarme Cockney a activé l'AI, X ne présentait aucune menace pour elle-même, la gendarme Cockney ou les autres agentes du Centre qui la maîtrisaient au sol sur le ventre, le visage à terre et les mains menottées derrière le dos. Le MIGI prévoit une évaluation du risque soigneuse et constante, ce qui est loin de caractériser les pratiques de la gendarme Cockney.

Conclusion : La gendarme Cockney a négligé d'évaluer adéquatement le risque après son arrivée sur les lieux.

De plus, je constate que la gendarme Cockney n'a pas envisagé d'autres options avant d'activer son AI, contrairement aux dispositions de la politiqueNote de bas de page 36. Lorsque j'examine la preuve qu'elle a présentée, je suis étonné de l'objectif apparemment unique de la gendarme Cockney, qui consistait à amener X à se lever et à marcher de son propre gré vers la cellule d'isolement sans que la gendarme ait de contact physique avec elle. Rien n'indique qu'elle a pris en considération les autres options qu'ont avancées par la suite les agentes du Centre. L'utilisation de l'AI dans les circonstances, alors qu'il y avait au moins six adultes en mesure de maîtriser X et qu'il n'y avait pas urgence, puisqu'elle était immobilisée, n'était pas raisonnable et témoigne d'une inconscience grave à l'égard du degré de douleur infligée par l'AI.

Conclusion : La gendarme Cockney a négligé de bien prendre en considération les autres options avant d'utiliser l'AI.

La politique de la GRC régissant l'utilisation de l'AI au moment de l'incident prévoit ce qui suit : « L'arme à impulsions doit être utilisée conformément aux principes du modèle d'intervention pour la gestion des incidents (MIGI) de la GRCNote de bas de page 37. » Le MIGI applicable à ce moment-là est analysé de façon générale ci-dessusNote de bas de page 38. Dans les circonstances de l'affaire en cause, l'AI était une arme intermédiaire qu'il aurait été fondé d'utiliser si le sujet avait présenté une résistance ou un comportement plus menaçant. Même si, selon la représentation graphique, l'utilisation d'une AI s'inscrit au milieu de la gamme des interventions auprès d'un sujet résistant, rien ne détermine clairement le degré de résistance qui justifie l'utilisation d'une AINote de bas de page 39.

Même en tenant compte de la latitude dont bénéficie un membre lorsqu'il exerce son pouvoir discrétionnaire, je ne suis pas convaincu que l'utilisation dans ce cas était raisonnable. Les politiques, les procédures et les lignes directrices liées au recours à la force ne sont que des outils pour aider les membres à agir selon des principes.

L'examen de la conduite de la gendarme Cockney par le sergent d'état-major Milner met en lumière ce que les tribunaux ont désigné comme une source de préoccupation découlant de l'utilisation d'une AINote de bas de page 40. Voici un passage du rapport du sergent d'état-major Milner le 10 décembre 2007 :

[Traduction]

La gendarme COCKNEY déclare que, lorsqu'elle est arrivée, [X] présentait une résistance agressive en donnant des coups de pied et en se débattant. Le personnel n'avait pas la maîtrise absolue de [X], et la gendarme COCKNEY a utilisé l'intervention la moins préjudiciable pour obtenir sa pleine coopération. Un autre type d'intervention aurait pu causer davantage de torts à [X] [c'est nous qui soulignons].

Le sergent d'état-major Milner et moi-même ne nous entendons pas sur la catégorisation du comportement de X, et la question la plus importante à trancher est liée à la portion soulignée du passage précédent. Le sergent d'état-major Milner a choisi des termes qui figurent dans les sept principes qui régissaient l'utilisation d'une AI au moment de l'incident, particulièrement en laissant entendre que la meilleure intervention est la moins préjudiciable. Il s'agit d'un principe important. Le problème que présente son raisonnement découle de la négligence à reconnaître le préjudice causé par une certaine technique d'intervention. Le passage cité ci-dessus laisse entendre que l'AI est automatiquement l'« intervention la moins préjudiciable », surtout vu que le sergent d'état-major Milner n'a pas exploré les autres interventions possibles.

Cette question est une source de préoccupation pour la Commission depuis les tout premiers examens relatifs à l'utilisation d'une AINote de bas de page 41 et fait l'objet d'une analyse approfondie dans l'examen de la Commission sur l'utilisation de l'AI à la GRCNote de bas de page 42, entrepris à la demande du ministre de la Sécurité publique.

Dans l'affaire Hannibal, la juge Challenger a parlé de la nécessité que les agents de police connaissent les effets néfastes des AI :

[Traduction]

La GRC et les autres services de police devraient prendre en considération le risque de brûlures superficielles et d'autres lésions tissulaires que présente le Taser et qui peuvent être à l'origine de croûtes et de cicatrices. L'AI cause une douleur extrême et peut entraîner instantanément une paralysie complète. Les techniques de contrainte par la douleur traditionnelles peuvent être contrôlées attentivement par l'agent qui les applique. Le degré de douleur infligée par l'AI ne peut pas être adapté [c'est nous qui soulignons].

La Commission a déjà fait état de préoccupations concernant le manque de reconnaissance de la GRC de la douleur infligée par l'utilisation d'une AI. En fait, les évaluations de la douleur causée par l'AI effectuées par la GRC donnent à penser que la douleur infligée ne fait qu'entraîner une réflexion après coup. Par conséquent, la Commission a recommandé à la GRC d'entreprendre des projets de recherche liés, entre autres, à la mesure de la douleur causée par une AI et une évaluation du caractère approprié de l'utilisation de l'AI comparativement à d'autres formes d'interventionNote de bas de page 43. Dans le rapport, on a aussi recommandé de modifier la position de l'AI dans le MIGINote de bas de page 44. Je n'estime pas que la situation dans laquelle se trouvait la gendarme Cockney ait justifié le degré de force employé. En outre, la gendarme Cockney n'a jamais mentionné qu'elle considérait que l'AI était la meilleure intervention ou que cette méthode était la moins préjudiciable. Cette position provient de l'argument invoqué par le sergent d'état-major Milner après son examen de l'incident. Je reconnais qu'il a formulé son opinion après avoir conclu que X était résistante et combative, position contraire à la mienne.

Le commentaire du sergent d'état-major Milner laisse croire qu'il a déterminé que l'utilisation de l'AI était systématiquement l'intervention la moins préjudiciable. Dans son rapport, daté du 10 décembre 2007, il n'est jamais question des autres options possibles ou envisagées. La gendarme Cockney a déclaré, dans son rapport sur l'utilisation d'une AI, que l'utilisation de l'AI a permis d'éviter des blessures et le recours à une « force mortelle ». Lorsqu'on l'a interrogé à ce sujet, le sergent d'état-major Milner a avancé que l'utilisation de l'AI a servi à désamorcer la situation et a permis d'éviter que l'interaction devienne plus violente, au point où une force mortelle aurait pu être employée. Voici ce qu'il a déclaré :

[Traduction]

R : Le formulaire est conçu de telle façon qu'on doit répondre par oui ou non, et je... elle a tout simplement sélectionné « oui ». Et je crois que, vous savez, est-ce que ça l'a permis d'éviter le recours à une force mortelle? Elle a utilisé une méthode de maîtrise moins préjudiciable, alors oui, c'est le cas. Elle n'était pas obligée... Elle aurait pu ne pas recourir à cette méthode. Elle n'a pas... Je ne... La situation n'est jamais devenue telle qu'on ait dû même songer à cela, alors elle a tout simplement indiqué que oui, qu'elle a adopté une méthode d'intervention moins mortelle.

Q : Alors, mais... En raisonnant ainsi, ne pourriez-vous pas dire que, dans le cadre de n'importe quelle altercation, aussi bénigne soit-elle, vous évitez peut-être que la situation s'intensifie au point où vous seriez obligé d'employer une force mortelle?

R : Ah, n'importe... Eh bien, c'est le recours à la force. Nous recourons à la méthode la moins préjudiciable pour gagner la maîtrise. Mais, si nous ne réussissons pas à maîtriser la personne, nous pouvons faire face à des événements beaucoup plus graves. Mais, la raison pour laquelle elle a répondu oui à ce moment-là, je ne crois pas que je peux vous la donner. C'est elle qui doit expliquer pourquoi elle a répondu oui. Et c'est... Je... Si l'utilisation préalable de l'AI a permis d'éviter l'emploi d'une force mortelle, c'est une considération sur laquelle elle n'était même pas tenue de se pencher, parce que l'AI était la méthode de maîtrise la moins préjudiciable [c'est nous qui soulignons].

Je ne suis absolument pas d'accord. Même si X était combative comme le soutient le sergent d'état-major Milner, je ne crois pas qu'on peut raisonnablement envisager un scénario où X présenterait un risque de lésions corporelles graves ou de mort. Un tel raisonnement donne à penser que les membres qui utilisent une AI et les spécialistes qui évaluent leur conduite appliquent tout simplement la politique et les protocoles de formation de façon théorique, sans se soucier du lien avec la réalité des évènements en cause, pour justifier après coup les actes du membre. Autrement dit, la politique de la GRC et le MIGI semblent n'être rien de plus que des modèles opportuns qui servent à échafauder une justification et à s'adonner à de simples conjectures chaque fois qu'une AI est utilisée.

Je note également que le sergent d'état-major Milner a répété une observation qu'ont faite toutes les agentes du Centre ainsi que la gendarme Cockney, à savoir que, une fois que l'AI a été utilisée, X a fait exactement ce qu'on lui disait. Compte tenu des faits que j'ai constatés, cela dépeint un portrait dans lequel la GRC estime que l'AI est un moyen de coercition convenable. C'est-à-dire que le membre voulait que X marche jusqu'à la cellule d'isolement, ce qu'elle a fait; il n'y a donc pas de problème. Toutefois, le problème tient au fait que, lorsqu'on évalue la conduite d'un membre de la police, il ne suffit pas de laisser entendre que la fin justifie les moyens. Si c'était le cas, alors il aurait été tout aussi acceptable de menacer de frapper X avec un bâton si cela l'avait incitée à suivre les ordres du membre.

J'ai constamment soutenu que l'AI peut être un outil utile pour la police et que, dans certains cas, elle peut permettre de sauver des vies; toutefois, je demeure préoccupé des dangers énoncés par la juge Challenger qui font surface lorsque l'AI est envisagée comme un outil universel pour les interventions à faible risque. Il reste à voir si les changements apportés par la GRC suffiront à dissiper ces craintes, et la Commission continuera à surveiller ces pratiques de près.

Conclusion : La gendarme Cockney a eu recours à l'AI à l'endroit de X alors que ce n'était pas nécessaire.

Deuxième question : Les politiques, les procédures et les lignes directrices en place à la GRC sont-elles adéquates?

À la suite des événements faisant l'objet de l'examen, la Commission a préparé des rapports intérimaire et finalNote de bas de page 45 sur l'utilisation de l'AI à la GRC, à la demande du ministre de la Sécurité publique. Le rapport final contient 22 recommandations à mettre en œuvre immédiatement. Depuis qu'elle a déposé la plainte en cause et que l'enquête d'intérêt public connexe a été déclenchée, la Commission a préparé un rapport statistique analysant l'utilisation de l'AI à la GRC en 2008. De plus, la GRC a apporté certains changements à sa politique qui, selon ses dires, visent l'application de certaines de ces recommandations.

Enfin, en janvier 2009, j'ai déposé une plainte distincte visant tous les décès de détenus suivant l'utilisation d'une AI depuis 2001Note de bas de page 46. Le rapport examinera toutes les versions de la politique de la GRC qui portent sur l'utilisation de l'AI et répondra à la question de façon plus générale que l'exigeraient les circonstances de l'affaire examinée ici. Par conséquent, à l'exception des commentaires énoncés ci-dessus relativement au caractère adéquat des politiques, des procédures et des lignes directrices en vigueur à la date de l'incident, je vais attendre avant de me prononcer sur les politiques, les procédures et les lignes directrices concernant l'utilisation de l'AI d'avoir établi un rapport au sujet de ma plainte récente sur les décès de détenus.

Une question de politique soulevée par la mère de X dans sa plainte tenait à la décision qu'avait prise la gendarme Cockney d'apporter son arme à feu au Centre. Selon la directrice de l'établissement, une politique en vigueur au Centre prévoyait que toutes les armes à feu devaient être déposées dans un casier et qu'il y avait dans l'immeuble une boîte de métal dans laquelle les membres de la GRC devaient mettre toutes leurs armes à feu sous clé. La gendarme Cockney a déclaré avoir déjà utilisé le coffre de sécurité à d'autres occasions, mais que, puisqu'elle avait été appelée à se rendre sur les lieux d'une querelle, elle n'estimait pas qu'il était sécuritaire d'entrer dans le Centre sans son arme à feu.

Le sergent d'état-major Milner ignorait la politique du Centre. Il a noté que la politique de la GRC prévoyait que les membres étaient tenus de porter un pistolet lorsqu'ils étaient en public et que les étuis étaient conçus, à différents degrés, pour empêcher un sujet de s'emparer de l'arme à feu d'un membre. Il considère que la décision de la gendarme Cockney d'apporter son arme à feu dans le Centre était appropriée, puisqu'elle se rendait sur place pour des raisons opérationnelles, et non pas administratives.

Chacune de ces politiques vise une fin précise. On aurait tendance à croire que, lorsque des politiques contradictoires sont en vigueur dans un environnement où la GRC est souvent appelée à intervenir, les parties discuteraient de la question dans l'espoir d'atteindre une entente mutuelle, sous la forme d'un plan opérationnel. En l'occurrence, les portes du Centre étaient ouvertes à la gendarme Cockney, et le personnel du Centre n'a pas remis en question le fait qu'elle apportait son arme à feu à l'intérieur. Le sergent d'état-major Milner avance que, si un membre se heurtait à l'interdiction d'entrer dans un établissement, il lui incomberait de décider de la chose à faire, ce qui, selon mon interprétation, signifie qu'il déciderait soit d'entrer sans l'arme à feu, soit de ne pas entrer du tout. Le manque de clarté de cette approche du maintien de l'ordre dans le Centre, dont témoigne le fait qu'on a laissé la décision au membre lui-même, est inacceptable. Une approche complète comprendrait une planification que tous les membres peuvent suivre.

Conclusion : Le détachement de la GRC d'Inuvik a négligé de mettre en place un plan opérationnel pour répondre aux appels de service du Centre.

Recommandation : Le détachement de la GRC d'Inuvik devrait consulter le personnel du Centre et travailler à la création d'un plan opérationnel pour répondre aux appels du Centre.

Recommandation : La GRC devrait créer des politiques, des procédures ou des lignes directrices qui assureraient la création de plans opérationnels relatifs aux établissements de détention où elle intervient régulièrement.

Troisième question : Les membres de la GRC qui ont participé à l'enquête sur cet incident l'ont-ils fait sans qu'il y ait de conflits d'intérêts, réels ou perçus, en temps opportun et de manière appropriée?

Réponse de la GRC à la plainte de la mère de X à l'échelon du Détachement

Le 30 mars 2007, l'inspecteur Parker Kennedy du quartier général de la Division de Yellowknife a envoyé un courriel au sergent d'état-major Milner pour l'informer que le directeur des services correctionnels du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest voulait discuter de l'incident touchant X. L'inspecteur Kennedy a ajouté qu'il avait donné le nom du sergent d'état-major Milner en raison de son expertise et parce qu'il pouvait aider à expliquer les circonstances dans lesquelles une personne menottée pouvait faire l'objet de l'utilisation d'une AI. Au cours de l'enquête de la Commission, le sergent d'état-major Milner a déclaré que la rencontre n'avait jamais eu lieu, parce que l'établissement avait interrompu ses activités à des fins de formation et que la rencontre avait été annulée.

Le 5 avril 2007, la mère de X a écrit à Mme Roslyn Watters, la gestionnaire du CentreNote de bas de page 47, pour faire suite à un entretien qu'elles ont eu ensemble le 28 mars 2007. Une copie de cette correspondance a été transmise entre autres à la GRC. Voici les passages de sa lettre qui traitent de la participation de la GRC dans le cadre de l'incident :

[Traduction]

[X] a déclaré qu'elle était couchée sur le ventre et qu'elle avait les mains menottées derrière le dos.

Ce qui me trouble le plus, c'est qu'elle était menottée lorsqu'elle a reçu une décharge de Taser; il est évident qu'elle n'était pas en mesure de blesser qui que ce soit, ni elle-même. Je ne peux pas comprendre, ni même essayer de justifier ou de saisir la raison pour laquelle on a procédé ainsi au Centre, et l'entendre de la bouche de ma fille.

La date exacte n'est pas tout à fait certaine, mais il semble que, le 23 avril 2007 ou aux alentours de cette date, la mère de X a rencontré le caporal Strowbridge à la demande de celui-ci. Au moment de l'entretien, il a présenté un formulaire de plainte qu'il avait préparé pour donner suite à la plainte de la mère de X au sujet du Centre. Elle a refusé de signer le formulaire de plainte et a déclaré que, avant de le faire, elle voulait en discuter avec la gendarme Cockney. Ainsi, le caporal Strowbridge a renvoyé la question au commandant du Détachement à l'époque, le sergent d'état-major Sid GrayNote de bas de page 48, qui s'est alors chargé du dossier. Il a demandé à la gendarme Cockney de communiquer avec la mère de X et d'organiser une rencontre. La mère de X n'a pas pu se présenter à la rencontre à la date fixée.

L'affaire a refait surface lorsque le ministre de la Justice des Territoires du Nord-Ouest a demandé une mise à jour. En réponse à un courriel du quartier général de la Division « G » daté du 22 août 2007 envoyé pour déterminer si une plainte avait été déposée au sujet des actes de la gendarme Cockney dans le cadre de l'incident et, le cas échéant, quel était l'état de la situation, le caporal Strowbridge a écrit ce qui suit :

[Traduction]

J'ai rencontré personnellement la plaignante [la mère de X] pour lui poser des questions au sujet des détails de l'incident. Elle a déclaré qu'elle ne voulait pas donner de détails supplémentaires au sujet de l'incident à ce moment-là. Elle a dit qu'elle aimerait tout simplement parler à la gendarme COCKNEY pour discuter de l'affaire. J'ai parlé avec le sergent [d'état-major] GRAY et la gendarme COCKNEY et j'ai laissé l'affaire entre leurs mains. La plaignante semblait vouloir résoudre l'affaire à l'amiable.

J'ai parlé avec le sergent [d'état-major] GRAY à ce sujet hier après-midi. Il a déclaré que la gendarme Cockney avait reçu l'ordre de communiquer avec la plaignante pour prendre rendez-vous avec elle. La plaignante devait se rendre au Détachement pour rencontrer [la gendarme] COCKNEY, entretien qui devait être animé par le sergent [d'état-major] GRAY. La gendarme COCKNEY a déclaré que la plaignante ne s'est pas présentée au rendez-vous. Aucune partie est n'entrée en communication avec l'autre depuis ce moment-là [c'est nous qui soulignons].

Plus tard, le 22 août, le quartier général de la Division « G » a demandé au caporal Strowbridge de préparer un formulaire de plainte et au sergent d'état-major Milner d'examiner la plainte à titre de sous-officier consultatif du district pour déterminer s'il existe des préoccupations relatives à la politique qui régit la présence de membres dans un établissement correctionnel, en sa qualité d'instructeur en utilisation des AI.

Le caporal Strowbridge a pris les dispositions pour retrouver le formulaire de plainte original et en préparer un autre au cas où il n'y arriverait pasNote de bas de page 49. Le sergent d'état-major Gray a fait le commentaire suivant : [traduction] « [...] aucune plainte officielle n'avait été déposée [...] lorsque j'ai parlé à la plaignante, elle m'a informé que l'affaire avait été réglée à l'amiable, au moyen d'une simple discussion avec [la gendarme Cockney] au sujet de la raison pour laquelle les choses s'étaient passées ainsi [...] aucun dossier ni document [c'est nous qui soulignons]. »

Le 16 octobre 2007, presque deux mois après la demande, le caporal Strowbridge a transmis un formulaire de plainte qui venait d'être préparé à la Direction des normes professionnelles de la GRC. Sous la rubrique de la catégorisation de la plainte du formulaire, on précisait que les allégations supposaient le recours à un degré de force inapproprié et une irrégularité dans la procédure. Le formulaire révèle que les allégations ont fait l'objet d'une entente à l'amiable. Enfin, le formulaire indique que les allégations ne sont pas fondées. Il est difficile de rapprocher ces catégorisations de l'état du dossier à l'époque. On pourrait faire valoir qu'il y a eu tentative de résoudre le conflit à l'amiable, mais la GRC a négligé de donner suite à la demande de rencontre et d'étayer convenablement le dossier.

Dans la même veine, l'hypothèse selon laquelle la plainte a été retirée entre en contradiction avec les documents dans le dossier et les comptes rendus de toutes les parties qui, à ce chapitre, sont unanimes. La plainte n'a pas été retirée; c'est plutôt la GRC qui n'y a pas donné suite. Enfin, l'hypothèse selon laquelle les allégations n'étaient pas fondées est inexplicable, car aucun dossier d'enquête de la GRC n'avait encore mesuré toute la portée ou les détails de la plainte.

Je conclus que le traitement de la plainte du public de la mère de X à l'échelon du détachement était lacunaire pour de nombreuses raisons. Tout d'abord, puisque l'affaire avait donné lieu à une plainte sur le recours à la force, assez grave pour exiger par la suite une enquête criminelle sur la possibilité de porter des accusations d'agression armée, un règlement à l'amiable ne convenait pas dans l'affaire en cause. Le dossier aurait dû être évalué immédiatement pour qu'on détermine si une enquête criminelle était justifiée. De plus, bien que le caporal Strowbridge ait pris des mesures pour rendre la plainte officielle, le sergent d'état-major Gray semblait avoir adopté l'avis que, si la question faisait l'objet d'une entente à l'amiable, il n'y aurait aucune raison de la consigner dans des documents. Je suis de l'avis opposé, car ce genre de résolution donnerait lieu à une sous-déclaration des incidents et nuirait à la capacité de la GRC et de la Commission de cerner les problèmes de conduite se rattachant à des membres, à des détachements ou à des divisions en particulier, minant par le fait même l'un des principaux objectifs de tout mécanisme de surveillance ou d'examen. Cela pourrait entraîner une perception selon laquelle la GRC tente d'éviter que des questions délicates fassent l'objet d'un examen objectif par un organisme indépendant, surtout lorsque, comme c'est le cas ici, le formulaire de plainte a été égarée et qu'il n'existe aucun document écrit.

Le problème semble être d'ordre systémique, et la Commission a déjà détecté des tendances problématiques au sein de la Division « G » dans son Examen du bilan des plaintes du public de la GRC — 2007Note de bas de page 50.

Conformément à la politique MA XII.2 Plaintes du public de la GRC, on ne peut traiter une plainte du public de manière officieuse si :

  1. la plainte porte sur une allégation d'inconduite grave;
  2. le membre en cause est arrêté ou un mandat d'arrestation est délivré.

La politique de la GRC ne définit pas la notion d'« inconduite grave », et le terme ne figure pas parmi les 16 catégories d'allégations énumérées sur le formulaire 4110. Ce terme plutôt ambigu et subjectif peut porter à confusion et faire en sorte que des allégations relatives à des plaintes du public soient mal classées et traitées de manière inappropriée. Cela est particulièrement le cas des allégations de « recours abusif à la force ».

La Commission maintient que les allégations de recours abusif à la force ne devraient pas, habituellement, faire l'objet d'un règlement à l'amiable et qu'il faut plutôt procéder à une enquête officielle sur la plainte. Malheureusement, la Commission a constaté qu'un certain nombre d'allégations de recours abusif à la force qui auraient dû être classées dans la catégorie des inconduites graves ont fait l'objet d'un règlement à l'amiable.

Durant l'analyse des documents de l'Examen du bilan, la Commission a remarqué que 8 % des règlements à l'amiable portaient sur des allégations de recours abusif à la force et que 14 % de toutes les allégations de recours à la force se sont soldées par un règlement à l'amiable. Si nous poussons l'analyse, un peu moins de la moitié de toutes les allégations (48 %) de recours abusif à la force qui ont fait l'objet d'un règlement à l'amiable ont été traitées d'une manière que la Commission juge inappropriée. Le traitement inapproprié des allégations de recours abusif à la force était le plus fréquent dans les divisions « G » et « V »Note de bas de page 51.

Ces questions devront peut-être faire l'objet d'un examen plus poussé dans le cadre d'un examen général du maintien de l'ordre dans le Nord.

Conclusion : Le détachement de la GRC d'Inuvik a tenté à tort de régler à l'amiable la plainte du public de la mère de X.

En outre, cette approche contrevient à la Loi sur la GRC. Le paragraphe 45.36(3) est ainsi libellé :

Tout règlement amiable doit être consigné et approuvé par écrit par le plaignant; il doit de plus être notifié au membre ou à la personne visés par la plainte.

La Loi prévoit clairement qu'il est obligatoire de consigner le dossier prévu, d'obtenir l'approbation par écrit du plaignant et de notifier le résultat au membre nommé dans la plainte. Aucune de ces démarches n'a été entreprise une fois que le sergent d'état-major Gray s'est chargé du dossier et il est clair que, à la lumière des réponses par courriel, même si la question avait été réglée à l'amiable de façon satisfaisante, aucune de ces mesures n'aurait été prise.

Conclusion : Le détachement de la GRC d'Inuvik a manqué de se conformer aux exigences obligatoires consistant à consigner la plainte du public de la mère de X.

La mauvaise gestion des dossiers a probablement contribué à la négligence dont la plainte a fait l'objet après l'échec de la tentative de rencontre entre la gendarme Cockney et la mère de X. La preuve m'amène à conclure qu'on n'aurait pris aucune autre mesure pour répondre à la plainte du public si ce n'était de l'intervention du ministre de la Justice. Ce qui est d'autant plus étonnant, c'est le fait que le sergent d'état-major Gray s'en est remis à la gendarme Cockney, le membre faisant l'objet de la plainte, pour préparer le règlement à l'amiable prévu sans l'aider ni gérer le dossier lui-même. Ce manque de surveillance a sûrement contribué à ce qu'on perde la plainte de la mère de X dans le système.

Conclusion : Le détachement de la GRC d'Inuvik a négligé de superviser la réponse de la GRC à la plainte du public de la mère de X, ce qui a causé un retard important et inutile.

Recommandation : La GRC devrait mener un examen du traitement des plaintes du public par le détachement de la GRC d'Inuvik, et l'exercice devrait comprendre des mesures visant à détecter les cas qui n'ont pas été bien consignés ou n'ont pas fait l'objet d'un traitement approprié.

Recommandation : La GRC devrait mettre sur pied une formation nationale à l'intention des commandants de détachement, des comandants d'unité et d'autres membres qui gèrent le processus de règlement des plaintes du public.

Réponse de la GRC à la plainte de la mère de X à l'échelon du district

Le sergent d'état-major Milner a expliqué que, puisqu'il était du même rang que le sergent d'état-major Gray mais qu'il avait moins d'ancienneté, le sergent d'état-major Gray dirigeait le détachement de la GRC d'Inuvik sans surveillance de l'échelon du district. Cette situation se serait poursuivie jusqu'au mois d'août 2007 ou aux alentours de cette date, au moment où le sergent d'état-major Gray a pris sa retraite. Le sergent d'état-major Milner se rappelle que le caporal Strowbridge occupait le poste de commandant du détachement par intérim, du mois d'août 2007 au mois de février 2008, soit au moment où il a été muté.

Le sergent d'état-major Milner avait été informé de l'incident ainsi que de la plainte de la mère de X et avait parlé à la gendarme Cockney à au moins deux reprises en mai 2007, mais il n'a pas joué un rôle actif dans l'affaire avant de s'apercevoir que le dossier n'évoluait pas. Il en a pris connaissance après le courriel du 22 août 2007, qui faisait état de la volonté du ministre de la Justice d'obtenir une mise à jour sur l'état de la situation. La tâche du sergent d'état-major Milner consistait à examiner la plainte et à analyser la réponse à l'appel du Centre à la lumière de toute politique pertinente. Les premières notes qu'a prises le sergent d'état-major Milner dans son calepin en ce qui concerne le dossier datent du 7 décembre 2007. Son premier rapport a été produit le 10 décembre 2007.

Le sergent d'état-major Milner se souvient d'avoir parlé à la gendarme Cockney en septembre 2007 et, avant cette date, il a demandé au sergent d'état-major Gray et au caporal Strowbridge de se charger de l'affaire. Il a aussi expliqué que, de la mi-août jusqu'au début de septembre, il était en congé et que, peu après son retour, il consacrait une grande partie de son temps à l'affaire du meurtre du gendarme Chris Worden, survenu le 6 octobre 2007. À l'époque, ses tâches comprenaient la surveillance de dix autres détachements, la gestion d'autres plaintes du public et des déplacements à l'échelle du district.

Le 3 décembre 2007, le sergent d'état-major Milner a reçu un courriel de l'inspecteur Michael Payne, gestionnaire, Police et prévention du crime, pour le ministère de la Justice des Territoires du Nord-Ouest. Dans le courriel, il demandait au sergent d'état-major Milner de se pencher sur l'utilisation de l'AI au détachement de la GRC d'Inuvik. C'est ainsi qu'il a appris qu'on n'avait toujours rien fait à l'égard de la plainte de la mère de X. À ce moment-là, il a commencé à effectuer des examens de l'incident et de la plainte ainsi que de l'utilisation de l'AI dans le district du Nord. Il a préparé un rapport écrit le 10 décembre 2007.

Conclusion : Le sergent d'état-major Milner n'a pas donné suite à la plainte du public de la mère de X dans des délais convenables.

Les retards de cette nature minent la confiance du public en la transparence et en la responsabilité de la police qui enquête sur la police. Certains des témoins de cette affaire ont fait allusion à l'incidence nuisible du passage du temps sur leur mémoire. Le sergent d'état-major Milner a spontanément reconnu que l'inactivité dans l'affaire en cause laissait une mauvaise impression. Toutefois, ce type de passivité peut aussi causer d'autres lacunes en matière d'enquête. Par exemple, en l'occurrence, il y a confusion au sujet du nombre de fois où l'AI a été utilisée puisque, selon les souvenirs d'un des témoins, la gendarme Cockney aurait utilisé l'AI à deux reprises.

La question a été soulevée par l'avocat-conseil de la Couronne dans son examen de l'enquête criminelle qui a suivi et, en particulier, du rapport du sergent d'état-major Milner. Il fait valoir que le rapport n'indique pas précisément si les marques témoignaient de l'utilisation répétée du dispositif et de son application au même endroit sur la peau, entre les cycles, comme le laisse entendre Beatrice Donovan. La meilleure preuve pour trancher la question aurait pu être tirée des données de l'AI. Toutefois, le sergent d'état-major Milner a déclaré que, lorsqu'il a tenté d'obtenir l'AI pour télécharger les données, il s'est aperçu que l'appareil était défectueux, qu'il avait été envoyé à l'armurier en août 2007 pour qu'il soit remplacé et qu'il n'était plus disponible. Je suis convaincu, à la lumière de la prépondérance de la preuve, que ce n'était pas le cas et que la gendarme Cockney n'a utilisé l'AI qu'une seule fois. Néanmoins, j'impute la perte des meilleurs éléments de preuve au retard de la GRC à mener une enquête.

Conclusion : Le retard de la GRC à mener l'enquête a causé la destruction d'éléments de preuve potentiels.

 Rapport sur le recours à la force du 10 décembre 2007 du sergent d'état-major Milner

Dans son courriel du 3 décembre 2007, l'inspecteur Payne a noté que le sergent d'état-major Milner participait à des discussions concernant l'utilisation de l'AI à InuvikNote de bas de page 52. Il a ensuite présenté une ventilation des cas de recours à l'AINote de bas de page 53 à la Division et a remarqué que le détachement d'Inuvik se démarquaient des autres. Il a demandé au sergent d'état-major Milner d'effectuer un examen de l'utilisation de l'AI à Inuvik pour s'assurer que les pratiques étaient conformes à la politique. Les données présentées par l'inspecteur Payne révèlent que 46 % des utilisations signalées d'une AI dans la Division ont été enregistrées au détachement de la GRC d'Inuvik, utilisations qui comprennent les avertissements ainsi que les applications de l'AI. Elles ont également indiqué que 37 % des applications signalées d'une AI provenaient du détachement de la GRC d'InuvikNote de bas de page 54.

Le rapport sur l'examen du sergent d'état-major Milner a été joint à son rapport d'enquête du 10 décembre 2007 relatif à l'incident concernant XNote de bas de page 55. Il a examiné les utilisations signalées d'une AI dans le district du NordNote de bas de page 56 et a déterminé que 27 des 31 rapports (87 %) du district touchaient le détachement d'Inuvik. Il a noté que, dans 55 % des cas, la personne visée avait finalement coopéré, le membre n'avait donc pas été obligé d'appliquer l'AI, et il a signalé que, à la lumière de l'examen de tous les rapports sur l'utilisation ainsi que des rapports généraux, il semble que l'utilisation de l'AI était conforme au MIGINote de bas de page 57. La Commission n'a pas encore examiné les cas individuels. Toutefois, deux des questions dont je suis saisi justifient un examen plus détaillé de l'utilisation de l'AI dans le Nord. Tout d'abord, le sergent d'état-major Milner, qui a approuvé l'utilisation de l'AI par la gendarme Cockney, est la même personne qui a décidé que l'utilisation de l'AI était convenable dans chacun des 27 cas examinés. Ensuite, selon les apparences, il y a une fréquence disproportionnée de cas de recours à l'AI dans la Division « G », dont témoignent les données recueillies dans le rapport de la Commission intitulé Utilisation de l'arme à impulsions (AI) à la GRC du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008Note de bas de page 58, relativement à la taille du contingent de la GRC.

Sans tenir compte du fait qu'il avait joint une copie du constat original de la gendarme Cockney, le sergent d'état-major Milner a exposé certains détails de l'incident qui ne sont pas évidents à la lumière du rapport écrit disponible à l'époqueNote de bas de page 59. Plus précisément, le sergent d'état-major Milner a signalé que X [traduction] « se débattait et donnait des coups de pied dans le but de se lever et d'échapper à l'emprise des employées ». Il a ajouté que [traduction] « la gendarme Cockney a déclaré que, lorsqu'elle est arrivée, [X] présentait une résistance combative en donnant des coups de pied et en se débattant. Le personnel ne maîtrisait pas complètement [X]. »

Le sergent d'état-major Milner a été questionné à ce sujet, et on a découvert qu'il s'était fondé sur la version modifiée du constat. Il a reconnu que, après avoir examiné la version originale, il a demandé à la gendarme Cockney d'ajouter des détails. Il n'existe aucun rapport écrit de ces discussions ni des discussions antérieures que le sergent d'état-major se souvient d'avoir tenues avec elle, en mai et en septembre 2007. Le sergent d'état-major Milner a expliqué les événements en ces termes :

[Traduction]

J'ai dit : regarde, il n'y a pas assez d'information sur l'incident et, vous savez, à partir du moment où... au moment où on l'a modifié, c'est à ce moment que je lui ai parlé. Et vous pouvez... vous serez en mesure de le confirmer. Mais j'ai dit, vous savez, tu as utilisé l'AI. Tu n'as pas mis beaucoup de détails dans le rapport. Et, comme je l'ai dit, il faut que tu expliques ce que tu as fait, parce qu'elle ne l'avait pas fait au début [...] et je lui ai parlé et lui ai parlé de ce que... ce qu'elle avait vu et de ce qu'elle avait fait et de... et de bien l'expliquer [...] Et je me souviens de lui avoir dit de me le montrer, oui, [...] elle devait revenir modifier son constat et expliquer exactement ce qu'elle avait fait. Et c'est... et je me suis reporté à ce document lorsque j'ai rédigé mon rapport de décembre.

Plus tard, il a été questionné sur d'éventuelles préoccupations à la suite de ces changements :

[Traduction]

Q. [...] puisque [la gendarme Cockney] n'avait pas pris de notes et que les deux documents originaux qu'elle avait remplis ne contenaient aucun détail au sujet du comportement, éprouviez-vous des réserves quant à... approuver les documents, à reconnaître sa version des événements, qui semble avoir été rédigée quelque... vous savez, presque neuf mois après les événements, ou huit mois après l'événement.

R.  Ai-je ajouté quelque chose au rapport? Non. Si je parle à quelqu'un pour lui demander de clarifier le rapport, lui demander de me dire ce qui est arrivé, je dois y ajouter foi. Je n'ai aucune raison de ne pas croire Noe Cockney lorsqu'elle dit que, à son arrivée au centre pour jeunes, [X] présentait...une résistance combative et c'est ce que Noe a dit. Je ne lui... je ne lui ai pas dicté ce qu'elle devait inscrire dans le rapport. Je lui ai demandé de préciser ce qui... ce qui... et de décrire les événements en plus de deux ou trois lignes.

Cette explication soulève un certain nombre de préoccupations. Premièrement, on voit mal quel était l'objet du rapport. On dirait qu'il s'agit d'une évaluation de la version des événements de la gendarme Cockney, rien de plus. On aurait cru que les observations de X et des agentes du Centre auraient revêtu une importance primordiale dans le cadre de l'évaluation de la conduite. Non seulement le sergent d'état-major Milner a préparé son rapport sans recueillir d'information de ni l'une ni l'autre de ces sources, mais la GRC n'a jamais cherché à obtenir une déclaration de X. Le sergent d'état-major Milner a plutôt déclaré qu'il devait ajouter foi à la déclaration de la gendarme Cockney.

La question de déterminer si X portait des menottes ou non aurait dû être importante dans le cadre de l'évaluation. Il a prêté attention à cette information à la suite de la plainte de la mère de X; pourtant, il s'était contenté, dans son premier rapport, de noter simplement que la gendarme Cockney ne se souvient pas assez bien des événements pour préciser si X portait des menottesNote de bas de page 60. Il fait une autre allusion à l'allégation de la mère de X, juste avant de conclure que X n'était pas tout à fait maîtrisée et que la gendarme Cockney a adopté la méthode d'intervention la moins préjudiciable pour l'amener à coopérer. La préparation d'un rapport qui approuve la conduite de la gendarme Cockney à la seule lumière de sa version des événements ne peut que donner à penser qu'il existe un parti pris.

Deuxièmement, le sergent d'état-major Milner n'aurait jamais dû tenir des conversations officieuses avec la gendarme Cockney. Même s'il a maintenu qu'il ne tentait pas de dissimuler quoi que ce soit et voulait seulement que la gendarme Cockney ajoute des détails à ce qu'elle lui avait décrit, il m'est impossible de croire que le sergent d'état-major Milner traiterait un autre témoin avec autant de déférence. En fait, la gendarme Cockney n'était pas un simple témoin, elle faisait l'objet d'une enquête criminelle; c'est pourquoi il était d'autant plus important que l'on maintienne des normes professionnelles, objectives et impartiales.

Voici la liste des mesures douteuses qu'a prises le sergent d'état-major Milner lorsque la GRC a commencé à réagir à l'incident :

  • 1) Il a tenu de multiples discussions officieuses avec la gendarme Cockney.
  • 2) Il a négligé de prendre des notes relatives à ces communications.
  • 3) Il a demandé à la gendarme Cockney de modifier son constat sans inscrire de notes pour indiquer qu'il était modifié et pourquoiNote de bas de page 61.
  • 4) Il a décidé que le comportement de la gendarme Cockney était approprié après avoir examiné exclusivement sa version des événements modifiée.

Le sergent d'état-major Milner croit peut-être qu'il augmentait seulement le dossier, mais on n'a aucun moyen de déterminer si ses conversations avec la gendarme Cockney ont eu une incidence sur ce qu'elle a inscrit dans son rapport par la suite. Il l'a certainement informée du fait que les données exposées ne suffisaient pas à justifier son utilisation de l'AI. Ce facteur crée une forte impression de partialité, renforcée par ailleurs lorsqu'on considère que, si ce n'était de l'unique copie du constat, document sur lequel on ne s'est pas fondé et qui semble avoir été laissé dans le dossier par inadvertance, il n'y aurait eu aucune façon de savoir que le constat original avait été modifié.

Enfin, le sergent d'état-major Milner a déclaré que, lorsqu'il a rédigé son rapport, il ne faisait aucun doute qu'il y aurait enquête criminelle sur cette affaire. Il avait donc d'autant plus de raisons d'éviter de communiquer avec la gendarme Cockney au sujet de l'affaire à moins d'être un enquêteur, ce qui, selon son affirmation, n'était pas le cas. Toute communication de cette nature aurait dû être consignée comme une déclaration officielle une fois la gendarme Cockney informée de ses droitsNote de bas de page 62 et bien avertie.

Une annexe résumant les appels du Centre à la GRC pour maîtriser X est jointe au rapport du sergent d'état-major Milner. Il a invoqué ce résumé ainsi que le fait que X a par la suite été transférée du Centre pour établir les circonstances auxquelles la gendarme Cockney a fait face. Le poids à accorder à ces facteurs est discutable, surtout si l'on tient compte du fait que rien ne prouve que la gendarme Cockney était consciente des incidents passés. La gendarme Cockney a déclaré qu'elle connaissait X et l'on pourrait supposer, à l'instar du sergent d'état-major Milner, qu'elle connaissait les événements décrits, mais le sergent d'état-major Milner a reconnu qu'il ignorait si elle était au courant de ces détails et il ne s'est pas enquis à ce sujet. Selon cette hypothèse, le sergent d'état-major Milner aurait inséré son opinion sans lien aucun avec l'appréciation subjective des événements de la gendarme Cockney. Cette démarche témoigne d'un manque d'impartialité de la part de la GRC. Le sergent d'état-major Milner devait déterminer ce que savait vraiment la gendarme Cockney plutôt que de s'adonner à des hypothèses et à des conjectures.

Le fait qu'il invoque cette information pour évaluer le caractère approprié de la décision de la gendarme Cockney de se présenter au Centre avec tout son équipement d'intervention est encore plus déroutant. Le sergent d'état-major Milner commence son analyse de la question en avançant que, si la gendarme Cockney n'avait pas répondu à l'appel avec tout son équipement d'intervention, elle n'aurait pas pu utiliser son AI. Voici sa conclusion :

[Traduction]

Deux incidents où [X] avait attaqué des membres du personnel avaient nécessité une intervention de la police. À deux occasions, [X] avait dû retourner dans une cellule de la GRC, car le personnel d'Arctic Tern ne pouvait pas assurer une surveillance adéquate. À deux reprises, [X] s'était emparée d'armes et avait commencé à s'automutiler. Compte tenu de ces facteurs et de l'évaluation du risque dans le cadre du MIGI, le membre était bien prudent d'entrer à Arctic Tern muni de son équipement d'intervention intégral.

La question soulevée par la mère de X dans sa lettre à la gestionnaire du Centre, dont une copie a été transmise à la GRC, visait à déterminer pourquoi la gendarme Cockney était entrée dans le Centre munie de son arme à feu. On ne voit pas clairement comment le comportement passé ou futur de X, qui ne présente jamais de risque de lésions corporelles graves ou de mort, est entré en jeu dans la conclusion lourde de conséquences du sergent d'état-major Milner, selon laquelle tous les membres devraient être munis de leur équipement d'intervention intégral.

Conclusion : Le sergent d'état-major Milner s'est adonné à des conjectures et s'est fondé sur des considérations non pertinentes pour tirer les conclusions de son rapport.

Conclusion : Le rapport du 10 décembre 2007 du sergent d'état-major Milner témoigne d'un parti pris en faveur de la gendarme Cockney.

Enquête criminelle

Le début de l'enquête criminelle n'est pas clairement indiqué dans le dossier. Le sergent d'état-major Milner a déclaré que, puisque la plainte était liée à l'emploi de la force, elle a systématiquement été traitée comme une enquête criminelle.

[Traduction]

Une fois que nous savons que la question se rattache à l'emploi de la force, il faut mener une enquête criminelle, et la plainte du public reste en suspensNote de bas de page 63 jusqu'à l'issue de l'enquête, et nous pouvons alors utiliser les données de l'enquête... de l'enquête pour rendre une décision relative à la plainte du public. Et c'était... Jim Strowbridge a été informé, dès le début, qu'il fallait procéder à une enquête criminelle.

On n'a pas pu confirmer les dates de ces discussions, puisque ni le sergent d'état-major Milner ni le caporal Strowbridge n'ont pas pris de notes.

La Commission reconnaît que, dans bien des cas, lorsqu'un membre fait l'objet d'une enquête parce qu'il est soupçonné d'avoir commis une infraction criminelle, l'enquête criminelle peut prévaloir. Le sergent d'état-major Milner a signalé que, lorsqu'il a ouvert le dossier de projet spécial le 11 décembre 2007, l'enquête criminelle était commencée. Toutefois, certains éléments du dossier m'amènent à croire le contraire.

Parmi les documents pertinents, on compte un courriel rédigé par le sergent d'état-major Milner le 11 décembre 2007 révélant qu'il avait prévu une rencontre avec la mère de X la même journée et qu'il prévoyait que l'affaire serait réglée à ce moment-là. Il a ajouté que, si le dossier n'était pas clos tel qu'il le prévoyait, le caporal Strowbridge serait chargé de le faire. Avant la rencontre, la mère de X l'a annulée et a précisé l'avoir fait sur les conseils de son avocat. Le 13 décembre 2007, le caporal Strowbridge a été chargé d'enquêter sur cette affaire.

Le fait que l'enquête criminelle n'était censée avoir lieu que si le sergent d'état-major Milner ne réussissait pas à écarter les préoccupations de la mère de X m'amène à conclure que le sergent d'état-major Milner comptait régler les problèmes soulevés par la mère de X en la rencontrantNote de bas de page 64, et le dossier pourrait alors être clos. On pourrait croire que sa démarche était raisonnable, puisqu'il avait déjà effectué son premier examen de l'emploi de la force et avait déterminé que la gendarme Cockney avait agi de façon appropriée. Cela expliquerait aussi l'examen de l'emploi de la force préparé sommairement le 10 décembre 2007, qui aurait servi de cadre pour la discussion avec la mère de X et a peu de valeur, puisqu'il s'agit d'une simple reproduction du récit des événements modifié de la gendarme Cockney. Par conséquent, je conclus que le sergent d'état-major Milner a tenté de régler la plainte de la mère de X à l'amiable et que, contrairement à son affirmation selon laquelle l'enquête criminelle avait été entreprise indépendamment de sa réussite à régler la plainte, l'affaire aurait été mise en suspens. Comme on l'a déjà expliqué lorsqu'il était question du traitement de cette affaire par le détachement, cette voie n'était pas appropriée.

Conclusion : Le sergent d'état-major Milner a indûment tenté de régler à l'amiable la plainte du public de la mère de X et a, par la même occasion, nui à l'enquête criminelle.

Lorsqu'il a ouvert le dossier de projet spécial, le sergent d'état-major Milner s'est identifié comme l'enquêteur en chef, et la copie de son constat a été titrée en tant qu'enquête criminelle. Il a par la suite précisé que le caporal Strowbridge était l'enquêteur en chef et a expliqué qu'il a inscrit son nom sous cette rubrique lorsqu'il a ouvert le dossier parce que le système exigeait qu'un nom soit inscrit à cet endroit et qu'il aurait dû s'identifier comme l'officier désigné en sa qualité de sous-officier consultatif du district.

La seule preuve de la participation du caporal Strowbridge à l'enquête se trouve dans un constat daté du 21 février 2008, dans lequel il a déclaré avoir rencontré la gendarme Cockney et lui avoir demandé de fournir volontairement une déclaration après mise en garde en lien avec l'enquête criminelle. La gendarme Cockney a refusé de le faire en vertu de son droit.

L'enquêteur de la Commission a interviewé le gendarme Kevin Charles, l'enquêteur de la GRC affecté à l'enquête criminelle. Un résumé de l'entrevue révèle les points suivants :

  • Le sergent d'état-major Milner l'a chargé de l'enquête au début de février 2008.
  • Il devait interviewer tous les membres du personnel du Centre touchés, le caporal Strowbridge devait interviewer la gendarme Cockney et le sergent d'état-major Milner rencontrerait la mère de XNote de bas de page 65.
  • Il devait transmettre toutes les entrevues au sergent d'état-major Milner.

Le gendarme Charles a terminé son rapport d'enquête le 26 septembre 2008. En plus des déclarations des membres du personnel du Centre et de différents courriels internes de la GRC, le gendarme Charles a pu s'éclairer d'un rapport d'expert sur l'usage des AI préparé par le sergent d'état-major MilnerNote de bas de page 66, ainsi que du rapport d'enquête du 10 décembre 2007 préparé par le sergent d'état-major Milner sous la forme d'un examen du cas par voie d'étude du dossier.

Il est important, dans le cadre de n'importe quelle enquête, que les faits soient consignés et que les conclusions soient tirées de façon objective et transparente. Une étude du rapport d'enquête du gendarme Charles a révélé certaines déficiences à ce chapitre. Lorsqu'il a décrit le comportement de X au moment où la gendarme Cockney est arrivée, dans le rapport d'enquête et dans la fiche de renseignements à l'usage du procureur, il a déclaré que X se débattait, donnait des coups de pied et tentait de se retourner. Pourtant, il a négligé de noter la position diamétralement opposée du témoignage de Mme Hope. En outre, rien ne prouve qu'il a examiné les rapports d'incident préparés par le personnel du Centre.

Le gendarme Charles n'a pas pris de notes dans son calepin pour documenter la progression de son enquête. Toutefois, son rapport d'enquête comprend un constat qui résume les activités d'enquête qu'il a entreprises ainsi que les dates et les heures qui s'y rattachent. Parmi ses mesures, on compte un nombre de discussions avec le sergent d'état-major Milner. Malheureusement, il n'y a aucun détail de ces rencontres qui aide à élucider les rôles respectifs des membres.

Le sergent d'état-major Milner a préparé un deuxième rapport sur le recours à la force le 28 février 2008. Ce rapport est essentiellement une copie du premier rapport complété de passages des déclarations des témoins qui confirment le constat révisé de la gendarme Cockney. Les conclusions tirées dans ce rapport peuvent être remises en question pour de nombreuses raisons. Tout d'abord, en se fondant presque exclusivement sur le premier rapport, le sergent d'état-major Milner donne l'impression qu'il a seulement préparé le deuxième rapport pour renforcer la preuve à l'appui de son opinion initiale. Comme on en a discuté plus tôt, cette conclusion hâtive n'est pas prudente. Il a tiré sa conclusion initiale à la lumière d'une seule version des événements, version qu'il a demandé à la gendarme Cockney de modifier. Ensuite, la mention exclusive des éléments de preuve à l'appui de sa conclusion finale dénote un gros problème de partialité.

Je relève toutefois que l'avocat-conseil de la Couronne ne s'est pas contenté de se fonder sur le rapport d'enquête; il a plutôt lu les déclarations des témoins et a tenu compte des éléments de preuve contradictoires.

Conclusion : Le rapport d'enquête du gendarme Charles mentionnait des éléments de preuve de façon sélective, ce qui cause une impression de partialité.

Conclusion : Le rapport sur le recours à la force du sergent d'état-major Milner mentionne de façon sélective des éléments de preuve, ce qui cause une impression de partialité.

Examen de l'avocat-conseil de la Couronne

Le 15 mai 2008, un courriel interne de la GRC a annoncé les résultats de l'opinion de l'avocat-conseil de la Couronne, qu'il a formulée quatre jours plus tôt. Voici un passage du courriel : [traduction] « La Couronne a conclu que la gendarme Cockney avait agi de façon appropriée et que ses actes n'étaient pas criminels [c'est nous qui soulignons]. » Cette déclaration témoigne d'une interprétation erronée de l'objet de l'examen de l'avocat-conseil de la Couronne.

L'avocat-conseil de la Couronne était mandaté pour évaluer le dossier afin de déterminer s'il y avait une possibilité d'accusations d'agression armée et a conclu qu'il n'y avait aucune possibilité raisonnable de condamnation. La conclusion n'était pas que la gendarme Cockney avait agi de façon appropriée ni que ses actes étaient juridiquement fondés. L'avocat-conseil de la Couronne a conclu qu'on ne devrait pas déposer d'accusations, parce qu'il ne croyait pas qu'il y avait une possibilité raisonnable de condamnation. Il a tiré cette conclusion après avoir évalué les témoignages du personnel du Centre et déterminé que les déclarations des différents témoins menaient à des conclusions différentes relativement à la question de savoir si X était maîtrisée et si elle présentait une résistance. Puisqu'il n'a trouvé aucune raison de privilégier les souvenirs d'une personne plutôt que ceux d'une autre, il a conclu que ce facteur soulèverait probablement un doute raisonnable, la norme de preuve en vigueur dans les affaires criminelles.

On devrait aussi noter que la gendarme Cockney a décidé de ne pas présenter de déclaration, en vertu de son droit. Toutefois, l'avocat-conseil de la Couronne a reçu la copie modifiée de son constat.

La mauvaise interprétation des conclusions de l'examen de la Couronne est digne de mention, parce qu'elle correspond à la partialité dont la GRC a fait preuve au cours de l'enquête sur cette affaire.

Réponse de la GRC à la plainte de la mère de X au dernier palier

Le rapport final du commissaireNote de bas de page 67 en réponse à la plainte de la mère de X est signé par le sergent d'état-major Milner et contient ni excuses ni explications pour le retard de la réponse. En fait, le rapport était un peu trompeur quant au calendrier des activités d'enquête. Après avoir fait mention de la lettre de la mère de X du 5 avril 2007 et à sa rencontre avec le caporal Strowbridge le 24 avril 2007, le sergent d'état-major Milner a écrit ce qui suit : [traduction] « Puisque votre lettre faisait état d'une allégation de voies de fait contre votre fille, une décision a été prise d'enquêter sur vos préoccupations dans le cadre d'une enquête prescrite [criminelle]. » Selon cette déclaration, une personne raisonnable serait portée à croire que la GRC a pris des mesures concrètes dans ce dossier dès le début.

Toutefois, la documentation et le calendrier exposé ci-dessus démontrent clairement que rien n'a été fait dans ce dossier avant août 2007, lorsque le ministre de la Justice est intervenu. Plusieurs mois plus tard, les efforts semblaient être axés sur un examen du cas par voie d'étude du dossier en vue d'examiner les questions soulevées dans la plainte de la mère de X. Lorsqu'il a été clair que les efforts pour régler l'affaire à l'amiable n'allaient pas porter fruit, l'enquête a sérieusement commencé peu après la mi-décembre 2007. Il est clair que le gendarme Charles a commencé son enquête en février 2008 et que, à la mi-mai 2008, la GRC savait qu'aucune accusation ne serait déposée. La GRC était d'avis que la plainte ne pouvait pas être traitée avant la conclusion de l'affaire criminelle. Pourtant, il a fallu attendre que l'affaire refasse surface après le dépôt de la plainte et l'enquête d'intérêt public de la Commission, plus de sept mois après la réception de l'opinion de l'avocat-conseil de la Couronne, pour que la GRC décide d'émettre son avis final. Les retards à ce chapitre ne peuvent que miner la confiance qu'accorde le public au processus de plainte et l'engagement de la GRC à l'égard de la responsabilité.

Le contenu de la lettre ne répondait pas convenablement à l'allégation d'usage de force excessive. Le sergent d'état-major Milner a résumé la version des événements de la gendarme Cockney dans sa lettre et s'est contenté d'informer la mère de X que l'avocat-conseil de la Couronne a recommandé de ne pas déposer d'accusations contre la gendarme Cockney. Aucune analyse n'a été présentée. Le fait que l'avocat-conseil de la Couronne n'a pas estimé qu'il y avait une possibilité raisonnable de condamnation en fonction de la norme de preuve en vigueur au criminel ne constitue pas le critère auquel est assujettie la conduite de la gendarme Cockney aux fins d'une plainte du public. Dans le cadre d'une plainte du public, la norme de preuve est inférieure; elle correspond à la prépondérance des probabilités, contrairement à une preuve hors de tout doute raisonnable, norme en vigueur pour les affaires criminelles. En outre, la conduite criminelle est définie par un code et, lorsqu'on allègue qu'il y a eu une telle conduite, il faut prouver qu'elle contrevient au code. Les questions de plaintes du public sont de portée beaucoup plus vaste et peuvent englober des lois, des règlements, des politiques, la pratique et le gros bon sens. Le rôle du sergent d'état-major Milner consistait à évaluer la conduite de la gendarme Cockney en fonction de cette norme, et il a négligé de le faire.

Le traitement de cette affaire par la GRC était au mieux négligent et au pire partial.

Conclusion : La réponse de la GRC à la plainte de la mère de X a tardé de façon déraisonnable.

Conclusion : Le sergent d'état-major Milner a négligé de traiter la plainte de la mère de X de façon adéquate.

Conclusion : Le traitement de la plainte de la mère de X par la GRC était déficient au chapitre de la gestion, de la rapidité et du caractère adéquat de l'enquête, de sorte qu'il provoque une impression de partialité.

Conflit d'intérêts

Il y a un autre problème qui fait surface lorsque la preuve est examinée dans son ensemble. La participation du sergent d'état-major Milner dans ce dossier semble l'avoir placé dans une situation de conflit d'intérêts vu ses différents rôles.

  • Il était l'instructeur en utilisation des AI de la gendarme Cockney, et l'évaluation de sa conduite qu'il a effectuée supposait un examen indirect de la formation qu'il lui avait lui-même donnée.
  • Il a fini par être chargé de l'examen de la conduite de la gendarme Cockney à la suite de la plainte de la mère de X. Après avoir effectué un examen de l'incident par voie d'étude du dossier et ne pas avoir manifesté de préoccupations liées à la conduite de la gendarme Cockney, il a tenté de régler le conflit à l'amiable avec la mère de X. Lorsque ses efforts ont échoué, il a fini par jouer le rôle de décideur dans le cadre de la plainte et a signé le rapport final du commissaire pour l'approuver.
  • Il a amorcé l'enquête criminelle de l'incident qui a suivi, était chargé de l'attribution des tâches qui en découlent et a produit un examen d'expert au sujet du rapport d'enquête, qui contenait essentiellement les mêmes renseignements que l'examen du cas par voie d'étude du dossier en réponse à la plainte de la mère de X.
  • Son expertise était telle qu'il a été appelé à effectuer un examen de l'utilisation de l'AI au détachement d'Inuvik une fois que des questions ont été soulevées concernant la fréquence élevée des utilisations signalées à cet endroit.

Le sergent d'état-major Milner a été questionné au sujet des différentes responsabilités qui incombaient au titulaire de son poste aux Territoires du Nord-Ouest. Il a défini des fonctions importantes, qui non seulement influaient sur la rapidité à laquelle il pouvait gérer les affaires qui relevaient de lui, mais semblaient aussi être acceptées même si elles auraient dû incomber à des postes distincts. Il a expliqué que, vu les problèmes de dotation de l'époque, il devait s'occuper lui-même de certaines affaires, parce que personne ne l'aurait fait autrement. Cela témoigne d'un problème plus général des services de police du Nord qui pourrait exiger un examen plus en profondeur.

Conclusion : Le sergent d'état-major Milner était en conflit d'intérêts lorsqu'il évaluait la conduite de la gendarme Cockney.

Recommandation : La GRC devrait élaborer une politique ou des lignes directrices claires concernant les enquêtes afin d'éviter les conflits d'intérêts dans le cadre des enquêtes internes.

La réponse de la GRC à cette affaire particulière illustre un bon nombre des préoccupations soulevées par la Commission dans son rapport La police enquêtant sur la policeNote de bas de page 68, ainsi que des préoccupations à d'autres égards. Cinq critères ont été utilisés pour évaluer les enquêtes :

Conduite — Voilà un des éléments qui divergent des conclusions énoncées dans le rapport La police enquêtant sur la police. Dans ce cas, la Commission avait conclu que la conduite de tous les enquêteurs était très professionnelle et appropriée. Les conclusions formulées ci-dessus ne dénotent pas une évaluation semblable. Le manquement de consigner les activités d'enquête, l'acceptation d'une version des événements modifié de la gendarme Cockney et la négligence de préciser ce fait ainsi que la sélection des éléments de preuve évalués étaient inappropriés.

Conformité avec les politiques — Bien que le rapport La police enquêtant sur la police ne soulevait que quelques violations mineures des politiques dans les 28 cas examinés, dans l'affaire qui nous occupe, on a clairement négligé de se conformer à la politique de la GRC ou aux Consignes du commissaire régissant la conduite d'enquêtes internesNote de bas de page 69. En outre, comme on l'a noté ci-dessous, presque tous les membres chargés du déroulement de l'examen ou de l'enquête relatifs à l'incident n'ont pas respecté la politique relative à la prise de notes.

Rapidité — La grande majorité des cas examinés dans le rapport La police enquêtant sur la police ont été traités dans des délais convenables, mais le traitement de l'affaire qui nous occupe a tardé du début à la fin. En fait, il semble que, chaque fois qu'on a déployé des efforts pour traiter la question, c'est en raison d'un élément externe, qui a provoqué la réouverture d'un dossier autrement inactif.

Gestion hiérarchique — Selon le rapport La police enquêtant sur la police, la majorité des cas examinés témoignaient d'une lacune relative aux liens hiérarchiques, ce qui ne diffère pas de l'affaire faisant l'objet du présent examen, et ce facteur est mis en lumière par les conflits d'intérêts survenus au cours du traitement de la GRC.

Degré d'intervention — Encore une fois, selon le rapport La police enquêtant sur la police, dans une majorité des cas examinés, les titres de compétences des membres chargés des enquêtes ne correspondaient pas à la gravité des affaires dont ils s'occupaient. Ce facteur n'a pas posé de problèmes dans l'affaire qui nous occupe, car les membres en cause avaient de l'expérience, ce qui aurait dû leur permettre d'intervenir de façon adéquate.

Le rendement de la GRC dans le cadre du dossier donne lieu à des préoccupations à presque tous les égards, d'une ampleur bien supérieure à ce qu'on aurait pu attendre en raison du rendement dans les enquêtes faisant l'objet du rapport La police enquêtant sur la police. Deux facteurs facilement définissables auraient pu jouer un rôle à ce chapitre. Premièrement, il est possible que les réalités pratiques des services de police du Nord, particulièrement les niveaux de dotationNote de bas de page 70, aient eu une incidence sur les déficiences mises en lumière dans le rapport. Deuxièmement, il est aussi possible que, comme la conduite à l'origine de la plainte n'était pas aussi grave que celle des cas examinés dans le rapport La police enquêtant sur la police et n'a pas donné lieu au même degré d'intérêt et d'examen publics, l'intervention de la GRC relevait d'une différente catégorie dans laquelle la mauvaise gestion et la prise de décisions médiocres prévalaient.

Considérations additionnelles

L'examen portait sur le dossier écrit concernant cinq membres de la Division « G » : la gendarme Cockney, le sergent d'état-major Gray, le gendarme Charles, le caporal Strowbridge et le sergent d'état-major Milner. Aucune note consignée dans un calepin n'a été présentée par l'un ou l'autre de ces membres, à l'exception du sergent d'état-major Milner, dont le caractère adéquat des notes a fait l'objet d'une analyse plus haut dans le présent rapport. La gendarme Cockney a présenté une description superficielle de ses actes dans son rapport sur l'utilisation d'une AI et dans son constat. Toutefois, seul le gendarme Charles a présenté un constat qui exposait de façon notable ses actes. Malheureusement, ces rapports dactylographiés ne présentent pas les mêmes avantages qu'un calepin bien tenuNote de bas de page 71. Ce facteur donne lieu à des préoccupations quant à la conformité de la Division « G » avec la politique relative au calepin.

Conclusion : La gendarme Cockney, le gendarme Charles, le caporal Strowbridge et le sergent d'état-major Milner ont manqué de tenir des calepins de façon adéquate.

Recommandation : La GRC devrait effectuer une vérification de la Division « G » pour évaluer sa conformité avec les dispositions de la politique de la GRC liées à la tenue de calepins sur la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2009 et transmettre les résultats de cette vérification à la Commission.

Recommandation : La GRC devrait fournir à la gendarme Cockney, au gendarme Charles, au caporal Strowbridge et au sergent d'état-major Milner des lignes directrices opérationnelles qui traitent de l'importance et de la tenue en bonne et due forme des calepins.

Recommandation : La GRC devrait fournir à tous les membres du détachement de la GRC d'Inuvik un perfectionnement qui porte sur l'importance et le maintien en bonne et due forme des calepins.

En temps normal, lorsqu'on examine les incidents qui supposent l'utilisation d'une AI, il existe certains documents normalisés auxquels on doit recourir pour contribuer à l'enquête. Ces documents comprennent le rapport sur l'utilisation d'une AI, les données téléchargées de l'AI et le registre de contrôle, outil particulièrement précieux pour identifier la personne qui a utilisé une AI ou l'AI qu'utilisait un membre. En l'occurrence, les recherches de la Commission ont révélé qu'on ne tenait aucun registre de contrôle au détachement de la GRC d'Inuvik au cours de cette périodeNote de bas de page 72. La GRC a répondu que la Division « G » n'était régie par aucune politique qui exige expressément la tenue d'un registre de contrôle. Toutefois, la politique nationale de la GRC prévoit la tenue d' « un registre de contrôle pour chaque AI attribuée au service en enregistrant l'heure, la date, et le nom de chaque membre qui emprunte une telle armeNote de bas de page 73 ».

La politique de la Division est subordonnée à la politique nationale et elle ne peut donc pas l'emporter sur celle-ci. Le fait qu'on a invoqué les lacunes de la Division en matière de politiques pour expliquer la non-conformité soulève deux problèmes. Premièrement, il est très probable que la négligence à assurer une supervision de l'utilisation de l'AI ne se limite pas à un seul détachement. Deuxièmement, ce facteur donne à penser que la Division se sentait habilitée à régir les pratiques de ses membres selon ses propres méthodes, faisant fi de la direction nationale.

Conclusion : En contravention de la politique nationale de la GRC, le détachement de la GRC d'Inuvik a négligé de maintenir des registres de contrôle des AI.

Recommandation : Le coordonnateur national du recours à la force devrait effectuer une vérification de tous les détachements de la Division « G » en vue d'évaluer la tenue des registres de contrôle des AI pour la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2009 et transmettre les résultats de cette vérification à la Commission et au coordonnateur divisionnaire du recours à la force.

Quatrième question : Les politiques en vigueur concernant les enquêtes sont-elles adéquates pour que les enquêtes menées par des membres de la GRC à l'endroit d'autres membres soient justes, efficaces, complètes et impartiales?

En novembre 2007, j'ai déposé une plainte et déclenché une enquête d'intérêt public sur la question de la police qui enquête sur la policeNote de bas de page 74. Cette plainte a pour objet le comportement des membres de la GRC non identifiés qui ont mené des enquêtes criminelles sur les activités d'autres membres de la GRC, dans des cas de blessures graves ou de mort, qui sont survenus à un endroit donné au Canada du 1er avril 2002 au 31 mars 2007. L'enquête qui en a découlé a permis d'examiner la question en profondeur et mon Rapport final d'intérêt public sur ce dossier porte sur la question notée ci-dessus de façon beaucoup plus globale que dans le présent rapport, dont ce n'était pas l'objet. Par conséquent, à l'exception des problèmes relevés dans la section précédente, je renvoie le lecteur au Rapport final d'intérêt public mentionné ci-dessus.

Après avoir considéré la plainte, je présente ici mon Rapport d'enquête d'intérêt public aux termes du paragraphe 45.43(3) de la Loi sur la GRC.

Le président,
___________________________
Paul E. Kennedy

Annexe A – Calendrier

Date Événement
03/13/07 La gendarme Cockney se rend au Centre et utilise l'AI à lendroit de X.
03/30/07 Le sergent d'état-major Milner déclare qu'il rencontrera le directeur des services correctionnels pour expliquer l'incident.
04/05/07 La mère de X envoie une lettre au Centre et à la GRC pour présenter sa plainte au sujet du traitement de sa fille.
04/23/07 Le caporal Strowbridge rencontre la mère de X qui refuse de signer le formulaire de plainte et exprime le désir de parler à la gendarme Cockney.
04/—/07 Le sergent d'état-major Gray demande à la gendarme Cockney d'organiser une rencontre avec la mère de X, mais la rencontre n'a jamais lieu.
05/—/07 Le sergent détat-major Milner parle de lincident à la gendarme Cockney.
08/22/07 Le quartier général de la Division « G » demande au caporal Strowbridge de trouver la plainte égarée et, s'il ny arrive pas, de préparer un nouveau formulaire de plainte. Le quartier général demande aussi au sergent d'état-major Milner d'examiner l'incident.
09/—/07 Le sergent d'état-major Milner parle à la gendarme Cockney de l'incident.
10/16/07 Le caporal Strowbridge remet un deuxième formulaire de plainte aux Normes professionnelles et en donne des copies au sergent d'état-major Milner.
12/03/07 Le sergent d'état-major Milner est chargé de l'examen de l'utilisation de l'AI à Inuvik.
12/06/07 Le caporal Strowbridge envoie de nouveau son courriel du 16 octobre 2007 et y joint le deuxième formulaire de plainte à l'intention du sergent d'état-major Milner.
12/07/07 Le sergent d'état-major Milner imprime une copie du constat original de la gendarme Cockney.
12/—/07 Le sergent d'état-major Milner parle à la gendarme Cockney et lui demande d'ajouter des détails dans son constat.
12/10/07 Le sergent d'état-major Milner termine son premier rapport d'incident et conclut que la gendarme Cockney sest conduite de façon appropriée. Il rédige également un rapport sur l'utilisation de l'AI dans le district du Nord.
02/06/08 Le gendarme Charles est chargé de l'enquête sur l'incident.
02/26/08 Le gendarme Charles rédige son rapport d'enquête.
02/28/08 Le sergent d'état-major Milner termine son rapport sur le recours à la force.
05/14/08 L'opinion de l'avocat-conseil de la Couronne est reçue et versée dans un dossier électronique par le sergent d'état-major Milner.
11/28/08 Le président de la Commission dépose une plainte sur l'utilisation de l'AI et l'enquête de la GRC.
12/02/08 Le sergent d'état-major Milner envoie une lettre à la mère de X en réponse à sa plainte du 5 avril 2007.

Annexe B – Plainte déposée par le président

Plainte du public déposée par le président et enquête d'intérêt public, Maîtrise d'une adolescente, Inuvik (T.N. O.)

Annexe C – Sommaire des conclusions et des recommandations

Première question : Les membres de la GRC en cause dans l'incident de mars 2007 à Inuvik (Territoires du Nord-Ouest), au cours duquel une adolescente aurait été maîtrisée à l'aide d'une AI, ont-ils agi conformément aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences obligatoires appropriées?

Conclusion no 1 : La gendarme Cockney n'était pas qualifiée pour utiliser une AI et elle a contrevenu à la politique de la GRC en ayant recours à l'AI au cours de l'incident en cause.

Recommandation no 1 : Le coordonnateur national du recours à la force devrait examiner l'utilisation de l'AI à la Division « G », pour s'assurer que cette dernière est conforme à la politique qui limite l'utilisation de l'AI aux membres accrédités, et rédiger un rapport à cet égard à l'intention de la Commission et du ministre.

Recommandation no 2 : La GRC devrait prendre toutes les mesures raisonnables pour limiter l'accès aux AI aux formateurs et aux utilisateurs qualifiés et aux personnes en formation supervisées.

Conclusion no 2 : La gendarme Cockney a négligé de prendre des notes adéquates dans son calepin comme l'exige la politique de la GRC.

Conclusion no 3 : La gendarme Cockney n'a pas consigné assez de détails dans le constat ni dans les rapports sur l'utilisation d'une AI pour justifier son recours à la force.

Conclusion no 4 : Les versions électroniques du constat et du rapport sur l'utilisation d'une AI disponibles au moment de l'incident n'indiquaient pas le moment où les documents avaient été créés ni modifiés ni la personne qui l'avait fait.

Recommandation no 3 : La GRC devrait fournir à la gendarme Cockney des lignes directrices opérationnelles au sujet des exigences relatives à la prise de notes adéquate et aux bonnes techniques d'établissement de rapports.

Recommandation no 4 : Pendant six mois, ou une plus longue période le cas échéant, la GRC devrait surveiller le rendement de la gendarme Cockney en ce qui a trait à la préparation de rapports écrits et à la prise de notes.

Recommandation no 5 : La GRC devrait s'assurer que tous les formulaires, qu'ils soient remplis à la main ou par voie électronique, contiennent les dates et les heures de la création du document et des modifications qui y sont apportées ainsi que l'identité de la personne qui a rempli ou modifié les formulaires.

Conclusion no 5 : La gendarme Cockney a négligé d'évaluer adéquatement le risque après son arrivée sur les lieux.

Conclusion no 6 : La gendarme Cockney a négligé de bien prendre en considération les autres options avant d'utiliser l'AI.

Conclusion no 7 : gendarme Cockney a eu recours à l'AI à l'endroit de X alors que ce n'était pas nécessaire.

Deuxième question : Les politiques, les procédures et les lignes directrices en place à la GRC sont-elles adéquates?

Conclusion no 8 : Le détachement de la GRC d'Inuvik a négligé de mettre en place un plan opérationnel pour répondre aux appels de service du Centre.

Recommandation no 6 : Le détachement de la GRC d'Inuvik devrait consulter le personnel du Centre et travailler à la création d'un plan opérationnel pour répondre aux appels du Centre.

Recommandation no 7 : La GRC devrait créer des politiques, des procédures ou des lignes directrices qui assureraient la création de plans opérationnels relatifs aux établissements de détention où elle intervient régulièrement.

Troisième question : Les membres de la GRC qui ont participé à l'enquête sur cet incident l'ont-ils fait sans qu'il y ait de conflits d'intérêts, réels ou perçus, en temps opportun et de manière appropriée?

Conclusion no 9 : Le détachement de la GRC d'Inuvik a tenté à tort de régler à l'amiable la plainte du public de la mère de X.

Conclusion no 10 : Le détachement de la GRC d'Inuvik a manqué de se conformer aux exigences obligatoires consistant à consigner la plainte du public de la mère de X.

Conclusion no 11 : Le détachement de la GRC d'Inuvik a négligé de superviser la réponse de la GRC à la plainte du public de la mère de X, ce qui a causé un retard important et inutile.

Recommandation no 8 : La GRC devrait mener un examen du traitement des plaintes du public par le détachement de la GRC d'Inuvik, et l'exercice devrait comprendre des mesures visant à détecter les cas qui n'ont pas été bien consignés ou n'ont pas fait l'objet d'un traitement approprié.

Recommandation no 9 : La GRC devrait mettre sur pied une formation nationale à l'intention des commandants de détachement, des comandants d'unité et d'autres membres qui gèrent le processus de règlement des plaintes du public.

Conclusion no 12 : Le sergent d'état-major Milner n'a pas donné suite à la plainte du public de la mère de X dans des délais convenables.

Conclusion no 13 : Le retard de la GRC à mener l'enquête a causé la destruction d'éléments de preuve potentiels.

Conclusion no 14 : Le sergent d'état-major Milner s'est adonné à des conjectures et s'est fondé sur des considérations non pertinentes pour tirer les conclusions de son rapport.

Conclusion no 15 : Le rapport du 10 décembre 2007 du sergent d'état-major Milner témoigne d'un parti pris en faveur de la gendarme Cockney.

Conclusion no 16 : Le sergent d'état-major Milner a indûment tenté de régler à l'amiable la plainte du public de la mère de X et a, par la même occasion, nui à l'enquête criminelle.

Conclusion no 17 : Le rapport d'enquête du gendarme Charles mentionnait des éléments de preuve de façon sélective, ce qui cause une impression de partialité.

Conclusion no 18 : Le rapport sur le recours à la force du sergent d'état-major Milner mentionne de façon sélective des éléments de preuve, ce qui cause une impression de partialité.

Conclusion no 19 : La réponse de la GRC à la plainte de la mère de X a tardé de façon déraisonnable.

Conclusion no 20 : Le sergent d'état-major Milner a négligé de traiter la plainte de la mère de X de façon adéquate.

Conclusion no 21 : Le traitement de la plainte de la mère de X par la GRC était déficient au chapitre de la gestion, de la rapidité et du caractère adéquat de l'enquête, de sorte qu'il provoque une impression de partialité.

Conclusion no 22 : Le sergent d'état-major Milner était en conflit d'intérêts lorsqu'il évaluait la conduite de la gendarme Cockney.

Recommandation no 10 : La GRC devrait élaborer une politique ou des lignes directrices claires concernant les enquêtes afin d'éviter les conflits d'intérêts dans le cadre des enquêtes internes.

Conclusion no 23 : La gendarme Cockney, le gendarme Charles, le caporal Strowbridge et le sergent d'état-major Milner ont manqué de tenir des calepins de façon adéquate.

Recommandation no 11 : La GRC devrait effectuer une vérification de la Division « G » pour évaluer sa conformité avec les dispositions de la politique de la GRC liées à la tenue de calepins sur la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2009 et transmettre les résultats de cette vérification à la Commission.

Recommandation no 12 : La GRC devrait fournir à la gendarme Cockney, au gendarme Charles, au caporal Strowbridge et au sergent d'état-major Milner des lignes directrices opérationnelles qui traitent de l'importance et de la tenue en bonne et due forme des calepins.

Recommandation no 13 : La GRC devrait fournir à tous les membres du détachement de la GRC d'Inuvik un perfectionnement qui porte sur l'importance et le maintien en bonne et due forme des calepins.

Conclusion no 24 : En contravention de la politique nationale de la GRC, le détachement de la GRC d'Inuvik a négligé de maintenir des registres de contrôle des AI.

Recommandation no 14 : Le coordonnateur national du recours à la force devrait effectuer une vérification de tous les détachements de la Division « G » en vue d'évaluer la tenue des registres de contrôle des AI pour la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2009 et transmettre les résultats de cette vérification à la Commission et au coordonnateur divisionnaire du recours à la force.

Annexe D – Modèle d'intervention pour la gestion d'incident

17.1. Modèle d'intervention pour la gestion d'incident

(Pour obtenir des renseignements sur cette politique, communiquer avec la s.-dir de la police contractuelle, Dir. des services de police communautaires, contractuels et autochtones par courriel à l'adresse OPS POLICY HQ.)

1. Généralités

  • 1.1. Le principal objectif de toute intervention à la suite d'un incident est la sécurité des membres, des autres agents de la force publique et du public. Bon nombre d'incidents peuvent être résolus par le dialogue, mais une intervention par la force peut parfois être nécessaire.
  • 1.2. Le paragraphe 25(1) du C. cr. permet à l'agent de police (au membre) d'employer la force nécessaire pour l'application ou l'exécution de la loi. Il incombe au membre de démontrer que, dans les circonstances, le degré de force employé était justifié et qu'il n'était pas excessif.
  • 1. 3. On n'a recours à la force mortelle que dans une situation d'urgence. On n'emploie cette force qu'en dernier recours afin de protéger les agents de police et le public contre la mort ou contre des lésions corporelles graves ou d'empêcher l'évasion du suspect d'un crime grave, si l'évasion ne peut être empêchée par des moyens quasi létaux.
  • 1. 4. Le Modèle d'intervention pour la gestion d'incident (MIGI) constitue un outil de formation opérationnelle pour les membres réguliers. Lors d'une intervention, le membre applique les techniques du MIGI pour évaluer les risques de la situation et le comportement des suspects et intervient avec le degré d'intervention approprié (usage de la force) afin de maîtriser la situation.
  • 1.5. Le MIGI est disponible sur InfoWeb, Apprentissage et formation – Boîte à outils de l'enquêteur : Sécurité du public et des policiers, Outils, Évaluation des risques.

2. Principes d'intervention

  • 2. 1. Le MIGI comprend sept principes fondamentaux d'intervention :
    • 2. 1. 1. L'objectif principal de toute intervention est la sécurité publique.
    • 2. 1. 2. La sécurité de l'agent de police est essentielle à la sécurité publique.
    • 2. 1. 3. Le MIGI doit toujours être appliqué dans le contexte d'une évaluation minutieuse des risques.
    • 2. 1. 4. L'évaluation des risques doit tenir compte de la probabilité et de l'importance des pertes de vies, des blessures et des dommages à la propriété.
    • 2. 1. 5. L'évaluation du risque est un processus continu et la gestion des risques doit évoluer à mesure que les situations changent.
    • 2. 1. 6. La meilleure stratégie consiste à utiliser l'intervention minimale nécessaire pour gérer les risques.
    • 2. 1. 7. L'intervention idéale cause le moins de préjudices ou de dommages.
  • 2. 2. Tous les membres doivent bien connaître le MIGI et ses principes fondamentaux.

3. Formation

  • 3. 1. Le MIGI est enseigné à tous les cadets de la GRC à la Division Dépôt et à tous les membres réguliers dans le cadre du Cours sur la sécurité du public et des policiers.

Références

  • Partie 18, Arrestation

Annexe E – Représentation graphique du MIGI

Représentation graphique du Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents
Version textuelle


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